Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a fait face à neuf allégations en vertu de divers articles du Code de déontologie de la GRC pour avoir abusé du programme d’amnistie pour les armes à feu afin de prendre personnellement possession d’une arme à feu prohibée. Après que le superviseur de l’appelant a pris connaissance de l’affaire, une enquête subséquente a révélé un deuxième cas d’utilisation abusive du programme d’amnistie pour les armes à feu et un troisième incident où l’appelant n’a pas correctement tenu compte de la preuve.

L’appelant a contesté les neuf allégations. Un Comité de déontologie (le Comité) a conclu que six des neuf allégations sont fondées, puis en a exclu une fondée sur le principe Kienapple, et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours ou d’être renvoyé de la Gendarmerie. Ce dernier a interjeté appel de cette décision.

En appel, l’appelant a soutenu que le Comité s’est fondé incorrectement sur des éléments de preuve dérivés qui avaient été exclus en raison d’une violation de la Charte, avait commis une erreur de droit en concluant qu’elle était liée par une condamnation criminelle de possession d’une arme à feu prohibée, avait enfreint les principes d’équité procédurale en refusant le contre- interrogatoire d’un témoin clé et avait imposé une mesure disciplinaire manifestement déraisonnable en dehors de la portée du principe de parité.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour qu’il l’examine. Le CEE a conclu que le Comité n’avait pas commis d’erreur en admettant la preuve, n’avait pas enfreint les principes pertinents d’équité procédurale, n’avait pas commis d’erreur de droit et que la décision du Comité n’était pas manifestement déraisonnable.

Un arbitre a conclu que la décision du Comité était soutenue par le dossier, concluant en fin de compte que le renvoi constituait une mesure disciplinaire proportionnelle. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier 20183351056 (C-053)

2022 DAD 12

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UN

appel d’une décision d’un Comité de déontologie au titre du paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (dans sa version modifiée) et de la Partie 2 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289

ENTRE :

le gendarme Curtis Barton Rasmussen

Matricule 56116

Numéro du SIGRH 000168777

(appelant)

et

le commandant de la Division E

Gendarmerie royale du Canada

(intimé)

(les parties)

DÉCISION D’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

ARBITRE : Nicolas Gagné

Date : Le 8 avril 2022


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 5

INTRODUCTION 5

CONTEXTE 6

Allégations 8

Requête préliminaire 16

Preuve et témoins 17

AUDIENCE DU COMITÉ DE DÉONTOLOGIE 17

Témoignage 18

Observations des parties 23

Observations de la RM 23

Observations de la RAD 24

Décision du Comité sur les allégations 25

Allégations relatives à l’arme à feu 25

Allégations relatives au cadre d’arme à feu 26

Allégation relative au bidon à essence 26

Mesures disciplinaires 27

Observations de la RAD 28

Observations de la RM 28

Réponse de la RAD 29

Décision du Comité sur les mesures disciplinaires 30

APPEL 31

Arguments en appel 31

ANALYSE 32

Respect des délais de l’appel 32

Considérations en appel 32

Le Comité a-t-il présenté des motifs contradictoires en concluant que les violations des droits de l’appelant garantis par la Charte exigeaient que la preuve connexe soit exclue de l’audience disciplinaire, tout en se tournant simultanément vers la procédure pénale concernant cette preuve même pour déterminer si les allégations 1 à 6 étaient fondées? 34

Observations 34

Conclusions 35

Le Comité s’est-il appuyé sur des éléments de preuve qui n’ont pas été obtenus indépendamment de la violation de la Charte? 35

Observations 35

Conclusions 36

Deuxième déclaration de Mme M 37

Rapport d’expert/document de renonciation à la réclamation 38

Le Comité a-t-il violé le droit de l’appelant à l’équité procédurale en ne permettant pas le contre-interrogatoire de Mme M? 39

Norme de contrôle 39

Observations 40

Conclusions 41

Le Comité a-t-il commis une erreur en déclarant qu’il était lié par les conclusions du juge de première instance? 42

Norme de contrôle 42

Observations 45

Conclusions 46

Le Comité a-t-il commis une erreur en concluant que l’allégation 8 était fondée même s’il avait conclu qu’il ne pouvait pas déterminer que l’objet était une arme de poing? 47

Observations 47

Conclusions 48

Le Comité a-t-il respecté incorrectement le principe de la parité des sanctions? 48

Norme de contrôle 49

Observations 52

Conclusions 52

DÉCISION 54

 

SOMMAIRE

L’appelant a fait face à neuf allégations en vertu de divers articles du Code de déontologie de la GRC pour avoir abusé du programme d’amnistie pour les armes à feu afin de prendre personnellement possession d’une arme à feu prohibée. Après que le superviseur de l’appelant a pris connaissance de l’affaire, une enquête subséquente a révélé un deuxième cas d’utilisation abusive du programme d’amnistie pour les armes à feu et un troisième incident où l’appelant n’a pas correctement tenu compte de la preuve.

L’appelant a contesté les neuf allégations. Un Comité de déontologie (le Comité) a conclu que six des neuf allégations sont fondées, puis en a exclu une fondée sur le principe Kienapple, et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours ou d’être renvoyé de la Gendarmerie. Ce dernier a interjeté appel de cette décision.

En appel, l’appelant a soutenu que le Comité s’est fondé incorrectement sur des éléments de preuve dérivés qui avaient été exclus en raison d’une violation de la Charte, avait commis une erreur de droit en concluant qu’elle était liée par une condamnation criminelle de possession d’une arme à feu prohibée, avait enfreint les principes d’équité procédurale en refusant le contre- interrogatoire d’un témoin clé et avait imposé une mesure disciplinaire manifestement déraisonnable en dehors de la portée du principe de parité.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour qu’il l’examine. Le CEE a conclu que le Comité n’avait pas commis d’erreur en admettant la preuve, n’avait pas enfreint les principes pertinents d’équité procédurale, n’avait pas commis d’erreur de droit et que la décision du Comité n’était pas manifestement déraisonnable.

Un arbitre a conclu que la décision du Comité était soutenue par le dossier, concluant en fin de compte que le renvoi constituait une mesure disciplinaire proportionnelle. L’appel a été rejeté.

INTRODUCTION

[1] Le gendarme (gend.) Curtis Rasmussen, matricule 56166 (l’appelant), interjette appel de la décision d’un comité de déontologie de la GRC (le Comité), qui conclut que six allégations contre l’appelant ont été fondées en violation de plusieurs articles du Code de déontologie. À la lumière de cette conclusion, le Comité a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours ou d’être congédié.

[2] L’appelant soutient que la décision contrevient aux principes d’équité procédurale, qu’elle est fondée sur une erreur de droit et qu’elle est par ailleurs manifestement déraisonnable (Appel, page 4-5). Il demande, à titre de réparation, qu’il soit réintégré comme membre de la GRC.

[3] Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], l’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour qu’il l’examine. Dans un rapport publié le 21 octobre 2021 (CEE C-2020-019 [C-053]) (Rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé que l’appel soit rejeté.

[4] La commissaire a le pouvoir, en vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, de déléguer son pouvoir de rendre des décisions définitives et exécutoires dans le cadre des appels de mesures disciplinaires et j’ai reçu une telle délégation.

[5] Pour rendre la présente décision, j’ai pris en considération les documents dont disposait le Comité qui a rendu la décision portée en appel (les éléments matériels), ainsi que le dossier d’appel de 764 pages préparé par le Bureau de la coordination des griefs et des appels (le BCGA) (collectivement, le dossier).

[6] Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

CONTEXTE

[7] Le CEE a résumé comme suit le contexte factuel qui a mené à l’audience du Comité (Rapport, paragraphes 5-10) :

[TRADUCTION]

[5] Le 16 octobre 2016, dans le cadre du programme d’amnistie pour les armes à feu, l’appelant a répondu à un appel de service d’une femme âgée, Mme M, qui voulait se débarrasser du pistolet allemand de son défunt mari qu’il avait ramené de la Deuxième Guerre mondiale (Rapport d’enquête sur le Code de déontologie, page 2). Pendant qu’il répondait à l’appel, l’appelant a informé Mme M qu’il y avait d’autres options au lieu de demander à la GRC de la faire détruire. Ces options comprenaient que l’arme à feu soit transférée à un musée, qu’un armurier la rende inutilisable, ou qu’elle soit remise à une personne qui possède la licence appropriée. En fin de compte, au lieu de traiter l’arme à feu en vertu des dispositions du programme d’amnistie, l’appelant a gardé l’arme à feu pour lui-même et a indiqué dans PRIME qu’aucune arme à feu n’avait été saisie auprès de Mme M.

[6] Après avoir examiné le dossier, le sergent (sergent) N, le superviseur de l’appelant, s’est inquiété du fait que l’arme à feu ait été laissée à Mme M et qu’il n’était pas clair si elle était légalement en mesure de posséder l’arme à feu. Comme l’appelant était en congé, le sergent N a appelé Mme M pour demander si elle avait un permis d’arme à feu valide. Mme M lui a dit que l’appelant avait en fait pris l’arme avec lui lorsqu’il avait quitté sa maison.

[7] Le 19 octobre 2016, une enquête menée aux termes de la loi et de l’enquête disciplinaire a été mandatée pour enquêter sur les circonstances (Éléments matériels, Avis et Enquête/Enquêtes combinées sur le Code de déontologie, page 46). Le 24 octobre 2016, l’enquêteur, le sergent N et un autre agent se sont rendus à la résidence de l’appelant pour lui signifier un avis d’enquête relative au Code de déontologie et une « Ordonnance de restitution » (ordonnance). L’ordonnance visait l’arme à feu de la Deuxième Guerre mondiale. Conformément à cette ordonnance, l’appelant est entré dans sa résidence et a présenté ladite arme à feu.

[8] À la suite de cet incident, la direction du détachement a examiné les dossiers de l’appelant (Éléments matériels, Avis et Enquête/Enquêtes combinées sur le Code de déontologie, page 92.) Il a été appris, le 6 janvier 2017, que l’appelant s’était comporté de la même façon lorsqu’il a répondu à un appel de service lié au programme d’amnistie un an auparavant. À cette occasion, il avait indiqué dans PRIME qu’aucune arme à feu n’avait été saisie parce qu’il s’agissait d’un vieux cadre rouillé ou même d’un jouet du début du XXe siècle. Il a en outre indiqué dans PRIME que la personne pouvait jeter l’arme de poing à sa discrétion. Toutefois, l’appelant avait quitté la résidence avec l’article. Par conséquent, une deuxième enquête sur le Code de déontologie a été mandatée (Éléments matériels, Avis et Enquête/Enquêtes combinées sur le Code de déontologie, page 110).

[9] L’enquêteur a présenté son rapport au procureur de la Couronne le 30 novembre 2016. Des accusations criminelles ont été portées contre l’appelant devant la Cour Provinciale de la Colombie-Britannique. Toutefois, la plupart ont été suspendues parce que l’appelant a plaidé coupable à une accusation unique de possession d’une arme prohibée sans la licence et/ou le certificat appropriés en vertu de l’alinéa 91(1)b) du Code criminel. L’appelant a obtenu une absolution inconditionnelle pour cette infraction.

[10] Le deuxième rapport d’enquête relatif à l’incident précédent a été soumis à l’autorité disciplinaire le 1er mars 2017.

Allégations

[8] Neuf allégations ont été déposées contre l’appelant en raison de trois incidents distincts. Les allégations 1 à 6 faisaient référence à l’arme à feu de la Deuxième Guerre mondiale, les allégations 7 et 8 renvoient au cadre d’une arme de poing, et l’allégation 9 à des articles saisis comme preuve dans une introduction par effraction, mais que l’appelant n’a pas déclaré. Les allégations et leurs détails sont les suivants (Appel, page 8-13) :

[TRADUCTION]

Allégation 1

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] s’est comporté d’une manière susceptible de discréditer la Gendarmerie, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au détachement [X] en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M] a appelé le commis de la GRC au détachement [X] pour remettre une arme à feu appartenant à son mari décédé. Le 14 octobre 2016, pendant votre quart de travail et en réponse à la demande, vous vous êtes présenté à la résidence de [Mme M] et avez pris en charge un pistolet Luger allemand P.08 9 mm (l’« arme à feu »);

3. Le 24 octobre 2016, vous aviez l’arme à feu en votre possession, et après avoir reçu un avis officiel d’enquête pour manquement au Code de déontologie et prévue par la loi, ainsi qu’une « Ordonnance de restitution » écrit, vous avez produit l’arme à feu, de votre résidence, et l’avez remise à [l’enquêteur].

4. Vous avez commis le vol de l’arme à feu. Le 7 février 2017, une accusation de vol de 5 000 $ ou moins, en violation de l’alinéa 334b) du Code criminel, a été déposée contre vous devant la Cour provinciale de la Colombie-Britannique.

5. Cela constitue une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la GRC.

Allégation 2

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] s’est comporté d’une manière susceptible de discréditer la Gendarmerie, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au détachement [X] en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M] a appelé le commis de la GRC au détachement [X] pour remettre une arme à feu appartenant à son mari décédé. Le 14 octobre 2016, pendant votre quart de travail et en réponse à la demande, vous vous êtes présenté à la résidence de [Mme M] et avez pris en charge un pistolet Luger allemand P.08 9 mm (l’« arme à feu »);

3. [Mme M] vous a remis l’arme à feu en votre qualité de membre de la GRC et dans le cadre d’un programme local d’amnistie pour les armes à feu. Vous avez conservé la possession de l’arme à feu et vous ne l’avez jamais traitée conformément au Manuel des opérations de la GRC :

a) Chapitre 22.1 Traitement des pièces à conviction

b) Chapitre 22.3 Disposition

c) Chapitre 22.4 Armes à feu, armes prohibées, munitions et explosifs

d) Section 4.101 Destruction et l’élimination d’armes à feu, Manuel des opérations, Division E

4. Vous avez utilisé votre poste de membre de la GRC pour obtenir l’arme à feu de [Mme M];

5. Vous avez commis un abus de confiance. Le 7 février 2017, une accusation d’abus de confiance, en violation de l’article 122 du Code criminel, a été déposée contre vous devant la Cour provinciale de la Colombie-Britannique.

