Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’Avis d’audience disciplinaire contient au total quatre allégations de contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Les quatre allégations portent toutes sur des incidents présumés de violence familiale et, en particulier, sur la violence conjugale à l’égard de l’ancienne partenaire du gendarme Deroche, B.G.

Le Comité de déontologie a conclu que les quatre allégations étaient fondées et a ordonné au gendarme Deroche de démissionner dans les 14 jours, faute de quoi il sera congédié.

Contenu de la décision

Protégé A

2022 DAD 13

Ordonnance de non-publication : Interdiction de publier ou de diffuser de quelque façon que ce soit tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité de la plaignante ou de ses enfants.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10

Entre :

le commandant de la Division K

(autorité disciplinaire)

et

le gendarme Ryan Deroche

Matricule 60236

(membre visé)

Décision du Comité de déontologie

Christine Sakiris

Le 23 septembre 2022

Sergent d’état-major Jon Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

M. Robb Beeman, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 4

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 4

Ordonnance de non-publication 5

ALLÉGATIONS 5

PREUVE 8

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve 9

Preuve de B.G. 10

Preuve du gendarme Deroche 11

Preuve de M. Bateman 11

Constatation des faits 11

CONSTATATION SUR LES ALLÉGATIONS 20

MESURES DISCIPLINAIRES 22

Interprétation du Guide des mesures disciplinaires lorsque la conduite déshonorante comprend des actes de violence familiale 23

Examen des décisions antérieures du Comité de déontologie résolues par des propositions conjointes sur les mesures disciplinaires 28

Gamme des mesures disciplinaires 30

Facteurs aggravants 31

Gravité de l’inconduite 31

Menace d’utilisation d’armes 36

Facteurs atténuants 37

Expression de remords 37

Antécédents professionnels 37

Lettres de soutien et participation communautaire 38

Troubles de santé 38

Réadaptation possible 40

Décision relative aux mesures disciplinaires 41

CONCLUSION 43

 

SOMMAIRE

L’Avis d’audience disciplinaire contient au total quatre allégations de contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC). Les quatre allégations portent toutes sur des incidents présumés de violence familiale et, en particulier, sur la violence conjugale à l’égard de l’ancienne partenaire du gendarme Deroche, B.G.

Le Comité de déontologie a conclu que les quatre allégations étaient fondées et a ordonné au gendarme Deroche de démissionner dans les 14 jours, faute de quoi il sera congédié.

INTRODUCTION

[1] Le gendarme Deroche fait face à quatre infractions présumées à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. Les quatre allégations portent toutes sur des actes présumés de violence familiale et, en particulier, sur la violence conjugale contre l’ancienne partenaire du gendarme Deroche, B.G.

[2] Les allégations sont énoncées dans l’Avis d’audience disciplinaire daté du 28 septembre 2021. Le 14 décembre 2021, le gendarme Deroche a présenté sa réponse aux allégations, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Tout en offrant des éclaircissements sur certains des détails, le gendarme Deroche a admis les quatre allégations.

[3] J’ai été désignée pour diriger le Comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC]. Conformément à l’article 45 de la Loi sur la GRC, je dois décider si chaque allégation est fondée selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, pour chaque allégation, je dois déterminer s’il est plus probable qu’improbable que le gendarme Deroche ait contrevenu au Code de déontologie de la GRC. Si je conclus qu’une ou plusieurs des allégations sont fondées, je dois imposer des mesures disciplinaires.

[4] Pour les motifs qui suivent, je conclus que les allégations 1, 2, 3 et 4 sont fondées et j’ordonne au gendarme Deroche de démissionner dans les 14 jours, faute de quoi il sera congédié.

Ordonnance de non-publication

[5] Les parties ont demandé une ordonnance de non-publication pour protéger l’identité de l’ex-partenaire du gendarme Deroche, B.G., et de ses trois enfants mineurs.

[6] Conformément à l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC, j’ordonne que tout renseignement qui pourrait révéler l’identité de la plaignante, B.G. ou de ses trois enfants ne soit publié, diffusé ou transmis dans aucun document ou de quelque façon que ce soit.

[7] Les enfants seront désignés par leurs initiales : T.B., C.B. et M.G. Les trois enfants avaient tous moins de 18 ans au moment des incidents allégués.

[8] Enfin, je note que les allégations ont été modifiées pour refléter cette interdiction de publication.

ALLÉGATIONS

[9] Conformément à l’Avis d’audience disciplinaire, les allégations et les faits sont les suivants :

[TRADUCTION]

Allégation 1

Entre le 17 et le 18 avril 2020, à [nom expurgé], ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le gendarme] Ryan Deroche a adopté un comportement contraire à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. À toute date pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada affecté au [détachement, nom expurgé], Division K, Alberta.

2. Vous étiez dans une relation romantique avec [B.G.]. [B.G.] et ses trois enfants habitaient avec vous.

3. Le 17 avril 2020, vous avez eu une dispute verbale avec [B.G.] au sujet de messages que vous aviez échangés avec d’autres femmes. Vous vous êtes fâché contre elle et avez cassé son iPhone.

4. Le 18 avril 2020, vous et [B.G.] étiez tous deux dans le sous-sol de votre résidence située à [adresse expurgée] et avez poursuivi la dispute de la veille.

5. [B.G.] vous a accusé d’en cacher davantage et elle a examiné le contenu de votre montre Apple. Vous vous êtes mis en colère et avez cassé une montre Apple. Vous avez giflé [B.G.] avec votre main droite ouverte, frappant le côté gauche de son visage en laissant une marque rouge et une tuméfaction. Vous lui avez ensuite lancé votre café, lui disant de sortir et de vous laisser tranquille. Vous l’avez pourchassée en haut des escaliers et l’avez poussée, la faisant trébucher, ce qui a fait en sorte que sa tête et son épaule ont frappé le mur.

6. À la suite de ces incidents, le 18 septembre 2020, vous avez été accusé d’agression et de méfait, en contravention de l’article 266 et de l’alinéa 430(1)a) du Code criminel; ces accusations ont été réglées le 17 novembre 2020 à la Cour provinciale de l’Alberta et vous avez conclu un engagement de ne pas troubler l’ordre public.

7. Votre conduite a été déshonorante.

Allégation 2

Le ou vers le 10 août 2020, à [nom expurgé], ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le gendarme] Ryan Deroche a adopté un comportement contraire à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. À toute date pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada affecté au [détachement, nom expurgé], Division K, Alberta.

2. Vous étiez dans une relation romantique avec [B.G.].

3. Au moment de l’incident présumé, vous conduisiez et [B.G.] était dans le véhicule avec vous, accompagnée de ses trois enfants. Vous vous êtes disputés tous les deux et vous avez menacé de la frapper au visage. À la suite de ce commentaire, les enfants ont eu peur de vous.

4. Votre conduite a été déshonorante.

Allégation 3

Entre le 12 et le 13 septembre 2020, à [nom expurgé], ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le gendarme] Ryan Deroche a adopté un comportement contraire à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. À toute date pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada affecté au [détachement, nom expurgé], Division K, Alberta.

2. Vous étiez dans une relation romantique avec [B.G.].

3. Le 12 septembre 2020, vers [23 h], vous avez parlé avec [B.G.] par téléphone. Vous lui avez dit que vous envisagiez d’apporter un fusil de chasse, de lui tirer dessus et de vous tuer ou des mots à cet effet.

4. Le 13 septembre 2020, vers [14 h 30], vous avez parlé à [B.G.] au téléphone et lui avez dit qu’elle vous avait tellement fâché que vous vouliez lui tirer dessus et vous tuer ou des mots à cet effet.

5. En raison de vos commentaires, [B.G.] était bouleversée et avait peur de vous.

6. Le 18 septembre 2020, vous avez été accusé d’avoir proféré une menace, contrairement à l’alinéa 264.1(1)a) du Code criminel; cette accusation a été réglée le 17 novembre 2020 à la Cour provinciale de l’Alberta et vous avez conclu un engagement de ne pas troubler l’ordre public.

7. Votre conduite a été déshonorante.

Allégation 4

Le ou vers le 14 septembre 2020, à [nom expurgé], ou dans les environs, dans la province de l’Alberta, [le gendarme] Ryan Deroche a adopté un comportement contraire à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Faits

1. À toute date pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada affecté au [détachement, nom expurgé], DivisionK, Alberta.

2. Vous étiez séparé de [B.G.] au moment de l’incident présumé.

3. [B.G.] avait récemment déménagé hors de votre résidence et résidait avec ses trois enfants dans une propriété rurale située à [adresse supprimée].

4. Au moment de l’incident présumé, [B.G.] était avec sa fille de 12 ans à sa résidence. Vous vous êtes présentée sans préavis, vous êtes assis à la table de la cuisine avec [B.G.] et sa fille et vous avez dit que vous alliez tous les deux vous occuper de votre situation maintenant ou des mots à cet effet. À un moment de la conversation, vous avez dit que vous vouliez apporter votre pistolet, assassiner [B.G.] et vous tuer et y avez pensé à maintes reprises. Alors que votre colère augmentait, vous avez cassé votre tasse de café sur la table de la cuisine, vous vous êtes levé et vous avez frappé du pied la chaise de [B.G.]. Alors que vous quittiez la résidence, [B.G.] vous a suivi à l’extérieur. Vous l’avez alors attrapée par l’épaule et vous lui avez crié au visage pour qu’elle vous laisse tranquille.

5. [B.G.] et sa fille ont eu peur pour leur sécurité en raison de votre comportement.

6. Le 18 septembre 2020, vous avez été accusé d’avoir proféré une menace, contrairement à l’alinéa 264.1(1)a) du Code criminel; cette accusation a été réglée le 17 novembre 2020 à la Cour provinciale de l’Alberta et vous avez conclu un engagement de ne pas troubler l’ordre public.

7. Votre conduite a été déshonorante.

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

PREUVE

[10] Le dossier dont je suis saisie comprend des déclarations de B.G. et de sa fille aînée, T.B. Des déclarations ont également été faites de l’ami de B.G., C.O., et du gendarme Andrew Orton, à qui B.G. a signalé l’incident du 14 septembre 2020.

