Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contient sept allégations de contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie contre le gendarme Jason Kitzul. Ces allégations portent sur un incident de conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies et sur six allégations de violence verbale ou physique exercée à l’encontre de la partenaire intime du gendarme Kitzul. Le Comité de déontologie a conclu que les allégations 1, 2, 3, 4 et 7 sont fondées selon la prépondérance des probabilités. Les allégations 5 et 6 ne sont pas fondées. En vertu de l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C. (1985), ch. R-10), le Comité de déontologie a ordonné au gendarme Kitzul de démissionner de la GRC. Si le gendarme Kitzul ne s’exécute pas, le Comité de déontologie ordonne son congédiement.

Contenu de la décision

Protégé A

2023 DAD 01

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C. (1985), ch. R-10)

Entre :

Le commandant de la Division D

(autorité disciplinaire)

et

Le gendarme Jason Kitzul

Matricule 54614

(membre visé)

Décision du Comité de déontologie

Kevin Harrison

Le 4 janvier 2023

M. Jordan Levis-Leduc, Mme France Saint-Denis, Sergent Nycki Basra et
Mme Janice Calzavara, représentants de l’autorité disciplinaire

M. Josh Weinstein, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE DES CONCLUSIONS 5

INTRODUCTION 6

DEMANDES ET REQUÊTES 7

Demande d’admission de preuves de faits similaires 7

Motion de levée de l’étape des mesures disciplinaires de l’audience disciplinaire 7

ALLÉGATIONS 8

CRÉDIBILITÉ DES TÉMOINS 13

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve 13

Crédibilité du gendarme Kitzul 14

Crédibilité des témoins de l’autorité disciplinaire 16

Mme D.R. 17

M. D.R. et Mme G.R. 19

Mme F.E. 20

Oncle D.R. 20

M. J.B. 21

Le gendarme J.B. 21

Poids accordé aux déclarations de Mme T.K. et de M. D.E. 21

FAITS QUI SOUS-TENDENT TOUTES LES ALLÉGATIONS 23

ANALYSE 26

Quels sont les actes qui constituent le comportement allégué? 27

Allégation 1 : « Violence verbale et incidents précis de violence physique ». 27

Les éléments de preuve relatifs à la violence verbale 27

Les éléments de preuve relatifs à l’énoncé détaillé 2.a 29

Les éléments de preuve relatifs à l’énoncé détaillé 2.b 30

Les éléments de preuve relatifs à l’énoncé détaillé 2.c 31

Mes conclusions 32

Allégation 2 : « Tirer sur Mme D.R. avec une arme à balles BB » 33

La preuve 33

Mes conclusions 34

Allégation 3 : « Agression dans le chalet de pêche » et allégation 4 : « Conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies » 35

La preuve 35

Mes conclusions 37

Allégation 5 : « Coup de poing dans le bras lors d’une réunion sociale ». 38

La preuve 38

Mes conclusions 38

Allégation 6 « Torsion du poignet blessé de Mme D.R. » 39

La preuve 39

Mes conclusions 40

Allégation 7 « Mettre le feu aux cheveux de Mme D.R. » 41

La preuve 41

Mes conclusions 42

Conclusion sur les actes qui constituent le comportement allégué 42

Le gendarme Kitzul est-il responsable du comportement allégué? 43

Le comportement du gendarme Kitzul est-il susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie? 43

Le comportement du gendarme Kitzul est-il suffisamment lié aux devoirs et fonctions du gendarme Kitzul pour que la Gendarmerie ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit? 45

Conclusion sur les allégations 49

MESURES DISCIPLINAIRES 49

Propositions des parties quant aux mesures disciplinaires 49

Proposition de l’autorité disciplinaire 49

Présentation du gendarme Kitzul 50

Modernisation de l’approche de la GRC en matière de mesures disciplinaires 52

Application des cinq principes fondamentaux 53

Application de la partie IV de la Loi sur la GRC 53

Les mesures correctives devraient prévaloir 54

Présomption de la mesure la moins sévère possible 54

Proportionnalité 55

Identification des facteurs de proportionnalité 56

Évaluation des facteurs de proportionnalité 56

L’intérêt public 56

La gravité 57

La reconnaissance de la gravité de l’inconduite 57

L’existence d’un handicap et d’autres circonstances personnelles pertinentes 58

La possibilité de réformer ou de réhabiliter 59

La parité des sanctions 60

La dissuasion spécifique et générale 61

L’atteinte à la réputation de la GRC 61

Équilibrage des facteurs de proportionnalité 64

Les policiers sont soumis à des normes plus strictes 64

Décision quant aux mesures disciplinaires 64

CONCLUSION 65

 

SOMMAIRE DES CONCLUSIONS

L’avis d’audience disciplinaire contient sept allégations de contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie contre le gendarme Jason Kitzul. Ces allégations portent sur un incident de conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies et sur six allégations de violence verbale ou physique exercée à l’encontre de la partenaire intime du gendarme Kitzul. Le Comité de déontologie a conclu que les allégations 1, 2, 3, 4 et 7 sont fondées selon la prépondérance des probabilités. Les allégations 5 et 6 ne sont pas fondées. En vertu de l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C. (1985), ch. R-10), le Comité de déontologie a ordonné au gendarme Kitzul de démissionner de la GRC. Si le gendarme Kitzul ne s’exécute pas, le Comité de déontologie ordonne son congédiement.