6. Cela constitue une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la GRC.

Allégation 3

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] n’a pas agi avec intégrité et a abusé de son autorité, de son pouvoir et de sa position, contrairement à l’article 3.2 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au détachement [X] en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M] a appelé le commis de la GRC au détachement [X] pour remettre une arme à feu appartenant à son mari décédé. Le 14 octobre 2016, pendant votre quart de travail et en réponse à la demande, vous vous êtes présenté à la résidence de [Mme M] et avez pris en charge un pistolet Luger allemand P.08 9 mm (l’« arme à feu »);

3. [Mme M] vous a remis l’arme à feu en votre qualité de membre de la GRC et dans le cadre d’un programme local d’amnistie pour les armes à feu. Vous avez conservé la possession de l’arme à feu et vous ne l’avez jamais traitée conformément au Manuel des opérations de la GRC :

a) Chapitre 22.1 Traitement des pièces à conviction

b) Chapitre 22.3 Disposition

c) Chapitre 22.4 Armes à feu, armes prohibées, munitions et explosifs

d) Section 4.101 Destruction et l’élimination d’armes à feu, Manuel des opérations, Division E

4. Vous avez abusé de votre autorité et des pouvoirs qui vous ont été confiés en tant que membre de la GRC pour obtenir illégalement la possession de l’arme à feu de [Mme M] pour votre usage personnel.

Allégation 4

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] s’est comporté d’une manière susceptible de discréditer la Gendarmerie, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au détachement [X] en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M] a appelé le commis de la GRC au détachement [X] pour remettre une arme à feu appartenant à son mari décédé. Le 14 octobre 2016, pendant votre quart de travail et en réponse à la demande, vous vous êtes présenté à la résidence de [Mme M] et avez pris en charge un pistolet Luger allemand P.08 9 mm (l’« arme à feu »).

3. Le 24 octobre 2016, vous aviez l’arme à feu en votre possession, et après avoir reçu un avis officiel d’enquête pour manquement au Code de déontologie et prévue par la loi, ainsi qu’une « Ordonnance de restitution » écrit, vous avez produit l’arme à feu, de votre résidence, et l’avez remise à [l’enquêteur].

4. Le Centre des armes à feu Canada a confirmé que l’arme à feu est classée comme arme prohibée; que, pendant la période pertinente, vous n’étiez pas autorisé à posséder ou à acquérir des armes à feu prohibées; et que l’arme à feu n’a jamais été enregistrée à votre nom.

5. Vous avez transporté l’arme à feu de la résidence de [Mme M] jusqu’à votre résidence, sans autorisation légale et sans obtenir une autorisation de transport de l’arme à feu.

6. Vous avez commis des infractions liées à la possession d’une arme à feu sans certificat d’enregistrement et à la possession d’une arme à feu ou d’une arme prohibée obtenue par la perpétration d’une infraction. Le 7 février 2017, les accusations de possession d’une arme à feu sans certificat d’enregistrement et de possession d’une arme à feu ou d’une arme prohibée obtenues par la perpétration d’une infraction aux termes de l’alinéa 91(1)b) et du paragraphe respectivement, du Code criminel ont été portées contre vous devant la Cour provinciale de la Colombie- Britannique.

7. Cela constitue une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la GRC.

Allégation 5

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] n’a pas fourni de compte rendu en temps opportun, de manière exacte et détaillée de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et de la tenue des enquêtes, contrairement à l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au détachement [X] en Colombie- Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M] a appelé le commis de la GRC au détachement [X] pour remettre une arme à feu appartenant à son mari décédé. Le 14 octobre 2016, pendant votre quart de travail et en réponse à la demande, vous vous êtes présenté à la résidence de [Mme M] et avez pris en charge un pistolet Luger allemand P.08 9 mm (l’« arme à feu »).

3. Après vous êtes présenté à la résidence de [Mme M], vous avez accédé au dossier PRIME connexe de [détachement X] de la GRC no xxxx-xxxx et vous avez rédigé un synopsis qui comprenait en partie les notes suivantes :

[Mme M] a choisi de céder l’arme à feu à une personne qui détient un [Permis de possession et d’acquisition] afin qu’elle ait « un bon foyer » comme son mari l’aurait voulu. Aucune arme à feu n’a été saisie. Le dossier est clos.

4. Vous avez sciemment entré des renseignements faux et trompeurs dans le synopsis du dossier PRIME n xxxx-xxxx. Plus précisément, vous avez prétendu à tort :

a) Que [Mme M] a conservé l’arme à feu

b) Que vous n’avez pas saisi l’arme à feu

5. Vous n’avez pas documenté avec exactitude vos actes en ce qui concerne la saisie de l’arme à feu dans le dossier PRIME no xxxx-xxxx.

Allégation 6

Entre le 14 octobre 2016 et le 24 octobre 2016 inclusivement, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] a dissimulé et omis de rendre compte adéquatement des biens qu’il avait en sa possession dans l’exercice de ses fonctions, contrairement à l’article 4.4 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au détachement [X] en Colombie-Britannique.

2. Le 12 octobre 2016, [Mme M] a appelé le commis de la GRC au détachement [X] pour remettre une arme à feu appartenant à son mari décédé. Le 14 octobre 2016, pendant votre quart de travail et en réponse à la demande, vous vous êtes présenté à la résidence de [Mme M] et avez pris en charge un pistolet Luger allemand P.08 9 mm (l’« arme à feu »).

3. Vous n’avez pas consigné la saisie de l’arme à feu en demandant à [Mme M] de signer une renonciation à la réclamation ou en lui fournissant un reçu ou des documents.

4. Après vous êtes présenté à la résidence de [Mme M], vous avez accédé au dossier PRIME connexe de [détachement X] de la GRC no xxxx-xxxx et vous avez rédigé un synopsis faux et trompeur.

5. Vous avez conservé la possession de l’arme à feu et vous ne l’avez jamais traitée conformément au Manuel des opérations de la GRC :

a) Chapitre 22.1 Traitement des pièces à conviction

b) Chapitre 22.3 Disposition

c) Chapitre 22.4 Armes à feu, armes prohibées, munitions et explosifs

d) Section 4.101 Destruction et l’élimination d’armes à feu, Manuel des opérations, Division E

Allégation 7

Le 26 août 2015 ou autour de cette date, à [Y] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] s’est comporté d’une manière susceptible de discréditer la Gendarmerie, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au détachement [X] en Colombie-Britannique.

2. Le 26 août 2015, vous avez été déployé à une adresse en réponse à une demande de [Mme J] de disposer d’une arme de poing qui appartenait à son père décédé. Vous vous êtes présenté à l’adresse et avez examiné l’arme de poing. Vous avez pris possession de l’arme de poing et n’avez pas fait signer à [Mme J] une renonciation à la revendication.

3. Vous avez pris possession de l’arme de poing, sans apparence de droit, et vous avez commis un vol.

4. Cela constitue une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la GRC.

Allégation 8

Le 26 août 2015 ou autour de cette date, à [X] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] n’a pas fourni de compte rendu en temps opportun, de manière exacte et détaillée de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et de la tenue des enquêtes, contrairement à l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au détachement [X] en Colombie- Britannique.

2. Le 26 août 2015, vous avez été déployé à une adresse en réponse à une demande de [Mme J] de disposer d’une arme de poing qui appartenait à son père décédé. Vous vous êtes présenté à l’adresse et avez examiné l’arme de poing. Vous avez pris possession de l’arme de poing et n’avez pas fait signer à [Mme J] une renonciation à la revendication.

3. À la suite de votre rencontre avec [Mme J], vous avez accédé au dossier PRIME connexe de [détachement X] de la GRC no yyyy-yyyy et vous avez rédigé un synopsis qui comprenait l'entrée suivante :

[L’appelant] s'est présenté sur place et [Mme J] lui a remis un cadre rouillé d’un genre de vieux revolver, ou peut-être même d'un vieux jouet du début du XXe siècle. Il n’y avait aucun numéro de série sur le cadre. [L’appelant] a informé [Mme J] que l’article qu’elle avait présenté ne constituait pas une arme de poing et pouvait être jeté à sa discrétion. Aucune autre présence ou mesure. Le dossier est clos.

4. Vous avez sciemment entré des renseignements faux et trompeurs dans le synopsis du dossier PRIME no yyyy-yyyy de la GRC. Plus précisément, vous avez prétendu à tort :

a) Que vous n’avez rencontré que [Mme J] et que sa sœur [nom supprimé] n’était pas présente.

b) Que l’arme de poing était un jouet.

c) Que vous n’avez pas saisi l’arme de poing

d) Que vous avez laissé la destruction ou l’élimination de l’arme de poing à [Mme J]

5. Vous n’avez pas documenté avec exactitude vos actes en ce qui concerne la saisie de l’arme de poing dans le dossier PRIME no yyyy-yyyy.

Allégation 9

Entre le 10 août 2015 et le 4 février 2016, inclusivement, au [détachement X] ou dans les environs, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] a sans excuse dissimulé et omis de rendre compte adéquatement des biens qu’il avait en sa possession dans l’exercice de ses fonctions, contrairement à l’article 4.4 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Caractéristiques de la contravention

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Division E, au détachement [X] en Colombie-Britannique.

2. Le 10 août 2015, on vous a envoyé un rapport d’introduction par effraction chez un concessionnaire d’automobiles local, à X, en Colombie-Britannique.

3. Vous vous êtes présenté au concessionnaire d’automobiles et vous avez parlé à [M. H], qui vous a dirigé vers un bidon à essence, des coupe-boulons et une clé à cliquets avec douilles.

4. Vous avez communiqué avec [le caporal M], [la ville a été expurgée] du Service de l’identité judiciaire [SIJ] pour se rendre sur les lieux et enquêter sur la scène.

5. [Le caporal M] a photographié la scène et a utilisé des pancartes numérotées de 1 à 15. La pancarte no 1 désignait :

Un conteneur à carburant en plastique, une paire de coupe- boulons Mastercraft 12"/300 mm en métal bleu avec caoutchouc noir, une clé à cliquets Mastercraft 7/8" en chrome avec un adaptateur pour perceuse et une extension et une douille de clé à cliquets Mastercraft 10 mm en chrome attachée à une barre d’extension de clé à cliquets 3" en chrome attachée à un adaptateur pour perceuse et une extension en métal vert sur le côté est de [X] adjacent au concessionnaire [...] »

6. [Le caporal M] a signalé que les outils à la pancarte no 1 ont été saisis aux fins de traitement ultérieur et que le contenant de carburant en plastique [bidon à essence] a été remis à [vous], [l’appelant].

7. Le 30 octobre 2015, vous avez rédigé un rapport d’événements en ces termes : « Sept éléments de preuve ont été retournés par le SIJ de [ville expurgée] sans résultats positifs. Tous les articles ont été mis dans une boîte en carton dans KTEL 6 pour disposition ». Le rapport sur les biens connexe, que vous avez rédigé, énumérait les sept éléments comme une seule pièce : « Morceaux de verre, cadenas et outils ». Le 4 février 2016, [Mme I], la gardienne des pièces, a indiqué que les objets avaient été « détruits localement ». Le rapport sur le bien est signé par vous et [Mme I].

8. La référence au bien pour le concessionnaire d’automobiles [M. D] ne lui a jamais été restituée après l’enquête.

9. [Mme I] signale que les contenants contenant des liquides inflammables, comme le bidon, récupérés comme pièces à conviction ne sont pas entreposés dans des armoires des pièces à conviction temporaires, et que les outils, comme ceux décrits pour la pancarte no 1, ne seraient pas détruits.

10. Vous avez omis de détailler et de rendre compte adéquatement des outils lorsqu’ils ont été saisis comme pièces à conviction conformément au chapitre 22.1, Traitement des pièces à conviction, du Manuel des opérations de la GRC.

11. Vous n’avez pas rendu compte du bidon à essence pour lequel il n’y a aucun document après qu’il vous a été remis par le [caporal M].

[Souligné dans l’original.]

Requête préliminaire

[9] Le 9 février 2018, la représentante du membre (RM) de l’appelant a déposé une requête préliminaire demandant que l’arme à feu de la Deuxième Guerre mondiale soit exclue de la preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte canadienne des droits et libertés [Charte] (éléments matériels, le dossier / Requête perquisition illégale). La RM a soutenu que les droits garantis par la Charte de l’appelant en vertu de l’article 7 (droit de garder le silence) et de l’article 8 (droit d’être protégé contre les fouilles, perquisitions et saisies illégales) ont été violés lorsqu’on lui a ordonné de produire cette arme à feu. La requête demandait également que les allégations relatives à l’arme à feu soient suspendues, à savoir les allégations 1 à 6.

[10] La représentante de l’autorité disciplinaire (RAD) de l’intimé a soutenu en réponse que l’exclusion de l’arme à feu constituerait un nouveau procès sur une question déjà été tranchée et un abus de procédure, puisqu’elle obligerait le Comité à contester l’admissibilité de l’arme à feu lorsqu’elle a été admise devant le juge de la Cour provinciale et acceptée par ce dernier (éléments matériels, le dossier / Réponse à la requête du RAD, page 2). La RAD a soutenu qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 7 ou 8 parce que les enquêteurs n’étaient jamais entrés dans le domicile de l’appelant, et l’appelant était tenu de se conformer à l’ordonnance de restitution (ordonnance) en vertu de son serment professionnel. Enfin, elle a déclaré que, dans le cas où une infraction est constatée, la preuve ne devrait pas être exclue en fonction du critère juridique énoncé dans R c Grant, 2009 CSC 32 [Grant].

