Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a fait l’objet de deux allégations de conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. L’appelant a été accusé d’avoir été l’instigateur d’un contact sexuel non désiré avec une gardienne de cellule, par rapport à laquelle il était en position d’autorité à titre de sergent du bloc cellulaire, et d’avoir flirté et entretenu une relation inappropriée de nature sexuelle avec elle.

L’appelant a contesté les deux allégations. Un comité de déontologie a conclu que les allégations étaient fondées et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié de la Gendarmerie. L’appelant a interjeté appel.

En appel, l’appelant a soutenu que le comité ne lui avait offert aucune réparation pour le préjudice subi en raison du délai reconnu comme déraisonnable lié à l’avis d’audience disciplinaire; avait commis une erreur en considérant des détails des allégations comme des circonstances aggravantes plutôt que comme des éléments essentiels; avait tiré des conclusions quant à la crédibilité qui n’étaient pas étayées par la preuve; et avait commis une erreur en se fondant sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été dûment présentés. Par conséquent, l’appelant a demandé sa réintégration.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (le CEE) de la GRC pour examen. Le CEE a conclu que le comité n’avait pas commis d’erreur en refusant de considérer le délai déraisonnable comme une circonstance atténuante, n’avait pas manqué aux principes d’équité procédurale applicables et n’avait pas rendu une décision manifestement déraisonnable.

Un arbitre a conclu que la décision du comité était étayée par la preuve au dossier, n’était pas manifestement déraisonnable et n’avait pas été rendue en contravention des principes d’équité procédurale applicables. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier 201933533 (C-061)

2022 DAD 14

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UN

appel d’une décision interjeté en vertu du paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (dans sa version modifiée) et des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289

ENTRE:

Sergent Will Turner

Matricule 47786

Numéro du SIGRH 000092834

(appelant)

et

Commandant de la Division E

Gendarmerie royale du Canada

(intimé)

(les parties)

DÉCISION D’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

 

ARBITRE: Steven Dunn

DATE: Le 21 octobre 2022



SOMMAIRE 5

INTRODUCTION 6

CONTEXTE 8

Allégations 9

Requête en arrêt des procédures 11

Conférences préparatoires 12

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES 13

Preuve relative aux allégations 13

Décision sur les allégations 20

Éléments de preuve sur les mesures disciplinaires 21

Observations sur les mesures disciplinaires 23

Observations du RAD 23

Observations du représentant 24

Réponse du RAD 25

Décision sur les mesures disciplinaires 25

APPEL 28

ANALYSE 28

Questions préliminaires 28

Qualité pour agir et respect des délais 28

Documents à l’appui présentés dans le cadre de l’appel 28

Considérations en appel 30

Le comité n’a offert à l’appelant aucune réparation pour le préjudice subi en raison du délai déraisonnable 31

Norme de contrôle 31

Observation de l’appelant 33

Observation de l’intimé 33

Conclusions 34

Le comité a commis une erreur en déterminant qu’il n’avait pas à se prononcer sur les détails des allégations 35

Observation de l’appelant 35

Observation de l’intimé 36

Conclusions 37

Le comité a commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité de Mme A 39

Observation de l’appelant 39

Observation de l’intimé 40

Conclusions 41

Le comité a commis une erreur en se fondant sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été dûment présentés 42

Norme de contrôle 43

Observation de l’appelant 43

Observation de l’intimé 44

Conclusions 44

i) Incidence sur la relation avec la ville 44

ii) Preuve de faits similaires 46

DISPOSITIF 46

 

SOMMAIRE

L’appelant a fait l’objet de deux allégations de conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC. L’appelant a été accusé d’avoir été l’instigateur d’un contact sexuel non désiré avec une gardienne de cellule, par rapport à laquelle il était en position d’autorité à titre de sergent du bloc cellulaire, et d’avoir flirté et entretenu une relation inappropriée de nature sexuelle avec elle.

L’appelant a contesté les deux allégations. Un comité de déontologie a conclu que les allégations étaient fondées et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié de la Gendarmerie. L’appelant a interjeté appel.

En appel, l’appelant a soutenu que le comité ne lui avait offert aucune réparation pour le préjudice subi en raison du délai reconnu comme déraisonnable lié à l’avis d’audience disciplinaire; avait commis une erreur en considérant des détails des allégations comme des circonstances aggravantes plutôt que comme des éléments essentiels; avait tiré des conclusions quant à la crédibilité qui n’étaient pas étayées par la preuve; et avait commis une erreur en se fondant sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été dûment présentés. Par conséquent, l’appelant a demandé sa réintégration.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (le CEE) de la GRC pour examen. Le CEE a conclu que le comité n’avait pas commis d’erreur en refusant de considérer le délai déraisonnable comme une circonstance atténuante, n’avait pas manqué aux principes d’équité procédurale applicables et n’avait pas rendu une décision manifestement déraisonnable.

Un arbitre a conclu que la décision du comité était étayée par la preuve au dossier, n’était pas manifestement déraisonnable et n’avait pas été rendue en contravention des principes d’équité procédurale applicables. L’appel a été rejeté.

INTRODUCTION

[1] Le sergent (serg.) Will Turner, matricule 47786 (l’appelant), interjette appel de la décision par laquelle un comité de déontologie de la GRC (le comité) a conclu que deux allégations (les allégations) de conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, une annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281, étaient fondées. En se fondant sur ces conclusions, le comité a ordonné à l’appelant de démissionner dans les quatorze jours suivants, sans quoi il serait congédié.

[2] L’appelant soutient que la décision contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’erreurs de droit et est manifestement déraisonnable, car le comité ne lui avait offert aucune réparation pour le préjudice subi en raison du délai reconnu comme déraisonnable lié à l’avis d’audience disciplinaire; avait commis une erreur en considérant des détails des allégations comme des circonstances aggravantes plutôt que comme des éléments essentiels; avait tiré des conclusions quant à la crédibilité qui n’étaient pas étayées par la preuve; et avait commis une erreur en se fondant sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été dûment présentés.

[3] L’appelant sollicite l’annulation de l’ordonnance de congédiement et sa réintégration dans la GRC.

[4] Le représentant des autorités disciplinaires (le RAD) a déposé une requête préliminaire en vue d’obtenir une ordonnance de non-publication visant tout renseignement permettant d’identifier la gardienne de cellule. Le comité a accueilli la requête sans que l’appelant s’y oppose. Je suis d’accord avec le CEE que rien ne justifie de modifier l’ordonnance de non-publication à ce stade du processus. Par conséquent, je ferai comme le CEE et désignerai la gardienne de cellule sous le nom de Mme A.

[5] Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10 (la Loi sur la GRC), l’appel a été renvoyé devant le CEE de la GRC pour examen. Dans un rapport publié le 7 juillet 2022 (CEE, C-2020-007 [C-061]) (le rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé que l’appel soit rejeté.

[6] En vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, le commissaire peut déléguer son pouvoir de rendre des décisions définitives et exécutoires sur des appels en matière de déontologie, et ce pouvoir m’a été délégué.

[7] Pour rendre ma décision, j’ai pris en considération la série de documents de 2 665 pages dont disposait le comité, y compris les fichiers audio et vidéo (les documents), le dossier d’appel de 2 346 pages préparé par le Bureau de la coordination des griefs et des appels (le BCGA) ainsi que le rapport, collectivement appelés le « dossier ». Je renvoie aux documents du dossier à l’aide du numéro de page du fichier électronique.

[8] Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

CONTEXTE

[9] Le CEE a résumé le contexte factuel ayant mené à l’audience disciplinaire (rapport, aux par. 6-11) :

[TRADUCTION]

[6] L’appelant était un sergent (le serg.) responsable du bloc cellulaire d’un détachement de la Division E. Au printemps 2014, l’appelant et une gardienne de cellule, Mme A, qui faisaient partie de la même veille au détachement, ont commencé à se texter sur leur téléphone cellulaire personnel sur des sujets liés ou non au travail. Au cours des semaines suivantes, les messages textes échangés sont devenus à connotation sexuelle (documents, à la p. 81). Dans le cadre de ces échanges, l’appelant a demandé à Mme A de lui envoyer des photos explicites, ce qu’elle a fait.

[7] L’aspect sexuel de la relation entre Mme A et l’appelant a débuté en juin 2014. Ils ont commencé par s’embrasser dans la cuisine du détachement. Ultérieurement, Mme A faisait des fellations à l’appelant alors qu’ils étaient au travail et de service. Ces incidents se sont produits près de l’aire du bloc cellulaire du détachement (soit dans la cuisine, dans la réserve se trouvant au bout de celle-ci ou dans la cage d’escalier). Ces contacts étaient consensuels et se sont produits à cinq reprises, jusqu’à ce qu’un incident culminant se produise le 10 octobre 2014. Cependant, à la fin de l’été 2014, lorsqu’elle a appris que l’appelant avait une petite amie, Mme A aurait dit à l’appelant d’arrêter de la texter et qu’elle voulait mettre un terme à la relation (documents, à la p. 81). Elle avait également commencé une relation à ce moment-là, qui devenait plus sérieuse. Les interactions entre eux ne concernant pas le travail ont semblé cesser.

[8] Le 10 octobre 2014, Mme A a rencontré l’appelant par hasard dans l’une des cages d’escalier du détachement alors qu’elle se dépêchait pour commencer son quart de travail, tandis que lui finissait le sien. Leur version des événements diffère, mais ils conviennent que Mme A a de nouveau fait une fellation à l’appelant et qu’ils ont soudainement arrêté. Mme A a affirmé que l’appelant l’avait embrassé de manière agressive, qu’il avait appuyé sur sa tête pour qu’elle s’agenouille et qu’il lui avait demandé de lui faire une fellation, alors que son pénis était déjà sorti de son pantalon (documents, à la p. 1765). L’appelant a déclaré que Mme A avait commencé à l’embrasser et qu’elle s’était agenouillée d’elle-même. Après le contact, Mme A est allée voir la serg. A, sa superviseure, pour lui demander de lui dire dorénavant quand l’appelant quittait l’aire pour qu’elle puisse l’éviter (documents, aux p. 81, 1707-1708).

[9] Après que sa superviseure a insisté pour connaître les raisons de cette demande, Mme A lui a raconté ce qui s’était passé dans la cage d’escalier. Elle a demandé à la serg. A de garder cette information confidentielle. Cependant, estimant qu’elle ne pouvait pas garder cette information confidentielle, la serg. A a avisé son superviseur et le surintendant principal X, l’autorité disciplinaire. Le jour même, l’autorité disciplinaire a donné le mandat de procéder à une enquête (documents, à la p. 1709). Toujours le 10 octobre 2014, l’appelant a été arrêté pour agression sexuelle (documents, aux p. 82, 1717).

[10] L’appelant a été suspendu le 6 novembre 2014 (documents, à la p. 74). Je souligne qu’une enquête prévue par la loi a également été menée en parallèle. Cependant, la Couronne a décidé de ne pas déposer d’accusations d’agression sexuelle (documents, à la p. 2476).

[11] Le 29 décembre 2014, les enquêteurs ont remis leur rapport d’enquête (documents, à la p. 1707). Dans sa déclaration aux enquêteurs, Mme A a affirmé que, lorsqu’elle acceptait de faire une fellation à l’appelant, son quart de travail était plus facile. Elle a également affirmé qu’au début, elle y participait de plein gré, mais que lorsque l’appelant est devenu plus agressif et que tout est devenu « à propos de son pénis », elle a voulu que les interactions cessent. L’appelant a refusé de fournir une déclaration aux enquêteurs.

Allégations

[10] Le 7 octobre 2015, le commandant de la Division E, qui était à l’époque l’autorité disciplinaire, a déposé un avis auprès de l’officier désigné pour convoquer une audience (documents, à la p. 2615). Ce dernier l’a fait une semaine avant le délai d’un an. Un avis d’audience disciplinaire a ensuite été délivré le 28 juin 2016, puis signifié à l’appelant le 4 août 2016 (documents, aux p. 222-224).

