Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’autorité disciplinaire de niveau III a interjeté appel de la décision relative à la requête préliminaire rendue par le comité de déontologie (le comité). L’intimé faisait face à trois allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC. Les allégations no 1 et 2 se rapportaient à des manquements à l’article 7.1 (conduite déshonorante), et l’allégation no 3 concernait un manquement à l’article 8.1 (omission de rendre des comptes de manière exacte et détaillée).
Au premier jour de l’audience, après l’audition de la requête préliminaire, le comité a rejeté l’allégation no 1 au motif qu’elle avait été déposée après le délai de prescription établi au paragraphe 41(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Le comité a conclu que les allégations no 2 et 3 étaient établies et a ordonné à l’intimé de démissionner dans un délai 14 jours, sans quoi il serait congédié.
En appel, l’appelante a soutenu que la comité avait commis une erreur de droit en concluant que la connaissance de l’enquêteur de l’Unité des normes professionnelles (UNP) était suffisante pour déclencher le délai de prescription relatif à la convocation d’une audience au sujet de l’allégation no 1. L’appelante n’a pas cherché à modifier la décision finale par laquelle le comité a rejeté l’allégation, mais a demandé au tribunal de conclure que celui-ci avait commis une erreur de droit à lumière des répercussions qu’aurait sa décision sur le processus de déontologie de la GRC.
L’arbitre a conclu que le comité avait commis une erreur de droit et il a accueilli l’appel dans le but précis d’annuler son analyse problématique et sa conclusion relative à l’UNP.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier no 2019335365

2022 DAD 17

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE INTÉRESSANT

un appel d’une décision d’un comité de déontologie au titre du paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (dans sa version modifiée) et des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289

ENTRE :

Autorité disciplinaire de niveau III, Division E

Gendarmerie royale du Canada

(appelante)

et

Gendarme Konstantinos Xanthopoulos

Matricule no 60852

(intimé)

(les parties)

DÉCISION D’APPEL

ARBITRE: Steven Dunn

DATE: Le 9 novembre 2022



RÉSUMÉ

L’autorité disciplinaire de niveau III a interjeté appel de la décision relative à la requête préliminaire rendue par le comité de déontologie (le comité). L’intimé faisait face à trois allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC. Les allégations no 1 et 2 se rapportaient à des manquements à l’article 7.1 (conduite déshonorante), et l’allégation no 3 concernait un manquement à l’article 8.1 (omission de rendre des comptes de manière exacte et détaillée).

Au premier jour de l’audience, après l’audition de la requête préliminaire, le comité a rejeté l’allégation no 1 au motif qu’elle avait été déposée après le délai de prescription établi au paragraphe 41(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Le comité a conclu que les allégations no 2 et 3 étaient établies et a ordonné à l’intimé de démissionner dans un délai 14 jours, sans quoi il serait congédié.

En appel, l’appelante a soutenu que la comité avait commis une erreur de droit en concluant que la connaissance de l’enquêteur de l’Unité des normes professionnelles (UNP) était suffisante pour déclencher le délai de prescription relatif à la convocation d’une audience au sujet de l’allégation no 1. L’appelante n’a pas cherché à modifier la décision finale par laquelle le comité a rejeté l’allégation, mais a demandé au tribunal de conclure que celui-ci avait commis une erreur de droit à lumière des répercussions qu’aurait sa décision sur le processus de déontologie de la GRC.

L’arbitre a conclu que le comité avait commis une erreur de droit et il a accueilli l’appel dans le but précis d’annuler son analyse problématique et sa conclusion relative à l’UNP.

INTRODUCTION

[1] L’autorité disciplinaire de niveau III désignée, la Division E (l’appelante), conteste la décision rendue par le comité de déontologie de la GRC (le comité) concernant sa conclusion relative à l’application du paragraphe 41(2) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 (la Loi sur la GRC) dans l’instance disciplinaire touchant l’ancien gendarme Konstantinos Xanthopoulos, matricule no 60852 (l’intimé).

[2] Le comité a conclu que les deux contraventions au code de déontologie de la GRC (le code) (énoncé dans le Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281(le Règlement de la GRC)) étaient établies. En particulier, le comité a conclu que l’intimé s’est conduit de façon déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du code, lorsqu’il s’est ingéré dans une enquête relevant du code de déontologie dont il faisait l’objet (allégation no 2), et qu’il a fourni des déclarations ainsi que des observations trompeuses et fausses dans une précédente question de déontologie, en contravention de l’article 8.1 du code (allégation no 3). Par conséquent, le comité a ordonné à l’intimé de démissionner dans un délai de 14 jours, sans quoi il serait renvoyé.

[3] L’objet de l’appel concerne les conclusions du comité liées à l’allégation no 1, à savoir une contravention à l’article 7.1 du code. Le comité a rejeté l’allégation au motif qu’elle avait été déposée après l’expiration du délai de prescription d’un an prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC. L’appelante soutient que le comité a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que la connaissance de l’enquêteur de l’Unité des normes professionnelles (l’UNP) était aussi celle de l’autorité disciplinaire aux fins du déclenchement du délai de prescription.

[4] Le processus d’appel relatif à ce type de décision est régi par le paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la GRC, qui autorise que soit portée en appel devant le commissaire une décision rendue par un comité de déontologie. En vertu du paragraphe 45.16(11), le commissaire a le pouvoir de déléguer son pouvoir de trancher les affaires liées aux appels de mesures disciplinaires. Ce pouvoir m’a été délégué.

[5] Pour rendre la présente décision, j’ai pris en considération l’ensemble des documents dont le comité était saisi (les éléments matériels) ainsi que le dossier d’appel préparé par le Bureau de la coordination des griefs et des appels (le BCGA). Les références aux éléments matériels et au dossier d’appel renvoient aux numéros de page des documents électroniques correspondants, et les références à la décision écrite du comité (la décision) sont indiquées selon le numéro de paragraphe.

[6] Je présente mes excuses sincères aux parties pour tout délai attribuable à la GRC dans le règlement du présent appel.

[7] Pour les motifs suivants, je fais droit à l’appel.

CONTEXTE

[8] L’intimé était un membre affecté à la Division E. À la suite d’une enquête relevant du code de déontologie, un Avis à l’officier désigné a été délivré, le 20 septembre 2017, par le commandant de la Division E. L’avis comprenait les allégations suivantes (éléments matériels, aux p 1449- 1450) :

Allégation no 1

Entre le 23 juillet 2016 et le 23 septembre 2016, à Surrey ou à proximité, en Colombie-Britannique, [l’intimé] a adopté une conduite déshonorante, ce qui va à l’encontre de l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation no 2

Entre le 20 septembre 2016 et le 5 avril 2017, à Surrey ou à proximité, en Colombie-Britannique, [l’intimé] a adopté une conduite déshonorante, ce qui va à l’encontre de l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation no 3

Entre le 21 juillet 2016 et le 21 décembre 2016, à Surrey ou à proximité, en Colombie-Britannique, [l’intimé] n’a pas rendu compte de manière exacte et détaillée de l’exécution de ses responsabilités, de l’exercice de ses fonctions et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie, ce qui va à l’encontre de l’article 8.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

[9] Le 22 septembre 2017, le comité a été nommé afin de déterminer si l’intimé avait contrevenu aux dispositions du code (documents, à la p 1451). Le 7 décembre 2017, un avis d’audience disciplinaire comprenant les précisions suivantes a été délivré (éléments matériels, aux p 1453-1458) :

Énoncé détaillé de l’allégation no1 :

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 22 juillet 2016, la GRC de [S.] a reçu de Mme [M. M.] un signalement selon lequel son ex-petit ami, M. [G. B.], avait peut-être enlevé leur fils de 19 mois. Le dossier numéro 2016-104985 de [S.] a été créé, et des membres ont été envoyés sur les lieux. Vous n’avez pas participé à cette affaire, au terme de laquelle M. [G. B.] a été arrêté.

3. Le 23 juillet 2016, M. [G. B.] a communiqué avec la GRC de [S.] et demandé à ce qu’on l’aide à récupérer ses effets personnels au domicile de Mme [M. M.]. Le dossier numéro 2016-105620 de [S.] a été créé, et vous avez été désigné comme enquêteur responsable. Mme [M. M.], qui était absente, avait laissé les effets personnels de M. [G. B.] à l’extérieur du domicile, mais avait oublié le carnet de soudeur de M. [G. B.], dont il avait besoin pour son travail. Vous avez tenté de communiquer avec Mme [M. M.], mais n’avez pas réussi à la joindre.

4. En soirée, vous vous êtes présenté au domicile de Mme [M. M.] pour faire le suivi du dossier numéro 2016-105620 de [S.]. Vous y êtes resté environ 20 minutes et lui avez remis une carte professionnelle de la GRC sur laquelle vous aviez inscrit votre numéro de téléphone cellulaire personnel. Le numéro écrit à la main était le [numéro censuré].

5. Au cours des deux semaines suivantes, pendant que vous étiez en service, vous êtes allé chez Mme [M. M.] ou avez passé devant sa résidence à plusieurs reprises avec un véhicule de la GRC identifié. Plus précisément, vous êtes allé à sa résidence ou avez passé devant aux dates suivantes :

a. [12 h] le 28 juillet 2016;

b. [17 h 34] le 30 juillet 2016;

c. [21 h 11] le 30 juillet 2016;

d. [19 h 02] le 31 juillet 2016;

e. [21 h 39] le 8 août 2016.

Aucune raison professionnelle ne justifiait que vous vous rendiez chez Mme [M. M.] ces jours-là.

6. Durant une de vos visites, vous avez demandé à Mme [M. M.] pourquoi elle ne vous avait pas téléphoné. Vous lui avez aussi mentionné que le numéro figurant sur la carte professionnelle de la GRC que vous lui aviez remise était votre numéro personnel.

7. Vous avez commencé à échanger des messages textes personnels avec Mme [M. M.]. Lorsque vous n’étiez pas en service, vous avez eu un rendez- vous avec elle, vous êtes rentré chez elle et vous vous êtes livré à des activités sexuelles consentantes avec elle.

8. Vous saviez ou deviez savoir que Mme [M. M.] était victime de violence familiale et qu’elle avait appelé la GRC le jour avant que vous ne la rencontriez pour signaler l’enlèvement de son fils par son ex-petit ami, M. [G. B.].

9. Lorsque vous étiez en position de confiance et d’autorité, vous avez rencontré Mme [MM], une personne vulnérable et une plaignante du dossier numéro 2016-104985 de [S.], et vous avez eu une relation sexuelle avec elle.

Énoncé détaillé de l’allégation no2 :

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 12 août 2016, Mme [M. M.] s’est présentée au détachement de [F. N.] pour déposer une plainte pour manquement à un engagement contre son ex- petit ami, M. [G. B.], dossier numéro 2016-1856 du [F. N.]. Durant la déposition, Mme [M. M.] a révélé à l’enquêteur qu’elle avait eu une relation avec un officier de la GRC de [S.] qui avait répondu à un appel de service à son domicile. Elle n’a pas divulgué le nom de l’officier.

3. Le 23 août 2016, l’Unité des normes professionnelles (UNP) de [S.] a été mise au courant de la déclaration de Mme [M. M.] et a fait quelques recherches pour tenter de découvrir l’identité du membre auquel Mme [M. M.] a fait allusion.

4. Le 22 septembre 2016, on vous a informé que vous faisiez l’objet d’une enquête pour infraction au code de déontologie de la GRC. Vous avez communiqué avec Mme [M. M.] et lui avez demandé si elle avait parlé de votre relation à quelqu’un.