[11] Le Comité a déterminé que les droits garantis par la Charte de l’appelant ont été violés parce qu’il faisait déjà l’objet d’une enquête au moment où il a reçu l’ordonnance obligatoire et qu’il n’a pas été mis en garde contre le fait que les éléments de preuve saisis pourraient être utilisés contre lui. Le Comité a observé que l’autorité disciplinaire n’avait pas exercé son pouvoir pour obtenir un mandat de perquisition conformément à la Loi sur la GRC. En se fondant sur le critère juridique dans Grant, le Comité a exclu la preuve de l’arme à feu, mais a refusé de suspendre les allégations 1 à 6 parce que la situation n’était pas [TRADUCTION] « la plus claire des affaires » justifiant une suspension. Il y avait également des éléments de preuve indépendants à l’appui des allégations pertinentes.

Preuve et témoins

[12] Les parties ont déposé leur preuve avant l’audience conformément aux exigences énoncées aux paragraphes 15(2) et (3) des Consignes du commissaire (déontologie) DORS/2014-291 [CC (déontologie)]. La RAD a déposé les rapports d’enquête, y compris les déclarations de Mme M au superviseur de l’appelant et à l’enquêteur, les deux synopsis dans PRIME rédigés par l’appelant, les observations et la transcription de la procédure pénale de détermination de la peine.

[13] Dans sa réponse de la RM, l’appelant a rejeté toutes les allégations, sauf une. L’appelant a admis l’allégation 4, avec la réserve qu’il croyait que l’arme à feu était restreinte et non prohibée (éléments matériels, le dossier/Réponse aux allégations, page 6). Toutefois, à l’ouverture de l’audience, l’appelant a nié l’allégation 4 (Transcription, vol. 1, page 11).

[14] Le 23 avril 2018, la RAD a fourni au Comité sa liste finale des témoins (éléments matériels/autres documents/correspondance, page 33). La RAD a expliqué que Mme M n’a pas été incluse parce que sa présence ne serait requise que pour résoudre toute preuve contradictoire. Elle a soutenu que Mme M n’était pas requise en raison des détails admis par l’appelant. Entre-temps, la RM a insisté pour que Mme M soit assignée comme témoin pour témoigner sur les détails du jour où l’appelant s’est rendu chez elle. Plus particulièrement, la RM a souligné qu’il était nécessaire de contre-interroger Mme M. Le 29 avril 2018, le Comité a déterminé qu’il n’appellerait pas Mme M comme témoin, parce que ses déclarations étaient suffisantes (éléments matériels, autres documents/correspondance, page 38). Toutefois, le Comité a indiqué qu’il serait difficile de justifier les accusations de vol et d’abus de confiance (allégations 1 et 2) en se fondant sur les déclarations de Mme M.

AUDIENCE DU COMITÉ DE DÉONTOLOGIE

[15] L’audience a eu lieu du 12 au 14 juin 2018. L’appelant a accepté bon nombre des faits, mais a contesté leur interprétation. Cinq témoins ont été appelés par l’intimé :

  1. le sergent N, superviseur de l’appelant;
  2. Mme I, la commis de veille qui a reçu l’appel de service de Mme M;
  3. Mme J et sa sœur Mme J-A J;
  4. Le caporal (cap.) M, le spécialiste de l’identité judiciaire (SIJ), qui a répondu à la plainte pour introduction par effraction mentionnée dans l’allégation 9.

[16] L’appelant a ensuite témoigné en son propre nom (Transcription, vol. 1).

Témoignage

[17] Le CEE a résumé le témoignage de chaque témoin (Rapport, paragraphes 19-40) :

[TRADUCTION]

Le serg. N

[19] Le serg. N a indiqué qu’en tant que commandant du détachement, il commençait ses matinées en examinant chaque nouveau dossier dans la file d’attente. Le 14 octobre 2016, il est tombé sur le dossier de l’appelant relativement à l’appel de service de Mme M (Transcriptions, vol. 1, page 20). Lorsqu’il a examiné le synopsis du dossier PRIME, il a appris que Mme M avait appelé pour remettre une arme à feu dans le cadre du Programme d’amnistie pour les armes à feu, mais que l’appelant lui avait laissé l’arme à feu. Le serg. N avait des préoccupations concernant la sécurité de l’arme à feu. À ce moment-là, il a envoyé un courriel à l’appelant pour obtenir plus de détails sur ce qui s’était passé. Cependant, puisque l’appelant était en congé pendant 10 jours, le serg. N a appelé Mme M. Elle a indiqué que l’appelant a pris l’arme à feu avec lui (Transcriptions, vol. 1, page 25). Le serg. N est allé voir Mme M à sa résidence pour obtenir plus de détails.

[20] Après avoir communiqué l’information à son sous-officier supérieur, le serg. N a été conseillé d’examiner les autres dossiers de l’appelant. Le serg. N a trouvé un dossier semblable où une personne, Mme J, avait appelé au sujet du Programme d’amnistie pour les armes à feu et l’appelant s’est présenté à sa résidence. L’appelant a indiqué que l’article a été laissé à Mme J. Le serg. N l’a appelée et elle l’a informé que l’appelant était effectivement parti avec l’article.

[21] En contre-interrogatoire, le serg. N a expliqué que ses préoccupations avaient trait à la sécurité de l’arme à feu de Mme M, à savoir si elle était entreposée de façon sécuritaire (Transcriptions, vol. 1, page 34). Il a ajouté qu’étant donné l’âge de Mme M, il préférerait la voir en personne et vérifier ce qui s’est passé avec l’appelant en prenant une déclaration auprès d’elle. Le serg. N a ensuite déclaré qu’il avait examiné les autres dossiers de l’appelant et qu’il avait pris connaissance de l’appel de service avec Mme J et que c’était une situation semblable.

Mme I

[22] Mme I était commis de veille au détachement de l’appelant qui a reçu l’appel de Mme M. Elle a expliqué que tous les formulaires et documents liés au Programme d’amnistie pour les armes à feu sont versés au dossier PRIME lorsqu’il est créé, y compris le formulaire de renonciation à la réclamation et le formulaire pour les pièces à conviction (Transcriptions, vol. 1, page 52). Elle a également indiqué qu’en ce qui concerne le Programme d’amnistie pour les armes à feu, une fois que l’arme à feu est en la possession de la GRC, elle l’enregistrerait et la mettrait dans l’armoire des pièces à conviction.

[23] En ce qui concerne les pièces liées à l’allégation 9, le rapport relatif aux pièces à conviction indiquait que les pièces, les éclats de verre et un cadenas, dans le KTEL 6, avaient été détruits (Transcriptions, vol. 1, page 55). Mme I explique que les membres placent les pièces à conviction dans une armoire des pièces à conviction temporaire et qu’elle, en tant que gardienne des pièces à conviction, les placerait ensuite dans l’armoire principale des pièces à conviction. Le 5 février, elle est allée dans le KTEL 6 et a détruit deux ou trois petites boîtes des éléments de preuve susmentionnés; toutefois, il n’y avait pas d’outils ou de bidon à essence dans le KTEL 6 (Transcriptions, vol. 1, pages 61, 63).

[24] La RM n’a pas contre-interrogé Mme I.

Mme J

[25] Mme J a témoigné qu’elle et sa sœur se trouvaient à la résidence de son père, qui est récemment décédé, nettoyant lorsqu’elles ont trouvé un article qui ressemblait à une arme de poing (Transcriptions, vol. 1, page 70). Elle a appelé la GRC pour venir la chercher; et l’appelant a répondu à l’appel de service. Elle a témoigné qu’il a commencé à rire lorsqu’il a vu l’article parce qu’il n’était pas utilisable et qu’il s’agissait d’un « presse-papier glorifié ». Mme J a témoigné que l’appelant est parti avec l’article et ne lui a pas fourni de documents à signer (Transcriptions, vol. 1, page 73).

[26] Lors du contre-interrogatoire, Mme J a précisé que son père venait de décéder et que sa sœur et elle étaient en train de vider sa maison. Mme J a réitéré que l’appelant est parti avec l’article et qu’aucune option n’a été discutée avec elle quant à ce qu’il faut faire avec l’article (Transcriptions, vol. 1, page 77).

Mme J-A J

[27] Mme J-A J est la sœur de Mme J et était présente lorsque l’appelant a répondu à l’appel de service à la résidence de son père. Elle a confirmé que l’appelant a ri lorsqu’il a vu l’article et qu’il est parti avec l’article lorsqu’il a quitté la résidence de son père.

[28] Lors du contre-interrogatoire, elle a répété que les effets personnels de son père n’étaient pas dans le salon lorsque l’appelant s’est présenté. Elle a également indiqué que l’article faisait partie d’une arme de poing, mais qu’il n’y avait pas de chambre d’arme à feu ni de gâchette.

Le cap. M

[29] Le cap. M était le SIF qui a répondu à l’appel d’introduction par effraction avec l’appelant dans un concessionnaire d’automobiles (allégation 9). Il a expliqué son processus lorsqu’il se présentait à une scène et à la documentation qu’il remplissait et/ou écrivait (Transcriptions, vol. 1, page 92). En ce qui concerne l’introduction par effraction, le cap. M a indiqué qu’il a photographié les articles à la pancarte 1 (bison à essence et outils); toutefois, comme le bidon ne pouvait produire aucune preuve, c’est-à-dire des empreintes digitales, il l’a laissée là, mais il a saisi les outils (Transcriptions, vol. 1, page 95). Le cap. M avait indiqué dans son RAPPORT D’IDENTIFICATION que le contenant de carburant avait été remis à l’appelant. En ce qui concerne les autres articles, il les a traités « au laboratoire » et a indiqué qu’il les a remis à l’appelant à la fin (Transcriptions, vol. 1, page 96). Le cap. M a été catégorique qu’il n’a pas pris le contenant de carburant parce qu’il est très diligent dans le signalement de ses tâches lorsqu’il traite une scène.

[30] Pendant le contre-interrogatoire, le cap. M a expliqué que les éléments ont été remis à l’appelant parce que son bureau n’a pas la capacité de conserver toutes les pièces; par conséquent, elles sont habituellement renvoyées à un détachement, sauf lorsqu’ils sont nécessaires pour le tribunal (Transcriptions, vol. 1, page 102).

L’appelant

[31] Le seul témoin appelé par la RM était l’appelant. Il a commencé par donner un aperçu de son quart de travail le 14 octobre 2016. En ce qui concerne l’appel de service de Mme M, l’appelant a témoigné qu’il était allé à sa résidence, en uniforme, et qu’elle l’a informé que son mari était décédé cinq ans auparavant. Il avait apporté quelques souvenirs de la Deuxième Guerre mondiale, y compris une arme à feu (Transcriptions, vol. 1, page 112). Mme M a déclaré qu’elle voulait se séparer de l’arme à feu. Elle l’a apporté à l’appelant qui l’a examiné; il a remarqué que « Luger » y était inscrit.

[32] L’appelant a déclaré qu’il a informé Mme M des différentes options de se séparer de l’arme à feu parce qu’elle ne voulait plus l’avoir en sa possession. Lorsque l’appelant l’a informée que l’arme à feu serait détruite par la police conformément au Programme d’amnistie pour les armes à feu, il a déclaré que Mme M avait déclaré que son mari n’aurait pas voulu cela (Transcriptions, vol. 1, page 115). Ils ont discuté de la question de savoir si elle connaissait quelqu’un qui possède un Permis de possession et d’acquisition (PPA) valide et qui pourrait prendre possession de l’arme à feu. L’appelant a témoigné qu’il a informé Mme M qu’il avait un PPA valide pour les armes à feu à autorisation restreinte et elle lui a demandé s’il serait prêt à prendre l’arme à feu. Ils ont discuté des prochaines étapes pour qu’elle donne l’arme à feu à l’appelant en tant que citoyen privé, et non en sa qualité d’agent de police. Il a mesuré l’arme à feu et a constaté qu’il s’agissait d’une arme à feu à autorisation restreinte. Il a accepté sa proposition de prendre possession de l’arme à feu parce qu’elle était une [TRADUCTION] « femme gentille » et qu’elle ne voulait pas voir l’arme à feu détruite et voulait la voir [TRADUCTION] « avoir un bon foyer » (Transcriptions, vol. 1, page 117).

[33] La RM a souligné que la diffusion du programme d’amnistie pour les armes à feu indiquait que les membres ne devaient pas offrir la revente des armes à feu ou accepter une arme à feu, sauf à des fins d’élimination. L’appelant a témoigné qu’il n’avait aucunement fait pression sur Mme M pour qu’elle lui donne l’arme à feu. Il a ensuite écrit son rapport à partir de son véhicule et a placé l’arme à feu en sécurité dans une boîte munie d’une serrure de son camion.

[34] En ce qui a trait à son synopsis dans PRIME, l’appelant a indiqué qu’il ne pensait pas qu’il était pertinent d’indiquer que la personne avec le PPA était lui-même parce qu’il s’agissait d’une transaction entre citoyens (Transcriptions, vol. 1, page 122). Il a expliqué qu’il a indiqué qu’aucune arme à feu n’avait été saisie parce qu’il ne l’emmenait pas au détachement et dans le système des pièces à conviction. Il a témoigné qu’il n’avait pas l’intention d’induire quiconque en erreur en écrivant son synopsis, mais qu’il a reconnu que le synopsis était incomplet.