INTRODUCTION

[1] Le 25 mars 2020, l’autorité disciplinaire de la Division D a signé un avis à l’officier désigné, dans lequel elle demandait l’ouverture d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 27 mars 2020, l’officier désigné m’a nommé pour constituer un nouveau comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C. (1985), ch. R-10) [Loi sur la GRC].

[2] L’autorité disciplinaire a signé l’avis d’audience disciplinaire le 17 juillet 2020. L’avis contenait sept allégations de conduite déshonorante visée par l’article 7.1 du Code de déontologie. Ces allégations concernent un incident de conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies et six allégations de violence verbale ou physique à l’égard de la plaignante, Mme D.R., qui était la partenaire intime du gendarme Kitzul au cours de la période en question.

[3] Le gendarme Kitzul a nié les sept allégations.

[4] À l’étape des allégations de la présente procédure, j’ai entendu la preuve à Dauphin, au Manitoba, du 4 au 7 octobre 2021. Les parties ont soumis leurs observations par écrit. J’ai reçu la réponse finale de l’autorité disciplinaire le 13 janvier 2022. Le 12 avril 2022, j’ai remis aux parties ma décision écrite concernant les allégations. J’ai conclu que les allégations 1, 2, 3, 4 et 7 étaient établies selon la prépondérance des probabilités. Les allégations 5 et 6 ne sont pas établies.

[5] J’ai recueilli les observations des parties à l’étape des mesures disciplinaires de l’audience pour inconduite tenue par vidéoconférence le 25 octobre 2022. Conformément à l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la GRC, j’ai ordonné au gendarme Kitzul de démissionner de la GRC et, faute de le faire dans les 14 jours, de se voir congédier.

DEMANDES ET REQUÊTES

Demande d’admission de preuves de faits similaires

[6] Selon l’allégation 7, le gendarme Kitzul aurait mis le feu aux cheveux de Mme D.R. Deux témoins interrogés au cours de l’enquête relative au Code de déontologie ont mentionné que le gendarme Kitzul avait mis le feu aux cheveux de son ancienne conjointe de fait, Mme L.Y., alors qu’ils étaient ensemble. Les enquêteurs n’ont pas interrogé Mme L.Y. au cours des enquêtes prévues par la loi ou par le Code de déontologie. L’autorité disciplinaire souhaitait que je délivre une assignation à Mme L.Y. pour qu’elle témoigne à l’audience disciplinaire. Toutefois, en l’absence d’une déclaration de sa part, je n’ai pas été en mesure de déterminer si le témoignage de Mme L.Y. était important et nécessaire pour régler une contradiction dans la preuve. Le 12 août 2021, j’ai ordonné un complément d’enquête en vue d’obtenir une déclaration de Mme L.Y.

[7] L’autorité disciplinaire a présenté la déclaration de Mme L.Y. le 3 septembre 2021. Le gendarme Kitzul s’est opposé à la déclaration en invoquant le fait qu’elle contenait des informations préjudiciables qui ne relevaient pas de ma compétence. Sur mes instructions, les parties ont présenté une version révisée de la déclaration le 15 septembre 2021. Le gendarme Kitzul s’est également opposé à l’admission du témoignage de Mme L.Y. Le 17 septembre 2021, l’autorité disciplinaire a soumis une demande officielle visant à accepter le témoignage de Mme L.Y. J’ai rejeté la demande, car l’autorité disciplinaire n’a pas démontré, selon la prépondérance des probabilités, que l’acte similaire offrait un témoignage tellement pertinent et convaincant que sa valeur probante dans la recherche de la vérité l’emportait sur tout risque d’usage abusif ou de préjudice pour le gendarme Kitzul.

Motion de levée de l’étape des mesures disciplinaires de l’audience disciplinaire

[8] Le 13 octobre 2022, le représentant du membre visé a présenté une motion demandant d’ajourner de six mois l’étape des mesures disciplinaires afin de donner au gendarme Kitzul la possibilité de présenter une demande de licenciement pour raisons médicales. L’autorité disciplinaire a rejeté la demande.

[9] Toutes les parties ont fourni leurs observations écrites. J’ai rejeté la demande parce que le processus disciplinaire et celui de licenciement pour raisons médicales sont distincts et ont des objectifs différents. Dans le cadre du processus disciplinaire, les intérêts du public, de la GRC, en tant qu’employeur et organisme public, et de tiers plaignants, Mme D.R. et ses parents, l’emportent sur les intérêts du gendarme Kitzul.

ALLÉGATIONS

[10] L’avis d’audience disciplinaire contient les sept allégations suivantes et les énoncés détaillés correspondants :

Énoncés détaillés communs à toutes les allégations

· À toutes les époques en cause, vous étiez un membre régulier de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au Détachement de Roblin de la Division D.