5. Vous avez ensuite demandé à Mme [M. M.] ce qu’elle avait dit parce que vous vouliez vous assurer que vos deux histoires concordent. Vos agissements ont porté Mme [M. M.] à croire que vous ne vouliez pas qu’elle parle de votre relation à l’enquêteur.

6. Vous avez donc tenté d’entraver une enquête relative au code de déontologie.

Énoncé détaillé de l’allégation no3 :

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Le 13 décembre 2016, on vous a remis un « avis de rencontre disciplinaire » devant avoir lieu le 20 décembre 2016 avec votre officier hiérarchique [le surintendant M. L.], dossier numéro 2016-336373 de l’OGCA. L’avis présentait deux allégations relatives à la violation des articles 3.2 et 7.1, soit d’avoir intercepté le véhicule d’une femme sans motif, puis de lui avoir donné votre numéro de téléphone cellulaire personnel.

3. La rencontre disciplinaire portait sur les faits allégués survenus le 16 janvier 2016. D’après le compte rendu de décision, l’allégation relative à la violation de l’article 3.2 a été établie, et il a été conclu que l’allégation relative à l’article 7.1 était déjà traitée dans la première allégation et elle n’a donc pas été établie.

4. Le 3 janvier 2017, vous avez déposé une déclaration d’appel de cette décision au Bureau de la coordination des griefs et des appels (BCGA). Votre déclaration comprenait un document que vous aviez préparé pour la rencontre disciplinaire et que vous aviez remis à votre officier hiérarchique au moment de cette rencontre. Le document était intitulé « Written Submission in Response to Final Report – File No. 2016- 336373 » (Observations écrites en réponse au rapport final – dossier no 2016-336373).

5. À la suite d’une enquête sur les déclarations faites dans votre déclaration d’appel, il a été déterminé que les renseignements fournis dans vos observations écrites étaient faux ou trompeurs. C’est le cas notamment des deux observations suivantes :

a. « Comme je l’ai indiqué dans ma déclaration écrite [datée du 21 juillet 2016], mon numéro de cellulaire personnel était inscrit sur ma carte parce que je n’avais pas de téléphone de la GRC à ce moment-là. » [traduction]

b. « Comme je l’ai indiqué dans ma déclaration écrite [datée du 21 juillet 2016], en octobre, j’ai envoyé au Bureau d’assistance central le formulaire approprié (ED12) signé par l’inspecteur [M.] pour faire remplacer mon téléphone. [G. T.] m’a informé en février ou en mars que mon nouveau téléphone était arrivé. Je suis donc allé le chercher à [G. T.]. Dans l’intervalle, j’ai principalement utilisé mon cellulaire personnel pendant que j’étais en service, comme l’ont fait beaucoup d’agents à différents moments. » [traduction]

6. D’après votre relevé d’appels pour le numéro de téléphone cellulaire [numéro censuré] de la GRC, en décembre 2015 et en janvier 2016, vous aviez un appareil BlackBerry de la GRC fonctionnel, que vous utilisiez pour faire et recevoir des appels.

7. D’après les dossiers du Bureau d’assistance central, vous avez reçu un nouvel appareil BlackBerry que vous avez activé le 22 octobre 2015.

8. Dans les données que vous avez entrées manuellement dans les commentaires d’inscription à PRIME, on y trouvait d’octobre 2015 à février 2016 votre numéro de téléphone [numéro censuré] de la GRC. Lorsque vous n’entriez pas votre numéro de BlackBerry du travail, soit le champ restait vide, soit vous étiez le deuxième agent inscrit au véhicule. Votre numéro de téléphone cellulaire personnel, [numéro censuré], ne figurait pas dans les commentaires d’inscription à PRIME pendant cette période.

9. Vous avez donc fourni des renseignements trompeurs dans votre déclaration écrite du 21 juillet 2016 à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire et vous avez menti au surintendant [M. L.], votre officier hiérarchique, dans les observations écrites que vous lui avez fournies à la rencontre disciplinaire.

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES

[10] Le 20 juillet 2018, l’intimé a soulevé une objection préliminaire en vue de faire radier ou annuler les allégations (éléments matériels, aux p 3308-3317). Le 23 octobre 2018, le comité a rendu une décision écrite dans laquelle il rejetait l’objection préliminaire de l’intimé (éléments matériels, aux p 3482-3487).

[11] Après qu’il ait reçu des renseignements supplémentaires, l’intimé a présenté une deuxième requête préliminaire par laquelle il sollicitait le rejet de l’allégation no 1 au motif que le délai de prescription était déjà expiré. Le comité a pris connaissance de la preuve et des observations relatives à la requête préliminaire lors de l’audience disciplinaire du 19 mars 2019 (éléments matériels, aux p 4080-4182). Après avoir tranché la requête préliminaire, le comité a entendu les arguments et la preuve relatifs aux allégations no 2 et 3, soit le 20 mars 2019 (éléments matériels, aux p 4184-4404).

[12] Le 21 mars 2019, le comité a rendu sa décision oralement (éléments matériels, aux p 4404- 4438). La décision écrite a été rendue le 25 avril 2019 (dossier d’appel, aux p 8-31).

A. Conclusions du comité relatives à la requête préliminaire – Allégation no 1

[13] Le comité a rejeté l’allégation no 1 au motif qu’elle avait été déposée après l’expiration du délai de prescription. Le comité a présenté le raisonnement suivant (décision, aux para 4-24) :

[4] Le membre visé a présenté une requête préliminaire dans laquelle il demandait le rejet de l’allégation no 1 au motif qu’au moment où le processus a été lancé le 20 septembre 2017, la date limite avait déjà été dépassée. Afin de déterminer si c’est le cas, j’examinerai d’abord les dispositions législatives liées à la responsabilité de gérer les questions disciplinaires. Je commence par l’article 40 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R- 10 [Loi sur la GRC], qui prévoit ce qui suit :

40 (1) Lorsqu’il apparaît à l’autorité disciplinaire d’un membre que celui-ci a contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, elle tient ou fait tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention.

[5] Ainsi, il incombe à l’autorité disciplinaire de faire tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement eu contravention au code de déontologie.

[6] Dans les Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, le commissaire a désigné à titre d’autorités disciplinaires les personnes suivantes :

2 (1) Les personnes ci-après, sous réserve des exigences établies, le cas échéant, par le commissaire en vertu du paragraphe (2), sont désignées à titre d’autorités disciplinaires à l’égard des membres placés sous leur commandement :

a) les membres commandant un détachement et les personnes qui relèvent directement d’un officier ou d’une personne occupant un poste de direction équivalent;

b) les officiers ou les personnes occupant un poste de direction équivalent;

c) les officiers commandant une division.

[7] Aucune disposition de la Loi sur le SCRS, du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014-281 ni des Consignes du commissaire ne permet de désigner à titre d’autorités disciplinaires d’autres membres de la GRC. De plus, aucune politique (nationale, division, détachement) ne peut prévoir une telle désignation et avoir préséance sur les dispositions des textes de loi. Le pouvoir de délégation est reconnu par les tribunaux depuis le début de la confédération, Hodge c. La Reine (1883-84), 9 A.C. 117, mais ce pouvoir ne peut être délégué qu’en vertu de lois habilitantes. Ce sont donc les autorités disciplinaires qui ont la responsabilité de tenir les enquêtes disciplinaires sur des allégations contre des membres de la GRC dans le but de déterminer si les membres visés par les allégations ont contrevenu au code de déontologie.

[8] En réalité, dans l’ensemble de la GRC, ces enquêtes sont effectuées par l’Unité des normes professionnelles pour le compte des autorités disciplinaires, pour la simple raison que les autorités disciplinaires n’ont pas la capacité de le faire elles-mêmes. Normalement, l’UNP commence une enquête disciplinaire lorsqu’elle reçoit une lettre de mandat de la part d’une autorité disciplinaire, dans laquelle cette dernière lui fournit les directives nécessaires. Le pouvoir de demander à quelqu’un d’autre de mener l’enquête vient du paragraphe 31(2) de la Loi d’interprétation, L.R.C, 1985, ch. I-21 :

31(2) Le pouvoir donné à quiconque, notamment à un agent ou fonctionnaire, de prendre des mesures ou de les faire exécuter comporte les pouvoirs nécessaires à l’exercice de celui-ci.

[9] Toutefois, ce pouvoir ne change pas le fait que, légalement, la responsabilité et le pouvoir de faire enquête reviennent à l’autorité disciplinaire. L’UNP de la Division « E » n’a elle-même pas le pouvoir de tenir une enquête disciplinaire en vertu de la Loi sur la GRC. Ce pouvoir relève des diverses autorités disciplinaires de la Division. De mon point de vue, l’UNP agit à titre d’agent de l’autorité disciplinaire, ce qui fait que chacune des mesures qu’elle prend en ce qui a trait à une allégation selon laquelle un membre a contrevenu au code de déontologie est prise au nom de l’autorité disciplinaire.

[10] Qu’advient-il alors dans les situations suivantes?

a. L’UNP reçoit une plainte et réalise une « enquête préliminaire » pour déterminer s’il est justifié de tenir une enquête relative au code de déontologie dirigée par une autorité disciplinaire.

b. L’UNP attend d’avoir les motifs nécessaires pour justifier une enquête relative au code de déontologie avant d’envoyer l’avis à l’autorité disciplinaire.

[11] Conformément au droit des mandats, dans les circonstances présentes, on estime que la connaissance de l’enquêteur ou du gestionnaire de l’UNP est aussi celle de l’autorité disciplinaire. La prescription doit être amorcée au moment où l’information que détient l’UNP est suffisante pour lui donner les motifs raisonnables de croire qu’un membre a enfreint le code de déontologie et qu’il y a lieu de tenir une enquête (paragraphes 204 et 208 de la décision du comité de déontologie de la GRC no 2018 RCAD 20183382 [Phillips]). On juge qu’il y a connaissance lorsque l’information est suffisante pour lancer une enquête et non lorsque tous les détails de la mauvaise conduite alléguée ont été vérifiés. C’est au cours du délai de prescription d’un an que ces détails doivent être obtenus et confirmés dans le cadre de l’enquête, qui permettra aussi de déterminer s’il y a lieu d’imposer des mesures disciplinaires ou de tenir une audience disciplinaire (Thériault c. L’officier compétent de la division C de la Gendarmerie royale du Canada, 2006 CAF 61 (CanLii) [Thériault]).

[12] Je prête attention aux commentaires du comité de déontologie formulés au paragraphe 190 de l’affaire Phillips selon lesquels c’est la connaissance de l’autorité disciplinaire pertinente qui marque le début du délai et non la connaissance de tiers au sein de la GRC ou de subalternes. Je ne considère toutefois pas les enquêteurs de l’UNP comme les « tiers » des autorités disciplinaires étant donné que ces dernières leur ont confié le mandat d’enquêter sur les questions disciplinaires et de les gérer en leur nom. On considère que l’information que l’UNP obtient dans l’exercice de ce mandat est aussi connue de l’autorité disciplinaire pour le compte de qui elle agit. C’est la connaissance de cette information qui marque le début du délai de prescription prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC.

[13] Ce que j’avance est aussi implicite dans une politique, soit au point 4.1.1 du chapitre XII.1 « déontologie » du Manuel d’administration.

4,1.1. Lorsqu’on apprend qu’un membre aurait enfreint une disposition du code de déontologie, l’autorité disciplinaire au niveau le plus approprié par rapport au membre visé doit recevoir et étudier l’information dans le but d’évaluer et de déterminer les meilleurs moyens de traiter l’incident, ce qui peut comprendre le renvoi au prochain niveau d’autorité disciplinaire lorsqu’il est clairement établi, le cas échéant, que la contravention alléguée ne peut être traitée adéquatement par le présent niveau d’autorité disciplinaire.