[35] L’appelant a ensuite abordé les allégations relatives à l’article donné par Mme J. Il a témoigné que lorsque Mme J lui a présenté l’article, ils ont tous deux ri étant donné l’état dans lequel l’article était (Transcriptions, vol. 1, page 127). Il était rouillé et il manquait la plupart des composants essentiels. Il a informé Mme J et sa sœur qu’il ne pouvait pas être considéré comme une arme à feu et qu’il n’y avait aucune raison pour que la police en prenne possession. Il leur a en outre dit qu’elles pouvaient se débarrasser de l’article comme bon leur semblait. Il a indiqué qu’il avait laissé l’arme à feu sur la table basse et qu’il était parti. La RM lui a montré une copie de son rapport PRIME et l’appelant a confirmé qu’il était exact.

[36] En ce qui a trait à l’incident de l’introduction par effraction, l’appelant a témoigné que lorsque le cap. M est arrivé, il a marché avec lui. Puis le cap. M a indiqué que l’appelant pourrait s’occuper d’autres tâches pendant qu’il traitait la scène. Il a ensuite quitté la scène et on l’a appelé plus tard au sujet de quelques outils et d’un bidon à essence qui ont été trouvés [TRADUCTION] « sur la route de la scène ». Il a appelé le cap. M qui est venu et a indiqué qu’il traiterait les outils, mais pas le contenant de carburant. L’appelant a déclaré qu’il avait remis le contenant de carburant au personnel du concessionnaire d’automobiles, puisqu’il ne serait pas nécessaire dans le cadre de l’enquête.

[37] Lors du contre-interrogatoire, la RAD a fait remarquer que l’appelant, en laissant Mme M récupérer elle-même l’arme à feu et en lui offrant des options pour disposer de l’arme à feu, contrevenait à la directive du Programme d’amnistie pour les armes à feu (Transcriptions, vol. 1, page 144). L’appelant a déclaré qu’il aurait été approprié de recevoir les directives appropriées pour ne pas accepter une offre d’un citoyen. À son avis, l’acceptation de l’arme à feu de Mme M n’était pas une acceptation d’un cadeau, mais une transaction de citoyen à citoyen où il rendait service à une femme âgée. Bien qu’il soit arrivé en uniforme et qu’il était en service, l’appelant a témoigné qu’il a expliqué à Mme M qu’elle ne lui donnait pas l’arme à feu en tant qu’agent de police, mais en tant que citoyen (Transcriptions, vol. 1, page 152). L’appelant a expliqué qu’il avait fait la distinction parce qu’il savait qu’accepter l’arme à feu pendant son service pouvait être perçu comme l’utilisation de sa position pour le faire. Bien que l’appelant n’ait pas été d’accord, la RAD a fait remarquer qu’il avait effectivement reçu un avantage.

[38] En ce qui concerne le rapport PRIME, l’appelant a reconnu qu’il n’y avait aucune note concernant la transaction « de citoyen à citoyen » (Transcriptions, vol. 1, page 157). Il n’a pas non plus pris de notes dans son cahier concernant les événements avec Mme M. L’appelant a déclaré qu’il n’avait pas eu l’intention d’inclure juste assez de détails pour que le sergent. N ferme le dossier (Transcriptions, vol. 1, page 167). L’appelant a répété qu’il n’avait pas « saisi » l’arme à feu parce qu’il ne l’avait pas prise dans le cadre de ses fonctions.

[39] La RAD a ensuite interrogé l’appelant au sujet des allégations 7 et 8. L’appelant a admis qu’il n’avait pris aucune note de l’appel de service ce jour-là (Transcriptions, vol. 1, page 172). L’appelant a affirmé catégoriquement qu’il n’avait pas pris possession de l’article décrit dans ces allégations.

[40] En ce qui concerne l’allégation 9, l’appelant a indiqué qu’il avait laissé le contenant de carburant à un membre du personnel du concessionnaire d’automobiles (Transcription, vol. 1, page 178). Il n’en a pas pris note parce qu’il croyait que cela n’était pas pertinent à l’enquête. Il a expliqué que le cap. M lui a dit qu’il n’était pas nécessaire comme pièce à conviction. En ce qui concerne les outils saisis, l’appelant a témoigné que lorsque le cap. M les lui a redonnés, il les a placées dans une armoire des pièces à conviction temporaire au détachement. Bien que Mme I ait déclaré qu’il n’y avait pas d’outils dans cette armoire, l’appelant n’était pas d’accord, mais il ne pouvait pas dire où ces outils étaient passés. Selon lui, puisque le cap. M avait déjà fait la liste des outils, il n’était pas de sa responsabilité de le faire (Transcriptions, vol. 1, page 193).

Observations des parties

Observations de la RM

[18] La RM a soutenu que l’appelant n’a pas commis le vol de l’arme à feu ni du cadre d’arme à feu rouillé. Selon la RM, la preuve a montré que Mme M et Mme J ont volontairement fourni les articles à l’appelant et que, par conséquent, ni les allégations 1 ou 7 ne pouvaient être établies. La RM a également fait remarquer que la propriété de l’arme à feu n’avait jamais été transférée à la GRC, de sorte que l’appelant n’aurait pas non plus pu voler les articles de la GRC (Transcriptions, vol. 2, pages 2-8). La RM a ensuite soutenu que la preuve n’avait pas démontré que l’appelant avait utilisé son poste d’agent de police pour obtenir l’arme à feu; par conséquent, la RM a soutenu que ni les allégations 2 (conduite déshonorante en commettant un abus de confiance) ni 3 (abus de pouvoir) ne pouvaient être corroborées (Transcriptions, vol. 2, pages 14-19). La RM a déclaré que l’appelant n’avait pas fait preuve d’intention malveillante ou de mauvaise foi parce que Mme M avait offert l’arme à feu à l’appelant.

[19] La RM a ensuite fait remarquer que l’appelant a admis les détails de l’allégation 4 (conduite déshonorante par la possession d’une arme prohibée sans licence). Toutefois, la RM a affirmé que la classification de l’arme à feu comme arme prohibée devrait être exclue à la suite de la conclusion du Comité relatif à la Charte (Transcriptions, vol. 2, page 20) (traduit tel que reproduit dans la version anglaise) :

[TRADUCTION]

La classification de l’arme à feu a été déterminée par une communication avec le Centre des armes à feu Canada, qui a eu lieu après l’atteinte. L’autorité disciplinaire peut faire valoir que la classification des armes à feu en tant qu’arme à feu prohibée est confirmée par le juge de la Cour provinciale, ce qui est exact. Toutefois, le juge de la procédure pénale n’avait pas eu devant lui les arguments sur les droits garantis par la Charte, ce qui aurait pu entraîner l’exclusion de ces éléments de preuve.

[20] À ce moment-là, le Comité a interrompu les observations de la RM pour souligner qu’il était lié par les conclusions du juge de la Cour provinciale selon lesquelles l’appelant était en possession d’une arme prohibée. Bien que la RM ait convenu que le Comité était tenu par les CC (déontologie) de respecter les conclusions du juge, elle a déclaré que le Comité était également lié par sa propre décision d’exclure l’arme à feu et la preuve dérivée qui provenaient de l’ordonnance. La RM a expliqué que, sans cette preuve, rien d’autre ne montrait que l’arme à feu était prohibée (Transcriptions, vol. 2, page 22).

[21] La RM a reconnu que l’appelant a présenté un synopsis incomplet, qui constituait les faits de l’allégation 5, mais a déclaré que l’erreur avait été commise sans intention de fournir des renseignements faux ou trompeurs. La RM a soutenu que le nom de la personne qui a pris possession de l’arme à feu n’était pas pertinent et que la preuve soumise par la RAD était insuffisante pour appuyer l’allégation selon laquelle l’appelant a déclaré faussement que Mme M avait gardé l’arme à feu.

[22] La RM a affirmé que l’allégation 7 n’était pas non plus fondée, puisqu’il n’y avait aucune preuve indiquant que l’appelant était parti avec le cadre de l’arme à feu, même si les deux témoins étaient catégoriques que ce dernier était parti avec l’article. La RM a indiqué que l’article a peut- être été emballé dans une boîte pendant que les sœurs nettoyaient la résidence de leur père. En ce qui concerne l’allégation 8, la RM a déclaré qu’il n’y avait rien de faux dans le rapport de l’appelant, puisqu’il a laissé l’article à la propriété (Transcriptions, vol. 2, page 28).

[23] Enfin, la RM a indiqué que l’appelant s’était acquitté de toutes ses responsabilités en ce qui concerne l’allégation 9 et a fait remarquer que tout malentendu serait mieux traité comme un problème de rendement.

Observations de la RAD

[24] La RAD a commencé ses observations en faisant remarquer qu’il n’est pas nécessaire de fonder tous les faits pour conclure que l’allégation globale a été fondée. Elle a soutenu que les allégations 1, 2 et 7 étaient soutenues par des preuves de vol et d’abus de confiance. La RAD a soutenu que, si l’appelant n’était pas un agent de police, il n’aurait pas été en mesure de prendre possession de l’arme à feu ou du cadre d’arme à feu. Pour cette raison, la RAD a soutenu que l’appelant n’agissait pas pour le bien public, mais plutôt pour son propre intérêt (Transcriptions, vol. 2, page 41). La RAD a prétendu que, même si le Comité n’avait pas conclu que l’allégation 2 (abus de confiance) était fondée, l’allégation 3 (abus de pouvoir) pouvait encore être établie parce que l’appelant n’avait pas le pouvoir de se retirer de son service et de devenir un « citoyen » pour recevoir personnellement l’arme à feu. En ce qui a trait à l’allégation 1, la RAD est d’avis que le vol était contre la GRC, et non contre Mme M, parce que la GRC avait un droit de propriété légitime à l’égard de l’arme à feu une fois qu’un agent s’est présenté sous les auspices du Programme d’amnistie pour les armes à feu (Transcriptions, vol. 2 page 66).

[25] Enfin, en ce qui concerne l’allégation 4, la RAD a soutenu que la classification de l’arme à feu comme arme prohibée a été établie indépendamment de l’ordonnance pour produire l’arme et la preuve qui en est issue. Le juge de la Cour provinciale a conclu que l’arme était interdite en se fondant sur les observations de l’appelant lui-même dans cette affaire. La RAD a fait valoir que rien n’empêchait le Comité de s’appuyer sur les conclusions du juge et qu’en fait, il était tenu de le faire.

Décision du Comité sur les allégations

[26] Après l’ajournement pour l’après-midi, le Comité a rendu une décision orale sur les allégations. Il a jugé que six des neuf allégations étaient fondées (Transcriptions, vol. 2, pages 81- 94). L’allégation 3 (abus de pouvoir) a été suspendue, conformément au principe de Kienapple, parce qu’elle reposait sur le même ensemble de faits que l’allégation 2. Le principe, tiré de l’arrêt Kienapple c R, [1975] 1 RCS 729, stipule qu’une personne ne peut être condamnée pour deux infractions distinctes fondées sur le même acte.

Allégations relatives à l’arme à feu

[27] Le Comité a conclu que l’allégation 1 n’avait pas été fondée parce que les cinq éléments du vol n’avaient pas été prouvés. Selon le Comité, il était impossible de conclure qu’il y a eu un vol contre la GRC, puisque la propriété de l’arme à feu n’a jamais été transférée de Mme M à la GRC (Transcriptions, vol. 2, page 82). Le Comité a conclu que les faits de l’allégation 2 établissaient une conclusion de conduite déshonorante, bien qu’ils n’aient pas atteint le seuil de l’abus de confiance au criminel. Le Comité a déterminé qu’il était lié par les conclusions du juge de la Cour provinciale et, par conséquent, l’allégation 4 a été fondée en fonction des observations de l’appelant et de sa condamnation criminelle (Transcriptions, vol. 2, page 85). Le Comité n’a pas accepté que l’appelant qualifie l’échange de transaction entre citoyens. En ce qui concerne l’allégation 5, le Comité a conclu qu’un agent de police raisonnable déduirait du synopsis PRIME de l’appelant et que l’arme à feu était laissée entre les mains de Mme M. Le Comité a conclu que le synopsis était incomplet, inexact et délibérément trompeur. Par conséquent, le Comité a également conclu que les allégations 5 et 6 (omission de rendre compte adéquatement des biens qu’il avait en sa possession) étaient fondées.

Allégations relatives au cadre d’arme à feu

[28] Le Comité a conclu qu’il n’y avait aucune preuve que l’article mentionné dans les allégations 7 et 8 était une arme à feu opérationnelle, comme il était décrit dans les faits. Le Comité a également déterminé que l’appelant est parti avec l’article, à la connaissance de Mme J et de sa sœur, de sorte que l’allégation 7, le vol d’une arme de poing, n’a pas été fondée (Transcriptions, vol. 2, page 89). Bien que tous les faits de l’allégation 8 n’ont pas été établis, le Comité a conclu que l’appelant s’était retiré avec l’article, mais a rédigé un synopsis PRIME, indiquant qu’il avait laissé l’article avec Mme J. Le Comité a conclu que le synopsis était faux et trompeur. Par conséquent, l’allégation 8 a été fondée.

Allégation relative au bidon à essence

[29] Enfin, le Comité a conclu que les lacunes documentaires de l’appelant, mentionnées dans l’allégation 9, ne correspondaient pas au degré d’inconduite visé par l’article 4.4 du Code de déontologie et a rejeté l’allégation (Transcriptions, vol. 2, page 92).