[11] Le 19 janvier 2022, le gendarme Deroche a confirmé, par l’entremise de son représentant, qu’il n’avait pas l’intention de contre-interroger B.G., T.B. ou tout autre témoin sur leurs déclarations.

[12] Le 24 mai 2022, les parties ont fourni un énoncé conjoint des faits, que j’ai pris en considération au moment d’approuver la liste de témoins proposée par les parties. Lors de la conférence préparatoire à l’audience du 24 mai 2022, j’ai demandé des précisions sur les faits admis. Le représentant du membre visé a confirmé que le gendarme Deroche a admis, en ce qui concerne l’allégation 4, qu’il avait ordonné à T.B. de s’asseoir à la table avec lui et B.G. pour être témoin de leur conversation.

[13] Le gendarme Deroche n’a contesté aucune des déclarations des témoins dans le dossier, y compris celles de B.G. et de T.B. Par conséquent, en l’absence de la nécessité de contre-interroger T.B., et avec l’accord des deux avocats, j’ai refusé d’entendre la preuve orale de T.B., puisqu’elle est encore mineure.

[14] B.G. a indiqué qu’elle souhaitait fournir une preuve orale concernant les répercussions des actions du gendarme Deroche. Par conséquent, j’ai ordonné que la preuve de B.G. soit limitée aux répercussions que les incidents ont eues sur elle.

[15] Bien que le gendarme Deroche ne conteste pas la déclaration de B.G., le représentant du membre visé a indiqué que, dans son témoignage, le gendarme Deroche pourrait fournir un certain contexte quant à sa relation avec B.G. Par conséquent, j’ai ordonné que, si la preuve orale du gendarme Deroche soulevait un conflit entre des éléments de preuve, le représentant de l’autorité disciplinaire aurait la possibilité de rappeler B.G. En fin de compte, cela n’a pas été nécessaire.

[16] Pour en arriver à mes conclusions de fait, j’ai pris en considération l’énoncé conjoint des faits en même temps que la preuve orale reçue à l’audience. Dans la mesure où la preuve orale du gendarme Deroche portait sur le contexte de sa relation avec B.G., y compris la fréquence et la nature de leurs disputes, j’ai pris en considération les déclarations de B.G., de T.B., de C.O. et du gendarme Orton, ainsi que la preuve orale de B.G. et la déclaration écrite de la victime.

[17] À l’étape des mesures disciplinaires de l’audience, j’ai entendu M. James Bateman, que j’ai qualifié d’expert en psychologie du counseling. J’ai examiné sa preuve orale en même temps que sa lettre du 8 décembre 2021 et son rapport d’expert du 6 juin 2022.

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve

[18] Pour évaluer le témoignage de chaque témoin, je dois déterminer s’il est véridique et s’il est fiable (c.-à-d. si le témoin est en mesure de percevoir et de se rappeler avec exactitude ce qu’il a observé). Il est possible que je considère les éléments de preuve offerts par un témoin comme étant sincères, mais non fiables. Je peux aussi accepter une partie, la totalité ou aucun des éléments de preuve apportés par un témoin au sujet d’un fait particulier [1] .

[19] Pour évaluer la crédibilité, je ne dois pas examiner le témoignage d’un témoin de façon isolée, mais plutôt l’ensemble de la preuve. Je dois également tenir compte de l’incidence des incohérences dans cette preuve et déterminer si, prises globalement dans le contexte de l’ensemble de la preuve, elles ont une incidence sur la crédibilité du témoin [2] .

[20] Dans Faryna [3] , la Cour fait observer que le témoignage d’un témoin ne peut être évalué uniquement en fonction de son comportement, c’est-à-dire qu’il semble dire la vérité. Le juge des faits doit plutôt déterminer si le récit du témoin est conforme à l’interprétation la plus probable des circonstances.

[21] La question de savoir si le récit du témoin a une « apparence de vraisemblance » est subjective, mais pour y répondre, il faut prendre en considération l’ensemble de la preuve [4] .

[22] En examinant les témoignages d’experts, je suis conscient qu’un expert peut, en raison de ses connaissances ou de sa formation spéciales, m’aider à évaluer les éléments de preuve. Je dois cependant m’assurer que le fondement factuel de ses opinions est cohérent avec les preuves et évaluer le poids à accorder à ces opinions. Je ne peux simplement pas me contenter d’adopter ses conclusions comme étant les miennes.

Preuve de B.G.

[23] J’ai constaté que la preuve de B.G. était crédible et digne de foi. Je n’ai relevé aucune divergence importante entre sa déclaration et sa preuve orale. Dans sa déclaration, elle a volontairement donné de l’information qui ne la présenterait pas nécessairement sous un bon jour. Tant dans sa déclaration que dans sa preuve orale, elle a fait preuve d’empathie à l’égard du gendarme Deroche et n’a pas tenté de le présenter sous un jour négatif. Son récit des événements et de la nature de sa relation avec le gendarme Deroche concorde avec l’ensemble de la preuve. Dans son témoignage oral, elle a fourni un compte rendu équilibré de l’incidence des actions du gendarme Deroche sur elle et ses enfants.

Preuve du gendarme Deroche

[24] Dans l’ensemble, j’ai trouvé la preuve du gendarme Deroche crédible et fiable. À bien des égards, son témoignage était conforme à celui des autres témoins. Cependant, il y a des domaines où il était vague ou utilisait un langage générique. Je ne tire pas d’inférence négative quant à son intention. Cependant, son choix de la langue avait tendance à minimiser la gravité de ses actes. Par exemple, en décrivant le contexte de sa relation avec B.G., il a fait référence à des [TRADUCTION] « disputes » sans reconnaître leur intensité ou son comportement abusif au cours de ces disputes. Par conséquent, j’ai préféré les comptes rendus de B.G. et de T.B. de certains éléments de leurs interactions et de la dynamique globale de leur relation avec le gendarme Deroche.

Preuve de M. Bateman

[25] M. Bateman était qualifié comme expert en psychologie du counseling aux fins de la présente audience. Il a fourni une lettre à l’appui du gendarme Deroche, datée du 8 décembre 2021, et un rapport d’expert, daté du 6 juin 2022. Il a également témoigné à l’audience disciplinaire.

[26] Je n’avais aucune préoccupation quant à la crédibilité ou à la fiabilité de la preuve de M. Bateman. Le fondement factuel de ses opinions est, à l’exception d’un domaine, conforme à la preuve dont je dispose. J’aborderai la façon dont j’ai pris en compte sa preuve dans mon analyse des mesures disciplinaires.

Constatation des faits

[27] Mes constatations des faits reflètent l’énoncé conjoint des faits et comprennent des constatations supplémentaires concernant le contexte de la relation du gendarme Deroche avec B.G., y compris des aspects dont les enfants de cette dernière ont été témoins. Elles comprennent également les faits pertinents aux facteurs atténuants et aggravants qui ne sont pas abordés dans l’énoncé conjoint des faits.

[28] Le gendarme Deroche et B.G. se sont rencontrés à l’été ou à l’automne 2017 et ont commencé à se voir en janvier 2018. Ils se sont séparés en avril 2018, puis ont repris leur relation en juillet 2018.

[29] B.G. et le gendarme Deroche ont convenu que leur relation était tumultueuse depuis le début. Ils ont tous deux fait état de questions de confiance, plus précisément de la confiance de B.G. envers le gendarme Deroche. Ils se disputaient souvent, passant rarement plus de quelques jours sans se disputer.

[30] Malgré leurs disputes fréquentes, le gendarme Deroche signale que B.G. lui a apporté un énorme soutien après que le fils de son collègue, avec qui il avait un lien personnel, a été tué dans un accident en janvier 2019. Le gendarme Deroche a décrit en détail l’impact que cet événement a eu sur lui et sur sa santé mentale globale.

[31] Le gendarme Deroche a témoigné que lui et B.G. ont de nouveau mis fin à leur relation en mai 2019 et se sont réconciliés en juillet 2019.

[32] B.G. et ses enfants ont emménagé avec le gendarme Deroche en août 2019. Ils ont tous deux déclaré que, même s’ils se disputaient encore de temps à autre, les choses étaient assez stables pendant plusieurs mois par la suite. Le gendarme Deroche avait une relation positive avec les enfants de B.G., assumant essentiellement un rôle de coparent. Dans sa déclaration, T.B. a fait remarquer qu’elle avait établi une relation de confiance avec le gendarme Deroche.

[33] Le gendarme Deroche est devenu membre à temps plein de la Section des enquêtes générales en novembre 2019. En décembre 2019, une enquête sur un incendie criminel complexe a été lancée. Au cours des mois suivants, cette enquête, ainsi que d’autres dossiers, ont nécessité de longues heures de travail, souvent six jours par semaine. Le gendarme Deroche a témoigné qu’à la lumière de leurs horaires de travail conflictuels, lui et B.G. pouvaient passer quelques jours sans se voir. Cela a exacerbé les problèmes de confiance dans leur relation. Leurs disputes se sont intensifiées et leur fréquence a augmenté.

[34] En décembre 2019, B.G. a commencé à garder des notes sur leurs disputes. Bien que cela ne soit pas expressément mentionné dans l’énoncé conjoint des faits, je me fie à la preuve incontestée de B.G. dans sa déclaration et dans sa preuve orale, ainsi qu’aux déclarations de T.B. et de C.O., pour conclure que le gendarme Deroche a affiché un niveau de colère accru au cours des quelques mois suivants et qu’il a utilisé un langage abusif, y compris des insultes, comme le fait d’appeler B.G. une [TRADUCTION] « pute » dans le cadre de leurs disputes. [5] De plus, il y a des éléments de preuve non contestés que le gendarme Deroche a aussi appelé T.B., alors âgée de 12 ans, une [TRADUCTION] « salope » ou une [TRADUCTION] « stupide salope » à l’occasion [6] .

[35] Selon la preuve de B.G., le gendarme Deroche n’était pas lui-même et semblait, selon ses mots, avoir été déprimé à certains moments au cours de 2019 et 2020 [7] .

[36] En avril 2020, trois incidents ont eu lieu. Lors du premier incident, le gendarme Deroche et B.G. ont eu une discussion verbale animée au sujet des interactions du gendarme Deroche avec d’autres femmes. À l’époque, ils étaient dans leur chambre au sous-sol de la maison du gendarme Deroche.