· Vous aviez engagé une relation amoureuse avec Mme [D.R.]. Mme [D.R.] résidait à Pelican Landing, dans la province de la Saskatchewan. Vous résidiez à Roblin, dans la province du Manitoba.

Allégation 1

Le 1er janvier 2018 ou entre cette date et le 11 décembre 2018, à Roblin ou à proximité, dans la province du Manitoba, le gendarme Jason Kitzul s’est comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 1

1. Au cours de votre relation, vous avez agressé Mme [D.R.] verbalement et l’avez rabaissée en lui adressant des propos tels que :

a) Elle ne pouvait pas penser par elle-même et ne pouvait prendre ses propres décisions;

b) Elle était en surpoids;

2. Au cours de votre relation, vous avez physiquement abusé de Mme [D.R.]. Plus spécifiquement :

a) À une occasion, alors que vous étiez à l’extérieur de votre résidence autour du mois d’août 2018, vous avez agressé Mme [D.R.] en poussant sa chaise de jardin vers le bas (ce qui l’a fait tomber sur le dos) et en lui bloquant la tête. La force que vous avez utilisée a suffi pour étouffer Mme [D.R.] et la faire tousser.

b) À une autre occasion, alors que vous vous trouviez chez les parents de Mme [D.R.] pendant la « fin de semaine de la Classique de la fête du Travail »[1], vous aviez agressé Mme [D.R.] en la plaquant au sol et en lui plaçant un bras derrière le dos. Vous n’avez relâché Mme [D.R.] que lorsqu’elle a dit « Jason est roi ». La force que vous avez utilisée était suffisante pour infliger une douleur à Mme [D.R.].

c) À une autre occasion, alors que vous jouiez aux fléchettes dans le sous-sol de votre domicile avec Mme [D.R.] et ses parents, entre janvier et mars 2018, vous avez agressé Mme [D.R.] en lui frappant les fesses et les jambes avec divers objets tels qu’un bâton de hockey en plastique et un rail de chemin de fer en plastique. La force que vous avez utilisée était suffisante pour causer des ecchymoses à Mme [D.R.].

Allégation 2

Le 1er janvier 2018 ou entre cette date et le 28 février 2018, à Roblin ou à proximité, dans la province du Manitoba, le gendarme Jason Kitzul s’est comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 2

1. À toutes les époques en cause, vous et Mme [D. R.] étiez fréquemment ensemble dans le sous-sol de votre résidence.

2. Alors que vous vous trouviez dans le sous-sol de votre résidence, vous avez tiré sur Mme [D.R.] avec une arme à balles BB, l’atteignant à la hanche et aux jambes. La force avec laquelle le projectile a frappé Mme [D.R.] a été suffisante pour causer des ecchymoses sur sa hanche.

3. Une autre fois, alors qu’elle se trouvait dans le sous-sol de votre domicile, Mme [D.R.] s’est cachée sous le bar pour échapper aux tirs de votre arme à balles BB. Vous avez commencé à tirer sur le mur près de Mme [D.R.] en attendant qu’elle sorte de sa cachette. Vous avez finalement cessé de tirer sur le mur et avez permis à Mme [D.R.] de sortir de sa cachette.

4. En raison de vos actions, Mme [D.R.] avait peur d’entrer dans le sous-sol ou d’en sortir, car elle craignait que vous lui tiriez dessus avec votre arme à balles BB.

5. Une « arme à balles BB » répond à la définition d’« arme » au titre de l’article 2 du Code criminel.

6. En tirant sur Mme [D.R.] avec une arme à balles BB, vous avez commis une agression armée contre Mme [D.R.].

7. Le 6 juin 2019, vous avez été accusé d’une agression armée contre Mme [D.R.], en contravention à l’article 267 du Code criminel.

Allégation 3

Autour du 27 mars 2018, au lac des Prairies ou à proximité, dans la province du Manitoba, le gendarme Jason Kitzul s’est comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 3

1. Vers [14 h 30], vous vous êtes rendu avec Mme [D.R.] au chalet de pêche[2] de M. [D.R.] situé sur le lac des Prairies pour faire de la pêche sur glace.

2. Vous avez consommé de l’alcool tout au long de votre séjour dans le chalet de pêche au point d’être en étant d’ébriété.

3. Vers [20 h 20], alors que vous vous apprêtiez à quitter le chalet de pêche, vous vous êtes approché de Mme [D.R.] et l’avez frappée deux fois dans les côtes et une fois sur le haut de la tête avec votre poing fermé.

4. Vos actions ont infligé une douleur physique à Mme [D.R.], qui a exprimé son malaise en prononçant des mots tels que « ça fait mal, aïe! ».

5. En frappant Mme [D.R.] dans les côtes et sur le haut de la tête, vous avez commis des voies de fait contre Mme [D.R.].

6. Le 6 juin 2019, vous avez été accusé de voies de fait, en contravention à l’article 266 du Code criminel.

Allégation 4

Autour du 27 mars 2018, au lac des Prairies ou à proximité, dans la province du Manitoba, le gendarme Jason Kitzul s’est comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 4

1. Vers [14 h 30], vous avez conduit votre véhicule sur la glace du lac des Prairies pour vous rendre au chalet de pêche de M. [D.R.] afin de pêcher sur la glace.