Mesures disciplinaires

[30] Le Comité a ensuite tenu une audience en personne le 14 juin 2018 afin d’établir les mesures disciplinaires appropriées à imposer. La RM a fourni des preuves documentaires, résumées par le CEE (Rapport, paragraphe 52) :

[TRADUCTION]

L’évaluation du rendement [de l’appelant] pour 2015-2016 (Éléments matériels / À divulguer au Comité, pages 1 à 3), 2014-2015 (Éléments matériels / À divulguer au Comité, pages 4 à 7), 2012-2013 (Éléments matériels / À divulguer au Comité, pages 8 -10), 2008-2009 (Éléments matériels / À divulguer au Comité, pages 11 à 19); ainsi qu’un rapport d’étape après sa formation à la Division Dépôt et son rapport sur le programme de formation des cadets;

Plusieurs lettres de recommandation de collègues de la GRC et de membres de la collectivité (Éléments matériels / À divulguer au Comité / toutes les lettres d’appui);

Six certificats de cours en ligne complétés dans le domaine de l’encadrement.

[31] La RM a également appelé l’appelant à témoigner. Cette dernière a parlé de ses antécédents, des raisons pour lesquelles il s’est joint à la GRC et de sa carrière au sein de la Gendarmerie (Transcriptions, vol. 3, pages 4-30). L’appelant a reconnu qu’il avait reçu une rétroaction négative sur le rendement (fiche de rendement no 1004) au début de sa carrière, mais il a fait remarquer qu’il n’avait jamais reçu de rétroaction officielle sur la discipline ou le rendement liée au traitement de la preuve.

[32] L’appelant a ensuite parlé des répercussions des procédures du Comité de déontologie sur sa famille et sa santé. Il affirme qu’il a été diagnostiqué avec une anxiété situationnelle et une dépression, pour laquelle il prend des médicaments (Transcriptions, vol. 3, page 34). L’appelant a également déclaré qu’il a subi des répercussions financières parce que ses frais juridiques n’étaient pas couverts par le Fonds de recours juridique des membres ou le Service d’aide juridique offert aux membres de la GRC.

[33] Enfin, l’appelant s’est excusé pour ses erreurs et a insisté sur son désir de demeurer au service de la GRC (Transcriptions, vol. 3, page 58). Puis, en contre-interrogatoire, l’appelant a déclaré qu’il n’avait pas fait preuve intentionnellement d’un manque d’honnêteté et d’intégrité. Au lieu de cela, il a fait valoir que ses actes ont démontré un manque de jugement (Transcriptions, vol. 3, page 66).

Observations de la RAD

[34] La RAD a commencé ses observations en déclarant que le congédiement est un résultat possible en raison du manque d’honnêteté et d’intégrité dont a fait preuve l’appelant (Transcriptions, vol. 3, page 68). Elle a ensuite décrit les facteurs aggravants, qui ont été résumés comme suit par le CEE (Rapport, paragraphe 58) :

[TRADUCTION]

l’inconduite touchait des membres du public;

les actes de l’appelant ont été planifiés et délibérés;

la preuve démontrait un comportement typique, il ne s’agissait pas d’un incident isolé;

l’appelant a tenté d’obtenir un avantage personnel sous la forme d’une arme à feu Luger;

l’appelant doit maintenant faire une communication en vertu de McNeil.

[35] La RAD a fait remarquer que la seule raison pour laquelle les allégations d’inconduite liées au cadre d’armes à feu ont été mises au jour était l’examen du dossier par son superviseur. Par conséquent, elle a soutenu que l’appelant demeure un risque pour l’organisation parce qu’il peut fournir des renseignements faux ou trompeurs dans la poursuite de ses propres intérêts et qu’il n’a pas accepté la responsabilité de ses actions (Transcriptions, vol. 3, page 74).

Observations de la RM

[36] La RM a commencé par présenter des cas qu’elle estimait semblables aux faits, mais qui n’ont pas donné lieu à un congédiement (Transcriptions, vol. 3, pages 75-82). Elle a ensuite décrit les circonstances atténuantes suivantes, qui ont été résumées par le CEE (Rapport, paragraphe 61) :

[TRADUCTION]

les droits de l’appelant garantis par la Charte ont été violés au cours de l’enquête;

il y a eu une conclusion négative selon laquelle son superviseur a discuté de la procédure dans un contexte public;

l’appelant a demandé de l’aide médicale et de counselling;

la pièce à conviction n’avait aucune valeur probante (bidon à essence) et aucune enquête n’a été compromise;

l’appelant n’avait aucune intention malveillante;

son rendement global est positif;

l’appelant participe grandement à la collectivité;

il a participé à de nombreux dossiers importants qui ont attiré l’attention des médias;

il a reçu de nombreuses lettres d’appui;

l’appelant a la capacité d’être réhabilité;

il a collaboré tout au long des procédures;

l’appelant n’a pas de discipline antérieure;

il s’est excusé et a fait preuve de remords.

[37] La RM a soutenu que le congédiement serait disproportionné en tant que mesure disciplinaire à la lumière de la jurisprudence, des facteurs atténuants et du principe de parité des sanctions (Transcriptions, vol. 3, page 91). La RM n’a pas recommandé une mesure disciplinaire plus appropriée. Elle a laissé la décision finale au Comité, bien qu’elle ait déclaré qu’un transfèrement serait inapproprié à la lumière des circonstances de la famille de l’appelant.

Réponse de la RAD

[38] La RAD a fait écho à l’évaluation du Comité selon laquelle l’utilisation abusive par l’appelant du Programme d’amnistie pour les armes à feu était un facteur aggravant (Transcriptions, vol. 3, page 94). La RAD a également soutenu que les affaires comportant des recommandations conjointes sur des sanctions ne devraient pas être évaluées par le Comité, et que l’appelant ne pouvait pas invoquer le fait d’être l’objet de la procédure comme facteur atténuant. Elle a également fait remarquer que l’appelant n’a pas coopéré parce qu’il a refusé de fournir une déclaration aux enquêteurs. Enfin, elle a soutenu que les facteurs aggravants l’emportaient sur les facteurs atténuants, appuyant ainsi le congédiement comme mesure appropriée à imposer.

Décision du Comité sur les mesures disciplinaires

[39] Le même jour, le 14 juin 2018, le Comité a rendu sa décision sur les mesures disciplinaires. Le Comité a réitéré les allégations qu’il avait jugées fondées et a expliqué le cadre dans lequel les mesures disciplinaires appropriées étaient définies. Le Comité a déterminé l’éventail approprié de mesures, a exposé les circonstances aggravantes et atténuantes, puis a imposé les mesures disciplinaires.

[40] Le Comité a conclu que la jurisprudence soutenait une gamme allant d’une confiscation importante de la solde au congédiement à la lumière de la malhonnêteté, du manque d’intégrité et de la poursuite d’un gain personnel affiché par l’appelant (Transcriptions, vol. 3, page 105).

[41] Le Comité a accepté les 10 années de service de l’appelant avec un bon rendement, ainsi que le soutien des membres de la GRC et de la collectivité comme facteurs atténuants. Le Comité a également reconnu les excuses et les remords de l’appelant; toutefois, il n’a pas attribué un mérite total aux excuses, puisque l’appelant a qualifié son rapport malhonnête de produit de paresse.

[42] Le Comité n’a pas accepté la violation de la Charte comme facteur atténuant parce que l’appelant avait déjà reçu l’avantage d’exclure la preuve qui découlait de la violation. Il a également refusé d’accepter que la santé et les circonstances financières de l’appelant constituent des facteurs atténuants puisqu’elles découlaient directement de ses propres actions.

[43] Le Comité a ensuite constaté les facteurs aggravants suivants (Transcriptions, vol. 3, page 109) :

[TRADUCTION]

l’inconduite touchait des membres du public;

l’inconduite n’était pas un incident isolé compte tenu des mêmes circonstances qui se sont produites avec Mme J;

la condamnation criminelle concernant l’arme à feu Luger;

l’obligation de communication en vertu de McNeil du dossier disciplinaire de l’appelant, un fardeau imposé non seulement à l’appelant, mais aussi à la Gendarmerie et à la Couronne.

[44] Le Comité a conclu que les facteurs aggravants l’emportaient sur les facteurs atténuants et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours ou d’être congédié.

APPEL

[45] Le 20 novembre 2018, la décision du Comité a été signifiée à l’appelant (Éléments matériels/le Dossier/Décision). Le 30 novembre 2018, l’appelant a présenté une déclaration d’appel au Bureau de la coordination des griefs et des appels (BCGA) (Appel, pages 3-5). L’appelant soutient que le Comité a commis une erreur de droit en se fondant sur les conclusions de la Cour provinciale malgré la violation manifeste des droits de l’appelant garantis par la Charte. L’appelant soutient également que la décision a été rendue d’une manière qui contrevient aux principes d’équité procédurale puisque le Comité a refusé de permettre le contre-interrogatoire de Mme M et que les mesures disciplinaires imposées sont manifestement déraisonnables. À titre de réparation, l’appelant demande le rétablissement.

Arguments en appel

[46] Le 17 juillet 2019, l’appelant a présenté ses observations écrites en appel (Appel, pages 328- 340). Le CEE a résumé les motifs d’appel soulevés par l’appelant en ces termes (Rapport, paragraphe 72) :

  1. Le Comité a présenté des motifs contradictoires en concluant que les violations des droits de l’appelant garantis par la Charte exigeaient que la preuve connexe soit exclue de l’audience disciplinaire, tout en se tournant simultanément vers la procédure pénale concernant cette preuve même pour déterminer si les allégations 1 à 6 étaient fondées;
  2. Le Comité s’est appuyé sur des éléments de preuve qui n’ont pas été obtenus indépendamment de la violation de la Charte;
  3. Le Comité a violé le droit de l’appelant à l’équité procédurale en ne permettant pas le contre-interrogatoire de Mme M;
  4. Le Comité a commis une erreur en déclarant qu’il était lié par les conclusions du juge de première instance;
  5. Le Comité a commis une erreur en concluant que l’allégation 8 était fondée même s’il avait conclu qu’il ne pouvait pas conclure que l’objet était une arme de poing;
  6. Le Comité n’a pas respecté correctement le principe de la parité des sanctions.

[47] Le 12 septembre 2019, la RAD a déposé une réponse écrite aux arguments en appel de l’appelant (Appel, pages 518; 532-540). Le 10 octobre 2019, l’appelant a déposé sa réfutation (Appel, pages 694; 697-701).

ANALYSE

Respect des délais de l’appel

[48] Conformément à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), (CC [griefs et appels]), un appel doit être interjeté auprès du BCGA dans les 14 jours suivant la signification de la décision à l’appelant :

22 L’appel devant le commissaire est fait dans les quatorze jours suivant la date de la signification au membre en cause d’une copie de la décision visée par l’appel par le dépôt auprès du BCGA d’une déclaration d’appel […]

[49] L’appelant a reçu une copie de la décision écrite du Comité le 20 novembre 2018 et a interjeté appel auprès du BCGA le 30 novembre 2018. Je conclus donc que l’appelant a interjeté appel dans le délai prévu par la Loi.

Considérations en appel

[50] Le processus d’appel en matière disciplinaire n’est pas un processus où l’appelant a la possibilité de faire réévaluer son cas de novo devant un nouveau décideur. C’est plutôt une occasion de contester une décision déjà rendue. Lorsqu’il examine un appel d’une décision rendue dans une affaire disciplinaire, le rôle de l’arbitre est régi par le paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels), qui stipule :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[51] Le rôle de l’arbitre se limitera à déterminer si la décision en appel a été rendue en violation des principes applicables d’équité procédurale, si elle est entachée d’une erreur de droit ou si elle est manifestement déraisonnable.

[52] De plus, lorsqu’il s’agit d’un appel sur les conclusions et les mesures disciplinaires d’un Comité, les paragraphes 45.16(1) et (3) de la Loi sur la GRC prévoient les résultats possibles :

45.16 (1) Le commissaire peut, lorsqu’il est saisi d’un appel interjeté contre la conclusion d’un comité de déontologie :

a) soit rejeter l’appel et confirmer la conclusion portée en appel;

b) soit accueillir l’appel et ordonner la tenue d’une nouvelle audience portant sur l’allégation qui a donné lieu à la conclusion contestée ou rendre la conclusion que, selon lui, le comité de déontologie aurait dû rendre.

[…]

(3) Le commissaire peut, lorsqu’il est saisi d’un appel interjeté contre une mesure disciplinaire imposée par le comité de déontologie ou l’autorité disciplinaire :

a) soit rejeter l’appel et confirmer la mesure disciplinaire;

b) soit accueillir l’appel et annuler la mesure disciplinaire imposée ou, sous réserve des paragraphes (4) ou (5), imposer toute autre mesure disciplinaire.

[53] Conformément à la section 5.6.2 du chapitre II.3 « Griefs et appels » du Manuel d’administration, l’arbitre doit tenir compte des documents suivants dans sa prise de décision :

5. 6. 2. L’arbitre étudie le formulaire relatif à l’appel; la décision écrite faisant l’objet de l’appel; les documents sur lesquels se fonde la décision, qui auront été fournis par la personne qui a pris la décision; les argumentations; toute autre information soumise par les parties; dans le cas où l’appel a été renvoyé au [CEE], le rapport du [CEE] concernant l’appel.

[54] Comme je l’ai mentionné précédemment, l’appelant a indiqué dans sa déclaration d’appel qu’il est d’avis que la décision du Comité a été rendue en violation des principes de procédure applicables, qu’elle était fondée sur une erreur de droit et qu’elle est manifestement déraisonnable. Je vais maintenant évaluer chaque motif d’appel dans l’ordre indiqué par le CEE et, au besoin, je fournirai la norme de contrôle correspondante.

Le Comité a-t-il présenté des motifs contradictoires en concluant que les violations des droits de l’appelant garantis par la Charte exigeaient que la preuve connexe soit exclue de l’audience disciplinaire, tout en se tournant simultanément vers la procédure pénale concernant cette preuve même pour déterminer si les allégations 1 à 6 étaient fondées?

