Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

Le membre civil Jason Daley a reçu un avis d’audience disciplinaire contenant une allégation d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC relativement à une querelle de ménage.

Le membre civil Daley a reconnu les faits reprochés dans l’allégation. De plus, le 18 août 2022, le comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée.

Le 23 août 2022, le membre civil Daley a témoigné lors de l’étape des mesures disciplinaires dans le cadre de la présente procédure. Par la suite, mais avant de présenter leurs observations orales sur les mesures disciplinaires, les parties ont informé le comité de déontologie qu’elles étaient parvenues à un accord pour résoudre cette affaire : la commandante divisionnaire avait accepté la démission du membre civil Daley.

Le 24 août 2022, le représentant de l’autorité disciplinaire a remis au comité de déontologie un formulaire 1733 – Demande de licenciement, dûment signé, prenant effet le 23 août 2022. Par conséquent, cette affaire a été réglée avant l’imposition de mesures disciplinaires, car le comité de déontologie a perdu sa compétence en la matière.

Contenu de la décision

Protégé A

2022 DAD 16

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une

audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10

ENTRE :

la commandante de la Division J

Autorité disciplinaire

et

Jason Daley

Numéro de matricule C9307

Membre visé

Décision du Comité de déontologie

Surintendant Colin Miller

Le 21 novembre 2022

Sergent d’état-major Jonathon Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

M. David Bright, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 3

INTRODUCTION 4

ALLÉGATION 5

Décision à propos de l’allégation 7

a) Est-ce que les gestes sont prouvés? 7

b) Est-ce que l’identité du membre a été établie? 9

c) La conduite du membre civil Daley est-elle déshonorante? 9

d) Le comportement du membre civil Daley est-il suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit? 11

Conclusion 15

MESURES DISCIPLINAIRES 15

RÈGLEMENT 17

 

SOMMAIRE

Le membre civil Jason Daley a reçu un avis d’audience disciplinaire contenant une allégation d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC relativement à une querelle de ménage.

Le membre civil Daley a reconnu les faits reprochés dans l’allégation. De plus, le 18 août 2022, le comité de déontologie a conclu que l’allégation était fondée.

Le 23 août 2022, le membre civil Daley a témoigné lors de l’étape des mesures disciplinaires dans le cadre de la présente procédure. Par la suite, mais avant de présenter leurs observations orales sur les mesures disciplinaires, les parties ont informé le comité de déontologie qu’elles étaient parvenues à un accord pour résoudre cette affaire : la commandante divisionnaire avait accepté la démission du membre civil Daley.

Le 24 août 2022, le représentant de l’autorité disciplinaire a remis au comité de déontologie un formulaire 1733 – Demande de licenciement, dûment signé, prenant effet le 23 août 2022. Par conséquent, cette affaire a été réglée avant l’imposition de mesures disciplinaires, car le comité de déontologie a perdu sa compétence en la matière.

INTRODUCTION

[1] L’incident allégué a eu lieu le 30 septembre 2020 et le 1er octobre 2020, ou aux alentours de ces dates, alors que le membre civil Daley était employé en tant que coordinateur du réseau local au bureau du Programme canadien des armes à feu, à Miramichi, au Nouveau-Brunswick. Conformément au paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], une enquête sur les agissements du membre civil Daley a été lancée le 1er octobre 2020.

[2] Le 26 août 2021, la commandante de la Division J a signé un avis à l’officier désigné, dans lequel elle demandait qu’une audience disciplinaire soit convoquée. Le 31 août 2021, j’ai été nommé au comité de déontologie aux termes du paragraphe 43(1) de la Loi sur la GRC.

[3] L’avis d’audience disciplinaire a été signé par l’autorité disciplinaire le 9 septembre 2021. Le 4 novembre 2021, l’avis a été signifié au membre civil Daley, avec la trousse d’enquête.

[4] Le 6 janvier 2022, le membre civil Daley a fourni sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Bien qu’il ait admis les faits reprochés dans l’allégation, il a fourni des explications concernant les énoncés détaillés s’y rapportant. En outre, sa réponse comprenait des commentaires qui se rapportaient plus directement à l’étape des mesures disciplinaires relative à la présente procédure.

[5] Le 27 juin 2022, le représentant de l’autorité disciplinaire m’a informé que la plaignante, M.H., n’était plus disposée à témoigner. Il m’a également indiqué qu’il s’était entendu avec le représentant du membre visé sur le fondement factuel de l’incident en question. Le représentant du membre visé a par la suite confirmé qu’ils étaient parvenus à s’entendre sur les faits.