2. Vous avez consommé de l’alcool tout au long de votre séjour dans le chalet de pêche de M. [D.R.] au point d’être en état d’ébriété. Sur une échelle de 1 à 10, Mme [D.R.] a évalué votre niveau d’ivresse à 9,5.

3. Vers [20 h 30], vous avez ramené votre véhicule à votre résidence. Mme [D.R.] vous a suivi dans son véhicule pendant un certain temps.

4. Pendant qu’elle vous suivait, Mme [D.R.] vous a vu conduire de manière dangereuse. Cette conduite dangereuse s’est traduite par les faits suivants :

a) « sur toute la route »;

b) « […] d’un côté à l’autre, au-delà de la ligne. Partout. La route de gravier était terrible. Il était sur un côté de la route et sur certains tronçons de la route et de l’autoroute, il y a une pente qui… Je veux dire, si vous sortez de ce côté, vous roulez en bas de la colline et tout ça, mais lui, il roulait d’une ligne blanche à l’autre […] ».

5. Vous avez conduit un véhicule à moteur avec facultés affaiblies.

6. Le 6 juin 2019, vous avez été accusé de conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies, en contravention à l’article 253 du Code criminel.

Allégation 5

Autour du 7 juillet 2018, à Pelican Landing ou à proximité, dans la province de la Saskatchewan, le gendarme Jason Kitzul s’est comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 5

1. Vous et Mme [D.R.] vous êtes rendus à la résidence des parents de Mme [D.R.] à Pelican Landing pour une soirée en famille.

2. Vous avez consommé de l’alcool pendant le rassemblement et vous vous êtes enivré.

3. Au cours de la soirée, vous êtes passé à côté de Mme [D.R.] et lui avez frappé l’épaule avec votre poing fermé.

4. Vos gestes ont causé une douleur physique à Mme [D.R.], qui a exprimé son malaise en prononçant des mots du genre « aïe! ».

5. En frappant Mme [R.D.] à l’épaule, vous avez commis des voies de fait contre Mme [R.D.].

Allégation 6

Autour du 27 novembre 2018, à Roblin ou à proximité, dans la province du Manitoba, le gendarme Jason Kitzul s’est comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 6

1. Alors que vous fêtiez les résultats de votre partie de chasse à votre domicile, Mme [D.R.] est arrivée et vous a informé qu’elle était tombée sur la glace et qu’elle s’était blessée au poignet.

2. Plus tard dans la soirée, alors que vous regardiez la télévision dans votre résidence avec Mme [D.R.] et votre ami M. [M.M.], vous avez commencé à avoir le hoquet. Mme [D.R.] a commencé à vous taquiner au sujet de votre hoquet et a tenté ou fait semblant de vous boucher le nez avec sa main.

3. Vous vous êtes énervé contre Mme [D.R.]. Vous avez saisi le bras blessé de Mme [D.R.] et l’avez « tordu dans tous les sens », ce qui a poussé Mme [D.R.] à crier de douleur.

4. En raison de vos agissements, la blessure de Mme [D.R.] s’est aggravée.

5. En tordant le bras de Mme [D.R.], vous avez commis des voies de fait contre Mme [R.D.].

Allégation 7

Aux alentours du 6 décembre 2018, à Roblin ou à proximité, dans la province du Manitoba, le gendarme Jason Kitzul s’est comporté de manière à jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé de l’allégation 7

1. Alors qu’elle jouait aux fléchettes avec des membres de sa famille dans le sous-sol de votre domicile, Mme [D.R.] a commencé à envoyer des messages texte sur son téléphone cellulaire.

2. Alors que Mme [D.R.] envoyait des messages texte, elle a aperçu une étincelle dans son champ de vision périphérique. Cette étincelle a été causée par le feu que vous avez mis à ses cheveux à l’aide d’un briquet.

3. Vous avez brûlé une partie des cheveux de Mme [D.R.], endommageant ainsi ses cheveux et créant un espace de cheveux manquants ou brûlés.

4. En mettant le feu aux cheveux de Mme [D.R.], vous avez commis des voies de fait contre Mme [R.D.].

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[11] Il incombe à l’autorité disciplinaire de prouver les allégations selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, je dois conclure qu’il est plus probable qu’improbable que le gendarme Kitzul ait enfreint une disposition du Code de déontologie. L’autorité disciplinaire s’est acquittée de ce fardeau en présentant des éléments de preuve suffisamment clairs et convaincants.

CRÉDIBILITÉ DES TÉMOINS

[12] Les éléments de preuve dont je dispose dans le cadre de la présente instance se composent essentiellement de témoignages. À l’étape des allégations de l’audience disciplinaire, j’ai entendu huit témoins. Mme D.R., M. D.R., Mme G.R. et le gendarme Kitzul étaient les principaux témoins. Les autres témoignages, à savoir ceux de M. J.B., de l’oncle D.R., de Mme F.E. et du gendarme J.B.[3], ont complété ceux des principaux témoins. Pour évaluer la crédibilité des témoins, je commence par énoncer certains des principes juridiques applicables à cette tâche.