Observations

[55] L’appelant soutient que le recours prévu par la Charte visant à exclure les éléments de preuve dérivés découlant de l’ordonnance n’a eu aucune incidence tangible parce que le Comité a déterminé qu’il était lié par la procédure pénale de détermination de la peine. Il soutient que le Comité savait que la preuve pouvait être invoquée, malgré l’octroi du correctif (Appel, page 333) :

[TRADUCTION]

La [représentante de l’appelant] soutient que, malgré le fait qu’une violation grave de la Charte ait conduit le Comité à exclure ce que le Comité appelle un « pistolet Luger allemand », ce correctif n’a aucune incidence juridique ou pratique en première instance, étant donné l’opinion simultanée du Comité selon laquelle il était lié par la procédure pénale de la détermination de la peine. Le fait que le Comité savait que les éléments de preuve exclus seraient tout de même présentés dans la procédure par une autre voie est incontestable au vu de sa décision sur la requête préliminaire [...]

[56] Entre-temps, l’intimé soutient que la décision du Comité de se fonder sur les conclusions criminelles ne constitue pas une contradiction avec le correctif associé à la Charte (Appel, page 534). Il souligne que l’appelant a décidé de ne pas soulever la question de la Charte devant la Cour provinciale en échange de la capacité de plaider coupable à une seule accusation. L’intimé soutient qu’il n’y a aucune contradiction à reconnaître que l’appelant a plaidé coupable à la possession d’une arme à feu prohibée.

[57] L’intimé prétend que si le Comité avait jugé que la preuve à l’audience relative à la peine était irrecevable, dans le cadre du correctif lié à la Charte, cela aurait constitué un abus de procédure. L’intimé a fait remarquer qu’il serait dans l’intérêt de l’appelant de négocier un plaidoyer atténué du juge de la Cour provinciale en échange de ne pas soulever la question de la Charte et de demander ensuite au Comité d’exclure les conclusions de la Cour parce qu’elle ne traitait pas de la question de la Charte.

Conclusions

[58] Je suis d’accord avec le CEE et je rejette ce motif d’appel. Il n’y a aucune contradiction dans la décision du Comité. Les éléments de preuve tirés de l’ordonnance et des conclusions de la Cour provinciale sont distincts. Le Comité ne s’est pas appuyé sur l’arme à feu en soi ni sur le rapport d’expert pour déterminer si elle était prohibée, en se fondant plutôt sur le plaidoyer de culpabilité de l’appelant reconnaissant la même chose. Le plaidoyer de culpabilité n’a aucun lien avec l’ordonnance. D’autres éléments de preuve mentionnés par le Comité découlent du témoignage du sergent N et l’appelant lui-même devant la Cour et le Comité.

[59] De plus, l’appelant a choisi de ne pas s’opposer lorsque la RAD a déposé la procédure devant la Cour provinciale comme preuve et de ne pas soulever la question de la Charte devant le juge de la Cour provinciale. Ces sources de preuve distinctes peuvent démontrer les mêmes vérités, mais il n’est pas contradictoire de permettre des preuves qui n’ont pas été exclues dans le cadre d’un correctif lié à la Charte.

Le Comité s’est-il appuyé sur des éléments de preuve qui n’ont pas été obtenus indépendamment de la violation de la Charte?

Observations

[60] L’appelant soutient que le Comité s’est appuyé sur les éléments de preuve suivants, tels qu’ils sont résumés par le CEE, mais qu’ils n’ont pas été obtenus indépendamment de la violation de la Charte (Rapport, paragraphe 90) :

  • La déclaration de Mme M prise par l’enquêteur, après la saisie de l’arme à feu, a été modifiée par les renseignements relatifs au type d’arme à feu. Mme M. n’avait aucune connaissance du type d’arme à feu que son mari avait ramenée; par conséquent, elle n’aurait pu savoir qu’il s’agissait d’une « arme prohibée »;
  • Le rapport d’expert qui a évalué l’arme à feu et l’a identifiée comme une arme à feu prohibée;
  • Le document de renonciation à la réclamation fait référence au type d’arme à feu.

[61] L’intimé n’a pas abordé expressément la preuve à laquelle l’appelant a fait allusion. Elle réitère plutôt que l’appelant a décidé de ne pas aborder la question de la Charte devant les tribunaux en échange d’un plaidoyer favorable (Appel, page 536).

Conclusions

[62] Je suis d’accord avec le CEE et je rejette ce motif d’appel. J’adopterai l’approche du CEE, qui consiste d’abord à examiner la nature de la preuve dérivée potentielle, puis à examiner la preuve spécifique que l’appelant cherche à exclure.

[63] La preuve dérivée est une preuve obtenue par suite d’une violation de ses droits garantis par la Charte et, par conséquent, devrait être exclue (accordé). Le paragraphe 24(2) de la Charte stipule ce qui suit :

24. (2) Lorsque, dans une instance visée au paragraphe (1), le tribunal a conclu que des éléments de preuve ont été obtenus dans des conditions qui portent atteinte aux droits ou libertés garantis par la présente charte, ces éléments de preuve sont écartés s’il est établi, eu égard aux circonstances, que leur utilisation est susceptible de déconsidérer l’administration de la justice.

[64] La Cour suprême du Canada a déclaré dans R c Strachan, [1988] 2 RCS 980, que la preuve est obtenue d’une manière qui viole ou nie les droits garantis par la Charte si la violation d’un droit précède la découverte de la preuve contestée et que la découverte n’est pas trop éloignée de la violation (R c Ross, [1989] 1 RCS 3). La détermination de la question de savoir si la preuve découle de l’atteinte devrait porter sur l’ensemble de la chaîne d’événements; la simple présence d’un lien temporel n’est pas déterminante en soi (Strachan; Grant; et R c Burlingham, [1995] 2 RCS 206). Si la preuve découle d’une violation de la Charte, et n’avait pu être obtenue sans la participation de l’accusé, le processus de procès serait injuste s’il s’appuyait sur cette preuve (Ross). L’évaluation de la capacité de découverte de la preuve en question, indépendamment de la violation, sera utilisée pour évaluer le lien de causalité entre la violation et la preuve afin de déterminer si elle doit être exclue comme dérivée (Grant; R c Cote, 2011 CSC 46), ce qui nous amène à la question, le Comité s’est-il fondé sur des preuves dérivées?

Deuxième déclaration de Mme M

[65] Je suis d’accord avec le CEE pour dire que le Comité ne s’est pas appuyé sur la deuxième déclaration de Mme M, qui a été influencée par l’atteinte et qui est donc une preuve dérivée. La première déclaration, qui a été invoquée, a précédé la violation de la Charte. La première déclaration a été utilisée pour confirmer la nature trompeuse du rapport PRIME et le fait que l’appelant avait quitté les lieux avec l’arme à feu.

[66] Dans ses observations, l’appelant a soutenu ce qui suit (Appel, page 333) :

La déclaration de Mme [M], qui était essentielle au déclenchement de l’audience, ne peut appuyer l’allégation selon laquelle l’arme à feu qu’elle a donnée à [l’appelant] était une arme à feu prohibée.

[67] Toutefois, Mme M a déclaré qu’elle ne savait pas que l’arme à feu était prohibée et sa déclaration n’a pas été utilisée pour établir l’allégation 4 (conduite déshonorante par la possession d’une arme prohibée). Par conséquent, je suis d’accord avec l’appelant pour dire que le Comité ne pouvait pas se fonder sur la deuxième déclaration de Mme M pour déterminer la nature de l’arme à feu parce que Mme M ne le savait pas et que la déclaration était dérivée.

[68] Le Comité a plutôt établi l’allégation 4 en se fondant sur l’aveu de l’appelant et la conclusion du juge de la Cour provinciale selon laquelle l’arme à feu était une arme à feu prohibée. Je suis d’accord avec le CEE pour dire que l’aveu de l’appelant n’est pas dérivé d’une violation de la Charte. Bien que l’aveu ait été donné suite à l’infraction, il n’y avait pas de lien de causalité. L’appelant a fait l’aveu des mois après la violation, avec l’aide d’un avocat, et a obtenu un plaidoyer négocié en conséquence. L’appelant a délibérément refusé de soulever la question de la Charte en échange d’un avantage qu’il a déjà obtenu.

[69] De plus, dans son témoignage, l’appelant a fait remarquer que l’arme à feu portait le nom « Luger » (Transcriptions, vol. 1, page 116) et la RM a reconnu dans les observations que l’arme à feu était correctement classifiée par le juge de la cour provinciale (Transcriptions, vol. 2, page 22).

[70] Entre-temps, l’allégation 2 a été établie en raison du fait que l’appelant a abusé de son pouvoir pour prendre possession de l’arme à feu pour lui-même. Des preuves ont déjà été découvertes avant la deuxième entrevue et n’ont aucun lien avec la classification de l’arme à feu.

[71] Bien que l’appelant affirme que l’enquête sur ces questions était une conséquence directe de la deuxième déclaration de Mme M, le dossier démontre le contraire. L’enquête a été ouverte par le sergent N en raison de préoccupations soulevées par le synopsis PRIME. Toutes les allégations fondées ont été appuyées sans s’appuyer sur la deuxième déclaration exclue de Mme M.

Rapport d’expert/document de renonciation à la réclamation

[72] L’appelant soutient que le rapport d’expert et le document de renonciation à la revendication ne doivent pas être invoqués pour prouver que l’arme était prohibée, en raison de la violation de la Charte.

[73] Je conviens avec l’appelant que ces documents sont des preuves dérivées. Je suis également d’accord avec le CEE pour dire que le Comité ne s’est pas appuyé sur ces documents pour déterminer la classification appropriée de l’arme à feu. Comme nous l’avons mentionné plus haut, l’arme à feu a été classifiée de façon indépendante en fonction des déclarations de l’appelant devant la Cour provinciale et le Comité. Il n’y a pas de lien de causalité clair entre ces déclarations, faites avec l’aide d’un avocat pour un bénéfice, et la violation de la Charte.

[74] L’appelant a raison de dire que le rapport et le document auraient dû être exclus, et je conclus qu’ils n’ont pas été invoqués à tort pour établir des allégations. Comme l’indique Ross, les éléments de preuve dérivés doivent suivre l’atteinte et ne pas être trop éloignés. La preuve sur laquelle le Comité s’est fondé, contrairement à ces documents, n’est pas dérivée.

Le Comité a-t-il violé le droit de l’appelant à l’équité procédurale en ne permettant pas le contre-interrogatoire de Mme M?

[75] Je suis d’accord avec la recaractérisation de ce motif d’appel par le CEE. La question déterminante est de savoir si le droit de l’appelant à l’équité procédurale a été violé par la décision du Comité de ne pas permettre à Mme M d’être citée comme témoin selon la demande de l’appelant. Afin de déterminer si c’est le cas, j’examinerai d’abord la norme de contrôle en ce qui concerne l’équité procédurale, puis les observations des parties.

Norme de contrôle

[76] Lorsqu’il prétend que la décision du Comité ne respecte pas les principes applicables d’équité procédurale, l’appelant doit démontrer que le Comité n’a pas suivi une procédure adéquate pour rendre sa décision. Il doit établir que les droits suivants ont été violés :

  • Le droit de savoir quelle affaire sera tranchée et le droit d’avoir une occasion équitable de faire valoir son point de vue sur cette question;
  • Le droit à une décision rendue par un décideur impartial;
  • Le droit à une décision de la personne saisie du grief;
  • Le droit de connaître les motifs de la décision.

[77] En appel, l’équité procédurale est assujettie à une norme stricte de contrôle de la décision correcte, comme l’illustre la Cour fédérale du Canada dans Garcia Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 321 :

À l’égard des questions d’équité procédurale, la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Plus précisément, qu’il soit question de la norme de contrôle de la décision correcte ou de l’obligation de la Cour de s’assurer que le processus a été équitable sur le plan procédural, le contrôle judiciaire d’une question relative à l’équité procédurale ne laisse aucune marge de manœuvre à la cour de révision ni n’autorise cette dernière à faire preuve de déférence. La question fondamentale demeure celle de savoir si la partie visée connaissait la preuve à réfuter et si elle a eu une occasion réelle et équitable d’y répondre : voir Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [2019] 1 RCF 121 [CFCP] (le juge Rennie), particulièrement aux para 49, 54 et 56; Baker, au para 28. Dans l’arrêt Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, le juge de Montigny a affirmé que « [c]e qui importe, en fin de compte, c’est de savoir si l’équité procédurale a été respectée ou non » (au paragraphe 35).

[78] L’argument de l’appelant est plus précisément saisi par le premier droit. Il soutient qu’il n’a pas pu se défendre pleinement, et qu’il n’a donc pas été entendu pour défendre sa cause.

Observations

[79] Plus précisément, l’appelant soutient que le Comité aurait dû assigner Mme M à comparaître en se fondant sur l’opinion du sergent N qu’il devait la visiter en raison de son âge et de sa présence dans un établissement de soins. Par conséquent, le Comité aurait dû aussi vérifier sa crédibilité (Appel, page 334).

[80] L’appelant soutient qu’il n’était pas conforme au droit de la preuve de se fonder sur une déclaration de témoin sans donner la possibilité de la contre-interroger. Il énonce son opinion en ces termes (Appel, page 334) :

[TRADUCTION]

[L]e point critique sur les conclusions finales du Comité n’est pas tant le fait que la déclaration de [Mme M] à [l’enquêteur] réfute toute allégation selon laquelle [Mme M] n’a pas donné le pistolet à [l’appelant] pour qu’il en dispose à sa guise (c.-à-d. qu’il n’y a pas eu de vol ou d’abus de confiance), mais le fait qu’elle n’avait clairement aucune idée qu’il s’agissait d’une arme à feu prohibée, encore moins d’un Luger allemand – un fait que le Comité tire de son témoignage, en conjonction avec le rapport d’expert, et de la procédure pénale.