[14] Une autorité disciplinaire ne peut réaliser ces fonctions avant d’avoir été avisée de la réception d’une information selon laquelle un membre aurait enfreint une disposition du code de déontologie. Selon la politique, l’autorité disciplinaire ne doit pas nécessairement avoir reçu elle-même l’information. On indique seulement « lorsqu’on apprend », ce qui implique que peu importe qui reçoit l’information (l’UNP), celle-ci doit être immédiatement transmise à l’autorité disciplinaire. Si ce n’est pas le cas, on considérera quand même que l’autorité disciplinaire l’a reçue.

[15] À la deuxième question, je réponds qu’il importe peu si l’UNP attend d’avoir les motifs nécessaires pour justifier une enquête relative au code de déontologie avant d’envoyer l’avis à l’autorité disciplinaire. Si on estime que la connaissance de l’UNP est aussi celle de l’autorité disciplinaire, le délai de prescription commence dès que l’UNP a obtenu l’information suffisante pour amorcer la prescription (contestation dans l’affaire Thériault). Il importe donc peu si l’information a été transmise à l’autorité disciplinaire ou non, ou le moment auquel elle a été transmise.

[16] Le paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC s’applique :

41 (2) L’autorité disciplinaire ne peut convoquer une audience, relativement à une contravention au code de déontologie qui aurait été commise par un membre, plus d’un an après que la contravention et l’identité du membre en cause ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui tient ou fait tenir l’enquête.

[17] Compte tenu des preuves fournies dans l’affidavit avant l’audience et des preuves de vive voix entendues sur cette affaire, je tire les conclusions de fait suivantes. Le 5 août 2016, l’UNP de S. a reçu un courriel d’un membre du détachement de S. selon lequel un membre aurait fait des avances inappropriées à une plaignante liée à un dossier. Le 9 août 2016, le caporal P (à l’époque) et le caporal G de l’UNP de S. avaient suffisamment enquêté pour déterminer que l’allégation était grave, car il était question d’un membre ayant exploité la vulnérabilité probable d’une présumée victime de violence familiale d’origine autochtone. Ils avaient aussi déterminé à ce moment-là qu’il s’agissait probablement du membre visé, car ils avaient constaté dans son registre du système de répartition PRIME qu’il était allé chez Mme M. M. au moins cinq fois les jours suivant l’appel de service.

[18] Ce qu’ils ignoraient à l’époque, c’était la nature de la relation entre le membre visé et Mme M. M. Le 23 août 2016, l’officier responsable de l’UNP de S., l’inspecteur L., a toutefois eu la réponse à cette question du gendarme S. du détachement de F. N. Il a appris ce jour-là que Mme M. M. avait déposé une plainte au détachement de F. N. au sujet de son ex-petit ami et qu’à ce moment-là, elle a indiqué ce qui suit au gendarme S. :

- Un membre a effectivement assuré une garde et le maintien de la paix à son domicile de S.;

- Ce membre lui a par la suite laissé une carte sur laquelle figurait son nom, mais elle ne lui a pas téléphoné;

- Le membre est revenu un autre jour, a cogné à la porte et lui a demandé pourquoi elle ne lui avait pas téléphoné, et il l’a invitée à sortir avec lui;

- Ils ont fait une sortie à W. R.;

- Ils ne sont plus ensemble.

[19] Une fois cette information jumelée à celle datant du 9 août 2019, l’information était suffisante, selon toute norme objective, pour marquer le début du délai de prescription prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC. J’appuie aussi cette conclusion sur le fait qu’aucun autre élément de preuve supplémentaire n’a été obtenu entre le 23 août 2016 et le 22 septembre 2016, date à laquelle le surintendant M. L. a « officiellement » été mis au courant et à laquelle la lettre de mandat relative au code de déontologie a été envoyée. Je conclus donc que le délai de prescription a commencé le 23 août 2016 et que le délai d’un an était donc dépassé lors du lancement de l’audience disciplinaire le 20 septembre 2017.

[20] Si je me trompe dans mon interprétation et l’exécution du droit des mandats selon cette situation, je constate aussi que deux autres autorités disciplinaires convenablement désignées avaient une connaissance suffisante le 7 septembre 2016 pour que le délai de prescription soit amorcé. L’inspecteur T. a témoigné qu’à la suite d’une conversation qu’il a eue avec le surintendant M. L. ce jour-là, il savait que le membre visé allait faire l’objet d’une autre enquête relative au code de déontologie, qui était liée à une enquête en cours, car il avait convoité une femme qu’il a rencontrée dans l’exercice de ses fonctions dans le but de développer une relation personnelle, ce qui est inapproprié. À son avis, c’était suffisamment grave pour que le membre visé soit relevé de ses fonctions.

[21] J’appuie cette constatation du témoignage du surintendant M. L., selon lequel il rencontrait la direction de l’UNP de S. toutes les deux semaines pour une séance d’information ou de mise à jour au sujet des affaires liées au code de déontologie en cours. Qu’il ait été question ou non des détails du dossier, il fait peu de doute dans mon esprit que le surintendant M. L. a été informé de l’identité du membre visé et qu’il a obtenu l’information suffisante pour avoir des motifs raisonnables de croire que le membre visé avait contrevenu au code de déontologie. Ces rencontres n’auraient pas vraiment de raison d’être si ce n’était pas le cas.

[22] J’ai aussi un commentaire à formuler sur une autre question relative à l’exécution de la prescription. J’ai reçu des preuves par affidavit et de vive voix à l’effet qu’il y avait une politique au détachement de S. qui limitait la « gestion » des questions disciplinaires à l’officier responsable du Détachement et au surintendant. Cependant, les dirigeants du Détachement devraient savoir que, peu importe leur intention, les politiques de ce genre n’ont pas préséance sur les lois pertinentes. D’après le paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC, une autorité disciplinaire est tenue d’agir lorsqu’elle reçoit une information selon laquelle il y aurait eu contravention au code de déontologie. Cette disposition est impérative et non permissive. De plus, voici ce qu’indique le paragraphe 31(3) de la Loi d’interprétation :

31(3) Les pouvoirs conférés peuvent s’exercer, et les obligations imposées sont à exécuter, en tant que de besoin.

[23] Lorsqu’on associe les paragraphes 40(1) de la Loi sur la GRC et 31(3) de la Loi sur l’interprétation, il est évident qu’une autorité disciplinaire qui apprend une telle information doit agir. Le renvoi de la question à une autorité disciplinaire plus haut placée conformément à la politique du Détachement ne l’exonère pas de sa responsabilité d’autorité disciplinaire convenablement désignée et ne repousse pas le début du délai de prescription.

[24] Je détermine que l’allégation no 1 a été déposée après la fin du délai, et je n’ai pas la compétence de l’entendre. Par conséquent, l’allégation no 1 contre le membre visé est rejetée.

B. Conclusions du comité relatives à l’allégation no 2 et à l’allégation no 3

Conclusions relatives à l’allégation no 2

[14] Le comité a conclu que l’intimé avait rencontré Mme M. M. alors qu’il répondait à un appel de service visant à faire acte de présence au moment où son ex petit-ami viendrait récupérer des effets personnels chez elle. Avant de quitter le domicile, l’intimé a remis à Mme M. M. une carte professionnelle de la GRC sur laquelle il avait écrit son surnom et son numéro de téléphone cellulaire personnel. Au cours des deux semaines suivantes, ils ont noué une relation personnelle et l’intimé s’est rendu à la résidence de Mme M. M. à au moins cinq reprises pendant qu’il était en service (décision, aux para 27-29).

[15] Le 22 septembre 2016, à son retour de vacances, l’intimé a été informé qu’il faisait l’objet d’une enquête pour infraction au code (cette enquête s’ajoutait à une autre enquête déjà en cours). Le même jour, il a téléphoné à Mme M. M. et ils se sont parlés pendant 22 minutes. L’intimé a reconnu avoir communiqué avec elle parce qu’il savait qu’il aurait l’ordre de ne pas lui parler ni de parler à d’autres témoins lorsque l’avis d’enquête relevant du code lui serait signifié. Il a affirmé qu’il avait communiqué avec Mme M. M. pour lui demander si elle savait quelque chose au sujet de l’enquête relevant du code, car il avait l’impression qu’il s’agirait d’une enquête pour harcèlement à son endroit.

[16] Le comité a conclu que l’intimé avait demandé à Mme M. M., une personne dont il savait qu’elle était témoin dans une enquête en cours relevant du code, si elle s’était plainte à la GRC et d’où venait la plainte. Ils ont aussi discuté du fait qu’elle avait parlé à la GRC, ainsi que de l’insistance de la GRC à obtenir une déclaration de sa part. Le comité a aussi souligné que l’intimé avait probablement communiqué avec Mme M. M. parce qu’il savait qu’il s’était livré à une relation sexuelle inappropriée avec elle (décision, aux para 45-38, 42).

[17] Lorsqu’il a appliqué ces conclusions de fait à l’énoncé détaillé de l’allégation no 2, le comité a conclu que les précisions no 1, 2, 4, 5et 6 étaient établies selon la prépondérance des probabilités. Le comité a conclu que l’intimé voulait savoir ce que Mme M.M. avait dit à d’autres membres pour pouvoir préparer sa version des faits, ce qui a probablement laissé croire à Mme M. M. qu’il ne voulait pas qu’elle parle de leur relation à l’enquêteur. Le comité était d’avis qu’une personne raisonnable considérerait que ce comportement discréditait la GRC, puisqu’il pourrait être perçu comme une tentative d’entraver une enquête relevant du code. Par conséquent, il était convaincu que l’allégation no 2 était fondée (décision, aux para 43-45).

Conclusions relatives à l’allégation no 3

[18] L’intimé a avoué les précisions no 1, 2, 3, 4, 7, et 8 de l’allégation no 3, et il a avoué, en partie, la précision no 6. En ce qui concerne la précision no 5, le comité a conclu, en se fondant sur les relevés d’appels téléphoniques figurant dans les éléments matériels, que l’intimé avait en sa possession un téléphone de la GRC pleinement fonctionnel à la date où il a donné son numéro de téléphone personnel à Mme F. Par conséquent, le comité n’était pas convaincu qu’il avait donné son numéro personnel parce qu’il n’avait pas de téléphone de la GRC. Le comité a aussi mis en doute le fait qu’il faisait suffisamment confiance à de parfaits étrangers, comme Mme F. et Mme M. M., pour leur donner son numéro de téléphone personnel, mais pas à ses collègues.

[19] Dans le même ordre d’idées, en ce qui concerne la précision no 6, le comité a conclu que les relevés d’appels téléphoniques montraient que l’intimé était en possession d’un téléphone de la GRC pleinement fonctionnel entre décembre 2015 et décembre 2016. Puisque le comité a conclu que ces deux précisions étaient établies, celui-ci était convaincu que l’intimé avait fourni des renseignements trompeurs dans sa déclaration écrite au surintendant M. L. dans le cadre d’un processus relevant du code, et que la précision no 9 était établie pour ce motif. Le comité a souligné que l’intimé n’était pas obligé de fournir une déclaration, mais qu’il était tenu de s’assurer que ses déclarations étaient exactes s’il décidait de le faire (décision, aux para 47-52).

[20] Lorsqu’il a finalement conclu que l’allégation no 3 était établie, le comité a aussi confirmé que cette allégation n’avait pas été traitée auparavant par le surintendant M. L. ni par quelqu’un d’autre, et qu’elle était dûment instruite dans le cadre des procédures disciplinaires (décision, aux para 53-55).