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve

[13] Pour évaluer leur crédibilité, je dois déterminer si les témoins sont honnêtes et si leur témoignage est fiable. Un témoin peut me sembler honnête, mais peu fiable. Je suis en droit d’accepter une partie, la totalité ou aucun des éléments de preuve apportés par un témoin au sujet d’un fait particulier. Pour évaluer la crédibilité, je dois prendre en compte l’ensemble de la preuve. Je ne peux fonder mon évaluation de la preuve apportée par un témoin uniquement sur son comportement. Je dois doit plutôt déterminer si le récit du témoin est conforme à l’interprétation la plus probable des circonstances. Il serait subjectif de déterminer si la preuve d’un témoin a un air de réalité, mais cette décision doit être fondée sur l’ensemble de la preuve. Le fait de juger qu’une partie est crédible peut constituer un résultat concluant sur des questions importantes, car le fait de croire une partie signifie explicitement ou implicitement que l’autre partie ne me semble pas crédible.

Crédibilité du gendarme Kitzul

[14] Le gendarme Kitzul n’était pas un témoin crédible pour plusieurs raisons.

[15] Le gendarme Kitzul m’a demandé de ne considérer aucun des témoins de l’autorité disciplinaire comme crédible, car ils n’étaient pas en mesure de se souvenir avec précision des événements, des dates ou des heures dans leur témoignage. En outre, le gendarme Kitzul m’a demandé de le considérer comme crédible. Au paragraphe 94 de ses observations, le gendarme Kitzul déclare ceci :

[…] Pour une personne qui doit se souvenir des dates précises remontant à trois ans, des dates et des événements qui n’ont jamais eu lieu ou qui étaient inoffensifs à l’époque, [le gendarme] Kitzul a fait figure de témoin honnête. Le fait que [le gendarme Kitzul] ne se souvienne pas de certains événements ne signifie pas que [le gendarme Kitzul] a été évasif ou qu’il n’a pas été franc […]

[16] La mémoire de tous les témoins s’est manifestement estompée avec le temps. Personne, y compris le gendarme Kitzul, n’avait prévu la décision de Mme D.R. de déposer une plainte contre le gendarme Kitzul. Les événements survenus au cours des deux années qu’a duré la relation faisaient tout simplement partie du quotidien de toutes les personnes impliquées dans cette affaire. Personne n’a consigné les faits à cet égard.

[17] Le gendarme Kitzul a affirmé qu’il n’était pas raisonnable de ma part de considérer qu’il n’était pas crédible du fait qu’il ne pouvait pas se souvenir d’incidents qui, selon lui, ne s’étaient jamais produits. Je suis d’accord. Toutefois, le nombre d’événements dont le gendarme Kitzul reconnaît l’existence ou du moins la possibilité dépasse de loin ceux dont le gendarme Kitzul nie l’existence.

[18] L’autorité disciplinaire a suspendu le gendarme Kitzul avec solde le 3 mai 2019[4]. Depuis, la seule tâche du gendarme Kitzul a été de se préparer à la présente instance. Le gendarme Kitzul a reçu l’avis d’audience disciplinaire le 31 juillet 2020. Le gendarme Kitzul savait à ce moment-là qu’il risquait d’être renvoyé de la GRC. Pourtant, il semble que le gendarme Kitzul n’ait pas fourni beaucoup d’efforts, puisqu’il n’a pas lu tout le rapport d’enquête et les documents à l’appui, pour soutenir sa cause et trouver des moyens de mieux se rappeler les événements. Le fait que le gendarme Kitzul soit incapable de se souvenir de presque tous les événements importants survenus au cours des deux années de sa relation avec Mme D.R. a posé problème durant toute la durée de son témoignage. À titre d’exemple, le gendarme Kitzul a déclaré avoir subi quatre opérations pour régler des problèmes continus à l’épaule qui constituaient une source importante d’inquiétude à long terme, mais le gendarme Kitzul n’a même pas été en mesure d’indiquer l’année au cours de laquelle l’une ou l’autre de ces opérations a eu lieu.

[19] Je souhaite également clarifier un commentaire formulé au paragraphe 78 des observations du gendarme Kitzul au sujet des allégations, en me référant à la page 62 de la transcription du témoignage du gendarme en date du 6 octobre 2021. Le paragraphe est rédigé comme suit :

[le gendarme] Kitzul s’est présenté comme un témoin juste, crédible et fiable. Dès le départ, [le gendarme Kitzul] a été attentif et respectueux des conditions imposées par le [comité de déontologie], notamment celle de ne pas être identifié comme un agent, et il a répondu avec franchise aux questions qui lui ont été posées. [Non souligné dans l’original]

[20] Lorsque je faisais prêter serment au gendarme Kitzul en tant que témoin, je lui ai demandé de s’identifier aux fins du dossier en indiquant son nom, son grade, son matricule et son affectation actuelle. Il s’agit de questions normales et directes que l’on pose aux témoins de la GRC. Le gendarme Kitzul a répondu :

Je ne suis actuellement pas en mesure de m’identifier en tant que policier en raison de mes conditions, mais je peux vous dire quel était mon numéro d’immatriculation et quel était mon rang au moment de ma dernière affectation, si cela peut vous paraître logique. Cela fait partie de mes conditions.