[11] L’avis décrivait les allégations suivantes :

[TRADUCTION]

Allégation no 1

Le 10 octobre 2014 ou vers cette date, à [X] ou à proximité, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant] a eu une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention :

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Vous étiez un sergent de la veille C au détachement de la GRC de [X], responsable du bloc cellulaire.

3. Vos fonctions à titre de sergent consistaient notamment à surveiller toutes les opérations policières du bloc cellulaire et les affaires de détention et à superviser les fonctions exercées par les gendarmes et les gardiens de cellule durant vos quarts de travail.

4. Vous étiez en position d’autorité par rapport à [Mme A], qui était une gardienne de cellule au détachement de la GRC de [X].

5. À la fin de votre quart de travail, vous avez rencontré [Mme A] dans la cage d’escalier du détachement de la GRC de [X]. Vous avez été l’instigateur d’un contact sexuel non désiré et inapproprié avec elle.

Allégation no 2

Entre le 1er novembre 2013 et le 10 octobre 2014 ou vers ces dates, à [X] ou à proximité, dans la province de la Colombie-Britannique, [l’appelant], alors qu’il était de service, a eu une conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de la contravention :

1. Durant toute la période indiquée, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Vous étiez un sergent de la veille C au détachement de la GRC de [X], responsable du bloc cellulaire.

3. Vos fonctions à titre de sergent consistaient notamment à surveiller toutes les opérations policières du bloc cellulaire et les affaires de détention et à superviser les fonctions exercées par les gendarmes et les gardiens de cellule durant vos quarts de travail.

4. Vous étiez en position d’autorité par rapport à [Mme A], qui était une gardienne de cellule affectée à la veille C et à la veille D au détachement de la GRC de [X].

5. Entre novembre 2013 et juillet 2014, à titre de sergent responsable du bloc cellulaire de la veille C, vous supervisiez les fonctions exercées par [Mme A].

6. Alors que vous étiez de service, vous avez eu un comportement inapproprié au travail envers [Mme A], y compris : attraper et tirer sa queue de cheval, tirer le devant de sa chemise, l’embrasser, exposer votre pénis et lui demander de vous faire une fellation.

7. Vous avez flirté avec [Mme A] et avez entretenu une relation inappropriée de nature sexuelle avec elle, une subalterne.

Requête en arrêt des procédures

[12] Le 25 novembre 2016, le représentant du membre (le représentant) a déposé une requête en arrêt des procédures en réponse au délai déraisonnable qui se serait écoulé entre le dépôt de l’avis à l’officier désigné et la signification de l’avis d’audience disciplinaire, soit environ 294 jours (documents, aux p. 2628-2642). Il a soutenu que l’avis d’audience disciplinaire n’avait pas été signifié « [d]ans les meilleurs délais » comme le prévoit le paragraphe 43(2) de la Loi sur la GRC ou « [d]ès que possible » comme le prévoit l’article 15 des Consignes du commissaire (déontologie).

[13] De plus, le représentant a fait valoir que, dans l’arrêt R. c. Jordan, [2016] 1 RCS 631 (Jordan), rendu dans le cadre de poursuites criminelles, la Cour suprême souligne l’importance d’instruire les affaires dans un délai raisonnable et défini. Il a soutenu que ce principe s’applique aux procédures disciplinaires impliquant des policiers. Subsidiairement, le représentant a affirmé que le délai satisfaisait au critère établi dans l’arrêt Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), [2000] 2 RCS 307 (Blencoe), pour démontrer un abus de procédure. Un arrêt des procédures était donc justifié. À l’appui de la requête, le représentant a soutenu que le délai avait causé un préjudice irréparable à l’appelant en raison de la stigmatisation liée aux allégations et de sa suspension de deux ans. Il a déposé un affidavit de l’appelant, dans lequel ce dernier détaille l’effet préjudiciable de la suspension et des délais procéduraux (documents, aux p. 2626- 2627).

[14] En réponse, le RAD a fait valoir que l’arrêt Jordan ne s’applique pas en droit administratif et a indiqué que l’arrêt Blencoe était l’arrêt de principe pour ces questions. Il a soutenu que la version actuelle de la Loi sur la GRC ainsi que les Consignes du commissaire (déontologie) sont rédigées de manière à donner une certaine latitude en ce qui concerne les délais, comme le démontre l’obligation de signifier un avis d’audience « [d]ans les meilleurs délais ». Il a fait valoir que l’avis avait été signifié dans les meilleurs délais compte tenu des circonstances, dont le fait que l’affaire avait eu lieu au début de la mise en œuvre d’un nouveau régime disciplinaire, que l’ancien RAD chargé de l’affaire avait quitté la GRC soudainement et que la Direction des RAD manquait de personnel, de sorte que plusieurs dossiers avaient dû être réaffectés (documents, à la p. 2464).

[15] Le comité, selon sa composition de l’époque (le comité initial), a rendu sa décision sur la requête le 6 février 2017. Il a conclu que, bien que le délai posait problème, il ne justifiait pas un arrêt des procédures. Il a également conclu que l’arrêt Jordan ne s’appliquait pas en droit administratif et s’est plutôt fondé sur l’arrêt de principe Blencoe. Le comité initial a déterminé que l’avis d’audience n’avait pas été signifié « [d]ans les meilleurs délais » et que le délai était déraisonnable, puisque certaines périodes à l’intérieur de ce délai n’étaient pas justifiées. Il a conclu que le délai avait prolongé la suspension, ce qui avait causé un préjudice important à l’appelant. Néanmoins, le comité initial a conclu que le délai ne satisfaisait pas au critère pour ordonner un arrêt des procédures établi dans l’arrêt Blencoe. Le comité initial a rejeté la requête et a plutôt laissé entendre qu’il pourrait être approprié d’examiner l’incidence du délai sur l’appelant plus tard dans le processus d’audience disciplinaire (documents, à la p. 2571).

Conférences préparatoires

[16] Les parties ont participé à plusieurs conférences préparatoires. Au cours de ce processus, le comité initial a été remplacé par le comité présidant l’affaire le 27 juillet 2017. L’appelant a présenté une réponse aux allégations et a reconnu qu’il avait participé à des actes sexuels consensuels avec Mme A alors qu’ils étaient au travail. Il a nié qu’il était en position d’autorité par rapport à Mme A et que le contact sexuel était non consensuel (documents, aux p. 2438-2442).

[17] Le dossier d’enquête remis au comité contenait une preuve de faits similaires relativement à des allégations antérieures de nature semblable formulées contre l’appelant par deux autres femmes du détachement. Il s’agissait d’allégations selon lesquelles l’appelant avait texté une femme de manière excessive, avait couru après les femmes même si elles l’avaient repoussé et avait eu d’autres comportements semblables. Bien qu’il ait qualifié les documents de préjudiciables, le représentant ne s’est pas opposé au dépôt de copies vérifiées des allégations antérieures auprès du comité.

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES

[18] L’audience s’est tenue du 28 au 30 novembre 2017. L’appelant, Mme A, le serg. D et le s.é.-m. F ont témoigné.

Preuve relative aux allégations

[19] Le CEE a résumé les éléments de preuve que chacune des parties a produits et qui sont pertinents dans le cadre du présent appel (rapport, aux par. 19-39) :

[TRADUCTION]

A. Preuve du RAD

Mme A

[19] Mme A a témoigné en premier à l’étape des allégations de l’audience (documents, aux p. 1232 et suivantes). Elle a présenté un bref historique de son emploi à la ville, de la manière dont elle est devenue gardienne de cellule et de son rôle au détachement. Mme A a également expliqué la structure hiérarchique du bloc cellulaire. Cependant, puisque la décision du comité sur la question de la position d’autorité de l’appelant par rapport à Mme A n’est pas portée en appel, je m’abstiendrai de répéter l’explication de Mme A concernant le fonctionnement du bloc cellulaire.

[20] Mme A a ensuite retracé l’historique de sa relation avec l’appelant. Elle a déclaré que l’appelant était un homme très compétent qui plaisantait avec les membres de son personnel (documents, à la p. 1236). Cependant, un incident lié à son téléphone cellulaire s’est produit. L’appelant ne trouvait pas son téléphone cellulaire et était certain que l’un de ses employés l’avait caché pour lui jouer un tour. Il est devenu très contrarié et fâché, et a accusé Mme A de l’avoir pris. Mme A a cherché le téléphone cellulaire avec l’appelant, mais ce dernier affirmait catégoriquement qu’elle l’avait pris pendant qu’il procédait à une fouille par palpation et fouillait son casier (documents, à la p. 1237). L’appelant l’a appelée plus tard pour s’excuser. Il avait trouvé son téléphone cellulaire.

[21] Mme A a déclaré que, lorsqu’elle a obtenu sa permanence en tant que gardienne de cellule en janvier 2014, l’appelant aimait la taquiner. Elle est devenue la gardienne de cellule empotée en amour avec le soûl du village (documents, à la p. 1240). Pendant un trajet en voiture vers le quartier général, Mme A s’est rappelé que l’appelant lui avait dit ce qui suit : « Si tu trouves une femme qui manque de confiance en elle, tu peux lui faire faire pratiquement tout ce que tu veux. » Peu de temps après, l’appelant a commencé à texter Mme A sur des sujets liés au travail. Il lui a ensuite envoyé un message texte alors qu’elle était en congé et jardinait (documents, à la p. 1241). Mme A a affirmé que les messages textes se sont transformés en messages à connotation sexuelle autour de mai 2014. Au travail, l’appelant continuait quand même à faire des blagues, à la taquiner et à « la dénigrer ». Il critiquait toujours son travail et faisait remarquer ses erreurs à tout le monde.

[22] Elle a déclaré que l’appelant insistait pour qu’elle lui envoie des photos à caractère sexuel d’elle. Elle a fini par lui en envoyer, mais l’a ensuite supplié de les supprimer (documents, aux p. 1243, 1245). À ce moment-là, elle avait dit à une collègue et amie que les messages textes de l’appelant la rendaient inconfortable. C’est également à ce moment-là, soit en juin 2014, que l’appelant l’a « attrapée par le bras » et embrassée dans la cuisine pour la première fois. Elle a ajouté que, bien qu’elle ait simplement essayé d’agir de manière professionnelle avant cet incident, l’appelant supposait qu’elle voulait avoir des contacts sexuels, ce dont il avait fait part à des collègues (documents, à la p. 1247) :

Eh bien, [l’appelant] avait fait des commentaires selon lesquels la façon dont je le regardais et le traitais au travail avait changé, que je lui faisais croire que je le voulais et que je voulais que cela arrive. J’ai donc parlé à […], ma chef d’équipe, parce que la dernière chose que je voulais, c’était de ne pas être professionnelle au travail et que les gens pensent que c’est… parfois, une personne n’est pas consciente de ses actes, alors je voulais savoir si d’autres personnes avaient remarqué la façon dont [l’appelant] m’appelait.

[23] Mme A a déclaré que l’appelant avait alors commencé à lui demander de toucher et/ou d’embrasser ses parties génitales pendant les quarts de nuit. Elle a ensuite affirmé catégoriquement qu’elle n’avait jamais été l’instigatrice de ces contacts (documents, à la p. 1282). Elle lui disait qu’ils ne pouvaient pas faire cela au travail. Elle a affirmé que l’appelant était agressif et brutal dans ses demandes ou lorsqu’il l’embrassait. Il appuyait sur sa tête et elle cédait et faisait ce qu’il lui demandait pour pouvoir retourner au travail. Son quart de nuit était alors plus facile, car il ne la taquinait pas autant (documents, aux p. 1250-1253, 1257).