[6] Lors de la conférence préparatoire à l’audience, qui a eu lieu le 13 juillet 2022, le représentant de l’autorité disciplinaire a confirmé que le contact physique provoqué par le membre civil Daley n’était pas intentionnel. À la lumière de ces nouvelles informations, j’ai demandé aux parties de me faire part de leurs observations sur la question de savoir si la conduite du membre civil Daley était déshonorante. Les deux parties ont présenté des observations dans lesquelles elles convenaient que la conduite du membre civil Daley était déshonorante.

[7] Une autre conférence préparatoire à l’audience s’est tenue le 17 août 2022 pour entendre les observations orales des parties sur le quatrième élément du critère de la conduite déshonorante, soit le lien avec l’emploi.

[8] Le 18 août 2022, j’ai rendu une décision écrite provisoire par laquelle j’ai conclu que l’allégation était fondée.

[9] Le 23 août 2022, le membre civil Daley a témoigné lors de l’étape de l’audience portant sur les mesures disciplinaires. Par la suite, mais avant de présenter leurs observations orales sur les mesures disciplinaires, les parties m’ont informé qu’elles étaient parvenues à une entente de règlement de la présente affaire : la commandante avait accepté la démission du membre civil Daley.

[10] Par conséquent, j’ai informé les parties que j’étais prêt à procéder à l’instruction de l’affaire et que je serais en mesure de rendre une décision sur les mesures disciplinaires le lendemain matin. Toutefois, conformément aux principes relatifs aux propositions conjointes, j’ai donné aux parties jusqu’à 10 heures le lendemain pour me fournir une copie dûment signée d’une Demande de licenciement, à défaut de quoi, j’irais de l’avant avec l’instruction de l’affaire.

[11] Le 24 août 2022, le représentant de l’autorité disciplinaire m’a remis une Demande de licenciement dûment signée, avec prise d’effet le 23 août 2022. Par conséquent, j’ai perdu compétence et cette affaire a été réglée sans l’imposition de mesures disciplinaires.

ALLÉGATION

[12] L’avis d’audience disciplinaire contient les allégations et les énoncés détaillés suivants :

Allégation 1 : Les 30 septembre et le 1er octobre 2020, ou vers ces dates, à [caviardé] ou dans les environs, dans la province du Nouveau-Brunswick, le membre civil Jason Daley s’est conduit de manière déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncés détaillés :

1. À l’époque des faits, vous étiez un membre civil de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et vous travailliez comme coordinateur du [réseau local] au bureau du Programme canadien des armes à feu à Miramichi, au Nouveau-Brunswick.

2. Vous entreteniez une relation amoureuse « intermittente » avec [M.H.] depuis 2016.

3. Le 30 septembre 2020, [M.H.] vous a demandé à plusieurs reprises de ne pas venir chez elle; vers [14 h 56], elle vous a envoyé un texto pour vous dire : « Tu n’es plus jamais le bienvenu chez moi ou sur ma propriété » (ou autre formulation à cet effet). Dans la soirée du 30 septembre et jusqu’au petit matin du 1er octobre 2020, [M.H.] et des amis s’étaient réunis dans le garage de sa résidence.

4. Vers [23 h 30], vous êtes arrivé au domicile de M.H., situé à [caviardé]; vous êtes entré dans la résidence de M.H. à son insu et vous vous êtes rendu directement au sous-sol où se trouvait sa chambre à coucher.

5. Après environ [3 h 30], [M.H.] était seule dans sa cuisine lorsque vous avez commencé à vous disputer avec elle et à l’insulter. Elle vous a demandé de quitter sa maison ou de descendre.

6. Vous êtes retourné dans la chambre de [M.H.] et elle a fini par vous rejoindre dans le lit. Lorsqu’elle s’est mise au lit, vous avez recommencé à l’insulter. Elle vous a crié de quitter son domicile à plusieurs reprises. Elle a commencé à vous pousser et à vous frapper, car elle voulait que vous quittiez son lit. En vous levant et en reprenant votre équilibre, vous vous êtes retrouvé sur elle; vous l’avez plaquée au lit, une main sur son visage. [M.H.] a essayé de vous repousser et vous l’avez lâchée après qu’elle vous ait mordu la main droite. Cette altercation physique a duré environ une minute et, en conséquence, [M.H.] s’est retrouvée avec une main endolorie et une ecchymose sur le côté gauche de son menton.