[21] Les conditions auxquelles le gendarme Kitzul a fait allusion ne sont pas des conditions que je lui ai imposées. La réponse du gendarme Kitzul semble être le résultat de sa propre interprétation des conditions contenues dans l’ordonnance de suspension signifiée le 29 avril 2019. Ces conditions sont les conditions standard contenues dans une ordonnance de suspension. Elles se lisent comme suit :

[…]

De plus, vous ne devez pas :

· porter ou utiliser un article d’uniforme ou un équipement fourni par la GRC;

· exercer le pouvoir d’un agent de la paix;

· exercer des fonctions policières à moins d’en avoir reçu l’ordre (p. ex. comparution devant un tribunal);

· vous identifier comme un agent de police.

[…] [Non souligné dans l’original]

[22] C’est ainsi que le gendarme Kitzul s’est présenté à moi en tant que témoin. Le gendarme Kitzul a fait preuve d’une incapacité ou d’un refus déraisonnable de répondre correctement aux questions les plus simples, comme celle-ci, et ce à maintes reprises au cours de son témoignage. L’autorité disciplinaire a soulevé ce problème dans ses observations. Cet élément a été pris en compte dans mon évaluation de la crédibilité du gendarme Kitzul.

[23] L’autorité disciplinaire a également souligné que le gendarme Kitzul n’a pas semblé prendre la procédure au sérieux. Le gendarme Kitzul était évasif, argumentatif, peu franc et faisait preuve d’arrogance. Je souscris à cette évaluation.

Crédibilité des témoins de l’autorité disciplinaire

[24] L’autorité disciplinaire n’a pas abordé la question de la crédibilité de ses témoins, sauf celle de Mme D.R., dans ses observations initiales, mais elle l’a fait en réponse aux observations du gendarme Kitzul. Le gendarme Kitzul a fait valoir que je ne devais juger crédible aucun des témoins de l’autorité disciplinaire.

[25] D’une manière générale, je trouve que les témoins de l’autorité disciplinaire semblent être des personnes modestes, honnêtes, travailleuses et respectueuses de la loi, qui apprécient les activités simples. Les témoins accordent une grande importance à leur famille et à leurs amis.

[26] J’ajouterai que la plupart des témoins de l’autorité disciplinaire ont une opinion défavorable sur le gendarme Kitzul, car ils ont eu au moins une mauvaise rencontre avec le gendarme Kitzul sans rapport avec les allégations. Par conséquent, plusieurs d’entre eux souhaitaient ne pas avoir affaire au gendarme Kitzul. Leurs observations à propos du gendarme Kitzul dans sa relation avec Mme D.R. n’ont fait que renforcer la piètre opinion qu’ils avaient déjà à son sujet. Ils ont droit à leur opinion. Je ne pense pas qu’ils aient exagéré leurs preuves ou qu’ils aient menti pour cette raison.

Mme D.R.

[27] Je conclus que Mme D.R. était un témoin crédible.

[28] L’autorité disciplinaire a déclaré que Mme D.R. était crédible principalement du fait qu’elle avait été franche concernant sa participation à la « nature physique » de la relation avec le gendarme Kitzul.

[29] Le gendarme Kitzul a soutenu que Mme D.R. n’était pas un témoin crédible. Ses propos étaient vagues et peu fiables. Ses déclarations comportaient de nombreuses incohérences. Son témoignage était également incohérent par rapport à ces déclarations et aux dépositions d’autres témoins. Mme D.R. a minimisé ses actes en évoquant des détails provocateurs concernant le gendarme Kitzul, alors qu’elle ne se rappelait que très peu de ses propres actions qui auraient pu la mettre en cause.

[30] Le gendarme Kitzul a fortement insisté sur son affirmation selon laquelle Mme D.R. était poussée à mentir parce que sa famille avait fait pression sur elle pour qu’elle signale l’affaire à la GRC. Avant que sa famille ne fasse pression sur elle pour signaler l’incident, Mme D.R. ne considérait pas sa relation avec le gendarme Kitzul comme malsaine ou abusive. Pour étayer cette affirmation, le gendarme Kitzul a déclaré que Mme D.R. lui avait envoyé un message texte pour lui dire qu’elle avait vu un orignal alors qu’elle se rendait à la GRC pour faire le signalement. Selon le gendarme Kitzul, cela concorde avec le témoignage de Mme D.R. lors du contre-interrogatoire, selon lequel ses conversations et ses discussions avec le gendarme Kitzul étaient « normales et correctes ». Cela corrobore également le témoignage du gendarme Kitzul, qui s’est senti « dans le noir » et choqué quand il a été informé de la plainte déposée par Mme D.R.