[37] La preuve non contestée de B.G. est que le gendarme Deroche voulait voir son téléphone, pour valider l’information pertinente à leur dispute. Comme l’indique l’énoncé conjoint des faits, le gendarme Deroche tenait le téléphone de B.G. Il est devenu frustré et a jeté le téléphone au sol, causant des dommages visibles. Le gendarme Deroche a témoigné qu’ils ont essayé plus tard de faire réparer le téléphone, en vain. Il a exprimé des remords que B.G. ait perdu de nombreuses photos de ses enfants en conséquence.

[38] Lors du deuxième incident, le gendarme Deroche effaçait des données sur la montre Apple de B.G., qu’elle lui avait prêtée auparavant, puisqu’il devait être remis à la fille de B.G., T.B. Un argument s’est ensuivi, parce que B.G. estimait que le gendarme Deroche cachait des communications avec d’autres femmes. Au cours de cette dispute, il a jeté la montre Apple au sol, la brisant.

[39] Le gendarme Deroche a témoigné qu’il ne se souvient pas des détails de la façon dont la montre Apple a été cassée. Cependant, il a admis qu’il l’avait brisée, selon ses mots, par frustration. Il a exprimé des remords pour avoir agi de la sorte, particulièrement parce que cela a eu des répercussions sur T.B.

[40] Lors du troisième incident, B.G. et le gendarme Deroche se disputaient au rez-de-chaussée de la maison. Le gendarme Deroche a témoigné qu’il était fatigué, épuisé et qu’il voulait dormir. Il est descendu au sous-sol pour tenter de couper court à la dispute. Cependant, B.G. l’a suivi et la dispute s’est poursuivie. Le gendarme Deroche est devenu de plus en plus frustré et a fini par perdre le contrôle. Il a giflé B.G. au visage avec sa main droite ouverte, laissant une tuméfaction et une marque rouge sur le côté gauche de son visage. Il a jeté son café sur B.G. et lui a dit de le laisser tranquille. Le gendarme Deroche a ensuite pourchassé B.G. en haut des escaliers et l’a poussée, la faisant trébucher, ce qui a fait en sorte que sa tête et son épaule ont frappé le mur. Il convient de noter que B.G. est considérablement plus petite que le gendarme Deroche.

[41] Il y a une certaine divergence quant à l’heure à laquelle le troisième incident s’est produit. Le gendarme Deroche a témoigné que c’était dans la soirée, après que les enfants aient été au lit. Tant dans sa déclaration que dans sa preuve orale, B.G. a déclaré que c’était plus tôt dans la journée. En ce qui concerne la prépondérance de la preuve dont je suis saisi, y compris la déclaration incontestée de T.B. et la photographie datée du visage de B.G., je conclus qu’à tout le moins, T.B. et C.B. étaient éveillés à ce moment. T.B. a déclaré avoir entendu la dispute et le son de sa mère qui a trébuché dans les escaliers. C.B., ayant environ huit ans à l’époque, a demandé à B.G. si le gendarme Deroche l’avait frappée. B.G. a déclaré avoir menti à son enfant puisqu’elle ne voulait pas que C.B. sache ce qui est arrivé.

[42] Le gendarme Deroche a témoigné qu’après avoir giflé B.G., il se sentait terriblement mal et ne pouvait pas croire qu’il avait fait cela à quelqu’un qu’il aimait. Il ne se souvenait pas avoir poussé B.G., mais il n’a pas nié que cela s’était produit, ni remis en question son récit des événements.

[43] Le gendarme Deroche a exprimé des remords au sujet de ses actions lors de ces trois incidents et a reconnu qu’il avait eu tort d’avoir agi de cette façon.

[44] En mai ou juin 2020, le ministère des Services à l’enfance s’est intéressé aux enfants de B.G. à la suite d’un incident survenu chez son ex-mari. Le gendarme Deroche a témoigné que, au cours de cette enquête, les enfants de B.G. ont exprimé des préoccupations au sujet des disputes entre B.G. et lui. Toutes les figures parentales (B.G., son ex-mari et sa nouvelle partenaire, ainsi que le gendarme Deroche) étaient tenues de participer à des consultations. Le gendarme Deroche a commencé un programme de violence familiale. En raison de sa profession, il a obtenu la courtoisie d’effectuer les séances individuellement plutôt que dans le cadre de groupes traditionnels.

[45] Le gendarme Deroche a témoigné au sujet du matériel visé par ce cours. Il comprenait la nature et les types d’actes qui peuvent constituer de la violence familiale, la façon dont la violence s’intensifie, la façon de modifier les réactions aux conflits, l’impact négatif de la violence familiale sur les enfants et la façon de déterminer quand il serait préférable de mettre fin à une relation. Il a terminé le cours en novembre 2020.

[46] Le ou vers le 10 août 2020, le gendarme Deroche, B.G., et ses enfants étaient dans un véhicule. Le gendarme Deroche essayait d’enseigner à B.G. comment brancher une tente- remorque et conduire en la remorquant. Pendant qu’ils roulaient sur l’autoroute sur le chemin de la propriété d’un ami pour entreposer la tente-remorque, B.G. est devenue extrêmement accablée et a commencé à paniquer. La limite de vitesse à cet endroit était de 80 kilomètres à l’heure. Cependant, B.G. roulait à environ 30 kilomètres par heure. Le gendarme Deroche a dit à plusieurs reprises à B.G. de se ranger pour le laisser conduire, mais elle refusait de le faire. Pourtant, elle continuait d’être accablée et de conduire à une vitesse extrêmement basse.

[47] Le gendarme Deroche est devenu de plus en plus frustré. Lui et B.G. se sont lancés dans une dispute, qui a fini par culminer avec le gendarme Deroche menaçant de frapper B.G. au visage. Il lui a dit : [TRADUCTION] « tais-toi, veux-tu une claque au visage », ou des mots à cet effet.

[48] Ils ont conduit le reste du chemin en silence. Le gendarme Deroche a témoigné qu’il a fini par s’excuser.

[49] Le gendarme Deroche a également témoigné qu’avec le recul, il n’aurait pas dû essayer d’enseigner à B.G. quand il était fatigué et frustré. Les enfants n’auraient pas dû non plus être dans la voiture pendant qu’il le faisait.

[50] Au moment de l’incident de la tente-remorque, les enfants étaient en vacances d’été. Le gendarme Deroche était responsable de cuisiner les repas des enfants et de les superviser pendant que B.G. travaillait. Il ne percevait pas que les enfants avaient peur de lui. B.G. a témoigné qu’ils l’étaient. Je ne dispose pas de suffisamment d’éléments de preuve pour déterminer dans quelle mesure les enfants avaient peur du gendarme Deroche à ce moment. Cela dit, il n’est pas contesté que les enfants ont été témoin de leurs disputes en général, et de cet incident en particulier. Il n’est pas contesté non plus qu’ils aient été touchés négativement en conséquence.

[51] En août 2020, le gendarme Deroche et B.G. ont mis fin à leur relation et B.G. a quitté son domicile. Elle a déménagé chez une amie jusqu’à ce qu’elle trouve son propre domicile en septembre 2020.

[52] B.G. a témoigné que, bien qu’ils aient mis fin à leur relation, ils ont continué de se voir après son déménagement. Le gendarme Deroche a témoigné qu’il a communiqué avec B.G. uniquement dans le but de résoudre leurs différends afin qu’il puisse maintenir une relation avec les enfants de B.G. À de nombreux moments de son témoignage, il a fait remarquer que la fin de leur relation était la fin d’une vie familiale comme il l’avait appris à la connaître. Le gendarme Deroche a fait remarquer que même s’ils n’étaient pas ses enfants biologiques, il était venu à aimer les enfants de B.G. et voulait rester dans leur vie.

[53] Quels que soient les motifs de leurs interactions, il n’est pas contesté que les deux ont communiqué régulièrement après que B.G. a quitté le domicile.

[54] Dans la nuit du 12 septembre 2020, B.G. a appelé à plusieurs reprises le gendarme Deroche et lui a envoyé des messages. Dans ses messages, elle affirmait, entre autres, qu’elle n’était jamais assez bonne pour lui et qu’il ne l’avait jamais aimée. B.G. a témoigné qu’elle se sentait utilisée par le gendarme Deroche.

[55] La gendarme Deroche a d’abord ignoré ses appels et ses messages. Cependant, il finit par lui parler au téléphone. Au cours de leur conversation, les esprits se sont enflammés et ils se sont disputés.

[56] Le gendarme Deroche a témoigné qu’il était frustré de voir que les disputes se poursuivaient et que B.G. ne le laisserait pas seul. Le gendarme Deroche a admis avoir dit des mots à l’effet que [TRADUCTION] « la seule façon dont tu vas me laisser tranquille est si je vais chercher un fusil de chasse et que je te tue ou que je me tue ». Il a reconnu qu’il s’agissait d’une chose tout à fait inappropriée à dire. Il a également déclaré qu’il s’agissait d’une mauvaise réaction en raison de sa frustration.

[57] Le 13 septembre 2020, le gendarme Deroche et B.G. ont parlé au téléphone et la dispute a continué. Le gendarme Deroche a répété la même phrase qu’il a dite la nuit précédente, soit des mots à l’effet que [TRADUCTION] « la seule façon dont tu vas me laisser tranquille est si je vais chercher un fusil et que je te tue ou que je me tue ».

[58] Le 14 septembre 2020, le gendarme Deroche s’est présenté sans préavis à la résidence de B.G. Il a apporté un thé pour B.G. et une crème glacée pour T.B.

[59] À son arrivée à la maison, le gendarme Deroche a été invité à entrer. Il s’est assis à la table de cuisine avec B.G. Il a insisté pour que T.B. s’assoie aussi à la table pour assister à leur conversation. Les autres enfants de B.G. n’étaient pas à la maison.

[60] Le gendarme Deroche a témoigné que son intention était de résoudre leur conflit, de permettre à B.G. de tourner la page, afin qu’il puisse demeurer amical avec elle et maintenir une relation avec les enfants. Il semblait suggérer qu’il était venu de manière calme. Cependant, son intention déclarée ne correspond pas à la prépondérance de la preuve, à savoir le récit de B.G. et de T.B. sur la façon dont il a réellement abordé la conversation à son arrivée. Elles décrivent une approche plus agressive de l’interaction. Par exemple, B.G. a témoigné que, lorsqu’elle s’est opposée à la directive du gendarme Deroche selon laquelle T.B. serait témoin de leur conversation, il a proféré des mots à l’effet que [TRADUCTION] « je m’en fiche, on règle ça maintenant » [8] .