7. Vous avez quitté le domicile après que [M.H.] vous ait crié de partir et qu’elle ait appelé la police.

8. Vous avez été arrêté et accusé de voies de fait, infraction prévue à l’article 266b) du Code criminel, en lien avec cet incident.

9. Votre conduite a été déshonorante.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

[13] Il incombe à l’autorité disciplinaire d’établir l’allégation selon la prépondérance des probabilités. Cela signifie que l’autorité disciplinaire doit établir, pour chacune des allégations, qu’il est plus probable que le contraire que le membre civil Daley ait contrevenu à l’article 7.1 du Code de déontologie, qui exige que « les membres se comportent d’une manière qui n’est pas susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ».

Décision à propos de l’allégation

[14] Dans sa réponse à l’allégation, le membre civil Daley a admis que sa conduite était déshonorante. Néanmoins, je suis toujours tenu de procéder à une analyse des faits qui m’ont été présentés afin de déterminer si tous les éléments du critère relatif à la conduite déshonorante ont été remplis.

[15] Selon le critère relatif à une conduite déshonorante aux termes du paragraphe 7.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit prouver ce qui suit, selon la prépondérance des probabilités :

  1. les gestes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre qui aurait commis les gestes visés par les allégations;
  3. si la conduite du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC; et
  4. si la conduite du membre est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un motif légitime de prendre des mesures disciplinaires à son égard.

a) Est-ce que les gestes sont prouvés?

[16] Bien qu’il ait admis tous les énoncés détaillés, il a fourni des explications pour les énoncés détaillés 2 à 8.

[17] Le 27 juin 2022, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait savoir que M.H. n’était plus disposée à témoigner. Il a en outre indiqué que le représentant du membre visé et lui-même étaient parvenus à une entente [TRADUCTION] « selon laquelle le fondement factuel sur lequel le comité disciplinaire est appelé à se prononcer relativement à l’allégation correspond à la réponse [du membre civil Daley] au point 15 jusqu’à la fin de [l’énoncé détaillé] 9 ». Par conséquent, je conclus que les faits qui suivent sont établis :

  1. Le membre civil Daley entretenait une relation amoureuse toxique [TRADUCTION] « intermitente » avec M.H. depuis 2016.
  2. Le 30 septembre 2020, M.H. a demandé à plusieurs reprises au membre civil Daley de ne pas se rendre chez elle et, vers 14 h 56, elle lui a envoyé un texto pour lui dire : « Tu n’es plus jamais le bienvenu chez moi ou sur ma propriété » (ou autre formulation à cet effet).
  3. En raison de problèmes de fidélité antérieurs, le membre civil Daley et M.H. se disputaient fréquemment, soit presque chaque fois qu’il devait se rendre à Miramichi pour s’occuper de ses enfants. Lors de ces disputes, M.H. lui disait souvent de ne pas venir chez elle. Toutefois, elle laissait la porte débarrée pour lui puis il entrait et se couchait avec elle.
  4. Dans la soirée du 30 septembre 2020 et jusqu’au petit matin du 1er octobre 2020, M.H. et des amis s’étaient réunis dans le garage de sa résidence.
  5. Vers 23 h 30, le membre civil Daley est arrivé à la résidence de M.H., est entré à son insu et s’est rendu directement au sous-sol où se trouvait sa chambre à coucher.
  6. Vers 3 h 30 ou plus tard, M.H. était seule dans sa cuisine lorsque le membre civil Daley a commencé à se disputer avec elle et s’est mis à l’insulter.
  7. M.H. a demandé au membre civil Daley de quitter sa maison ou de descendre.
  8. Le membre civil Daley est retourné dans la chambre de M.H., qui l’a finalement rejoint dans son lit. Alors qu’elle se mettait au lit, il a recommencé à l’insulter. M.H. a commencé à le pousser et à le frapper en réponse à ses commentaires. Lorsqu’il a commencé à se lever pour partir, elle lui a crié à plusieurs reprises de quitter sa résidence.
  9. Alors que le membre civil Daley se levait du lit, il a perdu l’équilibre et s’est retrouvé sur M.H., la plaquant involontairement au lit, une main sur son visage. M.H. a essayé de se débattre, et il l’a lâchée après qu’elle lui ait mordu la main droite. Cette altercation a duré environ une minute. En conséquence, M.H. s’est retrouvée avec une main endolorie et une ecchymose sur le côté gauche de son menton.
  10. Alors que le membre civil Daley se dirigeait vers son véhicule pour quitter la propriété de M.H., celle-ci était sur la terrasse et lui criait de partir en disant qu’elle allait appeler la police.
  11. À la suite de cet incident, le membre civil Daley a été arrêté et accusé de voies de fait, infraction prévue à l’alinéa 266b) du Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C-46. L’accusation a été retirée par la Couronne le 9 novembre 2021.