[31] Le gendarme Kitzul a également fait remarquer que les messages de Mme D.R. publiés sur les médias sociaux tout au long de la procédure sont devenus extrêmement agressifs à l’égard du système judiciaire et du gendarme Kitzul.

[32] Je reconnais qu’il existe des incohérences entre les déclarations de Mme D.R. et que son témoignage ne concorde pas avec celui des autres témoins; toutefois, aucune règle ne permet de déterminer quand le juge des faits doit conclure qu’un témoin n’est pas crédible ou fiable en raison d’incohérences. Je dois examiner l’ensemble de la preuve pour déterminer l’impact des incohérences. La plupart des incohérences ne sont pas significatives.

[33] Pour ce qui est des pressions familiales, je ne pense pas que la famille de Mme D.R. ait fait pression sur elle pour qu’elle dépose une plainte contre le gendarme Kitzul ou pour qu’elle présente sa relation avec le gendarme Kitzul comme négative, alors que ce n’était pas le cas auparavant. Les messages textes qu’elle a envoyés à sa mère à la suite de l’incident survenu dans le chalet de pêche (allégations 3 et 4) démontrent que Mme D.R. avait des préoccupations au sujet de la relation et du comportement du gendarme Kitzul depuis la fin du mois de mars 2018. Le message texte de Mme D.R. au sujet de l’orignal qu’elle avait aperçu a manifestement été envoyé avant qu’elle ne prenne la décision inattendue de déposer une plainte contre le gendarme Kitzul, et non sur son chemin pour déposer la plainte, comme le suggérait le gendarme Kitzul. Par conséquent, la prétendue pression familiale n’a aucune incidence sur la crédibilité de Mme D.R.

[34] En ce qui concerne les messages publiés sur les médias sociaux, Mme D.R. s’est présentée comme une victime des gestes du gendarme Kitzul. Elle était manifestement mécontente et frustrée par la procédure pénale et la procédure déontologique de la GRC. La procédure pénale a pris trop de temps et personne dans cette procédure ne l’a tenue informée ou n’a semblé se soucier d’elle. La production et la mise en ligne des vidéos étaient sa façon d’exprimer sa frustration.

M. D.R. et Mme G.R.

[35] M. D.R. et Mme G.R. sont les parents de Mme D.R. M. D.R. a fait la connaissance du gendarme Kitzul avant que celui-ci ne commence à sortir avec Mme D.R. Le gendarme Kitzul était en service et se trouvait seul sur les lieux d’un accident. M. D.R. s’était arrêté pour aider le gendarme Kitzul. Mme G.R. n’a rencontré le gendarme Kitzul qu’après que Mme D.R. a commencé à sortir avec le gendarme Kitzul. Les déclarations des parties et mon évaluation de leur crédibilité sont essentiellement les mêmes pour les deux, je traiterai donc de leur crédibilité ensemble. J’estime qu’ils étaient tous deux des témoins crédibles.

[36] Le gendarme Kitzul a affirmé que M. D.R. et Mme G.R. n’étaient pas des témoins crédibles. M. D.R. avait une aversion évidente pour le gendarme Kitzul. Il a reproché au gendarme Kitzul « tous les changements négatifs qu’il a constatés chez sa fille sans tenir compte des autres causes ou pressions qui auraient pu provoquer de tels changements ». Mme G.R. a également reproché au gendarme Kitzul la dégradation de l’état de santé de son mari et plusieurs de ses problèmes familiaux personnels. Le gendarme Kitzul a suggéré qu’ils avaient été motivés pour exagérer ou mentir en vue de lui faire perdre son emploi.

[37] L’autorité disciplinaire a affirmé que M. D.R. et Mme G.R. étaient crédibles. Elle a déclaré que presque toutes les observations formulées par le gendarme Kitzul étaient soit incorrectes, soit dépourvues d’éléments de preuve. Je suis d’accord et je conclus que M. D.R. et Mme G.R. étaient crédibles.

[38] La preuve n’appuie pas l’affirmation selon laquelle M. D.R. et Mme G.R. étaient motivés pour exagérer leur témoignage du fait de leur aversion pour le gendarme Kitzul. La preuve établit de façon convaincante que M. D.R. et Mme G.R. avaient pour seule motivation la protection de leur fille. À aucun moment l’un ou l’autre n’a dit qu’ils n’aimaient pas le gendarme Kitzul. Ce qui les préoccupait, c’était que la relation de Mme D.R. avec le gendarme Kitzul était destructrice. Ils ont vu leur fille se transformer d’une jeune personne saine, vibrante, capable et « pétillante » en une personne argumentative, irritable, colérique, renfermée et amère. Elle buvait beaucoup. Elle était sur le point de perdre son emploi. La préoccupation de M. D.R. pour sa fille a également sensiblement affecté sa santé.