[24] Lorsqu’elle a changé de veille en juillet 2014, elle a dit que leurs interactions étaient oppressantes et extrêmes. L’appelant sortait toujours ses parties génitales de son pantalon et lui demandait à maintes reprises de faire quelque chose. En août, après que l’appelant l’a poussée dans la réserve et qu’elle lui a fait une fellation, elle lui a dit qu’elle ne voulait plus que cela se reproduise, car elle fréquentait quelqu’un qui souhaitait avoir une relation sérieuse (documents, à la p. 1261). Elle avait également appris que l’appelant avait une petite amie. Elle a déclaré que l’appelant semblait « avoir compris » à ce moment-là. L’incident suivant s’est produit alors que Mme A et l’appelant montaient les escaliers. Il était devant elle et lorsqu’il s’est tourné vers elle, il avait sorti ses parties génitales de son pantalon et il lui a demandé de lui faire une fellation (documents, à la p. 1264). Après cet incident, Mme A a déclaré qu’elle essayait de trouver un moyen d’éviter ce genre de situation, car l’appelant ne l’écoutait pas lorsqu’elle lui disait qu’elle ne voulait plus que cela se reproduise (documents, à la p. 1266).

[25] Le 10 octobre 2014, Mme A a déclaré qu’elle se dépêchait de descendre les escaliers au détachement, car elle était en retard au travail. Alors qu’elle allait ouvrir la porte de la cage d’escalier, l’appelant l’a ouverte de l’autre côté au même moment. Ils étaient tous deux surpris, mais l’appelant l’a alors poussée avec son corps dans le coin de la cage d’escalier. Mme A a dit qu’il n’arrêtait pas de lui demander s’il lui avait manqué et qu’il l’a embrassée. À plusieurs reprises, elle lui a dit non et lui a demandé de la laisser partir, car elle était en retard. Il a ensuite appuyé sur sa tête vers ses parties génitales qui étaient sorties de son pantalon et lui a demandé de faire vite. Mme A lui a demandé s’il la laisserait aller si elle le faisait. Elle a embrassé son pénis, et il l’a laissée partir, a zippé son pantalon et est parti (documents, aux p. 1272-1275).

[26] Après cet incident, Mme A a déclaré avoir parlé à sa chef d’équipe et lui avoir demandé de lui dire quand l’appelant quittait les lieux. Elle ne voulait pas que la chef d’équipe parle à l’appelant parce qu’elle avait peur qu’il lui rende la vie difficile et qu’elles avaient besoin de l’avoir de leur bord en tant que sergent du bloc cellulaire. Après s’être fait poser quelques questions, Mme A a dit à la chef d’équipe qu’elle était inconfortable en présence de l’appelant et qu’il était « hors de contrôle ». La chef d’équipe a ensuite signalé ce qui s’était passé à son superviseur (documents, aux p. 1277-1279).

[27] Mme A a déclaré que, quelques heures plus tard, elle avait été « prise au dépourvu » lorsque sa chef d’équipe et des enquêteurs lui ont demandé ce qui s’était passé. Mme A a dit qu’elle s’était sentie humiliée (documents, à la p. 1280). Elle ne voulait pas que l’appelant soit fâché contre elle, car lorsqu’il se mettait en colère, il devenait intense et pouvait rendre sa vie difficile. Elle a ensuite relaté les circonstances entourant l’entrevue avec l’enquêteur et les Services aux victimes.

[28] En du contre-interrogatoire, Mme A a déclaré qu’au début, elle était contrariée que sa superviseure ait signalé l’incident (documents, à la p. 1290). Elle ne voulait pas que l’appelant ait des ennuis, puisqu’elle avait une part de responsabilité dans la situation. En effet, elle avait participé de plein gré à la relation au début (documents, aux p. 1319-1320). Cependant, elle s’est sentie prise au piège et devait aller jusqu’au bout du processus. Sa superviseure et un enquêteur l’ont convaincue de coopérer en lui disant que l’appelant était un prédateur, que d’autres femmes avaient déjà vécu la même chose et qu’il avait profité d’elle (documents, aux p. 1295-1298). Mme A a déclaré ce qui suit :

Je n’ai pas fait d’avances, mais, oui, j’ai joué le jeu. Comme je l’ai déjà dit dans ma déclaration, j’ai répondu à ses messages textes et j’ai fait ce qu’il m’a demandé de faire dans la cuisine. J’ai donc joué le jeu, oui. Si cela revient à faire des avances, alors c’est ce que j’ai fait, je l’admets.

[29] Mme A a déclaré qu’elle s’était sentie forcée d’envoyer à l’appelant des photos de ses seins nus, car il le lui demandait constamment et avec force. Elle s’était donc pliée à ses demandes. Elle a reconnu qu’elle croyait que l’appelant était un bon sergent pour le bloc cellulaire, malgré les taquineries et leurs interactions physiques (documents, aux p. 1315, 1356, 1359). Elle a de nouveau relaté les événements qui s’étaient produits le 10 octobre 2014. Le représentant a posé de nombreuses questions pour savoir si Mme A tenait son téléphone cellulaire lorsqu’elle est sortie de la cage d’escalier. À la fin, Mme A a déclaré qu’elle ne s’en souvenait pas (documents, aux p. 1329-1339). Mme A a également déclaré qu’elle avait répété à plusieurs reprises à l’appelant qu’elle ne voulait plus avoir de contacts physiques avec lui (documents, à la p. 1361).

[30] En réinterrogatoire, Mme A a reconnu qu’au début, elle avait participé de plein gré à la relation, mais qu’elle avait changé d’idée lorsque l’appelant était devenu agressif et que tout était devenu à propos de son pénis (documents, à la p. 1376). Elle a gardé le silence au sujet de leurs interactions, car elle n’était qu’une gardienne et que l’appelant était le sergent du bloc cellulaire et pouvait rendre difficile la vie d’un gardien.

Le s.é.-m. F

[31] Le RAD a ensuite appelé le s.é.-m. F à témoigner au sujet du rôle du sergent du bloc cellulaire et de la relation entre les gardiens de cellule, qui sont des employés municipaux, et la GRC. Comme la question de savoir si l’appelant était en position d’autorité par rapport à Mme A n’a pas été portée en appel, je ne résumerai pas le témoignage du s.é.-m. F à ce sujet.

B. Preuve du représentant

Le serg. D.

[32] Le premier témoin du représentant était le serg. D., un ancien gardien de cellule à la ville. Pour la même raison que celle énoncée ci-dessus, je ne m’attarderai pas au témoignage du serg. D.

L’appelant

[33] L’appelant a d’abord témoigné concernant son expérience à la GRC et son rôle au détachement (documents, aux p. 1442 et suivantes). En ce qui a trait au climat de travail dans le bloc cellulaire, l’appelant était d’accord avec Mme A que les membres de l’équipe se taquinaient et se jouaient des tours et que le climat de travail était agréable.

[34] En ce qui concerne sa relation avec Mme A, l’appelant a soutenu qu’elle avait commencé à évoluer lorsqu’il a reçu un message texte de la part de Mme A sur son téléphone cellulaire de travail (documents, à la p. 1446). Il se rappelle avoir pensé qu’il ne voulait pas de ce genre de message sur son téléphone cellulaire de travail, puisqu’il était inapproprié. Quelques jours plus tard, Mme A est venue le voir à son bureau et lui a donné son adresse électronique et son numéro de téléphone cellulaire personnel. Quelques jours plus tard, Mme A l’a texté sur son téléphone cellulaire personnel et lui a demandé ce qu’il faisait. C’est ensuite devenu du sextage, et Mme A faisait des commentaires suggestifs. L’appelant a déclaré qu’il lui avait demandé de lui envoyer une photo. Au début, Mme A ne voulait pas, mais il l’a rassurée en lui disant qu’il ne la partagerait pas (documents, à la p. 1447).

[35] La relation a pris une tournure sexuelle lorsque l’appelant et Mme A se sont retrouvés dans le coin cuisine au même moment. Ils ont commencé à s’embrasser, et Mme A frottait son entrejambe. Elle s’est ensuite agenouillée et lui a fait une fellation. Il nie avoir eu recours à la force ou lui avoir ordonné de faire quelque chose (documents, à la p. 1452). Le deuxième incident a été provoqué par Mme A, qui était assise à côté de l’endroit où l’appelant se tenait debout. Il a déclaré qu’elle avait touché et commencé à frotter son entrejambe. Il a affirmé qu’il s’était éloigné, mais que lorsqu’ils se sont encore une fois retrouvés dans la cuisine, Mme A lui a fait une fellation. L’appelant a dit que la décision d’avoir des contacts physiques dans la réserve avait été prise d’un commun accord et que Mme A y était entrée volontairement. Au total, des contacts sexuels se sont produits à cinq reprises. Mme A en a été l’instigatrice, que ce soit dans le bureau du sergent, au terminal du Système de relevé automatisé des arrestations ou dans le corridor du bloc cellulaire (documents, à la p. 1460).

[36] Concernant l’incident du 10 octobre 2014, l’appelant a déclaré la même chose que Mme A, c’est-à-dire qu’ils ont, chacun de leur côté, ouvert la porte de la cage d’escalier en même temps et qu’ils ont été surpris. Cependant, il a affirmé qu’ils ont tous deux déposé par terre ce qu’ils tenaient et ont commencé à s’embrasser pendant que Mme A frottait son entrejambe. Mme A s’est agenouillée, ils ont tous deux dézippé son pantalon, elle a sorti son pénis et a commencé à lui faire une fellation, laquelle a duré environ une minute avant qu’il décide d’y mettre fin (documents, à la p. 1463). L’appelant a déclaré que, lorsqu’il l’avait arrêtée, Mme A l’avait regardé d’un air interrogateur et qu’ils avaient tous deux ramassé leurs affaires et étaient partis chacun de leur bord. Il a expliqué qu’il l’avait arrêtée, car il pensait qu’ils manquaient de professionnalisme et que ce n’était « pas une bonne idée ».

[37] L’appelant a toujours cru que leurs contacts étaient volontaires et consensuels. Il a également dit que c’était Mme A qui avait été l’instigatrice du contact sexuel et qu’il ne l’avait jamais forcée à faire quoi que ce soit (documents, p. 1467).

[38] En contre-interrogatoire, l’appelant a reconnu que sa relation avec Mme A était inappropriée (documents, à la p. 1485). Il a également convenu qu’en tant que sergent du bloc cellulaire, il était responsable des activités quotidiennes du bloc cellulaire et avait une influence sur les autres employés du bloc cellulaire (documents, à la p. 1495).

[39] En ce qui a trait à sa déclaration écrite datant du 10 décembre 2014 et figurant dans le rapport d’enquête, l’appelant a indiqué que sa mémoire était meilleure aujourd’hui à l’audience parce qu’il avait eu le temps de se remémorer les événements. Bien que l’incident où elle lui avait frotté l’entrejambe ne figurait pas dans sa déclaration, l’appelant a affirmé catégoriquement qu’il s’était produit (documents, à la p. 1525). Il a expliqué que, lorsqu’il avait écrit sa déclaration, il était soumis à un stress énorme et risquait de faire l’objet d’accusations, de sorte qu’il lui était plus difficile de se rappeler des incidents.

[20] Le CEE a ensuite résumé les observations présentées par le RAD et le représentant sur les allégations (rapport, aux par. 40-45) :

[TRADUCTION]

C. Observations du RAD sur les allégations

[40] Le RAD a d’abord fait valoir que ce ne sont pas tous les détails qui doivent être prouvés pour que les allégations soient établies, puisque certains détails peuvent servir de contexte (documents, à la p. 1552). Cependant, les allégations doivent être établies selon la prépondérance des probabilités, au moyen d’une preuve claire et convaincante, conformément à l’arrêt F.H. c. McDougall, [2008] 3 RCS 41 (McDougall).