C. Mesures disciplinaires

[21] Lorsqu’il a examiné les mesures disciplinaires qui s’imposaient, le comité a pris en compte les facteurs aggravants et atténuants, puis il a signalé que le congédiement ne devrait être envisagé que dans les cas les plus extrêmes (décision, aux para 60-67).

[22] Le comité a conclu qu’en se conduisant comme il l’a fait, l’intimé a répudié plusieurs aspects essentiels de son travail avec la GRC, notamment les valeurs essentielles d’honnêteté, d’intégrité et de responsabilité. Le comité a fait remarquer qu’un policier « qui ment dans sa déclaration à un enquêteur et qui tente d’entraver une enquête compromet le processus disciplinaire et entrave ainsi le processus de contrôle, qui est essentiel à la confiance du public ». Par conséquent, afin de maintenir la confiance du public, un policier qui ne participe pas au processus disciplinaire de la police « avec une intégrité exemplaire doit absolument faire l’objet d’une sanction des plus sévères » (décision, au para 68).

[23] Le comité n’était pas convaincu que l’intimé ait tiré une leçon de ses erreurs, et il a signalé qu’il n’y avait aucune explication médicale à ses gestes, comme c’est le cas dans de nombreuses affaires relatives à un comportement semblable et qui n’ont pas conduit à un congédiement. Compte tenu du poste de responsabilité et de confiance que l’intimé occupe à titre de policier ayant fait le serment d’appliquer la loi, le comité a conclu qu’il ne serait pas dans l’intérêt supérieur du public ou de la GRC que son emploi soit maintenu. Par conséquent, le comité a ordonné à l’intimé de démissionner dans un délai de 14 jours, faute de quoi il serait congédié (décision, au para 70- 72).

PROCÉDURES D’APPEL

Déclaration d’appel

[24] Le 9 mai 2019, l’appelante a déposé une déclaration d’appel. Elle contestait la conclusion du comité selon laquelle l’allégation no 1 avait été déposée après l’expiration du délai et devrait être rejetée. L’appelante a soutenu que le comité avait commis une erreur de droit en concluant que le délai de prescription prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC avait été déclenché au moment où l’enquêteur de l’UNP a pris connaissance de renseignements suffisants pour l’amener à croire qu’un membre avait enfreint le code. À titre de réparation, l’appelante a sollicité un jugement selon lequel le comité avait commis une erreur de droit en se fondant sur le paragraphe 31(2) de la Loi d’interprétation, LRC (1985), c 1-21, pour établir que la connaissance de l’enquêteur de l’UNP est aussi celle de l’autorité disciplinaire conformément au droit des mandats.

[25] L’appelante a souligné que l’appel ne saurait être renvoyé au Comité externe d’examen (CEE) de la GRC puisqu’il était fondé une question de droit relative à la Loi sur la GRC, et qu’elle ne souhaitait pas modifier les conclusions relatives aux allégations no 2 ou 3, ni les mesures disciplinaires qui s’en suivirent (dossier d’appel, aux p 6-7).

Questions incidentes et directives initiales

[26] Un certain nombre de questions incidentes ont été soulevées avant l’étape des présentations du processus d’appel. Voici un résumé de ces questions :

Question incidente no 1 - L’intimé concerné

[27] Le 18 juillet 2019, l’intimé a informé le BCGA qu’il n’était pas le bon intimé dans l’affaire puisqu’il n’avait pas rendu la décision à l’origine de l’appel. L’intimé a aussi affirmé qu’il ne pourrait être contraint à participer au processus puisqu’il n’était plus un membre et n’était donc pas assujetti à la Loi sur la GRC.

[28] Malgré le fait que le BCGA a expliqué que, conformément au Guide national – Procédures d’appel, l’intimé est le membre faisant l’objet de la décision du comité de déontologie si l’appelant est l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience devant le comité de déontologie, l’intimé a continué d’affirmer qu’il n’était pas le bon intimé dans l’affaire. Il a aussi désigné un autre membre de la GRC à titre de représentant et a informé le BCGA qu’il ne s’impliquerait plus personnellement dans l’appel (dossier d’appel, aux p 85, 97).

[29] Le 30 juillet 2019, le BCGA a sollicité des directives auprès d’un arbitre afin de désigner le bon intimé dans l’affaire. Le 13 août 2019, j’ai rendu une directive confirmant que l’appelante et le BCGA avaient correctement désigné l’intimé dans le cadre du présent appel. J’ai aussi confirmé que l’intimé ne pourrait être contraint à y participer et que l’issue du présent appel n’aurait aucun effet sur son congédiement (dossier d’appel, aux p 107, 161).

Question incidente no 2 - Renvoi au CEE

[30] Après avoir reçu la déclaration d’appel, le BCGA a demandé à l’appelante d’expliquer pourquoi l’appel ne devrait pas être renvoyé au CEE. Le 7 août 2019, l’appelante a expliqué que la conclusion portée en appel ne relevait pas des paramètres énoncés au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC puisqu’elle n’avait pas entraîné l’imposition de mesures disciplinaires (dossier d’appel, aux p 65, 109-116).

[31] Le 29 août 2019, j’ai rendu une directive dans laquelle je convenais avec l’appelante que la nature de l’appel soulevait une question de droit et ne concernait pas la liste de mesures disciplinaires énoncées au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la GRC. Par conséquent, j’ai confirmé que le présent appel ne devait pas être renvoyé au CEE (dossier d’appel, à la p 173).

Question incidente no 3 - Qualité pour agir

[32] Le 16 octobre 2019, l’intimé a soulevé la question préliminaire de la qualité pour agir devant le BCGA. L’intimé a contesté la qualité de l’Autorité disciplinaire de niveau III, Division E, pour agir à titre d’appelante compte tenu du fait que l’audience disciplinaire avait été lancée par l’ancien Commandant de la Division E (dossier d’appel, aux p 182, 231-238).

[33] Le 29 décembre 2020, j’ai rendu une directive confirmant que l’Autorité disciplinaire de niveau III avait la qualité pour agir à titre d’appelante en l’espèce en vertu de la Lettre de désignation présentée par le commissaire le 26 février 2019. J’ai aussi confirmé que l’appelante avait déposé l’appel à l’intérieur du délai de 14 jours fixé au paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la GRC et de l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 (dossier d’appel, à la p 323).

Observations en appel de l’appelante

[34] Le 11 février 2021, l’appelante a déposé ses observations en appel, dans lesquelles elle reprenait les deux motifs invoqués par le comité pour conclure que l’allégation no 1 avait été introduite après l’expiration du délai de prescription d’un an et qu’elle était donc prescrite :

  1. Le délai de prescription a été déclenché le 23 août 2016, au moment où l’UNP a pris connaissance de renseignements suffisants pour croire à l’existence d’une contravention au code. Le comité s’est fondé sur le « droit des mandats » et a expliqué que la connaissance de l’enquêteur de l’UNP était présumée être celle de l’autorité disciplinaire;
  2. Le comité a conclu que, le 7 septembre 2016, deux autorités disciplinaires dûment désignées avaient une connaissance suffisante pour déclencher le délai de prescription.

L’appelante ne conteste pas les conclusions du comité relatives au second motif et ne cherche pas à modifier la décision du comité de rejeter l’allégation no 1 pour absence de compétence. Elle fait plutôt valoir que le comité a commis une erreur dans son interprétation des paragraphes 40(1) et 41(2) de la Loi sur la GRC, puisqu’il ne s’est pas fondé sur la jurisprudence existante établie par les tribunaux d’instances supérieures et a conclu que la connaissance de l’UNP est aussi celle de l’autorité disciplinaire (dossier d’appel, aux p 333-336).

[35] L’appelante explique que le comité a commis une erreur en faisant appel à la Loi d’interprétation et au droit des mandats au lieu d’interpréter le sens manifeste des paragraphes 40(1) et 41(2) de la Loi sur la GRC, et elle insiste pour dire qu’une simple lecture de ces dispositions limite clairement le déclenchement d’une enquête relevant du code ou d’une audience devant une autorité disciplinaire désignée. L’appelante soutient en outre que « les dispositions relatives à l’autorité disciplinaire figurant dans la Loi sur la GRC ne renferment aucune compétence en ce qui concerne la délégation non autorisée des pouvoirs ou fonctions des autorités disciplinaires » [traduction]. En particulier, le paragraphe 2(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289 ainsi que les paragraphes 2(1) et 2(3) de la Loi sur la GRC renferment des définitions précises à savoir qui peut être désigné à titre d’autorité disciplinaire par le commissaire (dossier d’appel, aux p 339-340).

[36] L’appelante soutient que la Loi sur la GRC modifiée a été structurée de sorte à renforcer les pouvoirs et responsabilités considérables dont dispose le commissaire en ce qui concerne les affaires en lien avec la GRC, comme il est indiqué au paragraphe 5(1). Si le législateur avait voulu que la connaissance de l’UNP déclenche le délai de prescription prévu au paragraphe 41(2), il l’aurait « clairement indiqué dans la loi » [traduction]. L’appelante soutient que le mode d’analyse du comité visait à « justifier l’attribution d’une obligation légale à l’UNP », et que celui-ci a commis une erreur en « interprétant un cadre relatif à la connaissance présumée dans un régime législatif clair et sans équivoque » [traduction] (dossier d’appel, à la p 341).

[37] En outre, l’appelante soutient que le comité ne s’est pas conformé à la doctrine fondamentale du stare decisis lorsqu’il a omis de suivre les conclusions tirées par la Cour d’appel fédérale (CAF) et la Cour fédérale (CF) dans les affaires Thériault c GRC, 2006 CAF 61 (Thériault), et Smart c Canada (Procureur général), 2008 CF 936 (Smart). Dans l’arrêt Thériault, la CAF a conclu que c’est la connaissance de l’officier compétent, et non celle des personnes responsables d’enquêter et de produire des rapports relativement à des allégations d’inconduites, qui marque le début du délai de prescription. Dans la décision Smart, la CF a conclu que le comité avait commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que la connaissance attribuée à l’officier compétent était suffisante pour marquer le début du délai de prescription (dossier d’appel, aux p 341-342).

[38] Finalement, l’appelante fait remarquer que la décision du comité ne renfermait aucune conclusion quant à la dissimulation de documents. Or, le « nouveau cadre du comité relatif à la connaissance présumée a donné lieu à une critique acerbe à l’endroit des actions adoptées par l’UNP en l’espèce » [traduction]. Par conséquent, l’appelante sollicite une conclusion, en vertu de l’alinéa 45.16(1)b), selon laquelle le comité a commis une erreur dans son interprétation des paragraphes 40(1) et 41(2) de la Loi sur la GRC « en ce qui concerne la connaissance de l’UNP et la connaissance présumée des autorités disciplinaires » [traduction]. L’appelante soutient que la présente décision n’aura « aucune incidence sur la décision finale du comité de rejeter l’allégation no 1 » [traduction] ou la décision relative aux allégations no 2 et 3 (dossier d’appel, à la p 343).

Observations de l’intimé en appel

[39] L’intimé a déposé ses observations en appel le 9 mars 2021 (dossier d’appel, aux p 1079- 1090). Il a fait référence à une définition du terme mandat citée dans la publication du gouvernement du Canada intitulée Énoncé de politique sur la TPS/TVHP-182RP- :

En un sens, un mandataire est un prolongement du mandant, de sorte que les actions du mandataire sont celles du mandant. […]

Il y a mandat lorsqu’une personne (le mandant) en autorise une autre (le mandataire) à la représenter et à prendre certaines mesures pour son compte. L’autorisation donnée par le mandant peut être explicite ou implicite. Autrement dit, une relation de mandat peut être créée lorsqu’une personne consent de façon explicite à ce qu’une autre personne agisse pour son compte ou lorsqu’elle se comporte d’une manière telle que le consentement est implicite.