b) Est-ce que l’identité du membre a été établie?

[18] De la même façon, compte tenu de l’aveu du membre civil Daley et de mon examen des documents au dossier, je conclus que l’identité du membre est établie et qu’il s’agissait bien du membre civil Daley.

c) La conduite du membre civil Daley est-elle déshonorante?

[19] Bien que le représentant de l’autorité disciplinaire ait reconnu que la force employée par le membre civil Daley n’était pas intentionnelle, il a fait valoir que cet élément n’était pas nécessaire pour conclure à une conduite déshonorante. En outre, il a fait valoir qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu l’emploi de force physique pour qu’un incident soit qualifié de querelle domestique et que la violence familiale peut inclure des commentaires verbaux. Le représentant de l’autorité disciplinaire a ajouté que le membre civil Daley avait provoqué l’incident en proférant des insultes. Il a également souligné qu’on avait dit au membre civil Daley de ne pas se rendre à la résidence de M.H., qu’on lui avait demandé de quitter la résidence de M.H. et que des enfants se trouvaient dans la maison.

[20] Le représentant du membre visé a convenu que la force employée par le membre civil Daley n’était pas intentionnelle. Toutefois, il a admis que, sur la base de l’aveu du membre civil Daley concernant l’énoncé détaillé 5 relatif à l’allégation, ce dernier avait eu une conduite déshonorante. Plus précisément, il a fait remarquer ce qui suit :

  • L’incident a été le fruit de la dégradation d’une relation toxique.
  • Le membre civil Daley n’aurait pas dû se rendre à la résidence de M.H.
  • Il y a clairement eu une altercation verbale.
  • La situation n’aurait pas dû s’envenimer.
  • Le membre civil Daley aurait dû quitter le domicile de M.H. plus tôt.
  • Le membre civil Daley s’est rendu au sous-sol, puis y est retourné après être monté à l’étage.

[21] Le suis d’accord avec les parties pour dire que le comportement du membre civil Daley lors de la confrontation était problématique et qu’il n’est pas nécessaire que l’emploi de la force physique dans une querelle domestique ait été intentionnel pour que la conduite d’un membre soit jugée déshonorante.

[22] Toutefois, ce n’est pas la confrontation elle-même qui est selon moi l’élément le plus troublant, mais ce qui l’a précédée. Sachant que M.H. lui avait demandé de ne pas se rendre à son domicile, le membre civil Daley s’est tout de même rendu chez elle et y est entré à son insu. Il a ensuite attendu à l’intérieur pendant plusieurs heures et, après le départ de tous les invités, il l’a confrontée. De plus, alors qu’elle préparait à manger pour ses enfants, qui dormaient à ce moment-là, il s’est approché d’elle dans la cuisine et a commencé à l’insulter.

[23] De son propre aveu, le membre civil Daley entretenait une relation toxique avec M.H. depuis 2016. Compte tenu de leurs antécédents et sachant que M.H. était dans un certain état d’ébriété, la dispute qui a suivie aurait dû être prévisible pour le membre civil Daley. Lorsqu’il a cherché à se disputer, M.H. lui a demandé de partir ou de retourner au sous-sol. Face à ces deux options, il a choisi de redescendre dans la chambre de M.H., plutôt que de quitter la résidence. Lorsque M.H. s’est rendue dans sa chambre, elle s’est installée dans son lit, où se trouvait le membre civil Daley, qui l’a de nouveau insultée, avant de céder à sa demande et de quitter le domicile.