[41] Le RAD a soutenu que les faits établis déterminés par le comité conjugués à la preuve produite à l’audience démontraient que l’appelant était un sergent de la veille C qui assurait la surveillance du bloc cellulaire. Il a fait valoir qu’un sergent fait figure d’autorité sur le terrain et est responsable du fonctionnement du bloc cellulaire en tout temps. La question de savoir si le sergent du bloc cellulaire était un superviseur immédiat et avait un lien hiérarchique direct avec les gardiens de cellule n’est pas déterminante quant à savoir si l’appelant était en position d’autorité par rapport à Mme A. Selon le RAD, la preuve déposée et le témoignage de Mme A selon lequel l’appelant était le responsable démontraient que ce dernier était en position d’autorité par rapport aux gardiens de cellule.

[42] Le RAD a fait valoir que la chronologie des événements montrait qu’au début, Mme A participait de plein gré aux contacts physiques, mais qu’elle avait changé d’idée lorsque les contacts étaient devenus agressifs et uniquement des fellations (documents, à la p. 1565). Le RAD a souligné que l’appelant avait admis avoir eu un contact sexuel inapproprié avec Mme A (documents, à la p. 1559). En ce qui concerne l’allégation no 1, même s’il y a des incohérences dans la version des événements de Mme A, le RAD a soutenu que sa version selon laquelle elle était en retard au travail est plus probable. Comme elle était en retard au travail, il était peu probable qu’elle ait soudainement décidé de faire une fellation à l’appelant. En revanche, l’appelant a livré son témoignage après avoir eu l’occasion d’examiner l’ensemble de la preuve communiquée (documents, à la p. 1561). De plus, d’autres éléments de preuve viennent contredire la preuve présentée par l’appelant. Par exemple, concernant l’allégation no 2, bien que l’appelant ait déclaré n’avoir tiré la queue de cheval de Mme A qu’une seule fois, d’autres membres interrogés l’ont vu faire plus d’une fois. Le RAD a ajouté que, comme Mme A avait dit à d’autres gardiens de cellule et/ou amis que les messages textes de l’appelant la rendaient inconfortable, il était plus probable qu’improbable qu’elle n’ait pas été l’instigatrice de la relation.

D. Observations du représentant sur les allégations

[43] Le représentant a d’abord convenu que la question de savoir si les allégations sont établies est une question de crédibilité et de conclusions de fait (documents, à la p. 1566). Comme l’appelant a admis avoir eu un contact sexuel inapproprié avec Mme A au travail, le représentant a soutenu que la question se résumait à savoir si l’appelant était en position d’autorité par rapport à Mme A et si le contact sexuel était non désiré.

[44] Le représentant a fait valoir que la version des événements de Mme A n’était pas plausible, car sa déclaration présentait des incohérences et le comportement à propos duquel elle avait témoigné était déraisonnable (documents, à la p. 1572). Selon lui, Mme A n’était pas contente lorsqu’elle a rencontré sa superviseure et, après avoir rencontré les enquêteurs et pris connaissance de leurs déclarations, elle s’est sentie prise au piège en raison de leurs pressions inacceptables. Le fait qu’elle s’est tournée vers l’appelant pour obtenir des conseils après avoir été promue au poste de chef d’équipe et qu’elle ne voulait pas nuire à sa carrière ne cadre pas avec sa version selon laquelle il la forçait à lui faire des fellations. Mme A a admis ouvertement avoir flirté avec l’appelant et avoir été flattée de l’attention qu’il lui portait. Elle lui a même envoyé un message texte lui disant qu’elle lui ferait une fellation.

[45] Le représentant a ensuite passé en revue la déclaration de l’appelant, dans laquelle il a indiqué que c’était Mme A qui avait couru après lui et qui avait été l’instigatrice du contact sexuel et il a nié certains des événements relatés par Mme A dans sa déclaration. L’appelant a également déclaré qu’il n’avait jamais eu recours à la force ou à des menaces pour convaincre Mme A de lui faire une fellation. C’était plutôt toujours consensuel (documents, à la p. 1583). L’incident du 10 octobre 2014 était également consensuel, ce qui explique pourquoi l’appelant était stupéfait lorsqu’il a été arrêté pour agression sexuelle. Le représentant soutient que Mme A s’était sentie rejetée et gênée ce matin-là et que c’était pour cette raison qu’elle voulait éviter l’appelant.

Décision sur les allégations

[21] Dans sa décision rendue de vive voix, le comité a déclaré que, bien que chacune des contraventions alléguées au Code de déontologie de la GRC présentait un énoncé détaillé, le RAD n’était pas tenu de prouver chaque détail afin d’établir les allégations. Le comité a souligné que certains détails ne visaient qu’à contextualiser les allégations. Autrement dit, le RAD devait prouver que la conduite de l’appelant, telle qu’elle était décrite dans chacune des allégations, était déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[22] Le comité a expliqué que, pour décider si les allégations étaient établies, il n’était pas nécessaire de conclure que l’appelant était en position d’autorité par rapport à Mme A ou que le contact sexuel était non consensuel (documents, à la p. 1594). Si le RAD parvenait à les prouver, ces facteurs constitueraient plutôt des circonstances aggravantes.

[23] Le comité a conclu que, bien qu’elles aient livré des témoignages contradictoires, les parties étaient d’accord sur suffisamment de faits pour conclure que les deux allégations étaient fondées.

[24] En ce qui a trait à l’allégation no 1, le comité a conclu que l’appelant a admis qu’il avait participé volontairement à un acte sexuel dans la cage d’escalier (documents, à la p. 1600). Le comité a jugé qu’une personne raisonnable, au courant de ces faits, considérerait comme une conduite déshonorante le fait, pour un sous-officier supérieur, de participer volontairement à un acte sexuel avec une employée municipale, alors qu’il était en uniforme et qu’il se trouvait dans un endroit public d’un détachement de la GRC où le risque de se faire surprendre était élevé.

[25] En ce qui concerne l’allégation no 2, qui visait une longue période, soit du 1er novembre 2013 au 10 octobre 2014, le comité a conclu que les deux parties ont admis s’être envoyé des messages textes sexuellement explicites pendant cette période (documents, à la p. 1603). Elles ont également admis avoir participé à cinq incidents lors desquels Mme A a fait une fellation à l’appelant au travail. À cet égard, le comité a réitéré que c’était la survenue de ces événements, et non le consentement ou l’absence de consentement de l’appelant, qui était pertinente pour établir l’allégation en soi (dossier d’appel, à la p. 1604) :

[TRADUCTION]

Là encore, la question de savoir si ces incidents étaient mutuellement consensuels, forcés ou contraints n’est pas, selon moi, pertinente pour déterminer si l’allégation est fondée ou non. Ce qui importe, c’est qu’ils se sont produits.

[26] Le conseil a ensuite tiré des conclusions sur la crédibilité de chacune des parties et sur la question de savoir si l’appelant était en position d’autorité par rapport à Mme A. Il a conclu que les deux versions des événements, présentées par l’appelant et par Mme A, étaient plausibles (documents, à la p. 1606). Le comité a souligné que le témoignage oral des témoins et leurs déclarations antérieures étaient relativement cohérents. Ils présentaient néanmoins des incohérences. Enfin, le comité a conclu que la version des événements de Mme A était plus plausible pour les motifs que j’exposerai sous peu.

[27] Après avoir examiné la preuve, le comité a conclu que l’appelant était en position d’autorité par rapport à Mme A et a souligné que, selon la politique sur les conflits d’intérêts de la GRC, les membres peuvent être en position d’autorité par rapport à des collègues qui sont des employés municipaux (documents, à la p. 1607).

Éléments de preuve sur les mesures disciplinaires

[28] Le CEE a résumé les éléments de preuve que chacune des parties a produits et a fait un compte rendu détaillé du témoignage de l’appelant à l’audience (rapport, aux par. 53-59) :

[TRADUCTION]

A. Preuve du RAD

[53] Le RAD a fourni le dossier disciplinaire antérieur de l’appelant, dans lequel figuraient une réprimande, trois déclarations de deux membres de la GRC et d’une employée municipale faisant partie du dossier d’enquête initial relativement à la conduire de l’appelant ayant mené à la réprimande et, enfin, des notes prises en lien avec les incidents en cause. Je souligne que le représentant ne s’est pas opposé au dépôt de ces éléments de preuve, mais a mentionné qu’il ne prenait pas position (documents, à la p. 1614).

B. Preuve du représentant

[54] Le représentant a déposé le rapport d’un psychologue au nom de l’appelant. Le RAD a contesté l’admissibilité de toute opinion d’expert donnée dans la lettre, mais a accepté la lettre comme preuve que l’appelant consulte un psychologue. Dans les documents fournis au préalable se trouvaient également une citation pour bravoure relativement à un incident impliquant une fusillade ainsi que de nombreuses lettres de soutien provenant de collègues de travail. Le représentant a ensuite appelé l’appelant à témoigner pour son propre compte pour l’étape des mesures disciplinaires.

L’appelant

[55] L’appelant a d’abord parlé de son expérience et de la manière dont il est devenu membre de la GRC. Il a également donné un aperçu des postes qu’il a occupés à la GRC. Il a mentionné qu’il est séparé de sa femme et partage la garde de sa fille de 11 ans (documents, à la p. 1628). Il a mentionné que, depuis sa suspension, il consulte régulièrement un psychologue pour travailler sur son comportement et l’améliorer. Il a également suivi de nombreux cours universitaires et autres formations en ligne sur le leadership policier, la police générale et les enquêtes privées.

[56] L’appelant a déclaré avoir reçu un diagnostic de trouble de stress post- traumatique (TSPT). Il a dit souffrir d’insomnie, d’anxiété, d’irritabilité, d’apathie et de retours en arrière (documents, à la p. 1631).

[57] Enfin, l’appelant a exprimé des remords et des regrets pour sa conduite. Il a dit avoir fait preuve d’un manque total de leadership et de jugement. Il a affirmé catégoriquement qu’il ne reproduirait pas son comportement et qu’il a pris des mesures pour s’améliorer. Il a demandé une sanction raisonnable et modérée. Il s’est excusé auprès du comité et de la GRC pour son comportement.

[58] En contre-interrogatoire, l’appelant a reconnu qu’il avait reçu une réprimande pour avoir effectué des recherches dans le CIPC au sujet du petit ami de son ex-petite amie. Il a nié avoir eu une conversation avec son officier hiérarchique au sujet de la quantité excessive de messages textes qu’il aurait envoyés à une autre femme du détachement, mais a reconnu qu’il avait présenté des excuses à un autre superviseur concernant cette situation (documents, à la p. 1643). Il a également reconnu que, comme l’a conclu le comité, il était en position d’autorité par rapport à Mme A au moment des événements sur lesquels reposent les allégations.

[59] En réinterrogatoire, l’appelant a précisé qu’il avait présenté des excuses à un supérieur au cas où son comportement espiègle et enjoué aurait rendu quelqu’un mal à l’aise. Il a également expliqué qu’il avait reçu une réprimande en raison des recherches qu’il avait effectuées dans le CIPC après que son ex-petite amie lui a dit que son petit ami avait peut-être des liens avec les Hells Angels. L’appelant a affirmé qu’il comprenait maintenant qu’il aurait dû déléguer cette tâche à un autre membre, compte tenu de sa relation amoureuse avec elle.

Observations sur les mesures disciplinaires

Observations du RAD

[29] Le RAD a demandé que l’on ordonne à l’appelant de démissionner dans les 14 jours suivants, sans quoi, il serait renvoyé. Il a demandé que le rapport d’enquête rédigé en réponse aux recherches de l’appelant dans le CIPC soit produit en preuve. Ce rapport avait été communiqué lors d’une conférence préparatoire. Le RAD a fait remarquer que, comme l’appelant avait parlé des circonstances entourant les recherches dans le CIPC, il avait pour ainsi dire ouvert la porte à la production du rapport d’enquête en preuve. Le représentant ne s’est pas prononcé sur la production du rapport en preuve (documents, à la p. 1652). Le comité a admis le rapport en preuve, puisque l’appelant avait affirmé que le contexte dans lequel il avait reçu la réprimande était important.