[En caractères gras dans les observations de l’intimé.]

L’intimé a aussi fait référence à la conclusion tirée par la CF dans la décision Frankowski c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] ACF no 1253 au paragraphe 7, selon laquelle chaque disposition contenue dans un ensemble de lois adoptées par l’Assemblée législative est présumée s’appliquer sans entrer en conflit avec une autre, et que la présomption de cohérence est « virtuellement irréfragable ».

[40] Selon l’intimé, l’argument de l’appelante « contredit directement la présomption, virtuellement irréfragable, de cohérence » [traduction], puisqu’elle s’est uniquement fondée sur la prémisse selon laquelle les enquêteurs de l’UNP sont des tierces parties des autorités disciplinaires, tout en omettant le « droit des mandats », qui ne considère pas mandataires et mandats comme des tiers dans la relation qui les unit. L’intimé soutient qu’une relation de mandataire, implicite ou explicite, « existe lorsque le mandataire devient une extension du mandant » [traduction], et que le comité a conclu à juste titre qu’une telle relation existait entre l’enquêteur de l’UNP et l’autorité disciplinaire. Il souligne également que la réparation sollicitée par l’appelante constitue une « impossibilité technique », puisque le commissaire ne peut « rendre une décision quant à l’absence de relation de mandataire puis décider de rejeter l’allégation no 1 » [traduction] (dossier d’appel, aux p 1086-1087, 1089).

[41] Dans sa réponse, l’intimé introduit également une allégation distincte d’abus de procédure. Il fait valoir que l’appelante savait ou aurait raisonnablement dû savoir que le délai de prescription relatif à l’allégation no 1 était expiré et serait mis en cause, mais qu’elle a tout de même présenté les précisions au comité. L’intimé soutient que, ce faisant, l’appelante a accru la probabilité que le comité ne puisse pas rejeter les précisions de l’allégation au moment d’imposer des mesures disciplinaires relatives aux allégations no 2 et 3. L’intimé explique que ce raisonnement est évident à la lumière du commentaire relatif à l’allégation no 2, dans lequel le comité a affirmé que l’intimé avait probablement communiqué avec Mme M. M. parce qu’il savait qu’il avait eu une relation sexuelle inappropriée avec elle.

[42] L’intimé laisse aussi entendre que l’allégation no 1 était « l’allégation déterminante » [traduction] ayant déclenché la publication de l’Avis à l’officier désigné, et qu’il est probable que les allégations no 2 et 3 seraient demeurées du ressort du surintendant M. L n’eût été l’allégation no 1. L’intimé soutient que le comportement de l’appelante à cet égard était « inacceptable » [traduction], compromettait l’équité de l’instance et constituait un abus de procédure (dossier d’appel, aux p 1087-1088).

[43] De plus, l’intimé affirme que les documents initiaux présentés par l’appelante étaient « dépourvus de renseignements » [traduction] antérieurs à la date contestée relative à l’allégation no 1. L’intimé soutient que l’appelante a délibérément retenu des documents contenant des renseignements probants, et que le comité n’a pas corrigé cette erreur. Afin de « maintenir l’intégrité du processus disciplinaire de la GRC » [traduction], l’intimé sollicite la reconnaissance des manquements à l’équité procédurale ainsi que de l’abus de procédure, et demande à ce que le processus de communication de documents aille de l’avant afin de déterminer si l’argumentaire de l’appelante est viable et, le cas échéant, qu’il soit renvoyé à un comité différemment constitué (dossier d’appel, aux p 1089-1090).

Observations en réplique de l’appelante

[44] Le 8 avril 2021, l’appelante a présenté des observations en réplique (dossier d’appel, aux p 1146-1153). L’appelante maintient qu’aucun abus de procédure ou manquement à l’équité procédurale justifiant l’octroi de la réparation sollicitée par l’intimé n’a été commis. L’appelante ne sollicite pas une confirmation quant à l’existence d’une relation de mandataire entre l’autorité disciplinaire et l’UNP, mais plutôt une conclusion selon laquelle le comité a commis une erreur de droit en procédant inutilement à une analyse juridique relative au droit des mandats alors que le cadre régissant le traitement des enquêtes à l’intérieur du délai prescrit a été examiné par la CF et la CAF (dossier d’appel, aux p 1149-1150).

[45] En ce qui concerne les arguments relatifs à l’abus de procédure et au manquement à l’équité procédurale, l’appelante soutient que l’intimé aurait pu, de façon raisonnable, les présenter au comité puisqu’il en avait connaissance avant l’audience disciplinaire. Par conséquent, conformément à l’alinéa 25(2)b) des Consignes du commissaire (griefs et appels), l’intimé n’a pas le droit d’inclure tout nouveau renseignement qui était connu ou aurait pu raisonnablement être connu au moment où la décision a été rendue (dossier d’appel, aux p 1150-1151).

[46] En ce qui concerne la communication de documents, l’appelante reconnaît qu’une preuve supplémentaire présentée en cours d’instance a entraîné la prescription de l’allégation no 1, mais elle explique qu’au moment de la communication initiale, l’intimé disposait de suffisamment de renseignements pour connaître la preuve à réfuter, conformément aux principes d’équité procédurale. L’appelante ajoute qu’il était loisible à l’intimé de s’interroger sur l’existence de renseignements supplémentaires à n’importe quel moment dans la période de 11 mois écoulée entre le moment où les documents lui ont été signifiés le 17 décembre 2017 et la demande visant la communication de documents supplémentaire du 21 novembre 2018.

[47] En outre, l’appelante explique que l’Avis à l’officier désigné n’a aucune valeur probante hormis le fait d’établir la date à laquelle l’autorité disciplinaire a lancé le processus d’audience disciplinaire, et aucun manquement à l’équité procédurale n’a été commis en raison de son omission dans la communication initiale. L’appelante fait aussi remarquer que le dossier montre que le représentant de l’autorité disciplinaire a répondu, de façon raisonnable, aux demandes de communication au fur et à mesure où elles ont été présentées (dossier d’appel, aux p 1151-1152).

[48] L’appelante souligne aussi que, lorsqu’il a imposé des mesures disciplinaires relativement aux allégations no 2 et 3, le comité n’a pas pris en compte la relation inappropriée entre l’intimé et Mme M.M., qui faisait l’objet de l’allégation no 1, ni la vulnérabilité de celle-ci à titre de facteur aggravant. L’appelante indique aussi que le comité a pris en considération les allégations d’iniquité à l’endroit de l’intimé, mais a conclu qu’aucune preuve n’étayait une conclusion selon laquelle il avait été maltraité. Cette conclusion a été tirée après que la « réparation ultime » [traduction] de rejeter l’allégation no 1 ait été accordé à l’intimé (dossier d’appel, à la p 1153).

[49] L’appelante insiste pour dire que les arguments de l’intimé sont sans fondement et devraient être rejetés (dossier d’appel, à la p 1153).

Questions incidentes subséquentes et directives

[50] Après l’étape des observations, deux questions incidentes supplémentaires ont été soulevées par l’intimé. Voici un résumé de ces questions :

Question incidente no 4 - Observations supplémentaires

[51] Le 14 avril 2021, l’intimé a informé le BCGA qu’il souhaitait demander à l’arbitre l’autorisation de présenter des observations supplémentaires afin de clarifier les « déclarations inexactes ou trompeuses » [traduction] présentées en réplique par l’appelante, et il a cité l’article 6.1.7 du Guide national (Procédures d’appel), à titre d’autorité sur la question.

[52] Le 27 juillet 2021, j’ai rendu une directive expliquant que les déclarations contestées auxquelles l’intimé faisait référence n’étaient pas nouvelles, comme l’exige l’article 6.1.7 du Guide national (Procédures d’appel). Au contraire, les déclarations de l’appelante avaient été présentées en réplique aux déclarations de l’intimé, qui avaient été indûment introduites dans sa réponse du 9 mars 2021. Les questions soulevées dans la réponse de l’intimé (abus de procédure et communication) n’ont pas été présentées dans ses observations écrites du 11 février 2021, et elles débordaient donc du cadre du présent appel. La réponse que l’intimé est autorisé à fournir se limite à la position initiale de l’appelante.

[53] De plus, j’ai expliqué que l’intimé aurait dû effectuer sa communication fondée sur une allégation d’abus de procédure devant le comité, puisque ses allégations étaient bien connues à l’époque. Comme la communication soulevée n’avait aucune incidence sur la question contestée par l’appelante et sur laquelle s’était fondé le comité pour rejeter l’allégation no 1, la requête de l’intimé en vue de présenter des observations supplémentaires a été rejetée (dossier d’appel, à la p 1174).

Question incidente no 5 - La crainte raisonnable de partialité

[54] Le 29 juillet 2021, l’intimé a informé le BCGA qu’il souhaitait soulever une question incidente relativement à sa crainte raisonnable de partialité. Le 7 septembre 2021, il a présenté une observation me demandant de me récuser du présent appel au motif que j’aurais porté atteinte à son droit à l’équité procédurale d’être entendu lorsque j’ai rendu une directive rejetant sa requête en vue de répondre à la contre-preuve de l’appelante. L’intimé a affirmé que, dans une autre affaire aux circonstances presque identiques à celles de l’espèce, j’ai accordé à un commandant la possibilité de présenter des observations. L’intimé fait aussi valoir que les directives données précédemment dans le présent appel lui étaient toutes défavorables et que mes commentaires indiquaient mon inclinaison envers certains résultats relativement au bien-fondé de l’appel (dossier d’appel, aux p 1178, 1185-1191).

[55] Le 13 avril 2022, j’ai rendu une directive concernant cette question. J’ai expliqué qu’aucune directive antérieure n’a eu d’incidence négative sur les droits légitimes de l’intimé dans le cadre du présent appel, ni son issue sur le fond. J’ai également confirmé que les procédures pertinentes ont été suivies tout au long de l’appel et que l’intimé a eu l’occasion d’être entendu de par sa capacité à présenter des observations sur le fond, à soulever des questions incidentes ainsi qu’à présenter des observations. J’ai aussi clarifié le fait que l’intimé dans l’autre affaire à laquelle l’intimé a fait référence n’avait pas le droit de présenter des observations en réponse à l’appelante avant qu’un arbitre ne l’autorise à le faire, puisque l’affaire ne découlait pas d’une décision rendue par un comité de déontologie. Dans le présent appel, l’intimé avait déjà eu l’occasion de présenter des observations en réponse aux observations en appel de l’appelante. Par conséquent, je suis demeuré saisi de l’affaire, car l’intimé n’a pas établi l’existence d’une crainte raisonnable de partialité justifiant que je me récuse (dossier d’appel, aux p 1219-1226).

DÉCISION DE L’ARBITRE

Le respect du délai

[56] Conformément à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), « [l]’appel devant le commissaire est fait dans les quatorze jours suivant la date de la signification au membre en cause d’une copie de la décision visée par l’appel par le dépôt auprès du BCGA d’une déclaration d’appel ». Dans ma directive du 29 décembre 2020, j’ai confirmé que l’appel de l’appelante avait été présenté en temps opportun.

Admissibilité des arguments supplémentaires présentés par l’intimé en appel

[57] Dans sa réponse aux observations de l’appelante, l’intimé a présenté des allégations d’abus de procédure qui débordaient du cadre de l’appel. En particulier, l’intimé soutient que l’appelante a retenu des dossiers renfermant des renseignements probants, y compris l’Avis à l’officier désigné. L’intimé soutient aussi que, même si l’allégation no 1 avait été rejetée, le comité était attentif à ses précisions et y a fait référence lorsqu’il a imposé des mesures disciplinaires. Il est d’avis que, même si le comité avait été « dûment informé » des « efforts de dissimulation de renseignements ainsi que des manquements à l’équité procédurale » [traduction] de l’appelante, il n’a rien fait pour remédier au dénouement injuste de l’affaire (dossier d’appel, à la p 1089).