[61] Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il jugeait approprié d’exiger de T.B. qu’elle assiste à leur conversation, le gendarme Deroche a déclaré qu’il croyait que les choses resteraient calmes puisqu’il croyait que B.G. avait déjà partagé de nombreux détails de ses disputes avec T.B. Le gendarme Deroche a reconnu qu’il n’était pas approprié d’exiger que T.B. observe sa conversation et qu’il ne pouvait qu’imaginer le mal que cela lui a causé, surtout à la lumière des difficultés auxquelles elle faisait déjà face dans sa relation avec son père [9] . Dans sa déclaration, T.B. a parlé directement du tort qu’elle a subi. B.G. en a également parlé dans sa déclaration et dans sa preuve orale. J’aborderai cette question plus en détail dans mon analyse des mesures disciplinaires.

[62] Les gendarmes Deroche et B.G. ont fait valoir les mêmes questions qu’auparavant. Le gendarme Deroche a témoigné qu’il en était de plus en plus frustré.

[63] À un moment de la dispute, le gendarme Deroche a dit à B.G. [TRADUCTION] « la seule façon dont tu vas me laisser tranquille est si je prends un pistolet et que je me tire une balle dans tête ou si je te tue », ou des mots à cet effet. Il a ensuite frappé sa tasse de café en papier sur la table, a frappé du pied la chaise de B.G. pour la pousser loin de lui, et s’est levé pour partir. La preuve n’appuie pas le fait que le gendarme Deroche a établi un contact direct avec B.G. ou lui a causé une blessure.

[64] B.G. l’a suivi. Elle a témoigné qu’elle l’avait fait parce qu’elle ne savait pas ce qu’il allait faire et, en particulier, s’il allait chercher une arme à feu. Elle craignait qu’il ne lui fasse du mal ou se blesse lui-même. Elle se tenait dans la porte, refusant de le laisser partir.

[65] Le gendarme Deroche a crié à B.G. de le laisser tranquille, a placé sa main sur son épaule pour la déplacer hors du chemin et est sorti. Lui et B.G. ont tous deux noté qu’il hyperventilait à ce stade. Il est ensuite monté dans son camion et a quitté les lieux.

[66] B.G. a communiqué avec le gendarme Orton, puisqu’elle craignait pour sa propre sécurité et pour celle du gendarme Deroche.

[67] À la suite de cet incident, le gendarme Deroche a bloqué B.G. de toutes les formes de communication.

[68] Dans les jours qui ont suivi, le gendarme Deroche a reçu l’ordre de se présenter aux Services de santé, où il a rencontré un psychologue de la Gendarmerie et un agent des Services de santé. On lui a fourni une liste de psychologues et il a commencé un traitement avec M. Bateman peu après.

[69] Le 18 septembre 2020, le gendarme Deroche a été accusé de voies de fait, de méfait et de deux chefs d’accusation d’avoir proféré une menace. Il a communiqué avec la Couronne de sa propre initiative et a conclu un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Ce faisant, il a admis que B.G. avait des raisons de craindre pour sa sécurité de sa part. Il a terminé les conditions de sa probation le 16 mai 2022. Je reconnais qu’il a été identifié comme étant à faible risque aux fins de la surveillance pendant sa période de probation.

[70] Le gendarme Deroche a témoigné qu’il ne possède aucune arme à feu personnelle. Dans le contexte des menaces proférées, il faisait référence à des armes à feu qui lui étaient accessibles en tant qu’agent de police.

CONSTATATION SUR LES ALLÉGATIONS

[71] L’article 7.1 du Code de déontologie est ainsi libellé : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ».

[72] Le critère d’une conduite déshonorante selon le paragraphe 7.1 du Code de déontologie est que l’autorité disciplinaire arrive à établir les quatre éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre qui aurait commis ces actes;
  3. que le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;
  4. que le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[73] En raison des aveux du gendarme Deroche et de mes conclusions de fait, je conclus que les deux premiers éléments du critère sont remplis. Je me pencherai donc sur la question de savoir si les troisième et quatrième éléments du critère sont établis.

[74] En ce qui concerne l’allégation 1, le gendarme Deroche a lancé et cassé le téléphone et la montre Apple de B.G. au cours de leurs altercations. Il a agressé physiquement B.G. en la frappant au visage, en la poussant dans les escaliers, en la faisant trébucher de manière à ce que sa tête et son épaule frappent le mur. La gifle a causé une blessure mineure à B.G., à savoir une tuméfaction et une marque rouge sur son visage.

[75] En ce qui concerne l’allégation 2, le gendarme Deroche a menacé de frapper B.G. au visage, devant ses trois jeunes enfants.

[76] En ce qui concerne les allégations 3 et 4, le gendarme Deroche a menacé de tirer sur B.G. et/ou lui-même à trois reprises, pendant trois jours consécutifs. Il a fait part de la menace finale devant la fille de B.G., alors âgée de 12 ans, à qui il avait ordonné de s’asseoir avec eux à la table afin d’être témoin de leur échange.

[77] Les actes du gendarme Deroche ont donné lieu à des accusations criminelles, qui ont été résolues lorsqu’il a conclu un engagement de ne pas troubler l’ordre public. Un élément nécessaire d’un engagement de ne pas troubler l’ordre public est que la victime a une crainte raisonnable de violence. De plus, le gendarme Deroche a reconnu que B.G. avait des raisons de craindre pour sa sécurité.

[78] Il est bien établi que les membres doivent respecter le Code de déontologie lorsqu’ils sont en service et hors service. En tant que membre, le gendarme Deroche est appelé à faire respecter la loi ainsi qu’à répondre aux appels et à mener des enquêtes en réponse à des allégations de violence familiale, y compris de violence entre partenaires intimes.

[79] Pour chacune des quatre allégations, le gendarme Deroche admet, et je conclus qu’une personne raisonnable, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités de la police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que ses actes sont susceptibles de discréditer la Gendarmerie.

[80] Le gendarme Deroche s’est livré à des actes de violence entre partenaires intimes dont la gravité a augmenté au fil du temps. Je conclus que ses actes, tels qu’ils sont énoncés pour chacune des quatre allégations, peuvent nuire à sa capacité ou à la confiance du public dans sa capacité, d’exercer de façon impartiale les fonctions d’un membre de la GRC. Le public perdrait sans aucun doute confiance dans la capacité d’un membre d’appliquer des lois qu’il ne respecte pas lui-même. En outre, je conclus que les menaces proférées par le gendarme Deroche impliquaient l’utilisation d’armes à sa disposition en vertu de ses fonctions. Par conséquent, j’estime que ses agissements sont suffisamment liés à ses devoirs et à ses fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner. Par conséquent, je conclus que les quatre allégations sont fondées.

MESURES DISCIPLINAIRES

[81] Ayant jugé que les allégations 1, 2, 3 et 4 sont fondées, j’ai l’obligation, au titre du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et au titre du Guide des mesures disciplinaires de la GRC, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes ».

[82] La détermination d’une sanction appropriée suppose, en son cœur, un équilibre entre des intérêts : celui du public, de la GRC en tant qu’employeur, du membre à traiter équitablement et de ceux qui sont touchés par l’inconduite en cause. L’équité envers le membre exige, en partie, que les mesures disciplinaires imposées soient proportionnées.

[83] Comme l’a souligné l’avocat, l’article 36.2 de la Loi sur la GRC, et en particulier les alinéas b), c) et e), est instructif. Il fournit les principes directeurs suivants :

  • Le système de conduite fait partie intégrante du maintien de la confiance du public dans l’administration de la GRC.
  • Les membres ont le devoir et la responsabilité d’afficher une bonne conduite et d’encourager le maintien de celle-ci dans les rangs de la Gendarmerie.
  • Les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances de la contravention et, si la situation s’y prête, avoir un caractère éducatif ou correctif plutôt que punitif.

[84] Il y a aussi le principe de parité. Le Guide des mesures disciplinaires, bien qu’il ne soit pas normatif, vise à promouvoir la parité des sanctions. Il a ses limites, comme nous l’examinons ci-dessous. Ce qui est clair, c’est que le Guide des mesures disciplinaires doit être lu dans le contexte des normes sociétales changeantes, telles qu’établies par la jurisprudence ou les politiques et la législation applicables.

[85] De même, même si je ne suis pas liée par des décisions disciplinaires antérieures, elles peuvent fournir une orientation en ce qui concerne les sanctions appropriées pour une catégorie particulière de comportement.

[86] Pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées, je dois commencer par déterminer la gamme de mesures appropriée. Je dois ensuite cerner les facteurs aggravants et atténuants. Enfin, je dois soupeser ces facteurs ainsi qu’équilibrer les intérêts du public, de la GRC, du membre visé et des parties concernées pour arriver à ma décision.

[87] Avant de commencer cette analyse, deux questions doivent être abordées en ce qui concerne l’interprétation du Guide des mesures disciplinaires et l’examen des décisions antérieures relatives à la conduite :

  1. l’interprétation du Guide des mesures disciplinaires lorsque la conduite déshonorante comprend des actes de violence familiale;
  2. l’examen des décisions antérieures du Comité de déontologie résolues par des propositions conjointes sur les mesures disciplinaires.

Interprétation du Guide des mesures disciplinaires lorsque la conduite déshonorante comprend des actes de violence familiale

[88] Le Guide des mesures disciplinaires est une référence utile pour déterminer les mesures disciplinaires appropriées. Cependant, il est important de souligner que le Guide des mesures disciplinaires n’est rien de plus qu’un guide. Les lignes directrices qu’il énonce ne sont pas prescriptives.

[89] La conduite déshonorante, telle qu’elle est définie à l’article 7.1 du Code de déontologie comprend un large éventail de comportements. Bien qu’il ne soit pas exhaustif, le Guide des mesures disciplinaires vise à fournir des directives sur l’évaluation des mesures disciplinaires appropriées pour plusieurs types de conduite déshonorante, y compris l’article 7.21 « Voies de fait/violence familiale » et l’article 7.22 « Proférer des menaces ».