[30] Le RAD a soutenu que les circonstances aggravantes en l’espèce justifiaient un congédiement, malgré le bon rendement de l’appelant ou les citations reçues au cours de sa carrière (documents, à la p. 1656). De plus, à la lumière de la controverse à la GRC liée au harcèlement sexuel en milieu de travail, le RAD a fait valoir qu’un message clair devait être envoyé, à savoir qu’aucune inconduite sexuelle de la sorte ne serait tolérée. Le RAD a ensuite énuméré les circonstances aggravantes dans le cas de l’appelant, telles qu’elles ont été résumées par le CEE (rapport, au par. 61) :

  • Il était un sous-officier supérieur;
  • Il ne s’agissait pas d’un manque de jugement ponctuel, mais plutôt d’un comportement qu’il a reproduit pendant plusieurs mois;
  • Les actes de l’appelant ont eu des répercussions négatives sur Mme A;
  • Les actes de l’appelant ont nui à la relation entre la GRC et la ville;
  • L’inconduite s’est déroulée dans un endroit où le risque de se faire surprendre était élevé;
  • L’appelant était de service et en uniforme au moment des événements;
  • Il a déjà fait l’objet de mesures disciplinaires et a déjà été impliqué dans une affaire, réglée de façon informelle, où il avait envoyé une quantité excessive de messages textes à une autre employée.

[31] Enfin, le RAD a fait valoir que, bien que l’appelant ait fourni une déclaration, il ne fallait pas y accorder autant de poids qu’à une déclaration faite par un membre qui a coopéré tout au long de l’enquête. Le RAD ne laissait pas entendre que la décision de l’appelant de consulter un avocat était une circonstance aggravante, mais simplement qu’il ne s’agissait pas d’une circonstance atténuante (documents, à la p. 1662).

Observations du représentant

[32] Le représentant a reconnu que le congédiement faisait partie des mesures disciplinaires possibles. Cependant, il a soutenu qu’une mesure disciplinaire autre que le congédiement était justifiée (documents, à la p. 1665). Il a reconnu que, dans de récentes décisions disciplinaires, la GRC avait adopté une position ferme à l’égard des comportements sexuels inappropriés. Malgré cette position ferme, il a souligné que le congédiement n’était pas toujours l’option choisie, même en présence d’importantes circonstances aggravantes. Le représentant a ensuite fait référence à des affaires où une confiscation de la solde avait été ordonnée au lieu d’un congédiement.

[33] Il a énuméré les possibles circonstances atténuantes, telles qu’elles ont été résumées par le CEE (rapport, au par. 64) :

  • La longueur du délai (20 mois) pour trancher l’affaire, et le préjudice subi par l’appelant;
  • L’appelant a assumé la responsabilité de ses actes et a coopéré à l’enquête;
  • Il s’est excusé et a exprimé des remords;
  • Il a un bon rendement, comme le démontrent les évaluations de rendement déposées et les citations;
  • L’appelant a reçu un diagnostic de TSPT et continue de consulter son psychologue;
  • Il a déployé des efforts pour s’améliorer en suivant des cours;
  • Ses collègues le soutiennent.

[34] Le représentant a reconnu que la mesure disciplinaire devrait être sévère compte tenu de la conduite de l’appelant et de la précédente affaire disciplinaire pour laquelle il avait reçu une réprimande. Le représentant a souligné que le régime disciplinaire vise la réadaptation et la réparation. Il ne s’agit pas d’un régime punitif. Le représentant a soutenu que, dans les circonstances, une pénalité financière élevée, une rétrogradation et/ou un transfert permettrait de répondre au besoin de dissuasion générale (documents, à la p. 1679).

Réponse du RAD

[35] En réponse, le RAD a fait valoir que le délai en l’espèce n’était pas long au point de constituer une circonstance atténuante dans le cas d’un congédiement. Il a soutenu que le délai n’était pas inhabituel et s’expliquait par le changement d’avocat, le changement au sein du comité et d’autres circonstances dont il a été question dans la requête préliminaire.

Décision sur les mesures disciplinaires

[36] Le dernier soir de l’audience disciplinaire, le comité a rendu une décision de vive voix (documents, à la p. 1684). Il a conclu qu’il y avait lieu d’ordonner à l’appelant de démissionner dans les 14 jours suivants, sans quoi, il serait renvoyé. Le comité a d’abord examiné les mesures disciplinaires possibles qui sont indiquées dans le Guide des mesures disciplinaires (le GMD) en lien avec les deux catégories d’inconduite visées, à savoir des activités sexuelles pendant les heures de service et des activités sexuelles avec une subalterne. Pour cette dernière catégorie, la gamme de mesures possibles associées aux cas ordinaires et graves comprenait le congédiement. Le comité a conclu que c’était à cette étape des procédures disciplinaires qu’une décision sur la nature de la relation, et sur la question de savoir si l’appelant était en position d’autorité par rapport à Mme A, était déterminante.

[37] Bien que le comité ait jugé que l’appelant et Mme A ont livré des témoignages qui étaient précis, relativement cohérents et plausibles, il a conclu que la version des événements de Mme A était plus crédible et plausible que celle de l’appelant.

[38] Néanmoins, le comité était conscient des incohérences dans les deux témoignages. Il a reconnu l’absence d’élément de preuve corroborant l’affirmation de l’appelant selon laquelle Mme A avait été l’instigatrice des activités sexuelles en question. Il a également souligné que certains aspects du témoignage de l’appelant n’avaient aucun sens lorsqu’ils étaient considérés à la lumière des autres éléments de preuve examinés. Bien que le comité ait critiqué la manière dont Mme A avait été poussée à fournir une déclaration initiale aux enquêteurs, rien ne portait à croire qu’elle avait embelli les événements (documents, à la p. 1693). La déclaration de Mme A ainsi que d’autres éléments de preuve, par exemple les messages textes envoyés à Mme A et le propre témoignage de l’appelant, confirmaient la personnalité exigeante et imposante de l’appelant.

[39] Selon le comité, la preuve démontre qu’au début, Mme A a participé volontairement à la relation, mais que son comportement a changé à mesure que l’appelant est devenu de plus en plus agressif. Le comité a conclu que la relation était consensuelle au début, mais que plus le temps avançait, moins elle l’était (documents, à la p. 1695). Sur la base de la politique sur les conflits d’intérêts de la GRC et des témoignages des témoins, le comité a conclu que l’appelant était en position d’autorité par rapport à Mme A.

[40] Selon cette politique, une personne en position d’autorité désigne une personne qui a la capacité, l’autorisation ou la responsabilité réelle ou apparente, que ce soit à plein temps ou de façon temporaire, de diriger, de surveiller, d’évaluer ou d’influencer le milieu de travail ou la carrière d’un employé. Le comité a fini par conclure que Mme A s’était sentie obligée de faire une fellation à l’appelant en raison, notamment, de son autorité découlant de son poste de sergent du bloc cellulaire.

[41] Le comité a ensuite conclu à la présence des circonstances atténuantes suivantes, telles qu’elles ont été résumées par le CEE (rapport, au par. 70) :

  • L’appelant avait un bon rendement;
  • L’appelant a déployé des efforts pour s’améliorer;
  • Il s’est excusé pour ses actions, mais pas auprès de Mme A;
  • L’appelant a coopéré à l’enquête.

[42] Dans le cadre de ses délibérations sur les circonstances atténuantes, le comité s’est penché sur le délai dans les procédures. Il a conclu que le long délai pouvait s’expliquer par le changement d’avocat, le changement au sein du comité de déontologie et le fait que les allégations avaient été formulées pendant la période de transition entre l’ancien et le nouveau régime disciplinaire. Le comité a jugé qu’un tel délai était à prévoir pendant cette période de transition. Par conséquent, il a conclu que le délai n’était pas une circonstance atténuante en l’espèce.

[43] Le comité a ensuite relevé les circonstances aggravantes, telles qu’elles ont été résumées par le CEE (rapport, au par. 72) :

  • La conduite de l’appelant s’est produite alors que la Gendarmerie faisait l’objet d’un examen minutieux en raison d’allégations de harcèlement sexuel, et elle a terni la réputation de la Gendarmerie;
  • La conduite de l’appelant a eu des répercussions négatives sur Mme A;
  • La situation a inévitablement nui à la relation entre la ville et la Gendarmerie;
  • La confiance des Canadiens que la GRC dessert a été minée;
  • L’appelant a des antécédents disciplinaires pour une conduite semblable.

[44] Au final, le comité a ordonné à l’appelant de démissionner dans les 14 jours suivants, sans quoi, il serait renvoyé. La décision écrite a été signifiée à l’appelant le 27 décembre 2018.

APPEL

[45] Le 9 janvier 2019, l’appelant a déposé sa déclaration d’appel dans laquelle il a énoncé les motifs d’appel suivants, tels qu’ils ont été résumés par le CEE (rapport, au par. 75) :

  1. Le comité ne lui a offert aucune réparation pour le préjudice subi en raison du délai déraisonnable;
  2. Le comité a commis une erreur en déterminant qu’il n’avait pas à se prononcer sur les détails des allégations (c.-à-d. la position d’autorité et la nature du contact sexuel);
  3. Le comité a commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité de Mme A;
  4. Le comité a commis une erreur en se fondant sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été dûment présentés.

ANALYSE

Questions préliminaires

Qualité pour agir et respect des délais

[46] J’estime qu’aucune question ne se pose quant à la qualité pour agir ou au respect des délais.

Documents à l’appui présentés dans le cadre de l’appel

[47] Dans son observation présentée en appel, le RAD a demandé la permission de déposer plus de 100 pages de documents à l’appui. Le représentant de l’appelant s’est opposé à cette demande au motif qu’il avait rédigé son observation de manière à ne pas dépasser la limite de 100 pages prévue à l’article 6.1.1.2 du Guide national – Procédures relatives aux appels. Un arbitre a rejeté la demande du RAD, mais a tout de même permis à chaque partie de déposer un recueil de jurisprudence et de doctrine dont le nombre de pages ne serait pas comptabilisé dans la limite pour les « documents à l’appui ». L’arbitre a souligné qu’il s’agissait là d’un [TRADUCTION] « geste de courtoisie professionnelle » qui permettrait à toutes les parties de lire la jurisprudence citée (dossier d’appel, à la p. 1510).

[48] Le Guide national – Procédures relatives aux appels énonce à l’article 6.1.1 les exigences à respecter relativement aux observations écrites supplémentaires :

Si l’une des parties étoffe son observation écrite avec de la documentation à l’appui, elle devra :

· faire référence au document à l’appui dans son observation;

· joindre uniquement les parties pertinentes du document à l’appui;

· fournir la référence bibliographique du document, notamment le titre, l’auteur, le numéro de page (le cas échéant) et la date, ou bien l’hyperlien.

[49] De plus, dans les Consignes du commissaire (griefs et appels), il est prévu que le mot « document » s’entend au sens de l’article 40.1 de la Loi sur la GRC. Aux termes de l’article 40.1, le mot « document » s’entend de « [t]out support sur lequel est enregistré ou marqué quelque chose qui peut être lu ou compris par une personne physique, un ordinateur ou un autre dispositif ». Je suis d’accord avec le CEE que cette définition inclut la jurisprudence (rapport, au par. 87).

[50] Le CEE a indiqué que la question de savoir s’il y a lieu de permettre le dépôt d’un recueil de jurisprudence et de doctrine est [TRADUCTION] « une question d’équité et de cohérence ». Il a fait remarquer que, dans d’autres affaires, les parties n’avaient pas eu droit au même geste de courtoisie professionnelle et avaient dû se limiter à 100 pages de documents à l’appui, y compris la jurisprudence citée. Par conséquent, le CEE a conclu qu’il serait injuste de tenir compte des documents supplémentaires (rapport, au par. 88).