[24] Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie de la GRC, qu’ils soient en service ou non. En se rendant au domicile de M.H. alors qu’elle lui avait demandé de ne pas le faire, en entrant subrepticement chez elle et en y restant à son insu pendant plusieurs heures, avant de provoquer non seulement une, mais deux confrontations avec elle, la conduite du membre civil Daley constitue un écart important par rapport à la norme à laquelle on s’attendrait à voir se conformer un membre de la GRC. Je conclus qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris la réalité des services de police en général et, plus particulièrement, celle de la GRC, considérerait le comportement du membre civil Daley comme susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

d) Le comportement du membre civil Daley est-il suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit?

[25] À ma demande, les parties ont présenté des observations orales sur la question de savoir si le lien avec l’emploi avait été établi.

[26] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que le lien avec l’emploi avait été établi en raison de l’atteinte potentielle à la réputation de la GRC par suite des agissements du membre civil Daley. Il a affirmé qu’il n’était pas nécessaire qu’il y ait eu atteinte réelle à la réputation de la GRC. De plus, le représentant de l’autorité disciplinaire, citant Mulligan[1] et Sunwing[2], a fait valoir que la simple possibilité d’une atteinte à la réputation suffit à conférer à un employeur un intérêt à prendre des mesures disciplinaires à l’encontre d’un employé. Il a également indiqué que le critère à prendre en compte consistait à se demander [TRADUCTION] « ce que penserait une personne bien informée et impartiale[3] ».

[27] Le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné que M. Daley occupait un poste de membre civil au sein de la GRC. Il a ajouté que, bien que le membre civil Daley ne soit pas un policier, il a prêté serment et se trouve dans une position de confiance. Il a également fait remarquer que la conduite du membre civil Daley n’était pas inhabituelle, puisqu’il avait déjà fait l’objet de mesures disciplinaires pour un comportement similaire, ce que le membre civil Daley a lui-même reconnu dans sa réponse à l’allégation.

[28] En outre, le représentant de l’autorité disciplinaire a renvoyé à la réponse du membre civil Daley à l’allégation. Il a noté que le membre civil Daley reconnaissait que ses agissements étaient inexcusables et que ceux-ci avaient eu des répercussions sur la GRC ainsi que sur M.H. et ses enfants.

[29] Enfin, le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné que, bien que le membre civil Daley ait signé un engagement de ne pas troubler l’ordre public, il a profité de sa connaissance des processus policiers pour être présent à l’extérieur du détachement lorsque M.H. est arrivée pour faire sa déposition.

[30] Tout en admettant que la conduite du membre civil Daley était déshonorante, le représentant du membre visé a rejeté l’affirmation du représentant de l’autorité disciplinaire selon laquelle le lien avec l’emploi avait été établi en raison des répercussions de la conduite du membre civil Daley sur la réputation de la GRC.

[31] Le représentant du membre visé a fait valoir que, bien que l’autorité disciplinaire n’ait pas à démontrer que la GRC a subi une atteinte réelle à sa réputation, elle doit démontrer que la conduite du membre civil Daley a jeté le discrédit sur la GRC.

[32] Le représentant du membre visé a fait remarquer que, bien que le membre civil Daley soit employé par la GRC, il n’est pas un policier ni un agent de la paix. Par conséquent, il ne possède pas la même autorité et n’a pas les mêmes responsabilités. Le représentant du membre visé a donc fait valoir que le comportement du membre civil Daley aurait eu une toute autre incidence sur la réputation de la GRC s’il avait été le fait d’un membre régulier.

[33] Citant le critère établi dans la décision Millhaven[4], le représentant du membre visé a fait valoir que seul le troisième facteur de ce critère permet de déterminer l’existence d’un lien avec l’emploi : [TRADUCTION] « [...] le comportement du fonctionnaire entraîne la réticence ou l’incapacité des autres employés à travailler avec lui ou encore le refus de le faire [...] ». Je ne suis pas d’accord. Le représentant du membre visé a adopté cette position en se fondant sur le fait que l’autorité disciplinaire a demandé le congédiement du membre civil Daley. Toutefois, si la simple existence de ce fait permettait de satisfaire au critère, le lien requis serait présent dans chaque cas porté devant un comité disciplinaire. En énonçant cet élément du critère, le tribunal fait reposer sur l’employeur la charge de démontrer que les collègues d’un employé refusent de travailler avec lui, et non pas simplement que l’employeur cherche à le congédier.