[58] Bien que j’aie déjà indiqué, dans ma directive du 27 juillet 2021, que les arguments soulevés par l’intimé le 9 mars 2021 n’ont pas été dûment introduits et outrepassaient la portée du présent appel, je souhaite présenter des commentaires à des fins d’exhaustivité. Avant de ce faire, il est intéressant d’examiner les actions de l’intimé dans une affaire connexe, soit le dossier no 2020335274.

Appels distincts de l’intimé et décisions de la Cour fédérale

[59] Le 26 mars 2020, l’intimé a déposé sa propre déclaration d’appel auprès du BCGA en faisant valoir que le comité était parvenu à sa décision d’une manière qui contrevenait aux principes applicables d’équité procédurale, que la décision était fondée sur une erreur de droit, et qu’elle était clairement déraisonnable. L’intimé a indiqué que le comité lui a signifié sa décision le 1er mai 2019.

[60] Même si les dispositions de la Loi sur la GRC et des Consignes du commissaire (griefs et appels) régissant le droit d’appel de l’intimé lui avaient été rappelées au paragraphe 73 de la décision, celui-ci a attendu jusqu’au 26 mars 2020 avant de déposer son appel, c’est-à-dire bien au-delà du délai de prescription de 14 jours prévu au paragraphe 45.11(1) de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels) (dossier no 2020335274, aux p 4-6). L’intimé a pris la décision délibérée de déposer une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale (T-522-19) le 25 mars 2019, quelques jours seulement après la conclusion de l’audience disciplinaire. La demande a donné lieu à trois décisions (2019 CF 1609, 2020 CF 297, and 2020 CF 401), et elle a éventuellement été rejetée parce qu’elle était prématurée. Le défendeur a interjeté appel de cette décision devant la CAF.

[61] Le 15 octobre 2020, j’ai rejeté la requête du BCGA en vue de fusionner l’appel de l’intimé et celui de l’appelante, et j’ai plutôt ordonné au BCGA d’obtenir des observations auprès des parties sur la question du délai et celle de savoir si une prorogation rétroactive devrait être accordée à l’intimé (dossier no 2020335274, aux p 85, 99-100).

[62] Le 12 juillet 2021, j’ai rendu une directive par laquelle j’ai rejeté l’appel et conclu que la situation de l’intimé ne justifiait pas qu’une prorogation rétroactive lui soit accordée. En particulier, j’ai expliqué que l’intimé n’avait pas manifesté une intention continue d’exercer son droit d’appel prévu par la loi ni présenté une explication raisonnable pour justifier son retard. J’ai aussi souligné que le fait de tolérer la recherche, par l’intimé, d’un tribunal favorable à sa cause lorsqu’il a décidé, de façon stratégique, de passer outre la procédure réglementaire d’appel en matière de déontologie en déposant une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale porterait atteinte au processus de la GRC.

[63] Dans l’arrêt Xanthopoulos c Canada (Procureur général), 2022 CAF 79, rendu le 11 mai 2022, la CAF a rejeté la conclusion portée en appel par l’intimé selon laquelle la CF n’avait pas commis d’erreur manifeste et dominante au moment d’établir qu’aucune circonstance exceptionnelle ne permettait d’écarter le principe bien établi selon lequel une partie se doit d’épuiser toutes les voies de recours administratifs utiles avant d’exercer un recours judiciaire.

Commentaires de l’arbitre

[64] Il ressort clairement des actions entreprises par l’intimé dans le présent appel (dossier no 2020335274) et dans les demandes de contrôle judiciaire, qu’il a agi de façon délibérée en ce qui concerne sa position relative à l’appel. Après avoir reçu la décision écrite du comité le 1er mai 2019, l’intimé connaissait son droit d’appel en vertu de l’article 45.11 de la Loi sur la GRC, mais il a plutôt décidé de déposer une demande de contrôle judiciaire. Il soutenait « qu’il y a eu manquement à l’équité procédurale lors du déroulement de l’enquête et dans le processus décisionnel de la GRC, que des erreurs ont été commises dans l’appréciation des faits et que le processus d’appel prévu par la procédure administrative interne de la GRC présentait des lacunes » (Xanthopoulos c Canada (Procureur général), 2020 CF 401, au para 9).

[65] C’est seulement après le rejet de la demande par la CF le 23 mars 2020, au motif qu’elle était prématurée, que l’intimé a interjeté appel auprès du BCGA, c’est-à-dire le 26 mars 2020. Comme il l’a fait plus de dix mois après l’expiration du délai de prescription, je lui ai ordonné de présenter des observations écrites à savoir pourquoi une prorogation rétroactive de ce délai était justifiée. Le 11 novembre 2020, l’intimé a présenté ses observations et arguments relatifs au bien- fondé de sa position dans sa réponse aux observations présentées le 9 mars 2021 par l’appelante dans le cadre du présent appel, selon toute vraisemblance, au cas où sa requête en vue d’obtenir une prorogation rétroactive serait rejetée. Dans ma décision rendue le 12 juillet 2021 dans le dossier no 2020335274, j’ai expliqué que le fait de tolérer la recherche, par l’intimé, d’un tribunal favorable à sa cause porterait atteinte au processus d’appel de la GRC en matière de déontologie, notamment parce que ses actions ne constituaient pas une erreur de bonne foi.

[66] En l’espèce, la conclusion à savoir si le comité a commis une erreur de droit dans ses conclusions relatives à l’allégation no 1 n’aura aucune incidence sur sa décision de rejeter cette allégation ni sur sa décision relative aux allégations no 2 et 3. Comme je l’ai déjà expliqué à l’intimé, le résultat du présent appel n’aura aucun effet sur lui-même ni sur la décision du comité de lui ordonner de démissionner. Il est probable que c’est pour cette raison que l’intimé ne souhaitait pas participer au processus d’appel, puisqu’il a indiqué « ne plus travailler pour la GRC, ne pas être assujetti à la Loi sur la GRC, et travailler dans un autre pays » [traduction] (dossier d’appel, aux p 85, 97). Pour ce motif, je conclus que les renseignements présentés par l’intimé ainsi que ses allégations d’abus de procédure n’ont pas été dûment introduits et outrepassaient la portée du présent appel.

[67] Même si je devais examiner les arguments de l’intimé, je conclurais qu’ils sont sans fondement.

[68] Dans ma directive du 27 juillet 2021, j’ai expliqué que l’intimé avait connaissance de ses allégations d’abus de procédure à la date de l’audience, et qu’il aurait dû soulever ces arguments dans le cadre des instances disciplinaires. J’ai aussi indiqué, dans la décision (dossier no 2020335274), que ces renseignements avaient été examinés avant l’audience et portaient sur la question du délai relatif à l’allégation no 1, lesquels avaient finalement été rejetés par le comité. De plus, les renseignements présentés à l’intimé au sujet des allégations no 2 et 3 portaient sur leurs précisions respectives. L’allégation no 2 concernait une évaluation de la crédibilité entourant le contexte dans lequel s’est tenue la conversation téléphonique du 22 septembre 2016 entre l’intimé et Mme M.M., et l’allégation no 3 portait sur les énoncés présentés par l’appelante en sus des relevés de téléphonie cellulaire pertinents de la GRC. Ces derniers ont été dûment examinés par le comité dans le cadre de son analyse de la crédibilité et des renseignements présentés, laquelle n’a pas été contestée par l’intimé (décision, aux para 25-45; éléments matériels, aux p 82-89, 2542- 2561).

[69] En ce qui concerne l’absence d’Avis à l’officier désigné dans les documents initiaux, j’accepte, avec une certaine réserve, l’affirmation de l’appelante selon laquelle il s’agit d’un document de nature procédurale qui « n’aide pas le membre en cause à connaître la preuve à réfuter » [traduction], et que l’intimé n’a pas été privé de son droit à l’équité procédurale en raison de cette omission, qui est sans doute attribuable à une erreur administrative. Cela dit, je conviens avec l’intimé que l’Avis à l’officier désigné aurait normalement dû lui être communiqué en première instance.

[70] Je ne retiens pas l’argument de l’intimé selon lequel le comité ne pouvait pas « faire abstraction de l’allégation no 1 tout en imposant des mesures disciplinaires relatives aux allégations no 2 et 3 » [traduction], et que cela constituait un abus de procédure (dossier d’appel, à la p 1088). Lorsqu’il a imposé des mesures disciplinaires relatives aux allégations no 2 et 3, le comité a confirmé qu’il ne considérerait pas la relation entre l’intimé et Mme M.M. ou la vulnérabilité de cette dernière comme un facteur aggravant étant donné que l’allégation no 1 avait été rejetée (décision, au para 66) :

L’autorité disciplinaire m’a demandé de prendre en considération à titre de facteur aggravant le fait que Mme M. M. était une jeune et vulnérable Autochtone victime de violence familiale. Cependant, je n’impose pas de mesures disciplinaires pour la relation inappropriée qui fait l’objet de l’allégation no 1, car cette allégation a été rejetée et n’est maintenant plus de mon ressort. La vulnérabilité de Mme M. M est beaucoup moins pertinente en ce qui a trait à l’allégation no 2, et je refuse de la prendre en considération à titre de facteur aggravant.

[Caractères gras ajoutés.]

[71] Finalement, je ne suis pas d’accord avec l’intimé pour dire que le comité a omis d’examiner les manquements présumés à l’équité procédurale. En ce qui concerne l’allégation no 1, le comité a convenu avec l’intimé que le délai de prescription d’un an pour convoquer une audience était expiré, et il a fait preuve d’équité en rejetant l’allégation. En l’espèce, l’appelante ne cherche pas à modifier la décision par laquelle le comité a rejeté l’allégation. De plus, lorsqu’il a rendu sa décision finale, le comité a examiné les documents dont il était saisi et a expliqué que « [r]ien dans la preuve qui [lui a] été fournie [n’indiquait] [que l’intimé] a été maltraité d’une quelconque façon dans le cadre de l’enquête ou de la procédure disciplinaire » (décision, aux para 24, 70).

[72] En résumé, je conclus que les allégations d’abus de procédure soulevées par l’intimé dans sa réponse aux observations de l’appelante sont sans fondement.

Le cadre législatif et la norme de contrôle

[73] Le présent appel est régi par la Partie IV de la Loi sur la GRC. Le paragraphe 45.11(1) prévoit ce qui suit :

Tout membre dont la conduite fait l’objet d’une décision du comité de déontologie ou l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience relative à cette décision peut, dans les délais prévus aux règles, faire appel de la décision devant le commissaire :

a) soit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle est établie ou non, selon le cas, une contravention alléguée à une disposition du code de déontologie;

b) soit en ce qui concerne toute mesure disciplinaire imposée après la conclusion visée à l’alinéa a).

[74] Les Consignes du commissaire (griefs et appels) énoncent les considérations obligatoires lorsqu’il s’agit de rendre une décision :

33 (1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[75] L’essentiel du présent appel consiste à savoir si le comité a commis une erreur de droit dans ses conclusions relatives à l’allégation no 1.

[76] Une erreur de droit est généralement décrite comme l’application d’une norme juridique incorrecte ou l’omission de tenir compte d’un élément essentiel d’un critère juridique (voir, par exemple, Housen c Nikolaisen, [2002] 2 RCS 33, au para 36). En d’autres termes, « [u]ne question qui vise à déterminer l’interprétation correcte d’une norme juridique [ou d’une disposition législative] plutôt que la manière dont la norme est appliquée aux faits particuliers est une question de droit » [traduction] (Robert Macaulay et James Sprague, Practice and Procedure before Administrative Tribunals, feuilles mobiles (Toronto : Thompson Reuters, 2017), volume 3, aux p 28-336, note 236).