[51] Bien que je sois d’accord avec le CEE qu’il n’existe aucune attente ou exigence pour les parties d’étoffer leurs observations présentées en appel avec un recueil de jurisprudence et de doctrine, j’estime que de ne pas tenir compte du recueil de jurisprudence et de doctrine poserait problème en l’espèce. Le recueil n’est qu’une compilation de la jurisprudence citée par l’intimé dans ses observations en réponse présentées en appel. Par conséquent, je dois tenir compte de cette jurisprudence de la manière que j’estime la plus efficace.

[52] En résumé, je considère que l’intimé n’aurait pas dû être autorisé à déposer un recueil de jurisprudence et de doctrine distinct. Néanmoins, ce recueil figure au dossier et, dans mes délibérations, j’ai tenu compte de la jurisprudence invoquée par les parties.

Considérations en appel

[53] Dans le cadre du processus d’appel visant des affaires disciplinaires, l’appelant n’a pas la possibilité de faire réexaminer l’affaire par un nouveau décideur. Il s’agit d’une occasion de contester une décision déjà rendue. Dans l’analyse de l’appel d’une décision disciplinaire, le rôle de l’arbitre est régi par le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels) :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[54] L’article 5.6.2 du chapitre II.3 « Griefs et appels » du Manuel d’administration prévoit que l’arbitre doit tenir compte des documents suivants dans son processus décisionnel :

5.6.2. L’arbitre étudie le formulaire relatif à l’appel; la décision écrite faisant l’objet de l’appel; les documents sur lesquels se fonde la décision, qui auront été fournis par la personne qui a pris la décision; les observations et toute autre information soumise par les parties; dans le cas où l’appel a été renvoyé au [CEE], le rapport du [CEE] concernant l’appel.

[55] Comme je l’ai déjà mentionné, dans sa déclaration d’appel, l’appelant a indiqué que la décision du comité a été rendue en contravention des principes d’équité procédurale applicables, est entachée d’erreurs de droit et est manifestement déraisonnable.

Le comité n’a offert à l’appelant aucune réparation pour le préjudice subi en raison du délai déraisonnable

Norme de contrôle

[56] L’appelant soulève quatre principaux motifs d’appel. Je suis d’avis que trois des quatre motifs concernent l’application de principes de droit aux faits de l’espèce. Les questions mixtes de fait et de droit commandent une grande retenue inhérente à la norme de la décision manifestement déraisonnable prévue au paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels).

[57] Dans le récent arrêt Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29 (Abrametz), la Cour suprême du Canada (la CSC) a réexaminé la norme de contrôle applicable en cas de délai déraisonnable dans une décision administrative. Dans cet arrêt, la CSC a confirmé ce qui suit (Abrametz, résumé) :

[L]a norme de contrôle applicable aux questions de droit est celle de la décision correcte, alors que celle applicable aux questions de fait et aux questions mixtes de fait et de droit est la norme de l’erreur manifeste et déterminante. La question de savoir s’il y a eu abus de procédure est une question de droit; c’est donc la norme de contrôle de la décision correcte qui s’applique.

[58] En l’espèce, le comité a confirmé que le délai constituait un abus de procédure, mais a refusé d’offrir une quelconque réparation en réponse à cet abus de procédure. L’appelant interjette appel de cette décision, et non de celle sur l’abus de procédure, ce qui exige l’application d’une norme commandant un degré de retenue plus élevé, à savoir la norme de la décision manifestement déraisonnable prévue dans les Consignes du commissaire (griefs et appels).

[59] Au paragraphe 62 de l’arrêt Kalkat c. Canada (Procureur général), 2017 CF 794, la Cour fédérale a ainsi défini l’expression « manifestement déraisonnable » :

[62] Par conséquent, étant donné qu’il est expressément indiqué que la décision doit être « clearly unreasonable » et prenant en compte la traduction en français de l’expression (manifestement déraisonnable), je conclus que le délégataire n’a commis aucune erreur. Il est raisonnable d’interpréter la norme de la décision « clearly unreasonable » comme si elle équivalait à la norme de la décision « manifestement déraisonnable » dans le contexte du régime législatif et sur celui des principes. Il s’ensuit que le délégataire doit faire preuve de retenue à l’égard d’une conclusion par l’autorité disciplinaire lorsqu’il estime simplement que la preuve est insuffisante pour étayer la conclusion (Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal) c. Fraser Health Authority, 2016 CSC 25).

[60] Au paragraphe 38 de la décision Smith c. Canada (Procureur général), 2019 CF 770, la Cour fédérale a considéré et adopté une conclusion semblable :

L’arbitre a effectué une analyse approfondie pour en arriver à la conclusion que la norme de la décision manifestement déraisonnable s’appliquait à la décision de l’autorité disciplinaire. Dans son analyse, l’arbitre a examiné la jurisprudence applicable, le sens du terme « manifestement », ainsi que le libellé en français du paragraphe 33(1). La conclusion de l’arbitre selon laquelle la norme de contrôle applicable était celle de la décision manifestement déraisonnable est justifiable, transparente et intelligible. La Cour est d’accord qu’il s’agissait là d’une conclusion raisonnable.

[61] Plus récemment, la Cour d’appel fédérale est parvenue à la même conclusion dans le cadre de l’appel qui a suivi la décision Smith, 2021 CAF 73.

[62] Au paragraphe 57 de l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, la CSC a expliqué qu’une décision est manifestement déraisonnable si « le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal » ou, en d’autres mots, si le défaut ne peut être contesté et est tout à fait évident. Plus tard, la CSC a expliqué au paragraphe 52 de l’arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, qu’une décision manifestement déraisonnable est une décision qui est « clairement irrationnelle », « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».

[63] La CSC a refait l’examen de la norme de contrôle dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (Vavilov). Aux fins de la présente affaire, je précise que la CSC a confirmé que la norme de contrôle établie par voie législative doit être respectée (Vavilov, aux par. 34-35).

[64] Par conséquent, les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit doivent faire l’objet d’une grande retenue, et il y a lieu de conclure qu’une décision rendue par le comité est manifestement déraisonnable seulement en cas d’erreur manifeste et déterminante. Une conclusion de fait reposant simplement sur une preuve insuffisante n’est pas manifestement déraisonnable (voir, par exemple, Conseil de l’éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 RCS 487, au par. 44; Speckling c. British Columbia (Workers’ Compensation Board), 2005 BCCA 80, au par. 37).

[65] En résumé, je dois faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions du comité dans mon examen de trois des motifs d’appel soulevés par l’appelant, y compris pour la question de savoir si le comité a commis une erreur en refusant d’offrir une réparation à l’appelant pour le préjudice subi en raison du délai excessif. Pour évaluer si les conclusions du comité étaient manifestement déraisonnables, je dois déterminer si le comité a commis une erreur susceptible de contrôle dans son application des principes de droit aux faits sous-jacents.

Observation de l’appelant

[66] L’appelant soutient que le comité aurait dû conclure à une violation de la Charte, puisqu’il avait qualifié le délai de déraisonnable et l’avait considéré comme un abus de procédure. L’appelant fait valoir que le comité a commis une erreur en ne lui offrant aucune réparation pour le préjudice subi en raison de cette [TRADUCTION] « violation » de la Charte (dossier d’appel, à la p. 366). Bien que l’appelant demande une réparation, je constate qu’il ne fait plus valoir qu’un arrêt des procédures aurait dû être accordé.

Observation de l’intimé

[67] L’intimé souligne que le comité initial avait simplement indiqué que le délai pourrait être examiné plus tard dans le processus. Le représentant a tenté de faire en sorte que le délai soit considéré comme une circonstance atténuante, ce que le comité a refusé de faire. L’intimé a fait valoir que le comité initial a laissé en suspens la question de la réparation et que le comité présidant l’affaire a exercé correctement son pouvoir discrétionnaire en concluant que le retard ne constituait pas une circonstance atténuante, et surtout pas une circonstance justifiant une sanction moins sévère que le congédiement, à savoir une pénalité financière.

Conclusions

[68] Je suis d’accord avec le CEE que ce motif d’appel est sans fondement (rapport, au par. 91). D’abord, l’appelant a commis une erreur en qualifiant le délai excessif de violation de la Charte. Le comité initial a eu raison de considérer le délai comme un abus de procédure, et non comme une violation de la Charte. Comme il est indiqué dans l’arrêt Blencoe, un délai peut être déraisonnable sans pour autant porter atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garantis par l’article 7, surtout en droit administratif (Blencoe, au par. 46). Dans ce même arrêt, la CSC a déclaré que, pour que l’article 7 puisse entrer en jeu, le décideur doit constater d’abord qu’il a été porté atteinte au droit « à la vie, à la liberté et à la sécurité [d’une] personne » et, en second lieu, que cette atteinte est contraire aux principes de justice fondamentale. Aucune telle violation de l’article 7 n’a été plaidée devant le comité. De plus, l’appelant a reconnu, dans ses observations initiales, que l’alinéa 11b) de la Charte ne s’applique que dans [TRADUCTION] « le contexte du système de justice pénale » (documents, à la p. 2637). Il est donc difficile de savoir à quelle forme de violation de la Charte l’appelant fait référence. Quelle qu’elle soit, la qualification est erronée.

[69] Puisque l’appelant n’a pas explicitement soulevé comme motif d’appel que le comité initial a commis une erreur en ne considérant pas le délai comme une violation de la Charte, je conclus que cette mention a probablement été faite par erreur.

[70] Ensuite, l’appelant n’a pas démontré en quoi chaque comité avait commis une erreur en ne lui offrant aucune réparation pour le préjudice subi en raison du délai. Bien qu’il ait conclu que l’appelant a subi un préjudice important, le comité initial n’a pas conclu que le délai était long au point de justifier un arrêt des procédures. Il a plutôt laissé entendre que le délai pourrait être examiné plus tard dans le processus. Le comité suivant n’était aucunement lié par cette déclaration hypothétique.

[71] Par suite de la décision du comité initial, l’appelant a ensuite choisi de soutenir que le délai constituait une circonstance atténuante. Je souligne que, dans l’arrêt Abrametz, la CSC a déclaré ce qui suit, dans le cas de la révocation d’un permis d’exercice du droit (au par. 98) :

Pour qu’une sanction moins sévère puisse être substituée à la révocation présumée d’un permis, il faut être en présence d’un abus de procédure important, à l’extrémité supérieure de l’échelle de gravité. Qui plus est, en aucune circonstance l’ajustement de la sanction ne devrait avoir pour effet de compromettre les objectifs du processus disciplinaire, notamment la protection du public et la confiance de celui‑ci dans l’administration de la justice. Pour ces raisons, il sera généralement tout aussi difficile d’obtenir une réparation substituant une sanction moins sévère à la révocation d’un permis que d’obtenir un arrêt des procédures. Ces deux réparations peuvent tout autant nuire à la responsabilité des organismes professionnels de réglementer la profession.

[Non souligné dans l’original.]

[72] Le fait que l’arrêt de la CSC dans l’affaire Abrametz ait été rendu après la décision du comité initial ne change pas le régime applicable pour régler la question des délais administratifs. Cet arrêt vient plutôt clarifier la question 20 ans après l’arrêt Blencoe. Par conséquent, j’estime que les directives de la CSC sur cette question guident mon analyse de la décision de chaque comité. Si le délai excessif constituait un abus de procédure, mais n’était pas préjudiciable au point de justifier un arrêt, il ne pourrait pas non plus être considéré comme une circonstance atténuante suffisante pour justifier une sanction moins sévère que le congédiement, à savoir une pénalité financière.

[73] Je rejette donc ce motif d’appel.