[90] Bien que le Guide des mesures disciplinaires constitue un point de départ pour l’analyse des mesures disciplinaires appropriées, il est quelque peu désuet. En soi, le terme « violence familiale » ne reflète pas la vaste compréhension de l’ampleur des comportements abusifs qui peuvent survenir dans les relations familiales ou les relations entre partenaires intimes. Ces dernières années, les tribunaux ont expressément reconnu l’ampleur des comportements abusifs et leur impact sur les victimes ainsi que sur les autres membres de la famille, et en particulier sur les enfants. Étant donné que je dois interpréter le Guide des mesures disciplinaires d’une manière qui est conforme à l’état actuel de la loi, j’ai demandé des observations aux avocats sur ce point.

[91] En particulier, j’ai attiré leur attention sur le Manuel des opérations de la Division K», que le représentant de l’autorité disciplinaire avait présenté à titre d’autorité au cours de la phase des allégations de l’audience. Le Manuel des opérations de la Division K, à la partie 2, chapitre 2.4, « Violence relationnelle », renvoie à son tour au Manuel des opérations, chapitre 2.4, « Violence et abus dans les relations ». Selon le Manuel des opérations, chapitre 2.4.1.1, la violence dans les relations est définie en ces termes :

On entend par « violence dans les relations » l’utilisation d’un comportement violent par une personne dans le cadre d’une relation pour contrôler et/ou blesser l’autre personne dans cette relation, notamment diverses formes de négligence physique et/ou de violence émotive. Le site web du ministère de la Justice traite d’autres formes et d’autres types de violence.

[92] La section comprend un hyperlien intégré à la définition de « violence familiale » sur le site Web du ministère de la Justice, qui indique [10] :

[…]

La violence familiale se définit comme un comportement abusif dans le but de contrôler ou de faire du tort à un membre de sa famille ou à une personne qu’il ou elle fréquente.

La violence familiale peut prendre différentes formes de maltraitance physique et psychologique, ainsi que de la négligence commise par des membres de la famille ou un partenaire intime. Il peut s’agir d’un geste isolé de violence ou d’un certain nombre de gestes qui s’inscrivent dans un cycle de maltraitance. La violence familiale peut avoir des conséquences graves – et peut même parfois être fatale – pour les victimes et ceux et celles qui en sont témoins.

[…]

La violence familiale ne se limite pas à la violence physique. Une personne peut être victime de plus d’une forme de violence ou de maltraitance, notamment :

Maltraitance physique

Maltraitance sexuelle

Maltraitance psychologique

Exploitation financière

Négligence

[…]

La maltraitance ou la violence psychologique consiste à utiliser des mots ou à agir de façon à contrôler quelqu’un, à lui faire peur, à l’isoler ou à lui ôter sa dignité. […]

La violence à l’égard d’un partenaire intime est un type de violence ou de maltraitance qui peut se produire :

dans un mariage, une union de fait ou des fréquentations;

dans des relations avec un partenaire de sexe opposé ou de même sexe;

en tout temps durant la relation, y compris au moment de la rupture ou une fois que la relation est terminée.

Tous les cas de violence à l’égard d’un partenaire intime ne sont pas identiques. Dans certains cas, une personne veut le pouvoir et le contrôle et utilisera différents moyens (y compris la violence physique) pour les obtenir.

[…]

Ce type de violence s’aggrave presque toujours au fil du temps. Il mène souvent à de la violence physique grave qui peut causer des problèmes de santé permanents, y compris le trouble de stress post-traumatique (TSPT).

[…]

Les enfants qui sont témoins de violence familiale sont en danger de subir des préjudices à court et à long terme. Même s’ils ne sont pas témoins de la violence, les conséquences de celles-ci peuvent les affecter. Ils peuvent présenter des troubles psychologiques, comportementaux et développementaux. Ils sont également à risque de développer des troubles de stress post-traumatique (TSPT).

[…]

[Non souligné dans l’original.]

[93] Compte tenu de cette compréhension plus large de ce qui constitue la violence familiale, y compris la violence conjugale, j’ai demandé aux avocats de formuler des observations sur l’incidence, le cas échéant, que cette compréhension plus large a sur l’interprétation que je devrais donner au Guide des mesures disciplinaires, et en particulier aux articles 7.21 et 7.22, dans lesquels la « violence familiale » semble seulement envisager une « agression physique ».

[94] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que, comme l’a reconnu Whalen [11] , la « violence familiale » ne se limite pas aux actes de violence physique. Il a souligné que la définition de la violence familiale par le ministère de la Justice avait été reconnue dans Whalen et qu’il était approprié de refléter la reconnaissance plus récente de ce qu’implique la violence familiale. Par conséquent, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir qu’il serait approprié d’examiner toute la gamme des comportements qui peuvent constituer de la violence familiale.

[95] Le représentant de l’autorité disciplinaire a ajouté qu’il est déconcertant que le Guide des mesures disciplinaires, qui a été approuvé en 2014, ne traite pas des répercussions de la « violence familiale » sur les victimes. Il a ajouté que cet effet a été reconnu dès 2001 par la Cour fédérale dans Rendell [12] . Le représentant de l’autorité disciplinaire a attiré une attention particulière sur les pages 23 et 24 de la décision du commissaire, qui a été confirmée par la Cour fédérale, dans laquelle le commissaire note que, même si l’état mental du membre doit être pris en considération, un décideur doit également tenir compte des effets des actes du membre sur la victime, sur l’intégrité de l’organisation et sur les attentes sociétales liées à la violence familiale. Par conséquent, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que je dois accorder beaucoup de poids aux effets des actes du gendarme Deroche sur ses victimes, à savoir B.G. et ses enfants.

[96] Enfin, le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu que la référence, à la section 7.21 du Guide des mesures disciplinaires, à une [TRADUCTION] « tendance prolongée de violence conjugale » devrait être comprise comme englobant toute la gamme des comportements qui peuvent constituer de la violence familiale. Il a ajouté que le gendarme Deroche a perpétré des actes de violence entre partenaires intimes sur une période de cinq à six mois, et que cela constituerait une tendance d’abus « prolongé ».

[97] Le représentant du membre visé a accepté la plupart des observations du représentant de l’autorité disciplinaire à ce sujet. Il fait remarquer que même si le Guide des mesures disciplinaires est simplement un guide, son libellé est souvent imprécis. Le représentant du membre visé a convenu que la définition de la violence familiale du ministère de la Justice, telle qu’elle est incorporée dans le Manuel des opérations, s’applique. Il a soutenu que la GRC a reconnu, dans Whalen, que l’abus émotionnel est visé par cette définition. Par conséquent, bien que le libellé puisse être imprécis, le représentant du sujet visé a soutenu que l’intention est claire que la violence familiale sous quelque forme que ce soit est très grave.

[98] J’estime que la GRC a clairement reconnu, en intégrant la définition de la violence familiale du ministère de la Justice dans son Manuel des opérations, que ses membres doivent tenir compte de l’ensemble des comportements qui peuvent constituer de la violence familiale dans l’application de la loi. Le fait que le Manuel des opérations fournit un hyperlien vers cette définition démontre une reconnaissance que cette définition peut évoluer et que les activités d’application de la loi de la GRC doivent s’harmoniser avec la compréhension la plus récente de ce sujet complexe. Il serait illogique que la GRC applique une norme différente pour sanctionner ses propres membres pour le même comportement.

[99] Je conclus en outre que les articles 7.21 et 7.22 du Guide des mesures disciplinaires, dans la mesure où ils suggèrent une définition étroite de la « violence familiale » comme décrivant les actes de violence physique et qu’ils ne reconnaissent pas l’incidence de cette violence sur les victimes, sont incompatibles avec la loi et les normes sociales actuelles. J’ai donc appliqué la définition de la violence familiale du ministère de la Justice, y compris sa description de l’incidence sur les victimes, dans mon interprétation et mon application de ces dispositions.

Examen des décisions antérieures du Comité de déontologie résolues par des propositions conjointes sur les mesures disciplinaires

[100] La question en litige dans le cadre de la présente audience était de savoir dans quelle mesure les décisions antérieures du Comité de déontologie sont instructives pour évaluer la parité des sanctions. La plupart des décisions antérieures du Comité de déontologie citées par les parties comportaient des propositions conjointes sur des mesures disciplinaires. Les parties n’étaient pas d’accord sur le poids que je devrais attribuer à ces décisions.

[101] Un défi particulier dans le processus disciplinaire de la GRC est le nombre de cas qui sont résolus par des propositions conjointes sur des mesures disciplinaires. J’ai entendu des observations concernant la gravité relative des cas de violence familiale dans ces décisions où des mesures disciplinaires inférieures au congédiement ont été imposées en vertu de propositions conjointes aux comités disciplinaires. Le représentant du membre visé a attiré mon attention sur ces décisions de comités disciplinaires [13] . En outre, il a fait valoir que ces affaires mettaient en cause des actes de violence familiale plus flagrants sans entraîner de licenciement. Il a indiqué :

[TRADUCTION]

[...] la loi indique assez clairement qu’une recommandation conjointe doit normalement être acceptée, à moins qu’elle ne soit contraire à l’intérêt public.

Mais à mon avis, cela va dans les deux sens, c’est que, de toute évidence, dans chaque cas, le Comité disciplinaire a examiné les faits et a conclu, en tenant compte des circonstances aggravantes et atténuantes, que l’intérêt public était servi par cette sanction.

Donc, à mon avis, [une proposition conjointe] a un certain poids. Et étant donné le principe de la parité des peines, ces décisions doivent être prises en considération [14] . […]

[Non souligné dans l’original.]