[77] La Cour suprême du Canada (la CSC) a établi une distinction entre les questions mixtes de droit et de fait et les erreurs de droit pures dans l’arrêt Housen, aux paragraphes 33 et 36 :

33 Par contre, lorsqu’il peut être établi que la conclusion erronée du juge de première instance découle d’une erreur quant à la norme juridique à appliquer, ce facteur touche au rôle de création du droit de la cour d’appel, et une retenue moins élevée s’impose, conformément à la norme de la décision « correcte ».

[…]

36 […] Les cours d’appel doivent cependant faire preuve de prudence avant de juger que le juge de première instance a commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu à la négligence, puisqu’il est souvent difficile de départager les questions de droit et les questions de fait. Voilà pourquoi on appelle certaines questions des questions « mixtes de fait et de droit ». Si le principe juridique n’est pas facilement isolable, il s’agit alors d’une « question mixte de fait et de droit », assujettie à une norme de contrôle plus rigoureuse. Selon la règle générale énoncée dans l’arrêt Jaegli Enterprises, précité, si la question litigieuse en appel soulève l’interprétation de l’ensemble de la preuve par le juge de première instance, cette interprétation ne doit pas être infirmée en l’absence d’erreur manifeste et dominante.

[78] Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 SCC 65 (Vavilov), la CSC a conclu que la norme applicable au contrôle de décisions administratives faisant intervenir une question de droit est celle de la décision raisonnable sauf en présence de circonstances exceptionnelles, où la norme de la décision correcte s’appliquerait (c.-à-d. « les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs » (au para 53).

[79] Dans l’arrêt Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 47, la CSC a expliqué qu’une décision raisonnable est justifiée, transparente et intelligible, et qu’elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit ». Dans l’arrêt Vavilov, la CSC a ajouté qu’une décision raisonnable est « fondée sur un raisonnement à la fois rationnel et logique ». Le contrôle selon la norme de la décision raisonnable n’est pas « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur » dans le raisonnement du décideur. La cour de révision doit être en mesure de « suivre le raisonnement du décideur sans buter sur une faille décisive dans la logique globale; elle doit être convaincue qu’« [un] mode d’analyse, dans les motifs avancés, [...] pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait » (au para 102).

[80] La CSC a ensuite expliqué qu’une décision sera jugée déraisonnable dans le cas où :

  • les motifs, lus dans leur ensemble, ne font pas état d’une analyse rationnelle;
  • les motifs, lus dans leur ensemble, montrent que la décision est fondée sur une analyse irrationnelle;
  • la conclusion tirée ne peut prendre sa source dans l’analyse effectuée;
  • il est impossible de comprendre, lorsqu’on lit les motifs en corrélation avec le dossier, le raisonnement du décideur sur un point central.

Une décision peut également être remise en question lorsque les motifs « sont entachés d’erreurs manifestes sur le plan rationnel — comme lorsque le décideur a suivi un raisonnement tautologique ou a recouru à de faux dilemmes, à des généralisations non fondées ou à une prémisse absurde ». La CSC a précisé que cela ne signifie pas que les décisions devraient être assujetties « à des contraintes formalistes ou aux normes auxquelles sont astreints des logiciens érudits ». Toutefois, la cour de révision doit être convaincue que le raisonnement du décideur « se tient » (au para 104).

Bien-fondé

Le comité a-t-il commis une erreur de droit lorsqu’il a conclu que la connaissance pertinente de l’UNP est suffisante pour déclencher le délai de prescription établi au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC?

[81] L’appelante soutient que les paragraphes 40(1) et (2) de la Loi sur la GRC imposent clairement aux autorités disciplinaires l’obligation de convoquer une audience dans l’année suivant la contravention au code qui aurait été commise par le membre. L’appelante est d’avis que le comité a commis une erreur en faisant abstraction de la jurisprudence existante à ce sujet ainsi qu’en faisant appel à la Loi d’interprétation et au droit des mandats pour fonder sa conclusion selon laquelle la connaissance de l’enquêteur de l’UNP est aussi celle de l’autorité disciplinaire.

[82] L’intimé appuie la conclusion du comité selon laquelle une relation de mandataire existe entre les autorités disciplinaires et les enquêteurs de l’UNP, et que le mandataire devient une extension du mandant du fait de cette relation. L’intimé soutient que l’argument de l’appelante contredit directement la présomption de cohérence « virtuellement irréfragable » qui s’applique aux organismes législatifs.

[83] Comme je l’expliquerai, je conclus que le comité a commis une erreur dans son interprétation des paragraphes 40(1) et 40(2) de la Loi sur la GRC.

[84] Pour commencer, je vais résumer les dispositions législatives qui s’appliquent aux affaires en déontologie :

Loi sur la GRC

Définitions

autorité disciplinaire S’entend, relativement à un membre, de toute personne désignée en vertu du paragraphe (3) à l’égard de ce membre.

Désignation

2(3) Le commissaire peut désigner toute personne à titre d’autorité disciplinaire à l’égard d’un membre pour l’application de la présente loi ou de telle de ses dispositions.

Délégation

5(2) Le commissaire peut déléguer à tout membre, aux conditions qu’il fixe, les pouvoirs ou fonctions que lui attribue la présente loi, à l’exception du pouvoir de délégation que lui accorde le présent paragraphe, du pouvoir que lui accorde la présente loi d’établir des règles et des pouvoirs et fonctions visés aux paragraphes 45.4(5) et 45.41(10).

Enquête

40 (1) Lorsqu’il apparaît à l’autorité disciplinaire d’un membre que celui- ci a contrevenu à l’une des dispositions du code de déontologie, elle tient ou fait tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention.

Prescription

41(2) L’autorité disciplinaire ne peut convoquer une audience, relativement à une contravention au code de déontologie qui aurait été commise par un membre, plus d’un an après que la contravention et l’identité du membre en cause ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui tient ou fait tenir l’enquête.

Consignes du commissaire (déontologie)

Désignation à titre d’autorités disciplinaires

2(1) Les personnes ci-après, sous réserve des exigences établies, le cas échéant, par le commissaire en vertu du paragraphe (2), sont désignées à titre d’autorités disciplinaires à l’égard des membres placés sous leur commandement :

a) les membres commandant un détachement et les personnes qui relèvent directement d’un officier ou d’une personne occupant un poste de direction équivalent;

b) les officiers ou les personnes occupant un poste de direction équivalent;

c) les officiers commandant une division.

Exigences

2(2) Le commissaire peut établir les exigences auxquelles une personne doit satisfaire pour agir à titre d’autorité disciplinaire.

Révocation

2(3) Le commissaire peut révoquer la désignation d’autorité disciplinaire d’une personne en lui signifiant un avis écrit à cet égard. La révocation prend effet dès la signification de l’avis.

Suspension du processus disciplinaire

2(4) Tout processus disciplinaire en cours dont l’autorité disciplinaire est responsable au moment de la révocation est suspendu jusqu’à ce qu’il soit pris en charge par une autre autorité disciplinaire.

[85] Je conclus que le comité a eu raison de conclure que l’autorité disciplinaire a la responsabilité, aux termes du paragraphe 40(1) de la Loi sur la GRC, de faire tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement eu contravention. Le comité a aussi précisé qui était l’entité désignée comme autorité disciplinaire au titre du paragraphe 2(1) des Consignes du commissaire (Déontologie) (décision, aux para 4-7). Le paragraphe 5(2) de la Loi sur la GRC prévoit que le commissaire peut déléguer ses pouvoirs ou fonctions à l’exception de son pouvoir de délégation en tant que tel.

[86] Le comité a ensuite expliqué que, dans les faits, le processus d’enquête est généralement mené par l’UNP au nom de l’autorité disciplinaire et par l’intermédiaire d’une lettre de mandat comprenant les directives nécessaires. Toutefois, sur le plan juridique, le comité reconnaît que cela ne change rien au fait que l’UNP n’a pas le pouvoir de lancer une enquête relevant du code de son propre chef, puisque cette responsabilité incombe à l’autorité disciplinaire (décision, aux para 8- 9).

[87] Le comité a correctement décrit le rôle que joue l’autorité disciplinaire dans le processus déontologique, mais il a commis une erreur dans sa conclusion subséquente relative au rôle et au pouvoir de l’UNP. Le comité était d’avis que les enquêteurs de l’UNP agissent à titre de mandataires de l’autorité disciplinaire et que, par conséquent, « la connaissance de l’enquêteur ou du gestionnaire de l’UNP est aussi celle de l’autorité disciplinaire ». Le comité a expliqué que « chacune des mesures [que l’UNP] prend en ce qui a trait à une allégation selon laquelle un membre a contrevenu au code de déontologie est prise au nom de l’autorité disciplinaire » et que, dans les faits, « [o]n considère que l’information que l’UNP obtient dans l’exercice de ce mandat est aussi connue de l’autorité disciplinaire pour le compte de qui elle agit ». Par conséquent, le comité a conclu que la prescription aux termes du paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC « doit être amorcée au moment où l’information que détient l’UNP est suffisante pour lui donner les motifs raisonnables de croire qu’un membre a enfreint le code de déontologie » (décision, para 10- 12).

[88] Le comité a tiré cette conclusion en se fondant sur le paragraphe 31(2) de la Loi d’interprétation :

Le pouvoir donné à quiconque, notamment à un agent ou fonctionnaire, de prendre des mesures ou de les faire exécuter comporte les pouvoirs nécessaires à l’exercice de celui-ci.

Le comité a aussi mentionné le paragraphe 190 de la décision Phillips, 2018 DARD 20183382, rendue par le comité de déontologie de la GRC, et il a pris acte de la référence de ce comité à l’arrêt Thériault, selon laquelle « le délai de prescription commençait à courir au moment où la contravention alléguée et l’identité de son auteur étaient portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire compétente, et non au moment où elles étaient portées à la connaissance de tierces parties au sein de la GRC, y compris de subalternes de l’autorité disciplinaire […] à condition qu’il n’y ait eu aucune tentative pour dissimuler la contravention alléguée ou l’identité de son auteur à l’autorité disciplinaire ». Néanmoins, le comité a refusé de considérer « les enquêteurs de l’UNP comme les "tiers" des autorités disciplinaires étant donné que ces dernières leur ont confié le mandat d’enquêter sur les questions disciplinaires et de les gérer en leur nom » (décision, para 12).

[89] Ce faisant, je conclus que l’analyse du comité diverge de la conclusion rendue par la CAF au paragraphe 1 de l’arrêt Thériault :

Les procédures disciplinaires intentées contre l’appelant en tant que membre de la Gendarmerie Royale du Canada (GRC) étaient‑elles prescrites en vertu du paragraphe 43(8) [mod. par L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 8, art. 16] de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R‑10 (Loi)? Ce paragraphe stipule : « [l]’officier compétent ne peut convoquer une audience en vertu du présent article relativement à une contravention au code de déontologie censément commise par un membre plus d’une année après que la contravention et l’identité de ce membre ont été portées à sa connaissance » [soulignement ajouté]. Il convient de noter que la connaissance dont il est ici question est celle de l’officier compétent et non celle des personnes qui sont chargées de faire enquête et rapport sur les allégations de manquements à la déontologie. En d’autres termes, la connaissance par des tiers, même si ce sont des subalternes de l’officier compétent, ne permet pas de faire démarrer la période de prescription.