Le comité a commis une erreur en déterminant qu’il n’avait pas à se prononcer sur les détails des allégations

Observation de l’appelant

[74] L’appelant soutient que le comité a commis une erreur de droit en concluant que les allégations étaient établies sans qu’il soit obligatoire d’établir tous les détails des allégations. Bien que l’appelant ait parlé d’une erreur de droit, je suis d’accord avec le CEE que ce motif d’appel est en fait fondé sur une question mixte de fait et de droit (rapport, au par. 94). L’appelant affirme ce qui suit (dossier d’appel, à la p. 356) :

[TRADUCTION]

[L]e comité a finalement affirmé qu’il n’était pas nécessaire de conclure que l’[appelant] était « en position d’autorité par rapport à Mme A » ni que l’[appelant] « avait été l’instigateur d’un contact sexuel non désiré avec elle » pour conclure que l’[appelant] avait eu une conduite déshonorante, de sorte qu’il avait omis d’exiger une preuve établissant les détails.

[En italique dans l’original.]

[75] L’appelant souligne qu’il était essentiel que le RAD prouve les détails des allégations telles qu’elles avaient été rédigées. À l’appui de son affirmation, il compare la formulation des deux allégations et fait remarquer que, dans l’allégation no 1, il était question de « contact sexuel non désiré », alors que, dans l’allégation no 2, il était plutôt question du fait d’avoir « flirté avec [Mme A] » et d’avoir entretenu « une relation inappropriée de nature sexuelle avec elle ». L’appelant invoque la décision Gill c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1106 (Gill), de la Cour fédérale pour appuyer le principe selon lequel tous les détails d’une allégation doivent être prouvés afin de conclure à une inconduite dans le premier cas, plutôt que d’être considérés comme des circonstances aggravantes qui servent à définir les mesures disciplinaires à imposer à la suite de l’établissement de ces allégations.

Observation de l’intimé

[76] L’intimé soutient que le paragraphe 43(4) de la Loi sur la GRC prescrit ce qui suit (dossier d’appel, à la p. 466) :

L’énoncé détaillé contenu dans l’avis doit être suffisamment précis et mentionner, si possible, le lieu et la date où se serait produite chaque contravention afin que le membre qui en reçoit signification puisse connaître la nature des contraventions reprochées et préparer sa réponse en conséquence.

[77] L’intimé fait valoir que, compte tenu des conclusions du CEE dans C-045, ce ne sont pas tous les détails d’une allégation donnée qui doivent être prouvés. Certains détails peuvent plutôt servir à contextualiser les actes ou les omissions en cause. De plus, l’intimé soutient que l’affaire Gill se distingue de l’espèce. Dans l’affaire Gill, le CEE, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale ont tous conclu que l’allégation n’avait pas été établie, car l’inconduite constatée par le comité d’arbitrage ne faisait pas partie des allégations énumérées dans l’avis d’audience. En l’espèce, les détails établis sont énumérés dans l’avis d’audience.

[78] L’intimé ajoute que les allégations ont été rédigées de manière à ce que l’appelant connaisse la preuve à réfuter. L’appelant a eu le temps et l’occasion de préparer sa défense, comme le démontre le fait que son représentant ait été en mesure de présenter des éléments de preuve documentaire et des témoignages en réponse aux allégations.

Conclusions

[79] Je suis d’accord avec le CEE que ce motif d’appel ne saurait être retenu (rapport, au par. 99). En résumé, l’appelant interprète mal la décision Gill, dans laquelle la Cour d’appel fédérale a conclu qu’un arbitre ne peut conclure à une inconduite qui n’a pas été décrite dans l’énoncé détaillé, puisque le membre visé doit obtenir un avis suffisant des allégations soulevées contre lui. La décision Gill ne confirme pas le principe selon lequel une allégation doit être établie [TRADUCTION] « telle qu’elle a été rédigée » ou que chaque détail énuméré doit être prouvé. De plus, dans la décision Gill, la Cour fédérale a réaffirmé le principe énoncé dans la décision Golomb and College of Physicians and Surgeons of Ontario, (1976), 12 O.R. (2d) 73 (Cour divisionnaire de l’Ontario) (Golomb), concernant la question de l’avis suffisant. Dans la décision Golomb, le juge Galligan a expliqué ce qui suit :

[TRADUCTION]

Dans les causes de cette nature, nul ne laisserait entendre qu’une allégation de faute professionnelle doit comporter le degré de précision qui est exigé dans le cas d’une poursuite criminelle. Mais l’accusation doit faire état d’une conduite qui, si elle est prouvée, pourrait être assimilable à une faute professionnelle, et elle doit fournir à la personne accusée un avis raisonnable des allégations qui sont soulevées contre elle afin qu’elle puisse se défendre complètement et adéquatement.

[…]

Il découle de cette exigence qu’il faut que l’accusation soit précise au point où un accusé ne doit pas être jugé pour une accusation dont il n’a pas été avisé. Il s’ensuit aussi que les éléments de preuve doivent se limiter à l’accusation portée contre lui. Il n’y a pas lieu de présenter des éléments de preuve concernant d’autres allégations d’inconduite, parce qu’ils auraient un effet fort préjudiciable sur le tribunal, et qu’il s’agit d’éléments liés à une conduite que l’accusé n’est pas prêt à défendre.

Je crois qu’il est particulièrement important de se souvenir de ces principes fondamentaux lorsque l’on examine une accusation aussi générale que celle de faute professionnelle. À l’évidence, il peut y avoir de grandes différences de gravité dans les conduites susceptibles d’équivaloir à une faute professionnelle. Et il en est de même en ce qui concerne la sévérité de la peine, suivant la gravité des accusations portées contre une personne accusée de faute professionnelle. Il est donc particulièrement important qu’une personne accusée de faute professionnelle sache avec une certitude raisonnable quelle conduite de sa part est présumée équivaloir à une faute professionnelle.

[80] Autrement dit, l’accusé doit recevoir un « avis raisonnable » des faits qui lui sont reprochés. En l’espèce, les énoncés étaient plus détaillés que les conclusions du comité, et non l’inverse.

[81] Dans l’ouvrage Legal Aspects of Policing, Paul Ceyssens souligne que, selon le deuxième principe du caractère suffisant de l’avis, l’allégation doit tout de même révéler une cause d’action, même si certains détails étaient enlevés (Carswell, (feuilles mobiles, 2000), aux p. 5-182). Je souligne que, sur la base de l’aveu de l’appelant selon lequel il avait participé à la relation inappropriée décrite dans les deux allégations, le comité a conclu que la preuve était suffisante pour établir une conduite déshonorante.

[82] Sans surprise, le CEE a toujours recommandé, tout comme le commissaire, qu’il n’était pas obligatoire d’établir tous les détails pour prouver une allégation (voir CEE 2900-08-006 (D- 123) (commissaire, au par. 133); CEE C-2014-001 (C-006); CEE C-2019-026 (C-048)).

[83] En fin de compte, le comité a conclu que les deux allégations étaient fondées compte tenu des aveux suivants, tels qu’ils ont été résumés par le CEE (rapport, au par. 103) :

[TRADUCTION]

· [P]our l’allégation no 1 – avoir eu un contact sexuel dans la cage d’escalier du détachement (le comité a conclu que la question de savoir si le contact était non désiré n’était pas pertinente, puisque l’appelant avait admis avoir eu ce contact);

· [P]our l’allégation no 2 – avoir eu un comportement inapproprié envers Mme A au travail.

Le comité a commis une erreur dans son évaluation de la crédibilité de Mme A

Observation de l’appelant

[84] L’appelant conteste l’évaluation que le comité a faite de la crédibilité de Mme A. Il soutient que les observations suivantes, telles qu’elles sont résumées par le CEE, contredisent la décision du comité de choisir la version des événements de Mme A (rapport, au par. 104) :

[TRADUCTION]

· Il était « préoccupant » que le comité juge Mme A plus crédible et affirme du même coup que, lors de son entrevue avec les enquêteurs, elle ne faisait qu’acquiescer à ce qu’on lui disait;

· Bien qu’il ait jugé Mme A plus crédible, le comité a trouvé préoccupante la manière dont les enquêteurs l’avaient interrogée;

· Lors de son entrevue, Mme A n’était pas capable de se rappeler certains détails de l’incident du 10 octobre, par exemple si elle tenait ou non son téléphone cellulaire;

· Bien que le comité ait conclu que Mme A avait dit à l’appelant qu’ils ne devraient plus avoir de contacts physiques, il ressort de son entrevue qu’elle ne lui a jamais vraiment dit non;

· Le comité n’a pas fait grand cas du fait que Mme A a refusé de fournir son téléphone cellulaire;

· En ce qui concerne le message texte de Mme A disant : « Aurais-je un jour le droit de m’amuser? » mentionné par le représentant à l’audience, le comité a conclu qu’il ne pouvait pas le considérer comme une indication de réciprocité sans plus de contexte et de preuve;

· L’entrevue de Mme A avec les enquêteurs ne démontrait pas un manque de confiance en soi;

· Le fait que l’enquêteur semble essayer de faire ressortir des éléments de preuve était préoccupant;

· La conclusion du comité selon laquelle Mme A avait peur de l’appelant et n’avait aucune confiance en elle ne repose sur aucune preuve.

[85] Le représentant affirme avec insistance que ces erreurs apparentes entraînent l’application du principe établi dans l’arrêt Morrissey. Ce principe a été reconnu dans l’arrêt R c. Pearson, 2012 ABCA 239, au par. 61, où la Cour d’appel de l’Alberta a déclaré ce qui suit :

[TRADUCTION]

Le juge des faits peut tirer de la preuve des inférences de fait. Les inférences doivent toutefois pouvoir être tirées de manière raisonnable et logique à partir d’un fait ou d’un groupe de faits établi en preuve. Une inférence ne découlant pas logiquement et raisonnablement de faits établis ne peut être tirée et est proscrite en tant que pure hypothèse, ce qui en fait une erreur de droit (R. c. Morrissey, 1995 CanLII 3498 (ON CA)).

Observation de l’intimé

[86] L’intimé soutient qu’une évaluation de la crédibilité doit reposer sur la preuve considérée dans son ensemble et ajoute ce qui suit, selon le résumé du CEE (rapport, au par. 106) :

[TRADUCTION]

· Le comité a reconnu qu’au début, les messages textes de Mme A étaient à connotation sexuelle. Ce point n’était toutefois pas pertinent en raison de ce qui s’est passé au moment de l’incident.

· Bien que l’appelant soutienne que l’entrevue de Mme A ne démontre pas un manque de confiance en soi, le comité a fait ressortir plusieurs éléments de son témoignage de vive voix pour appuyer sa conclusion.

· Bien que l’appelant affirme que le comité a conclu que Mme A avait dit non à l’appelant, l’intimé a fait remarquer que le comité n’avait pas vraiment tiré cette conclusion. Il avait plutôt conclu qu’elle lui avait « opposé une résistance verbale ».

[87] De plus, l’intimé soutient que, bien que l’appelant critique l’entrevue de Mme A avec les enquêteurs, le représentant a tout de même contre-interrogé Mme A à l’audience et a abordé la question des prétendues incohérences dans ses déclarations. Le comité a ensuite tenu compte de ces points. Le représentant a également eu l’occasion de s’opposer à l’admissibilité des déclarations de Mme A en raison de la conduite de l’enquêteur, mais a choisi de ne pas le faire. Enfin, l’intimé laisse entendre que le principe établi dans l’arrêt Morrissey ne s’applique pas en l’espèce, car il s’applique lorsque le jury a mal interprété la preuve dans le cadre d’un procès criminel et que la cour de révision doit évaluer l’incidence de cette mauvaise interprétation sur le procès. L’intimé fait valoir que le comité a correctement interprété toute la preuve dont il disposait.