[102] Les raisons et les facteurs qui incitent les commandants divisionnaires [15] et les membres visés à accepter une proposition conjointe particulière sur les mesures disciplinaires sont multiples et variés. Il y a très peu de circonstances où un comité disciplinaire peut refuser d’accepter une proposition conjointe. De plus, les mesures proposées ne sont souvent pas ce qu’un comité disciplinaire aurait imposé. Cependant, ce n’est pas le critère applicable. Le critère énoncé par la Cour suprême du Canada dans Anthony-Cook [16] est de savoir si les mesures proposées sont contraires à l’intérêt public. Il s’agit d’un critère très élevé qui exige que les mesures proposées soient :

[TRADUCTION]

[…] à ce point dissociées des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que [en l’espèce, le processus disciplinaire] avait cessé de bien fonctionner. […]

[103] L’acceptation d’une proposition conjointe par un comité disciplinaire ne peut être considérée comme son approbation des mesures proposées comme étant celles qui servent le mieux les intérêts du public. Elle reflète plutôt un compromis qui ne porte pas atteinte à l’intérêt public. Par conséquent, même si les décisions antérieures du comité disciplinaire peuvent donner une indication d’une gamme acceptable de mesures disciplinaires pour une catégorie d’inconduite, elles m’aident peu dans mon analyse de la façon dont les facteurs aggravants et atténuants dans cette affaire doivent être pondérés.

Gamme des mesures disciplinaires

[104] Le représentant du membre visé a fait valoir qu’une sanction globale est appropriée en l’espèce, puisque les allégations devraient être considérées comme une [TRADUCTION] « circonstance unique » [17] . En l’espèce, chaque incident a été présenté comme une allégation distincte. Cependant, il a soutenu que dans d’autres cas, par exemple dans Whalen, plusieurs incidents de violence sont inclus dans une seule allégation de conduite déshonorante.

[105] Bien que le représentant du membre visé n’ait pas reconnu que le comportement du gendarme Deroche a démontré une tendance d’abus, il a reconnu que, dans l’ensemble des circonstances, le comportement du gendarme Deroche se situe dans la fourchette des cas graves. Toutefois, il a soutenu que les facteurs atténuants l’emportent sur les facteurs aggravants importants dans cette affaire et justifient une sanction inférieure au congédiement.

[106] Le représentant de l’autorité disciplinaire n’a pas présenté d’observations sur la pertinence d’une sanction globale. Toutefois, en ayant demandé la nomination d’un comité de déontologie, l’autorité responsable de la conduite a indiqué son intention de demander le congédiement du gendarme Deroche, ce qui est en fait une sanction globale. Le représentant de l’autorité disciplinaire a précisé que l’autorité disciplinaire demande l’imposition d’une directive de démission dans les 14 jours et non d’un congédiement direct.

[107] Bien que je ne sois pas d’accord avec la justification du représentant du membre visé, je reconnais qu’il y a une certaine incohérence dans la façon dont les allégations de violence familiale sont formulées, comme en témoignent les décisions du Comité de déontologie citées par les parties. Je reconnais en outre que je dois tenir compte du principe de parité, à savoir l’effet différentiel potentiel de l’imposition de mesures disciplinaires pour chaque allégation. Bien que je ne trouve pas qu’on m’empêche de le faire sur cette base, je conclus que, sur la base des faits de la présente affaire, l’imposition de mesures disciplinaires globales est appropriée. En particulier, les allégations se sont déroulées sur une période de cinq mois et comprennent une tendance d’escalade des incidents de violence familiale.

[108] Les actes du gendarme Deroche, tels qu’ils sont énoncés dans les allégations 1, 2, 3 et 4, se situent dans la fourchette supérieure des cas graves justifiant la période de 15 jours avant le congédiement, conformément aux articles 7.21 et 7.22 du Guide des mesures disciplinaires. Il a perpétré de multiples incidents de violence physique et émotionnelle, y compris des menaces contre la vie de B.G. sur une période de cinq mois. Lorsque la totalité de la preuve est prise en considération, ces faits établissent un modèle prolongé de violence entre partenaires intimes qui s’est intensifiée au fil du temps. À une occasion, B.G. a subi une blessure à la suite directe des actions du gendarme Deroche. Les menaces du gendarme Deroche, telles qu’elles sont exposées dans les allégations 3 et 4, impliquaient l’utilisation d’armes et se sont manifestées dans le contexte de violence entre partenaires intimes. Ses actes tombent incontestablement au sommet de la fourchette des cas graves.

[109] Le gendarme Deroche a commis une faute très grave. Par conséquent, je conclus que l’éventail des mesures disciplinaires possibles en l’espèce consisterait à lui imposer une punition allant d’une très lourde sanction pécuniaire qui ne serait pas inférieure à 30 jours de solde, seule ou combinée à d’autres mesures, au congédiement. Je fais remarquer qu’une sanction pécuniaire, seule ou combinée à d’autres mesures, ne serait appropriée qu’en présence de facteurs hautement atténuants.

Facteurs aggravants

[110] Des circonstances aggravantes présentées par les parties, j’ai retenu ce qui suit.

Gravité de l’inconduite

[111] Le premier facteur aggravant est la gravité de l’inconduite, à savoir la violence familiale, et en particulier la violence entre partenaires intimes, qui comprend les abus émotionnels et physiques. Le Guide des mesures disciplinaires reconnaît qu’il s’agit d’une inconduite intrinsèquement plus grave, ce qui est conforme aux principes de détermination de la peine pour les actes de violence familiale, tels qu’ils sont résumés dans Dunlop [18] . Ces principes reconnaissent explicitement la gravité et l’intérêt public dans la dénonciation des actes de violence familiale.

[112] Les circonstances entourant les actes du gendarme Deroche comportent plusieurs aspects qui augmentent encore la gravité de l’inconduite en soi. C’est sans aucun doute le facteur le plus aggravant dans cette affaire.

Escalade de la violence

[113] J’ai constaté que B.G. avait subi une blessure mineure à la suite de la gifle du gendarme Deroche à son visage. J’ai également constaté que les allégations font état d’une escalade de cette violence, qui a fini par aboutir à trois menaces de tuer B.G. et/ou lui-même sur une période de trois jours. Le fait que ces menaces concernaient l’utilisation d’armes à feu est encore plus grave.

Abus de confiance

[114] Comme l’ont fait remarquer les deux parties, et comme l’a reconnu Dunlop [19] , la violence familiale implique intrinsèquement un abus de confiance et la vulnérabilité des partenaires intimes et des enfants. En l’espèce, il est clair que le gendarme Deroche était dans une relation entre partenaires intimes avec B.G. et dans un rôle de parent avec ses enfants. De plus, la déclaration de T.B. fait référence à son lien avec le gendarme Deroche et au fait qu’elle l’avait considéré comme un père.

[115] La gravité de l’inconduite est encore aggravée par le fait que les enfants ont été témoins de la violence, à savoir :

  1. T.B. et C.B. ont entendu la dispute dans le cadre de laquelle le gendarme Deroche a giflée B.G. au visage et l’a poussée dans les escaliers.
  2. T.B. et C.B. ont observé la marque rouge et la tuméfaction sur son visage.
  3. Les trois enfants étaient dans la voiture quand le gendarme Deroche a menacé de frapper B.G. au visage.

[116] Le plus troublant est la directive donnée par le gendarme Deroche à T.B., qui n’avait alors que 12 ans, de s’asseoir à la table et d’être témoin de la dispute qui a finalement abouti à sa menace d’utiliser un pistolet pour se suicider et/ou tuer sa mère. Dans sa déclaration, T.B. a parlé directement de la peur qu’elle a ressentie par la suite dans sa propre maison, un endroit où elle devrait se sentir en sécurité [20] .

Tentative de contrôle

[117] Le gendarme Deroche a témoigné que son intention, le 14 septembre 2020, était de mettre les choses au clair et de chercher à maintenir une certaine relation avec les enfants. Compte tenu de la relation que le gendarme Deroche entretenait avec les enfants et de la preuve de B.G. selon laquelle le gendarme Deroche l’avait appelée plus tôt ce jour-là pour organiser un voyage pour T.B. [21] , je ne suis pas d’accord avec le représentant de l’autorité disciplinaire pour dire que cette justification n’a pas d’apparence de vraisemblance. Cela dit, j’ai constaté que les actes du gendarme Deroche, à son arrivée au domicile de B.G., étaient incompatibles avec cette intention déclarée.

[118] Je ne suis pas d’accord avec l’affirmation du représentant du membre visé selon laquelle les actes du gendarme Deroche ont été des explosions purement émotionnelles et n’ont pas été motivées par une intention d’intimider ou de contrôler. Le gendarme Deroche a témoigné qu’il voulait que quelqu’un témoigne de sa conversation avec B.G. Il a expliqué qu’il ne pensait pas qu’il était problématique que T.B. le fasse parce que B.G. avait déjà beaucoup parlé de leur conflit avec elle. Il a également témoigné qu’il croyait que le fait d’avoir T.B. présent l’aiderait à faire preuve de retenue et à garder lui-même et T.B. calmes. Cela démontre un manque flagrant de jugement et une décision qui, en fin de compte, comme l’a fait valoir le représentant de l’autorité disciplinaire, a été prise dans le but de contrôler la situation. Dans chacun des cas décrits dans les allégations 3 et 4, le gendarme Deroche a cherché à mettre fin aux arguments qu’il ne voulait pas continuer en menaçant de tuer B.G. et/ou lui-même.

[119] De même, les actes antérieurs du gendarme Deroche démontrent une tentative de contrôle. Le téléphone et la montre ont été détruits en avril 2020 alors qu’il exigeait des informations ou refusait de les fournir. Quand elle a persisté dans leur dispute, il a giflé B.G. au visage, l’a poussée dans les escaliers, la faisant trébucher, ce qui a causé qu’elle s’est frappée la tête et l’épaule contre le mur. Lors de l’incident d’août 2020 dans la voiture, le gendarme Deroche a menacé de frapper B.G. au visage, devant ses enfants, lorsqu’elle n’a pas suivi ses instructions. Par conséquent, je considère que ses actes constituent une tentative manifeste de contrôler, de brutaliser ou d’intimider.

Répercussions de la violence sur B.G. et ses enfants

[120] La gravité de l’inconduite est encore aggravée par les répercussions de la violence sur B.G. et ses enfants, en particulier sur T.B. Comme indiqué dans Rendell et Dunlop, les répercussions de la violence familiale sur la victime et les enfants qui en sont témoins sont bien établies. Je conviens avec le représentant de l’autorité disciplinaire qu’il s’agit d’un facteur aggravant important.