[Caractères gras ajoutés.]

Même si la CAF faisait référence à une version de la Loi sur la GRC qui était en vigueur à l’époque, le libellé et l’objet de l’ancien paragraphe 43(8), maintenant abrogé, sont semblables au paragraphe 41(2) actuel, qui décrit la délai de prescription à savoir qui peut convoquer une audience et à quel moment. La CAF a clairement souligné que la connaissance « des personnes qui sont chargées de faire enquête et rapport sur les allégations de manquements à la déontologie » ne marquera pas le début du délai, mais le comité en a conclu autrement. Il a signalé que, puisque les enquêteurs de l’UNP ont été chargés d’enquêter ainsi que de gérer les questions disciplinaires, toute information qu’ils obtiennent dans l’exercice de ce mandat est aussi connue de l’autorité disciplinaire (décision, au para 12).

[90] Dans la décision Smart, la CF a fait référence aux conclusions rendues par la CAF dans l’arrêt Thériault et a expliqué que « seul l’officier compétent lui-même a le pouvoir d’instituer des procédures disciplinaires officielles », et que ce pouvoir ne peut pas être délégué ni exercé par le représentant de l’officier compétent. Puisque seul l’officier compétent a le pouvoir prévu par la loi d’instituer des procédures disciplinaires officielles, « il s’ensuit que l’officier compétent doit avoir personnellement la connaissance requise afin d’être en mesure de le faire. La connaissance présumée, même de la part du représentant de l’officier compétent, ne suffit pas » (caractères gras ajoutés). Par conséquent, la CF a conclu que « le comité d’arbitrage a commis une erreur de droit en concluant que la connaissance attribuée à l’officier compétent […] était suffisante pour faire démarrer le délai de prescription pour instituer des procédures disciplinaires » (caractères gras ajoutés) (Smart, aux para 55-59).

[91] Plus récemment, dans la décision Lewis c Canada (Procureur général), 2021 CF 1385, la CF a examiné une question relative au délai de prescription énoncé au paragraphe 42(2) de la Loi sur la GRC. Comme le paragraphe 41(2), le paragraphe 42(2) prévoit un délai de prescription d’un an, mais celui-ci se rapporte à l’imposition de mesures disciplinaires à partir du moment où la contravention a été commise et où l’identité du membre en cause ont été portées à la connaissance de l’autorité disciplinaire qui tient ou fait tenir l’enquête

[92] Les conclusions dans ces affaires montrent clairement que c’est l’autorité disciplinaire qui doit avoir la connaissance nécessaire pour convoquer une enquête, et qu’il n’est pas approprié d’attribuer la connaissance à une autorité disciplinaire telle que l’enquêteur de l’UNP. Il ne suffit pas que l’enquêteur de l’UNP ait simplement connaissance de l’information. L’UNP doit plutôt fournir cette information à l’autorité disciplinaire désignée afin que s’amorce le délai de prescription prévu au paragraphe 41(2).

[93] En résumé, le comité a fait abstraction de la décision Smart et de l’arrêt Thériault sans donner d’explication convaincante. Dans la décision Sanchez Herrera c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 401, aux paragraphes 72-73, la CF a expliqué que la doctrine du précédent obligatoire, ou stare decisis, est le « principe en vertu duquel les tribunaux rendent des décisions conformes à celles qu’ils ont déjà rendues ou à celles que les tribunaux supérieurs ont déjà prononcées », de sorte à garantir la « certitude du droit ». Dans l’arrêt Banque de Montréal c Li, 2020 CAF 22, au paragraphe 37, la CAF a expliqué qu’un « décideur administratif est tenu de respecter les précédents applicables émanant de n’importe quel tribunal, et plus particulièrement s’il s’agit d’une cour d’appel; la doctrine du stare decisis n’exige rien de moins » (caractères gras ajoutés).

[94] Dans l’arrêt Carter c Canada (Procureur général), 2015 CSC 5, au paragraphe 44, la CSC a décrit deux situations où les précédents de tribunaux supérieurs peuvent être réexaminés : « (1) lorsqu’une nouvelle question juridique se pose; et (2) lorsqu’une modification de la situation ou de la preuve "change radicalement la donne." »

[95] Aucune des situations qui justifieraient que le comité s’écarte de la jurisprudence existante n’est présente en l’espèce. Pour justifier sa thèse, le comité a seulement indiqué qu’il s’est fondé sur la Loi d’interprétation et le droit des mandats afin d’appuyer sa conclusion selon laquelle la connaissance de l’enquêteur de l’UNP est automatiquement présumée être celle de l’autorité disciplinaire, puisque cette dernière avait chargé l’UNP « d’enquêter sur les questions disciplinaires et de les gérer en [son] nom ». De plus, le comité a défendu son interprétation en soulignant qu’elle était « implicite dans une politique », c’est-à-dire au point 4.1.1 du chapitre XII.1 « déontologie » du Manuel d’administration de la GRC :

Lorsqu’on apprend qu’un membre aurait enfreint une disposition du code de déontologie, l’autorité disciplinaire au niveau le plus approprié par rapport au membre visé doit recevoir et étudier l’information dans le but d’évaluer et de déterminer les meilleurs moyens de traiter l’incident, ce qui peut comprendre le renvoi au prochain niveau d’autorité disciplinaire lorsqu’il est clairement établi, le cas échéant, que la contravention alléguée ne peut être traitée adéquatement par le présent niveau d’autorité disciplinaire.

Le comité est d’avis que, selon la politique, « l’autorité disciplinaire ne doit pas nécessairement avoir reçu elle-même l’information. On indique seulement “lorsqu’on apprend”, ce qui implique que peu importe qui reçoit l’information (l’UNP), celle-ci doit être immédiatement transmise à l’autorité disciplinaire ». Le comité a estimé que, si la connaissance de l’UNP est réputée être celle de l’autorité disciplinaire, le délai de prescription commence dès que l’UNP a obtenu l’information suffisante pour amorcer la prescription, et qu’il « importe donc peu si l’information a été transmise à l’autorité disciplinaire ou non, ou le moment auquel elle a été transmise » (décision, aux para 13- 15). Je ne suis pas convaincu.

[96] Dans l’arrêt 1704604 Ontario Ltd. c Pointes Protection Association, 2020 CSC 22, au paragraphe 6, la CSC a confirmé que « la méthode moderne d’interprétation statutaire » exige que « les termes d’une loi doivent être lus "dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’économie de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur" » (caractères gras ajoutés). La CSC a aussi expliqué que la méthode privilégiée d’interprétation législative comprend une « analyse contextuelle et téléologique privilégiée » (Bell ExpressVu Limited Partnership c Rex, 2002 CSC 42).

[97] Dans cette perspective, même sans les directives données par la CAF et la CF dans les affaires Thériault et Smart, un examen des dispositions applicables de la Loi sur la GRC et des Consignes du commissaire (déontologie), considérées dans leur contexte, appuie la conclusion selon laquelle la connaissance de l’autorité disciplinaire désignée déclenche le délai prévu au paragraphe 41(2). Les paragraphes 2(1) et 2(3) de la Loi sur la GRC prévoient qu’une autorité disciplinaire est une personne désignée par le commissaire, et le paragraphe 2(1) des Consignes du commissaire (déontologie) établi les exigences qu’une personne doit remplir afin d’être désignée à titre d’autorité disciplinaire. Les paragraphes 2(3) et 2(4) des Consignes du commissaire (déontologie) précisent que, lorsque le commissaire révoque la désignation de l’autorité disciplinaire, le processus disciplinaire est suspendu jusqu’à ce qu’il soit pris en charge par une autre autorité disciplinaire. Je souligne que la Loi sur la GRC et les Consignes du commissaire (déontologie) ne comprennent aucune disposition autorisant l’enquêteur de l’UNP, ni toute autre personne excepté l’autorité disciplinaire désignée, à lancer le processus disciplinaire.

[98] Lorsque l’on examine ces dispositions à la lumière des paragraphes 40(1) et 41(2) de la Loi sur la GRC, l’autorité disciplinaire désignée est la seule personne autorisée à tenir ou faire tenir l’enquête qu’elle estime nécessaire pour lui permettre d’établir s’il y a réellement contravention. En outre, c’est à l’autorité disciplinaire qu’il appartient de convoquer une enquête dans les délais prescrits. Même le point 4.1.1 du chapitre XII.1 du Manuel d’administration de la GRC énonce que « l’autorité disciplinaire au niveau le plus approprié par rapport au membre visé doit […] déterminer les meilleurs moyens de traiter l’incident » (caractères gras ajoutés).

[99] Comme le comité l’a souligné, une autorité disciplinaire peut donner à l’UNP la directive de mener une enquête. Cependant, celle-ci n’a pas le pouvoir de lancer une enquête ou une audience de son propre chef. En clair, je conclus que le comité a commis une erreur dans son interprétation des dispositions législatives applicables à l’appui de sa conclusion selon laquelle la connaissance de l’UNP est automatiquement présumée être celle de l’autorité disciplinaire, même si l’information en cause n’est pas transmise à cette dernière.

[100] Je conviens avec l’appelante que « le fait d’imposer une obligation à un employé ou à une unité, comme l’UNP, après les faits est incompatible avec le cadre législatif » [traduction]. C’est là ce que le comité a fait en l’espèce. De plus, je souscris à la thèse de l’intimé selon laquelle il existe une « présomption de cohérence » relativement à un ensemble de lois. Toutefois, pour les motifs qui précèdent, je ne suis pas d’accord pour dire qu’il existe une relation de mandataire inhérente telle que l’enquêteur de l’UNP constitue une extension de l’autorité disciplinaire.

[101] Finalement, je souligne que le comité s’est montré attentif à la question de la dissimulation, puisque celle-ci avait été soulevée avant l’audience, et que les deux parties avaient énoncé leurs positions respectives à cet égard. En fin de compte, le comité n’a pas rendu de conclusion relative à la dissimulation. Par conséquent, je suis convaincu que cette question n’a eu aucune incidence sur la conclusion du comité selon laquelle la connaissance de l’enquêteur de l’UNP a déclenché le délai de prescription prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC.

Conclusion

[102] Je conclus que le comité a commis une erreur en ne suivant pas la jurisprudence existante de la CAF et de la CF, en faisant une mauvaise interprétation des paragraphes 40(1) et 41(2) de la Loi sur la GRC, et en appliquant incorrectement la Loi d’interprétation ainsi que le droit des mandats pour appuyer sa position selon laquelle la connaissance de l’enquêteur de l’UNP dans ces circonstances était suffisante pour déclencher le délai de prescription relatif à la convocation d’une audience disciplinaire.

DÉCISION

[103] En vertu de l’alinéa 45.16(1)b) de la Loi sur la GRC, j’accueille le présent appel. À mon avis, le comité a commis une erreur en déterminant que la connaissance de l’enquêteur de l’UNP dans les circonstances de l’espèce était suffisante pour déclencher le délai de prescription prévu au paragraphe 41(2).

[104] Même alors, le comité a présenté deux motifs à l’appui de sa conclusion selon laquelle l’allégation no 1 avait été lancée après l’expiration du délai de prescription d’un an . Le comité a aussi conclu que, le 7 septembre 2016, deux autorités disciplinaires dûment désignées possédaient une connaissance suffisante pour déclencher le délai de prescription. Cette conclusion n’est pas contestée. Par conséquent, ma conclusion n’a aucune incidence sur la décision finale du comité de rejeter l’allégation no 1, ou sur sa décision relative aux allégations no 2 et 3, sur la foi de laquelle il a ordonné à l’intimé de démissionner de la GRC sans quoi il serait congédié.

 

 

Date

Steven Dunn, arbitre

 

 

 

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