[34] Comme l’ont indiqué les deux parties en référence à ma décision dans l’affaire Steinke,[5] je ne crois pas que la GRC doive s’immiscer dans tous les aspects de la vie personnelle d’un membre. Toutefois, je dois prendre en compte l’ensemble de la conduite du membre civil Daley pour déterminer si elle est suffisamment liée à son emploi. En l’espèce, je suis d’avis que la conduite du membre civil Daley est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour que la GRC ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

[35] La GRC a adopté une position très ferme à l’égard de la violence conjugale, en mettant en œuvre une politique de tolérance zéro. De plus, le membre civil Daley aurait dû être parfaitement au courant de cette politique.

[36] La violence familiale ne se limite pas aux actes de violence physique, comme l’a reconnu à juste titre mon éminent collègue dans la décision Whalen[6] :

Les allégations dont je suis saisie sont liées à un contexte de violence conjugale. Je souligne que la violence familiale ne se limite pas à des actes de violence physique. Le Manuel des opérations, chapitre 2.4 « Violence/mauvais traitements dans les relations », inclut le passage suivant tiré du site Web du ministère de la Justice :

[...]

La violence familiale se définit comme un comportement abusif dans le but de contrôler un membre de sa famille ou une personne qu’il ou elle fréquente, ou de lui faire du tort.

[...]

La violence familiale ne se limite pas à la violence physique. Une personne peut être victime de plus d’une forme de violence ou de maltraitance, notamment : maltraitance physique; maltraitance sexuelle; maltraitance psychologique; exploitation financière; négligence.

[...]

La maltraitance ou la violence psychologique consiste à utiliser des mots ou à agir de façon à contrôler quelqu’un, à lui faire peur, à l’isoler ou à lui ôter sa dignité. [...]

[37] Non seulement le membre civil Daley a eu des altercations verbales avec M.H., mais il a aussi pénétré subrepticement dans son logement et s’est réfugié dans une pièce pour l’attendre. De toute évidence, l’ensemble de son comportement dans cette situation constitue de la violence familiale. J’estime donc qu’une [TRADUCTION] « personne sensée et bien informée[7] » verrait d’un très mauvais œil le comportement de M. Daley, lequel serait susceptible de nuire à la réputation de la GRC.

[38] Par conséquent, je conclus que la conduite du membre civil Daley est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour que la GRC ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

Conclusion

[39] Je conclus que le membre civil Daley s’est rendu au domicile de M.H. alors qu’elle lui avait demandé de ne pas le faire, qu’il est entré chez elle à son insu et que, après avoir attendu plusieurs heures le départ de ses amis, il a eu deux altercations verbales avec elle. Par conséquent, je juge que sa conduite était déshonorante et que l’allégation est prouvée selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[40] Ayant déterminé que l’allégation est fondée, je dois maintenant, aux termes de l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, imposer des mesures disciplinaires « adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives ».

[41] Au début de l’étape des mesures disciplinaires, le membre civil Daley a témoigné. Lors de l’interrogatoire principal, il a reconnu qu’il n’aurait pas dû se rendre au domicile de M.H. et qu’une fois sur place, il aurait dû partir au lieu de l’attendre. Il a également reconnu que son comportement avait eu des répercussions sur la GRC et ses collègues.

[42] Le membre civil Daley a témoigné qu’il avait pris des mesures pour se réhabiliter en suivant des séances de counseling. De plus, il a déclaré qu’il était maintenant capable d’identifier ses déclencheurs et qu’il disposait des outils nécessaires pour éviter que les incidents précédents ne se reproduisent.

[43] Le membre civil Daley a reconnu qu’il avait déjà fait l’objet de mesures disciplinaires pour un comportement similaire. Toutefois, il a déclaré que les incidents liés à l’allégation étaient dus à des problèmes de fidélité, ce qui, selon lui, n’est plus un problème, car M.H. et lui ne sont plus en couple. Par ailleurs, il a également indiqué qu’ils se voyaient encore de temps en temps et qu’ils avaient des relations sexuelles.

[44] En conclusion de l’interrogatoire principal, le membre civil Daley a reconnu qu’il avait été source de déception pour la GRC. Il a toutefois ajouté qu’il avait à cœur son travail et qu’il était un bon travailleur. Il a également affirmé qu’il avait sacrifié sa famille pour son travail et qu’il aimerait avoir l’occasion de se racheter.

[45] Lors du contre-interrogatoire, le membre civil Daley a évoqué son rôle de coordinateur du réseau local, précisant que ses tâches allaient du changement d’une souris d’ordinateur à l’extraction de photos de scènes de crime des disques durs d’ordinateurs. Il a reconnu qu’il s’agissait d’un rôle essentiel qui le plaçait dans une position de confiance et d’autorité.