[121] B.G. a parlé des répercussions durables que cette expérience a eues sur elle à la fois dans sa preuve orale et dans sa déclaration écrite de la victime. Elle a fait référence à l’examen public qui se poursuit encore aujourd’hui, ce qui l’a amenée à prendre un congé de son travail et, en fin de compte, à s’éloigner de la ville où elle vivait depuis 18 ans. Elle a parlé des répercussions négatives importantes sur sa santé mentale, qui continuent à ce jour, et pour laquelle elle a cherché à recevoir un traitement. Enfin, elle décrit comment les répercussions sur sa santé mentale ont des effets négatifs sur ses enfants, qui ont été témoins de sa détresse.

[122] T.B. a parlé directement de l’effet d’être témoin des disputes entre B.G. et le gendarme Deroche dans sa déclaration :

[TRADUCTION]

[…]

T.B. : Je ne sais pas, il est juste devenu vraiment très physique vraiment très rapidement. Ça lui prend juste la moindre petite explosion et vous savez, il casse quelque chose comme... et c’est ma montre Apple, il l’a cassée. Il a cassé le téléphone de ma mère. Il a lancé ses chaussures dehors, et il l’a empoignée. Il lui a fait beaucoup de choses qui m’ont fait très peur et vous savez, j’ai peur pour ma sécurité, je suis inquiète, à quel point je suis bien protégée de lui. Et j’ai peur qu’il me fasse du mal [...] ou à mon frère, ou à ma sœur, ou ma mère.

[Enquêteur] : D’accord.

T.B. : Ou mon frère, ou ma sœur, ou ma mère.

[Enquêteur] : D’accord.

B.G. : Peux-tu penser à quoi que ce soit d’autre qui se soit produit?

T.B. : Euh. Je sais que vous avez vécu beaucoup... comme beaucoup de relations, comme, à travers, comme, ensemble, et séparés, ensemble et séparés, ensemble et séparés, et il est devenu comme vraiment très très fâché, et, vous savez, ça commence... et puis ensuite, c’est comme, il parlait plus fort, il était plus effrayant, et ça continuait juste de s’empirer, au point où il a fait certaines choses, comme, disons, il veut emmener son fusil, il veut lui faire du mal et se faire du mal. Et il l’a fait souvent, et c’est au point que... c’est seulement jusqu’au point que la plus petite chose peut lui faire perdre les pédales.

[Enquêteur] : Mmm-hmm. (affirmatif)

T.B. : Que ma mère puisse lui dire en personne et qu’il pouvait perdre son sang-froid et juste parler de se suicider et de la tuer et de faire quelque chose comme ça. Euh, je ne pense pas nécessairement à autre chose. Je ne sais pas, il y a eu beaucoup de choses qui se sont passées entre eux deux, et j’en ai entendu beaucoup, alors c’est difficile de penser à beaucoup de ce qui s’est passé [22] .

[…] [traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[123] Ensuite :

[…]

T.B. : J’ai peur. J’ai peur qu’il puisse me faire du mal.

[Enquêteur] : D’accord.

T.B. : J’ai peur des choses qu’il a dites. Je crains que ce soit possible qu’à n’importe quel moment, il puisse juste venir nous blesser. Je suis inquiète, j’ai peur, je suis traumatisée, vous savez, la vie était assez dure, comme, je me suis fracturée le genou et j’étais sur des béquilles et c’était comme, j’ai eu une dépression avec ça, parce que, honnêtement, je ne pouvais rien faire et ça m’a juste fait descendre et puis vous savez que moi et mon père, nous avons... il y a, euh, ça ne va pas pour le mieux avec lui.

[Enquêteur] : Mmm-hmm. (affirmatif)

T.B. : Et en plus de vous, vous savez [le gendarme Deroche] qui fait tout ça, ça ajoute à toute cette anxiété et ça devient de pire en pire et de pire en pire et c’est juste... c’est tout, ça me fait peur. Ça me fait peur, je suis tellement stressée et tellement anxieuse, et tant de choses de tout ça et honnêtement je ne devrais pas avoir à prendre ça à mon âge étant une enfant [...] [23]

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[124] La déclaration de T.B. démontre clairement qu’elle craignait le gendarme Deroche après l’incident du 14 septembre 2020 et qu’en plus des incidents antérieurs, elle était stressée et anxieuse. B.G. a témoigné des répercussions que cette expérience continue d’avoir sur ses enfants, et en particulier sur T.B., notamment en ce qui concerne son anxiété et le besoin de savoir où B.G. se trouve en tout temps.

Menace d’utilisation d’armes

[125] Le deuxième facteur aggravant est que les menaces faisaient référence à l’utilisation d’armes à feu. De plus, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir, en partie, que le fait que les menaces du gendarme Deroche impliquaient une menace d’utilisation d’armes, auxquelles il avait accès en tant que membre de la GRC, renforce l’intérêt public dans cette affaire.

[126] Je reconnais le point de vue du représentant du membre visé selon lequel le gendarme Deroche n’a pas pris de mesures pour accéder à ces armes. Cependant, je ne suis pas d’accord pour dire que cet acte positif est nécessaire pour qu’il s’agisse d’un facteur aggravant. La menace d’emploi d’armes est en soi un facteur aggravant. Le gendarme Deroche a fait référence à ces armes dans le contexte de menaces de tuer B.G. Le fait qu’il ait eu accès à ces armes a en fin de compte rendu les menaces plus crédibles pour B.G. et T.B., ce qui a aggravé leurs répercussions néfastes. Je remarque que la preuve non contestée de B.G. est qu’elle a tenté d’empêcher le gendarme Deroche de quitter sa maison le 14 septembre 2020, en partie parce qu’elle ne savait pas s’il avait l’intention d’aller chercher son arme à feu. De plus, T.B. explique clairement le traumatisme qu’elle a vécu dans sa déclaration.

Facteurs atténuants

[127] Parmi les facteurs atténuants présentés par le représentant du membre visé, j’ai conservé les facteurs suivants :

Expression de remords

[128] Tout d’abord, le gendarme Deroche a clairement et à maintes reprises assumé la responsabilité de ses actes et a fait preuve de remords. Je ne doute pas que ses remords soient sincères. De plus, il a accepté la responsabilité de ses actes et a reconnu leurs répercussions sur B.G. et ses enfants. Il a cherché de façon proactive à régler les accusations criminelles, a admis les allégations et a fourni un exposé conjoint des faits, éliminant ainsi la nécessité pour B.G. et ses enfants, et en particulier T.B., de fournir des preuves (la décision de B.G. de témoigner était la sienne). Je reconnais également que, ce faisant, le gendarme Deroche cherchait à atténuer tout autre dommage causé à B.G. et à ses enfants à la suite de ses actes. J’accorde à ce facteur un poids important.

Antécédents professionnels

[129] Deuxièmement, le gendarme Deroche a de solides antécédents d’emploi avec la GRC et aucune discipline antérieure. J’ai interrogé le représentant du membre visé sur ce point, puisque les évaluations de rendement du gendarme Deroche n’ont pas été soumises. Le représentant de l’autorité disciplinaire a reconnu que le gendarme Deroche n’avait pas fait l’objet de mesures disciplinaires préalables et qu’il avait un excellent rendement. Ce facteur a également été étayé par les lettres d’appui fournies par le gendarme Deroche.

Lettres de soutien et participation communautaire

[130] Troisièmement, le gendarme Deroche a soumis des lettres de soutien qui témoignent de sa réputation, de sa contribution à la collectivité et du soutien de ses superviseurs immédiats pour retourner au travail. Toutefois, je suis d’accord avec le représentant de l’autorité disciplinaire pour dire que leur effet d’atténuation est considérablement réduit par les connaissances limitées des auteurs au sujet des incidents en cause. Le gendarme Deroche a témoigné qu’il avait informé le caporal Mathieson qu’il avait giflé B.G., mais qu’il n’avait pas donné de détails sur les autres éléments de l’inconduite. La lettre du sergent d’état-major Delisle ne fait référence qu’aux événements de septembre 2020; même alors, il indique que sa connaissance de ces événements est limitée. L’inspecteur King avait quitté son poste de commandant de détachement presque un an avant que les incidents à l’origine des allégations ne soient révélés. En outre, sa lettre ne fait pas référence aux allégations.

[131] Plusieurs lettres font référence au rôle de chef de file du gendarme Deroche auprès des membres subalternes et des jeunes de la collectivité. Bien que j’accepte cette reconnaissance, son effet atténuant est quelque peu tempéré par le fait que le comportement du gendarme Deroche est un très mauvais exemple pour les membres subalternes qui ont pu l’admirer.

Troubles de santé

[132] Quatrièmement, les conditions médicales du gendarme Deroche. Le rapport de M. Bateman fait référence à trois diagnostics. Le diagnostic de TSPT effectuée le 23 novembre 2021 est particulièrement préoccupant dans le cadre de ces procédures. Le moment où ce diagnostic a été effectué et la question de savoir si le gendarme Deroche a été touché par le TSPT au moment des incidents en cause ont été examinés par les deux avocats au cours de la preuve orale de M. Bateman et dans leurs observations.

[133] Le gendarme Deroche a commencé à voir M. Bateman à l’automne 2020. Toutefois, le gendarme Deroche n’a reçu aucun diagnostic de TSPT avant le 23 novembre 2021. Selon la lettre du 8 décembre 2021 de M. Bateman et son rapport du 6 juin 2022, le diagnostic tardif était dû au fait que le gendarme Deroche n’a pas signalé de symptômes qui répondraient aux critères de diagnostic du TSPT lorsqu’il a demandé un traitement pour la première fois. M. Bateman est d’avis que le gendarme Deroche a peut-être d’abord minimisé ses symptômes, puisqu’ils sont devenus plus évidents alors qu’ils continuaient à travailler ensemble.

[134] Le représentant du membre visé a fait valoir qu’il existait un lien de causalité entre le TSPT du gendarme Deroche et son comportement. M. Bateman a témoigné que la présentation des symptômes correspondant au TSPT peut varier au cours de la maladie et a fourni un résumé des symptômes possibles dans son rapport du 6 juin 2022 [24] . Au moment de son diagnostic, le gendarme Deroche n’affichait pas de symptômes de [TRADUCTION] « comportement irritable et d’éclatement de colère (avec peu ou pas de provocation) généralement exprimés comme une agression verbale ou physique envers des personnes ou des objets ». M. Bateman n’a fourni aucune preuve quant à la nature et à l’étendue des symptômes vécus par le gendarme Deroche à l’automne 2020.