[81] L’intimé prétend que les CC (déontologie) et le Guide du Comité de déontologie accordent aux comités une grande discrétion lorsqu’ils déterminent quels témoins ils assigneront à témoigner. Il soutient que le Comité avait raison de ne pas assigner Mme M à témoigner après avoir évalué la crédibilité de sa déclaration et tenu compte de la totalité de la preuve.

Conclusions

[82] Je suis d’accord avec le CEE pour dire que ce motif d’appel de l’appelant ne peut pas être retenu. Comme l’a fait remarquer l’intimé, les CC (déontologie) accordent au Comité un pouvoir discrétionnaire considérable dans les procédures :

13(1) Le comité de déontologie mène l’instance avec célérité et sans formalisme en tenant compte des principes d’équité procédurale.

(2) Il peut adapter les présentes règles de procédure en tenant compte de l’équité procédurale.

[83] Les paragraphes 18(3) et (4) indiquent que le Comité a le pouvoir de déterminer quels témoins témoigneront :

(3) Le comité établit la liste des témoins qu’il entend assigner, y compris l’expert visé par l’avis d’intention prévu au paragraphe 19(3), et peut demander des observations supplémentaires aux parties pour ce faire.

(4) Le comité remet aux parties la liste des témoins qu’il entendra et les raisons pour lesquelles il a accepté ou refusé d’entendre ceux figurant à la liste soumise par les parties.

[84] Dans Prassad c Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, aux pages 568-569, la Cour suprême du Canada a statué que « [e]n règle générale, [les tribunaux administratifs] sont considérés maîtres chez eux » et « ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l’équité et, dans l’exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle »; cela comprend la capacité de restreindre les témoins. Toutefois, comme l’ont fait remarquer Macaulay et Sprague, dans Hearings Before Administrative Tribunals (3e édition), 2007 (pages 12-118/119), cette capacité ne peut pas être exercée injustement :

[TRADUCTION]

Toutefois, ce pouvoir ne peut être exercé de manière à entraîner une injustice. Ainsi, il est peu probable qu’un organisme puisse refuser d’entendre un témoin qui avait des renseignements substantiels et pertinents qui n’étaient pas déjà présentés par ailleurs à l’organisme. Toutefois, les organismes peuvent cesser d’assigner des témoins qui ne doivent fournir que des preuves répétitives ou non pertinentes.

[85] Il n’est pas toujours nécessaire d’assigner un témoin à comparaître pour un contre- interrogatoire éventuel afin de satisfaire aux principes d’équité procédurale; néanmoins, des circonstances, comme des conflits en matière de preuve et de crédibilité, peuvent rendre nécessaire le contre-interrogatoire (Willette c Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, [1985] 1 CF 423).

[86] En l’espèce, je ne vois aucune erreur de la part du Comité dans la détermination qu’il n’y a pas de différend quant à la preuve qui nécessiterait un contre-interrogatoire de Mme M et que son témoignage aurait été redondant. La preuve fournie par Mme M ne fait que confirmer que l’appelant est parti avec l’arme à feu Luger, ce que l’appelant lui-même a déjà confirmé devant le Comité et la Cour provinciale. Le Comité ne s’est pas fondé sur la classification de Mme M de l’arme à feu pour prouver qu’elle était interdite, de sorte qu’il n’y aurait aucun avantage à l’appeler. Le Comité et moi-même, acceptons déjà l’affirmation de l’appelant selon laquelle Mme M. [TRADUCTION] « n’avait aucune idée qu’il s’agissait d’une arme à feu prohibée ».

Le Comité a-t-il commis une erreur en déclarant qu’il était lié par les conclusions du juge de première instance?

[87] En l’espèce, l’appelant soutient que le Comité a commis une erreur de droit lorsqu’il a déterminé qu’il était tenu de se conformer aux conclusions de la Cour provinciale. Par conséquent, j’examinerai d’abord la norme de contrôle pour les questions de droit, puis les observations des parties.

Norme de contrôle

[88] Une erreur de droit est une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi applicable à une affaire. Par exemple, il s’agit d’examiner si la décision était fondée sur une disposition juridique ou une jurisprudence qui ne s’appliquent pas à l’affaire en cause. Une erreur de droit pourrait aussi découler de l’utilisation d’une mauvaise législation ou de l’application ou de l’interprétation de la législation appropriée, mais de façon erronée. Elle comprend également l’application du mauvais critère juridique.

[89] La Cour suprême a établi dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], qu’il existe une présomption que le caractère raisonnable est la norme de contrôle applicable des décisions administratives (Vavilov, paragraphes 16-17, 23-32). La Cour a néanmoins confirmé que cette présomption peut être réfutée et qu’une norme de contrôle différente s’applique dans deux types d’affaires.

[90] Premièrement, la présomption peut être réfutée et une norme de contrôle autre que celle du caractère raisonnable peut être appliquée lorsque le législateur a indiqué qu’une telle norme de contrôle différente devrait s’appliquer (Vavilov, paragraphe 33-52). Ici, le paragraphe 47(3) des CC (griefs et appels) ne précise pas expressément quelle norme de contrôle s’applique aux erreurs de droit. Ainsi, la norme de contrôle en common law prévaut si la présomption n’est pas réfutée.

[91] Deuxièmement, la Cour suprême a établi que la présomption selon laquelle le caractère raisonnable est la norme de contrôle applicable sera réfutée lorsque l’affaire porte sur certains types de questions de droit, auquel cas la norme de contrôle de la décision correcte doit être appliquée : les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, paragraphe 53). La Cour a ensuite fourni des exemples précis de questions de droit générales d’une importance capitale, où la norme de la décision correcte s’applique (Vavilov, paragraphe 60) :

Par exemple, on a jugé que les questions de droit générales suivantes sont d’importance capitale pour le système juridique dans son ensemble : lorsqu’une procédure administrative est prescrite par l’application des doctrines de l’autorité de la chose jugée et de l’abus de procédure (Toronto (Ville), par. 15); la portée de l’obligation de neutralité religieuse de l’État (Saguenay, par. 49); le bien‑fondé des limites du secret professionnel de l’avocat (University of Calgary, par. 20); et la portée du privilège parlementaire (Chagnon, par. 17).

[Non souligné dans l’original.]

[92] L’appelant soutient que le Comité a commis une erreur de droit lorsqu’il s’est trouvé lié par la décision de la cour pénale qui a conclu que l’appelant était en possession d’une arme à feu prohibée. L’appelant soutient que cela va à l’encontre de la conclusion du Comité en soi selon laquelle il y a eu une infraction à la Charte et de l’exclusion de l’arme à feu par le Comité à titre de preuve dans la procédure de déontologie. L’appelant soutient que le Comité a dû examiner les conclusions de la cour pénale et prendre sa propre décision en se fondant sur la preuve, ou l’absence de preuve, devant le Comité et à la lumière de ses propres conclusions concernant la violation de la Charte et le correctif. Je note que la cour a déterminé que le pistolet était une arme à feu prohibée (éléments matériels/autre matériel/matériel supplémentaire, page 78; Motifs de la peine, paragraphe 2)

[93] L’intimé a comparé la demande de l’appelant à Toronto (Ville) c. Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.), section locale 79, 2003 CSC 63 [SCFP], au paragraphe 29, où la Cour suprême a déclaré que le fait de déclarer une condamnation au criminel constituerait un abus de procédure parce que cela porterait atteinte à l’intégrité du système d’arbitrage, ce qui porterait atteinte à l’administration de la justice. Je conclus que la question de savoir si le Comité est lié par les conclusions d’un juge provincial selon lesquelles l’appelant était en possession d’une arme à feu prohibée ou si cela peut être confirmé dans le cadre de la procédure de déontologie se rapporte à une question de chose jugée et d’abus de procédure, qui relève de la catégorie de question de droit d’importance capitale, comme le prévoit l’extrait ci-dessus de Vavilov. Je conclus donc que ce point doit être considéré en fonction de la norme de la décision correcte.

[94] Lorsqu’un motif d’appel doit être évalué selon une norme de la décision correcte, aucune déférence n’est requise. Un arbitre de grief entreprendra sa propre analyse de la question et substituera son propre point de vue s’il est en désaccord avec le décideur (Dunsmuir c Nouveau- Brunswick, [2008] 1 RCS 190, paragraphe 50). En d’autres termes, lorsqu’on examine une question de droit qui est d’une importance capitale, un organe d’appel a le pouvoir discrétionnaire de remplacer la décision du décideur initial par la sienne (Vavilov, Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33, au paragraphe 8).

Observations

[95] Une fois de plus, l’appelant affirme que le fait de s’appuyer sur la décision de détermination de la peine au criminel contrevenait à la mesure corrective pour violation de la Charte. Il soutient qu’il est incohérent d’exclure d’abord les éléments de preuve qui ont donné lieu à l’instance, puis de se fonder sur l’issue de l’instance. L’appelant note également que la violation de la Charte n’a pas été portée devant la Cour.

[96] L’appelant cite ensuite le paragraphe 23(2) des CC (déontologie), qui stipule que « [l]e comité de déontologie peut s’appuyer sur la conclusion d’une cour canadienne selon laquelle un membre est coupable d’une infraction à une loi fédérale ou provinciale pour décider qu’il a contrevenu au code de déontologie ». L’appelant soutient que l’utilisation du mot « peut » signifie qu’un comité n’est pas lié par une conclusion de culpabilité. Il suggère que, puisqu’aucune preuve n’a été présentée devant la Cour provinciale, le Comité aurait dû exercer son pouvoir discrétionnaire et ne pas se trouver lié par les procédures.

[97] En réfutation, l’appelant a d’abord soutenu que l’abus de procédure ne s’applique pas parce que le juge a examiné la question de la Charte, mais il a ensuite soutenu qu’il s’applique et que ne pas remettre la question de la classification de l’arme à feu en litige constituerait un abus de procédure (Appel, page 697-701).

[98] L’intimé soutient que le juge de première instance a examiné la question de la Charte. Il indique que le juge l’a clairement considéré parce que l’appelant a négocié une condamnation plus clémente en échange de ne pas soulever la question.

[99] Comme il a été mentionné plus haut, l’intimé a également soulevé la question de l’abus de procédure et de la violation de la doctrine de la chose jugée. Il soutient que le Comité avait raison de ne pas remettre en litige les conclusions du juge de première instance, qui étaient fondées sur les déclarations de l’appelant.

Conclusions

[100] Je suis d’accord avec le CEE pour dire que le Comité était lié par les conclusions de la Cour provinciale. Autrement, il faudrait remettre en litige une question qui a été tranchée par le juge de la Cour provinciale. Le CEE a conclu que l’affaire en cause était synonyme au contexte de SCFP. Dans cette affaire, un employé municipal a été reconnu coupable d’avoir agressé sexuellement un enfant sous sa supervision, et plus tard, un arbitre a déterminé que la condamnation était admissible, mais ne liait pas le tribunal, puis a conclu que l’employé n’avait pas commis l’agression sexuelle. Dans cette affaire, la Cour suprême a conclu que permettre de remettre en en litige les conclusions de la Cour serait un abus de procédure, ce qui aurait pour effet de discréditer l’administration de la justice. Remettre la question en litige contreviendrait à des principes tels que l’économie judiciaire, la cohérence et la finalité, si la nouvelle décision crée une situation où les conclusions respectives sont incohérentes, injustes et inexactes (SCFP, paragraphe 37).

[101] La juge Arbour a indiqué des circonstances où la remise ne litige peut être acceptable ou même souhaitable (SCFP, par. 53) :

Il peut en effet y avoir des cas où la remise en cause pourra servir l’intégrité du système judiciaire plutôt que lui porter préjudice, par exemple : (1) lorsque la première instance est entachée de fraude ou de malhonnêteté, (2) lorsque de nouveaux éléments de preuve, qui n’avaient pu être présentés auparavant, jettent de façon probante un doute sur le résultat initial, (3) lorsque l’équité exige que le résultat initial n’ait pas force obligatoire dans le nouveau contexte.

[102] Je conclus qu’aucune de ces circonstances ne s’applique à l’affaire en cause. En fait, je crois que la présente affaire ressemble davantage à l’observation de la Cour selon laquelle « [c]e qui n’est pas permis, c’est d’attaquer un jugement en tentant de soulever de nouveau la question devant un autre forum » (SCFP, paragraphe 46). À cet égard, j’adopte le raisonnement suivant du CEE en ce qui concerne les conclusions tirées sur la détermination de la peine (Rapport, paragraphe 117) :

[TRADUCTION]

[...] Les principes de SCFP s’appliquent non seulement à la reconnaissance du fait d’une condamnation criminelle elle-même, mais aussi à la reconnaissance des faits dans les motifs de la détermination de la peine (Morel c. Canada (CAF), [2009] 1 R.C.F. 629 [Morel], au paragraphe 52). Dans Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board) c Figliola, 2011 CSC 52 (Figliola), aux paragraphes 31-33, 46, la CSC a confirmé l’applicabilité de l’analyse de SCFP.

[103] Je comprends la frustration de l’appelant à l’effet que le correctif en vertu de la Charte qui lui est accordé par le Comité ne le protège pas entièrement; cependant, le Comité n’a jamais laissé entendre que ce serait le cas. La présente affaire contient un ensemble de faits précis qui donnent lieu à des conclusions concernant l’arme à feu d’un autre forum importée dans un autre forum, malgré une décision rendue sur cette arme à feu dans ce dernier.

Le Comité a-t-il commis une erreur en concluant que l’allégation 8 était fondée même s’il avait conclu qu’il ne pouvait pas déterminer que l’objet était une arme de poing?