[46] Le membre civil Daley a déclaré qu’il n’aurait pas dû se rendre au domicile de M.H. Cependant, il a expliqué que ce type d’interaction entre lui et M.H. était typique, et que s’il n’était pas allé chez elle en dépit du fait qu'elle lui avait dit de ne pas le faire, elle se serait fâchée.

[47] Le membre civil Daley a indiqué que ses enfants et ceux de M.H. étaient sa priorité. De plus, il a parlé de certaines des mesures qu’il a prises pour s’occuper d’eux, notamment en aidant M.H. à acheter sa résidence. Toutefois, il a reconnu que sa relation avec M.H. et son comportement dans le cadre de cette relation auraient eu des répercussions négatives sur les enfants.

[48] Le membre civil Daley s’est dit optimiste quant à sa capacité à aller de l’avant. Il a laissé entendre que la période pendant laquelle il s’est absenté du travail lui a permis de prendre conscience des véritables priorités dans la vie et qu’il s’était rendu compte qu’il n’avait pas fait les bons choix. Il a affirmé qu’il ne gérerait plus les choses comme avant. Il a déclaré que les problèmes entre lui et M.H. ne survenaient que lorsqu’il y avait des problèmes de fidélité entre eux. Par conséquent, maintenant qu’ils ne sont plus en couple, même s’ils couchent toujours ensemble, la fidélité n’est plus un problème.

[49] Le représentant de l’autorité disciplinaire a ensuite parlé des mesures disciplinaires antérieures dont le membre civil Daley a fait l’objet, attirant son attention sur les similitudes entre son comportement antérieur et l’affaire en cours, et a obtenu son accord sur le fait que son comportement s’était aggravé, notamment du fait qu’il a craché sur M.H. et l’a menacée. Le membre civil Daley a reconnu que M.H. avait déjà tenté de l’empêcher de la contacter, et qu’il avait ignoré ses demandes. Le membre civil Daley a répété qu’il n’avait pas les outils nécessaires pour faire face à ces problèmes. Toutefois, grâce aux séances de counseling dont il a bénéficié, il possède maintenant ces outils.

[50] En réponse, le membre civil Daley a précisé que, dans le cadre de son emploi, il n’a actuellement aucun pouvoir de supervision ou d’application de la loi.

RÈGLEMENT

[51] Avant de présenter leurs observations concernant les mesures disciplinaires appropriées à imposer, les parties ont fait savoir qu’elles étaient parvenues à un accord pour régler cette affaire. Le représentant de l’autorité disciplinaire m’a informé que son client avait accepté la démission du membre civil Daley.

[52] À la demande des parties, l’audience dans le cadre de cette affaire a été ajournée afin que les documents nécessaires au licenciement du membre civil Daley soient remplis. La demande d’ajournement a été accordée jusqu’au lendemain matin, date à laquelle le représentant de l’autorité disciplinaire m’a remis une copie de la demande de licenciement dûment signée. En raison de la démission du membre civil Daley, je n’ai plus compétence pour lui imposer des mesures disciplinaires. Par conséquent, la présente affaire a été réglée sans l’imposition de mesures disciplinaires.

 

 

Le 21 novembre 2022

Superintendent Colin Miller

Comité de déontologie

 

Date

 



[1] Mulligan v. Ontario Civilian Police Commission, 2020 ONSC 2030 [Mulligan], au paragraphe 48.

[2] Sunwing Airlines Inc. and Unifor, Local 7378 (C.S.), Re, 2021 CarswellNat 517, 148 C.L.A.S. 46 [Sunwing], au paragraphe 78.

[3] Vavilov, au paragraphe 82.

[4] Millhaven Fibres Ltd v. Oil, Chemical & Atomic Workers Int'l Union, Local 9-670 (Mattis Grievance), [1967] OLAA No 4.

[5] La commandante de la Division D et le gendarme Calvin Steinke, 2020 CAD 22, au paragraphe 44.

[6] Le commandant de la Division H et le gendarme Gregory Whalen, 2021 CAD 17, au paragraphe 14.

[7] Lethbridge (City) v A.T.U., Local 987, 2000 CarswellAlta 1725, 65 CLAS 99, 98 LAC (4th) 264, au paragraphe 72.

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