[135] M. Bateman a fait valoir, tant dans son rapport du 6 juin 2022 que dans sa preuve orale, que le gendarme Deroche était susceptible de connaître des symptômes de TSPT entre avril 2020 et août 2020. Il est d’avis que la capacité du gendarme Deroche à faire face à un conflit interpersonnel aurait pu être compromise en conséquence.

[136] M. Bateman est également d’avis que le gendarme Deroche était particulièrement réactif aux conflits interpersonnels avec B.G. en raison de son exposition à la violence familiale dans l’exercice de ses fonctions de membre. Cependant, je ne peux accorder beaucoup de poids à cet aspect de l’opinion de M. Bateman. Rien dans le rapport de M. Bateman n’indique que le gendarme Deroche a signalé une difficulté particulière pour répondre aux appels liés à la violence familiale. De plus, le gendarme Deroche a longuement témoigné au sujet des incidents traumatisants qui l’ont touché, mais il n’a jamais décrit de réaction aux appels concernant la violence familiale. Il n’a parlé de cet aspect de ses fonctions que lorsqu’il a été contre-interrogé sur ses connaissances antérieures des répercussions négatives de la violence familiale. Bien que je ne doute pas qu’il soit difficile de répondre à ces types d’appels, le gendarme Deroche n’a pas indiqué qu’il s’agissait d’une source principale de traumatisme ou quelque chose qui lui soit venu à l’esprit lorsqu’il s’est trouvé en conflit avec B.G. Par conséquent, je ne conclus pas que cet aspect de l’opinion de M. Bateman est étayé par la preuve.

[137] Après avoir examiné la preuve dont je dispose, y compris le témoignage du gendarme Deroche au sujet des événements traumatisants qu’il a vécus, la déclaration et le témoignage de B.G. au sujet du comportement du gendarme Deroche, ainsi que le rapport et la preuve orale de M. Bateman, j’accepte que le gendarme Deroche présentait certains symptômes du TSPT au moment où ces incidents ont eu lieu. Je reconnais également que sa capacité de faire face à un conflit ou de réagir à un conflit aurait pu être amoindrie en conséquence. Cependant, je n’ai pas suffisamment de preuves pour déterminer la nature, l’ampleur ou la gravité de ses symptômes au moment pertinent. Je n’ai pas non plus assez de preuves pour déterminer dans quelle mesure elles auraient pu compromettre sa capacité à gérer ses émotions. Par conséquent, je ne peux pas attribuer un poids significatif à ce facteur.

Réadaptation possible

[138] Cinquièmement, le gendarme Deroche a démontré un certain potentiel de réadaptation. Il a demandé et a participé activement et avec diligence à son traitement avec M. Bateman. Il a assumé la responsabilité de ses actes et a fait preuve de remords. Il a démontré plusieurs réflexions sur son comportement. Il a terminé les conditions de sa probation. Je reconnais également l’opinion de M. Bateman, bien qu’elle ne soit pas définitive, selon laquelle ces facteurs, ainsi que le fait que le gendarme Deroche dispose d’un bon réseau de soutien et d’un bon lien avec la collectivité par son travail bénévole, réduisent son risque de récidive.

[139] Cela étant dit, je demeure troublée par le fait que le gendarme Deroche était au moins à la moitié du programme de violence familiale auquel il était tenu d’assister, pour des raisons extérieures au processus criminel, lorsqu’il a menacé de frapper B.G. au visage, devant ses enfants. Environ un mois plus tard, alors qu’il participait encore activement à ce programme, il a menacé de tuer B.G. trois jours consécutifs, le dernier incident étant devant T.B., la fille de 12 ans de B.G., à qui le gendarme Deroche avait ordonné de rester pour être témoin de leur conversation.

[140] Le représentant du membre visé a laissé entendre que le TSPT non diagnostiqué du gendarme Deroche a nui à sa capacité d’appliquer les concepts du programme. Compte tenu de mes constatations concernant les conditions médicales du gendarme Deroche, et en particulier du manque de preuves quant à la nature, à la portée et à la gravité de ses symptômes à ce moment-là, je n’accepte pas cette explication. Je suis également d’accord avec le représentant de l’autorité disciplinaire pour dire que, s’il y a lieu, la participation à ce cours aurait dû mettre au premier plan les connaissances professionnelles du gendarme Deroche sur les répercussions négatives de la violence familiale sur les enfants.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[141] Les gendarmes, c’est bien connu, sont tenus de respecter des normes plus élevées que le reste de la population. Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie de la GRC aussi bien quand ils sont en service qu’en dehors de leurs heures de travail. S’ils ne respectent pas ce code, ils doivent en être tenus responsables. Cela est essentiel pour maintenir la confiance du public envers la GRC. Le processus disciplinaire permet de vérifier et d’équilibrer les vastes pouvoirs conférés aux policiers.

[142] Bien que je sois très consciente que la réhabilitation est un objectif principal du processus disciplinaire, comme on le lit dans Vellani [25] , les objectifs de réhabilitation du processus disciplinaire ne peuvent pas l’emporter sur le congédiement lorsque la relation professionnelle est fondamentalement rompue.

[143] La violence entre partenaires intimes a des répercussions importantes à long terme sur les victimes et leur famille. Comme de nombreux services de police, la GRC reconnaît les risques et l’incidence sociale considérable associés la violence entre partenaires intimes et à la violence familiale plus généralement.

[144] Dans cette affaire, il y a une forte composante d’intérêt public. Les pouvoirs étendus accordés aux policiers font nécessairement de leur inconduite une question d’intérêt public. Les tribunaux reconnaissent depuis longtemps que la violence familiale n’est pas une affaire privée. Cet intérêt public exige que la dénonciation et la dissuasion aient un poids considérable dans la détermination de la sanction appropriée [26] .

[145] Comme l’ont souligné Rendell [27] et Whalen [28] , il est approprié que je considère la politique de tolérance zéro de la GRC en ce qui concerne l’application de ces types d’infractions, comme il est énoncé dans le Manuel des opérations. Le public s’attend raisonnablement à ce que la GRC adopte la même approche pour régler les cas d’inconduite de cette nature de la part de ses membres. Autrement, cela compromettrait la confiance du public dans l’administration de la GRC.

[146] La gravité de l’inconduite est un facteur très aggravant en soi. J’ai souligné de nombreux facteurs qui augmentent considérablement la gravité de l’inconduite. Les répercussions que les actions du gendarme Deroche ont eues sur B.G. et ses enfants, plus particulièrement sur T.B., sont profondes. La dissuasion, tant particulière que générale, est nécessaire.

[147] J’ai mis en évidence plusieurs domaines de préoccupation en ce qui concerne les facteurs d’atténuation présentés. Sans diminuer la sincérité du remords du gendarme Deroche, ni ses efforts pour régler ses problèmes de santé mentale et les causes profondes de son comportement, le poids collectif de ces facteurs ne suffit pas à compenser la gravité profonde de l’inconduite. Dans ces circonstances, il ne serait pas approprié d’imposer une sanction qui soit éducative et réparatrice plutôt que punitive.

[148] Par conséquent, conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, j’ordonne au gendarme Deroche de démissionner dans les 14 jours, à défaut de quoi il sera congédié de la GRC.

CONCLUSION

[149] Les allégations 1, 2, 3 et 4 sont fondées.

[150] J’ordonne au gendarme Deroche de démissionner de la Gendarmerie dans les 14 jours. S’il ne le fait pas, j’ordonne son congédiement.

[151] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans le délai de prescription prévu à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC.

 

 

Le 23 septembre 2022

Christine Sakiris

Comité de déontologie

 

 

 



[1] R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, au paragraphe 65.

[2] F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, au paragraphe 58.

[3] Faryna c. Chorny, 1951 CanLII 252 (CA C.-B.) [Faryna], à la page 357.

[4] F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, au paragraphe 58.

[5] Déclaration de T.B., à la page 7, ligne 178; Déclaration de C.O., à la page 3, ligne 43.

[6] Déclaration de T.B., à la page 4, lignes 71 et 72; Déclaration de C.O., à la page 4, lignes 87 à 89; Déclaration de B.G., à la page 7, ligne 209.

[7] Déclaration de B.G., à la page 13, lignes 382 à 388.

[8] Transcription, volume 1, à la page 28, lignes 19 et 20.

[9] Transcription, volume 1, à la page 81, lignes 16 et 19.

[10] Gouvernement du Canada, « La violence familiale » (mars 2022), <https://www.justice.gc.ca/fra/jp-cj/vf-fv/apropos-about.html>.

[11] Commandant de la Division H et gendarme Whalen, 2021 DAD 17 [Whalen], au paragraphe 14.

[12] Rendell c. Canada (Procureur général), 2001 CFPI 710 [Rendell].

[13] Commandant de la Division D et gendarme El Aste, 2018 DARD 18; Commandant de la division F et gendarme Elek, 2021 DAD 13; Commandant de la Division O et gendarme Ozimko, 2021 DAD 15.

[14] Transcription, volume 3, à la page 66.

[15] ou autorités disciplinaires désignées

[16] R. c Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Anthony-Cook], au paragraphe 34.

[17] Transcription, volume 3, aux pages 48 et 49.

[18] R. c. Dunlop, 2014 ONCJ 44 [Dunlop], aux paragraphes 14 à 68.

[19] Dunlop, aux paragraphes 66 et 67.

[20] Déclaration de T.B., à la page 6, lignes 145 à 160 et à la page 11, lignes 302 à 316.

[21] Déclaration de B.G., à la page 11, lignes 308 à 317.

[22] Déclaration de T.B., à la page 10, lignes 252 à 265.

[23] Déclaration de T.B., à la page 11, lignes 302 à 316.

[24] Rapport de M. Bateman, daté du 6 juin 2022, aux pages 3 à 5.

[25] Commandant de la division E c gendarme Fareez Vellani, 2017 DARD 03, aux paragraphes 126 à 130.

[26] Dunlop, aux paragraphes 20 à 27.

[27] Rendell, au paragraphe 20.

[28] Whalen, aux paragraphes 14, 103 et 104.

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