Observations

[104] L’appelant soutient qu’il est incohérent que le Comité ait conclu que l’allégation 7 n’avait pas pu être fondée, en raison de son incapacité à classifier le cadre rouillé comme une arme à feu, mais qu’il a conclu que l’allégation 8 (la fausse déclaration au sujet de l’article dans PRIME) avait été fondée (Appel, page 339, paragraphe 23) :

[TRADUCTION]

La RA soutient que l’allégation 8 ne peut pas être établie correctement pour les mêmes raisons que celles fournies par le Comité relativement à l’allégation 7. Plus précisément, le Comité n’est pas convaincu que Mme J. ait donné à l’appelant une « arme de poing » et, par conséquent, détermine que l’allégation 7 n’est pas démontrée. Pourtant, il ne fait aucun doute que les détails de [l’allégation] 8 dépendent du fait même que cette même « arme de poing » existe. La RA soutient que les motifs du Comité sont incohérents. Autrement dit, l’incapacité du Comité de conclure que l’objet de l’allégation 7 est en fait une arme de poing est inconciliable avec la conclusion du Comité selon laquelle l’allégation 8 est démontrée au motif que le rapport de [l’appelant] n’indiquait pas que [l’appelant] [TRADUCTION] « était parti avec l’article en main ».

[105] L’intimé souligne qu’il y a une différence nette entre les allégations 7 et 8. Les détails de l’allégation 7 exigeaient que l’intimé conclue que l’appelant avait pris [TRADUCTION] « possession de l’arme de poing, sans apparence de droit, commettant un vol ». En ce qui concerne l’allégation 8, les détails requis pour que le Comité détermine que l’appelant [TRADUCTION] « n’a pas fourni de compte rendu en temps opportun, de manière exacte et détaillée de l’exécution de ses responsabilités [...] ». En d’autres termes, l’intimé soutient que l’allégation 7 exige l’existence d’une arme à feu, mais que l’allégation 8 ne l’exige pas.

Conclusions

[106] Je suis d’accord avec le CEE et je rejette ce motif d’appel. L’allégation 8 n’exigeait pas que l’article en question soit une arme à feu. L’allégation ne nécessitait que des rapports incorrects de la part de l’appelant. Selon le rapport PRIME de l’appelant, il n’a pas saisi l’article en question. La preuve démontre le contraire. Les caractéristiques ou la nature de l’article ne sont pas pertinentes quant à savoir si l’appelant a correctement indiqué qu’il avait quitté les lieux avec ledit article.

[107] La jurisprudence indique qu’il n’est pas nécessaire de démontrer tous les faits d’une allégation pour établir l’inconduite (Paul Ceyssen, « Legal Aspects of Policing »). Seuls les éléments essentiels de l’allégation doivent être prouvés, suffisamment pour établir les éléments de l’inconduite. Je conclus qu’ils ont été établis en l’espèce.

Le Comité a-t-il respecté incorrectement le principe de la parité des sanctions?

[108] Comme nous l’avons mentionné plus haut, le paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels) stipule que dans les cas où il n’y a pas de manquement à l’équité procédurale ou de présence d’une erreur de droit, je dois déterminer si la décision est « manifestement déraisonnable ».

[109] En contestant la mesure disciplinaire imposée par le Comité, l’appelant me demande de déterminer si la décision du Comité de rejeter l’appelant est manifestement déraisonnable. Pour ce faire, j’examinerai d’abord la norme de contrôle pour une décision manifestement déraisonnable, puis les observations des parties.

Norme de contrôle

[110] Dans Canada (Procureur général) c. Zimmerman, 2015 CF 208 [Zimmerman], au paragraphe 45, la juge McVeigh de la Cour fédérale soutient que « [l]e caractère raisonnable d’une décision tient à sa justification, à sa transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12). »

[111] En examinant la décision de la Cour suprême dans Vavilov, le juge Norris de la Cour fédérale, dans Bell Canada c. Hussey, 2020 CF 795, a examiné la notion de décision raisonnable, soulignant ce qui suit au paragraphe 30 :

Le contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable s’intéresse « à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Vavilov, au par. 83). Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au par. 85). Les motifs du décideur doivent être lus à la lumière du dossier et en tenant compte du contexte administratif dans lequel ils ont été fournis (Vavilov, aux par. 91-95). Lorsqu’elle décide si une décision est raisonnable, la cour de révision « doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, au par. 99).

[112] Toutefois, le paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels) stipule que je dois déterminer si la décision est « manifestement déraisonnable », plutôt que simplement « déraisonnable ». Quelle est exactement cette norme d’une décision « manifestement déraisonnable »? La Cour fédérale, dans Kalkat c Canada (Procureur général), 2017 CF 794, et la Cour d’appel fédérale, dans Smith c Canada (Procureur général), 2021 CAF 73, ont toutes deux accepté que le terme « manifestement déraisonnable » utilisé dans les CC (griefs et appels) est en fait le même que la norme « manifestement déraisonnable », qui a été reconnue depuis longtemps dans la jurisprudence.

[113] Il y a une distinction à faire entre une décision « déraisonnable » et une décision « manifestement déraisonnable », cette dernière étant le seuil applicable pour la conduite des appels en vertu des CC (griefs et appels). Dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, la Cour suprême a fait les observations suivantes sur la différence :

[56] Je conclus que cette troisième norme devrait être fondée sur la question de savoir si la décision du Tribunal est déraisonnable. Ce critère doit être distingué de la norme de contrôle qui appelle le plus haut degré de retenue, et en vertu de laquelle les tribunaux doivent dire si la décision du tribunal administratif est manifestement déraisonnable. Est déraisonnable la décision qui, dans l’ensemble, n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s’il existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, s’il en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve. Un exemple du premier type de défaut serait une hypothèse qui n’avait aucune assise dans la preuve ou qui allait à l’encontre de l’essentiel de la preuve. Un exemple du deuxième type de défaut serait une contradiction dans les prémisses ou encore une inférence non valable.

[57] La différence entre « déraisonnable » et « manifestement déraisonnable » réside dans le caractère flagrant ou évident du défaut. Si le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal, la décision de celui-ci est alors manifestement déraisonnable. Cependant, s’il faut procéder à un examen ou à une analyse en profondeur pour déceler le défaut, la décision est alors déraisonnable mais non manifestement déraisonnable. Comme l’a fait observer le juge Cory dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, à la p. 963, « [d]ans le Grand Larousse de la langue française, l’adjectif manifeste est ainsi défini : “Se dit d’une chose que l’on ne peut contester, qui est tout à fait évidente” ». Cela ne veut pas dire, évidemment, que les juges qui contrôlent une décision en regard de la norme du caractère manifestement déraisonnable ne peuvent pas examiner le dossier. Si la décision contrôlée par un juge est assez complexe, il est possible qu’il lui faille faire beaucoup de lecture et de réflexion avant d’être en mesure de saisir toutes les dimensions du problème [...] Mais une fois que les contours du problème sont devenus apparents, si la décision est manifestement déraisonnable, son caractère déraisonnable ressortira.

[114] La Cour suprême a expliqué, dans l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, au paragraphe 52, qu’une décision manifestement déraisonnable est une décision qui est « clairement irrationnelle » ou « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».

[115] Dans sa Recommandation C-013, le CEE a conclu que [TRADUCTION] « la question de savoir si une décision en appel était manifestement déraisonnable aux fins du paragraphe 33(1) des CC (griefs et appels) dans le contexte d’une erreur de fait alléguée ou d’une erreur de fait et de droit mixte par une autorité disciplinaire est une considération pour déterminer si l’erreur était une erreur claire ou manifeste qui a été déterminante dans la décision en appel ». Le CEE reconnaît donc la déférence qui doit être accordée à un décideur pour arriver à des conclusions fondées sur une appréciation des faits.

[116] Lorsqu’on considère la norme de la décision manifestement déraisonnable dans le contexte des mesures disciplinaires et des motifs fournis, on doit faire preuve d’une grande déférence à l’arbitre de grief. Dans R c Lacasse, 2015 CSC 64, aux paragraphes 43 à 44, la Cour suprême a élargi la portée de la déférence due dans un examen des sanctions, même dans un contexte criminel. Ces mêmes principes s’appliquent ici :

Je reconnais que la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant peut justifier l’intervention d’une cour d’appel, et lui permettre d’évaluer la justesse de la peine et d’y substituer la peine qu’elle estime appropriée. Cependant, je suis d’avis que ce ne sont pas toutes les erreurs de ce genre, quel que soit leur impact sur le raisonnement du premier juge, qui autorisent une cour d’appel à intervenir. L’application d’une règle aussi stricte risquerait de miner la discrétion accordée au juge de première instance.

[…]

À mon avis, la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant ne justifiera l’intervention d’une cour d’appel que lorsqu’il appert du jugement de première instance qu’une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine.

[117] Par conséquent, un arbitre d’appel en matière de déontologie ne devrait intervenir que lorsque la mesure de conduite [TRADUCTION] « est déraisonnable, ne tient pas compte de toutes les questions pertinentes (y compris les facteurs atténuants importants), ne tient pas compte des facteurs aggravants non pertinents, démontre une erreur manifeste de principe, est clairement disproportionnée par rapport à la conduite et à la sanction dans d’autres affaires similaires antérieures, ou constituerait une injustice » (voir D-115, décision de la commissaire, au paragraphe 44).

[118] En d’autres termes, les mesures disciplinaires devraient rarement être annulées en appel.

Observations

[119] L’appelant soutient que le Comité n’a pas respecté le principe de la parité dans les sanctions parce qu’il n’a pas considéré que l’appelant avait obtenu une absolution inconditionnelle du juge de première instance. L’appelante ajoute que si le Comité est lié par les conclusions du juge, le Comité est également lié par la conclusion que l’appelant a commis une « erreur » et que cela aurait dû être pris en compte dans la mesure disciplinaire imposée (Appel, page 340).

[120] L’intimé affirme que le principe de parité s’applique entre les mesures disciplinaires et non aux procédures pénales. L’intimé mentionne que la procédure de déontologie de la GRC n’a pas les mêmes objectifs que le système de justice pénale et n’est pas lié par les précédents en matière de détermination de la peine. L’intimé soutient que le Comité a tenu compte de façon appropriée de l’éventail des mesures disciplinaires possibles, des circonstances atténuantes et aggravantes et de la gravité des infractions au Code de déontologie. Par conséquent, la mesure relative au comportement est conforme au principe de parité.

Conclusions

[121] Je suis d’accord avec le CEE pour dire que les mesures disciplinaires du Comité ne sont pas clairement déraisonnables et qu’elles ont correctement tenu compte du principe de parité.

[122] La GRC et le CEE ont depuis longtemps utilisé un processus en trois parties pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées :

  • Déterminer la fourchette de sanctions appropriée, compte tenu de la gravité du comportement;
  • Déterminer les facteurs atténuants et/ou aggravants;
  • Choisir une sanction qui reflète le mieux la gravité de l’inconduite, le lien entre l’inconduite et les exigences de la profession de police.

[123] Je conclus que le Comité a décrit avec précision la procédure de détermination des mesures disciplinaire et l’éventail des sanctions disponibles (Appel, page 28-29) :

Dans ma prise de décision quant à la sanction appropriée, je dois d’abord prendre en considération l’éventail approprié des mesures possibles ainsi que les facteurs aggravants et atténuants. Je n’ai pas à fonder ma décision sur les décisions prises par d’autres comités de déontologie, mais les décisions sur les cas antérieurs de nature semblable sont utiles pour établir l’éventail approprié des sanctions. Le principe de la parité des sanctions vise à garantir l’équité, c’est-à-dire à garantir que les formes semblables d’inconduite sont traitées de la même façon, ce qui donne de la prévisibilité aux affaires disciplinaires. De plus, le Guide des mesures disciplinaires fournit des lignes directrices quant aux points à prendre en considération au moment d’imposer des mesures disciplinaires. Il n’est toutefois pas contraignant ou déterminant.

[…]

Les contraventions aux dispositions du code de déontologie établies sont très sérieuses et se caractérisent, à mon avis, par la malhonnêteté et la supercherie. J’ai étudié les cas présentés par les deux parties et, pour ce qui est des cas d’inconduite mettant ces facteurs en cause, l’éventail des mesures disciplinaires est assez limité, allant de la confiscation importante de la solde au congédiement.

[124] Non seulement le Comité a-t-il décrit avec précision le processus de détermination des mesures disciplinaires, mais il a également saisi avec précision l’esprit du principe de parité. Comme l’a fait remarquer la Cour fédérale dans Rendell c Canada (Procureur général), 2001 CFPI 710, la parité de sanction ne peut empêcher un arbitre de rendre des décisions sur une base individuelle :

[13] En outre, le principe de la parité des peines est certes pertinent dans le contexte des procédures disciplinaires au sein de la GRC, mais on ne peut pas l’appliquer de façon à porter atteinte au pouvoir discrétionnaire conféré au commissaire par la loi […]

[125] En d’autres termes, l’absolution inconditionnelle que l’appelant a reçue devant la Cour provinciale n’a aucune incidence sur ses mesures de conduite, puisque le concept de parité des sanctions est appliqué dans le cadre du forum disciplinaire, et non entre ce forum et les procédures criminelles. J’estime que les mesures disciplinaires imposées étaient bien appuyées et qu’elles respectaient le principe de parité. Le Comité n’a jamais été tenu d’appliquer ce principe à la procédure pénale. Ces mesures disciplinaires sont exclusives au contexte de l’emploi. Par conséquent, je rejette ce dernier motif d’appel.

DÉCISION

[126] En vertu de l’article 45.16 de la Loi sur la GRC, l’appel est rejeté et les mesures disciplinaires imposées par le Comité sont confirmées.

[127] Si l’appelant n’est pas d’accord avec ma décision, il peut faire appel à la Cour fédérale en vertu de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

Signature

 

Le 8 avril 2022

Me Nicolas Gagné

Arbitre en appel et examen des recours

 

 

 

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