Conclusions

[88] Je suis d’accord avec le CEE que ce motif d’appel ne saurait être retenu (rapport, au par. 108). L’appelant me demande de soupeser de nouveau la preuve dont disposait le comité afin de tirer mes propres conclusions. Il faut faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions quant à la crédibilité (McDougall, au par. 73). Je ne peux substituer mes propres conclusions à celles du comité, sauf si la preuve démontre que ce dernier a tiré des conclusions manifestement erronées qui ne sont pas étayées par la preuve.

[89] Comme il est indiqué dans l’arrêt McDougall, lorsque le juge du procès est conscient des contradictions dans le témoignage d’un témoin, mais qu’il arrive quand même à la conclusion que ce dernier était digne de foi, sauf erreur manifeste et dominante, rien ne justifie l’intervention de la cour d’appel. De plus, au paragraphe 26 de l’arrêt R. c. Dinardo, [2008] 1 RCS 788, la CSC a affirmé que « [l]es lacunes dans l’analyse de la crédibilité effectuée par le juge du procès, telle qu’il l’expose dans ses motifs, ne justifieront que rarement l’intervention de la cour d’appel ».

[90] Dans chacun des exemples fournis par l’appelant, le comité a tenu compte des problèmes ou des incohérences s’y rattachant. Le comité a reconnu que la position et les souvenirs de Mme A n’étaient pas « sans faille ». Malgré cette observation, il a tout de même conclu que la version des événements de Mme A était plus crédible que celle de l’appelant, qu’il a qualifiée d’intéressée (documents, à la p. 190) :

Je souligne que, tout au long de son témoignage, le membre visé a choisi ses mots très soigneusement. Il avait tendance à minimiser son implication lorsque la situation ne l’avantageait pas. Le récit de son implication dans les questions disciplinaires précédentes et la plainte d’une autre gardienne concernant l’envoi d’une quantité excessive de messages textes en sont de bons exemples. Même s’il y a des incohérences entre leurs déclarations et leurs témoignages oraux, ces incohérences sont relativement mineures, visent des questions accessoires ou peuvent être raisonnablement expliquées en tenant compte d’autres éléments de preuve.

[91] L’appelant n’a pas relevé une erreur suffisamment grave pour permettre de conclure que la décision du comité est manifestement déraisonnable. Par exemple, bien qu’il soutienne que rien ne prouve que Mme A manquait de confiance en elle, il a déclaré qu’elle « se dénigrait » (dossier d’appel, à la p. 19; documents, à la p. 1445). Pour en arriver à cette conclusion, le comité s’est également fondé sur le témoignage de Mme A à l’audience, au cours duquel elle a souvent fait référence à son poids et à son manque de coordination (dossier d’appel, à la p. 79; documents, aux p. 1263, 1270, 1274, 1296, 1328, 1355, 1691).

[92] L’appelant soutient que Mme A ne lui a jamais vraiment dit « non », mais Mme A a bel et bien déclaré qu’elle lui avait dit qu’elle voulait mettre un terme à leur relation, car elle s’était depuis engagée dans une relation sérieuse avec une autre personne (documents, à la p. 1261). Je suis d’accord avec le CEE que cela équivaut à dire « non » à l’appelant. Enfin, je suis d’accord avec le CEE que la question de savoir si Mme A tenait son téléphone cellulaire lorsqu’elle est sortie de la cage d’escalier le 10 octobre 2014 n’a aucune incidence sur sa crédibilité générale (rapport, au par. 111). En résumé, le comité était conscient que le témoignage de Mme A comportait des problèmes, mais a tout de même conclu qu’elle était plus crédible que l’appelant. Au regard de l’arrêt McDougall, le comité a suffisamment justifié ses conclusions concernant la fiabilité et la crédibilité. Ce motif d’appel est rejeté.

Le comité a commis une erreur en se fondant sur des éléments de preuve qui ne lui avaient pas été dûment présentés

[93] Lorsqu’il soutient que la décision d’un comité est rendue en contravention des principes d’équité procédurale applicables, l’appelant doit démontrer que le comité n’a pas suivi la procédure adéquate pour rendre la décision contestée. Il doit prouver que l’un des droits suivants a été violé :

  • Le droit à une décision de la part de la personne qui entend l’affaire;
  • Le droit d’être informé des questions qui seront tranchées et de se voir accorder une juste possibilité de présenter ses arguments sur ces questions;
  • Le droit à une décision rendue par un décideur impartial;
  • Le droit de connaître les motifs de la décision.

Norme de contrôle

[94] En appel, l’équité procédurale est évaluée selon la norme de contrôle de la décision correcte, comme l’explique la Cour fédérale dans la décision Garcia Diaz c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 321, au par. 48 :

À l’égard des questions d’équité procédurale, la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Plus précisément, qu’il soit question de la norme de contrôle de la décision correcte ou de l’obligation de la Cour de s’assurer que le processus a été équitable sur le plan procédural, le contrôle judiciaire d’une question relative à l’équité procédurale ne laisse aucune marge de manœuvre à la cour de révision ni n’autorise cette dernière à faire preuve de déférence. La question fondamentale demeure celle de savoir si la partie visée connaissait la preuve à réfuter et si elle a eu une occasion réelle et équitable d’y répondre : voir Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [2019] 1 RCF 121 [CFCP] (le juge Rennie), particulièrement aux para 49, 54 et 56; Baker, au para 28. Dans l’arrêt Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, le juge de Montigny a affirmé que « [c]e qui importe, en fin de compte, c’est de savoir si l’équité procédurale a été respectée ou non » (au paragraphe 35).

[95] L’appelant a soulevé deux arguments distincts relativement aux questions d’équité procédurale.

Observation de l’appelant

[96] L’appelant soutient que le comité a commis une erreur en concluant que sa conduite avait nui à la relation entre la GRC et la ville. Il ajoute que le comité a commis une erreur en se fondant sur un rapport d’enquête antérieur; sur des déclarations écrites de membres de la GRC; et sur des déclarations de deux autres personnes, visant d’autres affaires. La preuve est liée à deux incidents, tels qu’ils ont été résumés par le CEE (rapport, au par. 112) :

[TRADUCTION]

[L]e premier incident concernait la quantité excessive de messages textes envoyés à une autre gardienne de cellule (incident géré de façon informelle) et le deuxième incident portait sur la mauvaise utilisation des bases de données policières et le fait d’avoir accusé une autre collègue d’avoir eu des relations sexuelles avec deux autres membres de la GRC après la fin de leur relation (incident ayant fait l’objet d’une enquête et pour lequel l’appelant a reçu une réprimande).

[97] L’appelant soutient que ces déclarations n’ont pas été admises en preuve à bon droit et que les personnes qui ont fait ces déclarations n’ont pas été contre-interrogées. Par conséquent, il soutient que l’inclusion de ces éléments de preuve constitue un manquement à l’équité procédurale.

Observation de l’intimé

[98] L’intimé souligne que le comité est un tribunal administratif spécialisé qui est autorisé à s’appuyer sur son expérience pour tirer une conclusion logique, notamment en ce qui a trait aux relations entre des organismes partenaires. En ce qui concerne la question des antécédents disciplinaires et des éléments de preuve s’y rapportant, l’intimé soutient que ces documents ont été déposés devant le comité en réponse à la demande de l’appelant de régler le [TRADUCTION] « premier incident disciplinaire ». L’appelant a relaté les circonstances ayant mené aux incidents en question. Le représentant a indiqué qu’il ne se prononcerait pas sur l’admission des documents. En conséquence, le comité n’a commis aucune erreur en admettant la preuve.

Conclusions

i) Incidence sur la relation avec la ville

[99] Je suis d’accord avec le CEE que le comité a commis une erreur en concluant que le comportement de l’appelant avait nui à la relation entre la GRC et la ville sans invoquer de preuve à l’appui. Cependant, je suis également d’accord avec le CEE que, compte tenu des nombreuses autres circonstances aggravantes qui ont été invoquées à juste titre, l’erreur n’est pas grave au point de faire droit au présent appel (rapport, au par. 115). Ces autres circonstances aggravantes sont notamment le dossier disciplinaire antérieur de l’appelant pour des incidents assez semblables; les répercussions qu’a eues la conduite de l’appelant, qui était en position d’autorité, sur Mme A; et le fait que la GRC déploie des efforts concertés pour éliminer le harcèlement sexuel en milieu de travail. Ensemble, ces circonstances suffisent à justifier la mesure disciplinaire imposée par le comité, et ce, même sans une conclusion sur la relation entre la GRC et la ville.

[100] Dans sa décision, le comité a indiqué ce qui suit (documents, à la p. 206) :

Même si le dossier ne comporte pas d’éléments de preuve [clairs] démontrant que les actions du membre visé a eu des conséquences sur la relation entre la GRC et son partenaire contractuel, la [ville], ou de quelle façon cela a eu des conséquences, j’ai de la difficulté à croire qu’il n’y en a pas eu.

[Non souligné dans l’original.]

[101] De plus, le RAD n’a présenté aucun élément de preuve sur cette question, si ce n’est pour affirmer qu’elle devrait constituer une circonstance aggravante.

[102] Un décideur est autorisé à s’appuyer sur l’expertise qu’un organisme peut acquérir en raison de ses connaissances spécialisées dans un certain domaine. Il ne peut toutefois pas s’appuyer sur des faits contestés qui ne sont pas visés par les définitions de connaissance officielle ou judiciaire. Autrement dit, un décideur peut faire appel à son expertise et ses connaissances personnelles pour apprécier la preuve, mais il ne peut pas s’appuyer sur ses connaissances antérieures pour admettre de nouveaux éléments de preuve dans le cadre de la procédure (voir Alassouli c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 998, au par. 35; Montréal (Ville de) c. Masdev Capital inc., 2015 QCCQ 376).

[103] Je peux convenir avec le comité qu’un cas de comportement sexuel inapproprié entre un officier supérieur de la GRC et une employée de la ville, dans un bâtiment municipal, nuirait inévitablement à la relation entre la GRC et la ville. Néanmoins, il serait inéquitable sur le plan de la procédure de s’appuyer sur une circonstance aggravante qui, selon le comité lui-même, ne repose sur aucun élément de preuve clair. Par conséquent, je conclus que le comité a commis une erreur en considérant cette observation comme une circonstance aggravante sans s’appuyer sur un minimum de preuve pour appuyer une telle conclusion. De la même manière, comme je l’ai déjà expliqué, selon moi, l’erreur du comité n’entache pas irrémédiablement sa décision. Comme l’a déclaré le juge Roy au paragraphe 62 de la décision Laroche c. Canada (Procureur général), « [l]a perfection n’est pas de ce monde et on ne la recherchera pas dans les motifs d’une décision ». Au paragraphe 100 de l’arrêt Vavilov, la CSC a reconnu cette réalité et a confirmé que « [l]es lacunes ou insuffisances reprochées ne doivent pas être simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision. Il ne conviendrait pas que la cour de révision infirme une décision administrative pour la simple raison que son raisonnement est entaché d’une erreur mineure. »

ii) Preuve de faits similaires

[104] Les questions d’équité procédurale doivent être soulevées à la première occasion (Zündel c. Canada (Commission des droits de la personne), [2000] 4 CF 255 (CAF); Kamara c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 448, au par. 26). L’appelant avait l’obligation positive de contester l’inclusion du rapport et/ou des déclarations en première instance ou de demander que les témoins comparaissent devant le comité pour être contre-interrogés. Comme l’appelant n’a fait ni l’un ni l’autre à l’audience, il est maintenant forclos de soulever ces questions en appel.

DISPOSITIF

[105] En vertu de l’article 45.16 de la Loi sur la GRC, l’appel est rejeté et la mesure disciplinaire imposée par le comité est confirmée.

[106] Si l’appelant n’est pas d’accord avec ma décision, il peut en faire appel devant la Cour fédérale en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

 

Date

Steven Dunn, arbitre

 

 

 

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