[39] L’affirmation selon laquelle M. D.R. et Mme G.R. étaient motivés pour exagérer leurs éléments de preuve afin de causer des ennuis au gendarme Kitzul ne tient pas compte du simple fait que dénoncer le gendarme Kitzul à la GRC n’était pas la seule option qui s’offrait à eux à l’époque. La famille et les amis de Mme D.R. auraient pu simplement la convaincre de mettre fin à sa relation avec le gendarme Kitzul. À part Mme G.R., personne n’a évoqué cette possibilité. De toute évidence, M. D.R., Mme G.R., leur famille et leurs amis pensaient qu’il fallait aller plus loin, en signalant l’affaire à la police. Le conseil objectif que leur a donné le gendarme J.B. a sans aucun doute influencé leur décision de déposer une plainte officielle plutôt que de faire un signalement informel au chef de détachement du gendarme Kitzul, que plusieurs des témoins connaissaient personnellement. Je considère que M. D.R. et Mme G.R. étaient motivés pour faire ce qui était juste et que, par conséquent, ils ont dit la vérité au mieux de leurs connaissances et de leurs capacités.

Mme F.E.

[40] Mme F.E. est la mère de Mme G.R. et la grand-mère de Mme D.R. Elle est âgée de 76 ans. Mme F.E. a de trous de mémoire en raison de son âge et au temps qui passe. Elle avait une aversion évidente pour le gendarme Kitzul pour plusieurs raisons, y compris un incident au cours duquel elle a dit que le gendarme Kitzul l’avait intimidée pour qu’elle aille pêcher, mais elle était également malheureuse pour le gendarme Kitzul. Son témoignage n’est pas très significatif. Néanmoins, je le trouve crédible.

Oncle D.R.

[41] L’oncle D.R. est le frère de M. D.R. et l’oncle de Mme D.R. Il a rencontré le gendarme Kitzul lorsque celui-ci est arrivé à Roblin. Sa relation avec le gendarme Kitzul était principalement liée au hockey mineur. Leurs fils jouaient dans la même équipe tous les deux ans. Ils se sont aussi rencontrés de manière informelle par l’intermédiaire de connaissances mutuelles. L’oncle D.R. avait une opinion défavorable du gendarme Kitzul. Aucune des parties n’a abordé la question de sa crédibilité dans ses observations. Eu égard aux réserves relatives à la mémoire défaillante attribuable à tous les témoins, j’estime que son témoignage était crédible.

M. J.B.

[42] M. J.B. est un ami de la famille de Mme D.R. Il connaît Mme D.R. depuis sa naissance. M. J.B. a été la première personne que le gendarme Kitzul a rencontrée lorsqu’il est arrivé à Roblin 12 ans plus tôt. Le frère de M. J.B. est un membre de la GRC qui a travaillé avec le gendarme Kitzul au détachement de Lynn Lake. Aucune des parties n’a abordé la question de sa crédibilité dans ses observations. Eu égard aux réserves relatives à la mémoire défaillante attribuable à tous les témoins, j’estime que son témoignage était crédible.

Le gendarme J.B.

[43] Le gendarme J.B. est un membre de la GRC affecté à la Division F. Il est le fils de M. J.B. Il est originaire de Roblin, au Manitoba. Il était hors service, en arrêt de travail pour cause de maladie, lorsqu’il fut impliqué dans cette affaire. Son témoignage a porté principalement sur ses actions et ses obligations en tant que policier en congé, concernant le signalement de cette affaire. Je ne l’ai pas trouvé trop crédible. En tout état de cause, son témoignage n’a qu’une valeur limitée.

Poids accordé aux déclarations de Mme T.K. et de M. D.E.

[44] Les parties ont abordé les questions de preuve relatives aux témoignages de Mme T.K. et de M. D.E. dans leurs observations. Mme T.K. est une amie de la famille de M. D.R. et de Mme G.R. Elle était présente à la fête de « fin de semaine de la Classique de la fête du Travail » organisée par M. D.R. et Mme G.R. M. D.E. est le grand-père de Mme D.R. Il était présent à la soirée de famille dont il est question à l’allégation 5. Mme T.K. et M. D.E. ont tous deux fourni une déclaration au cours de l’enquête relative au Code de déontologie. Ces déclarations sont consignées dans le dossier. J’ai délivré une assignation pour qu’ils se présentent tous les deux en personne à l’audience disciplinaire. M. D.E. n’a pas pu se présenter en raison de problèmes de santé. Mme T.K. n’a pas pu assister à l’audience parce qu’elle était à l’étranger. Étant donné la notification tardive de son incapacité à se présenter, sa présence par vidéoconférence n’a pas eu lieu.

[45] L’autorité disciplinaire m’a demandé de retenir les déclarations de Mme T.K. et de M. D.E. comme éléments de preuve dans le cadre de la procédure. Le gendarme Kitzul a fait valoir que je ne devais pas les accepter ou ne pas leur accorder de poids si je le faisais. Le gendarme Kitzul a déclaré que les preuves étaient contradictoires. Il a également déclaré qu’il n’avait pas la possibilité de vérifier leur preuve par le biais d’un contre-interrogatoire, fonction essentielle à la recherche de la vérité dans le cadre d’une audience disciplinaire.

[46] Je ne vais pas m’étendre sur cette question par une longue analyse juridique. Le paragraphe 23(1) des Consignes du commissaire (déontologie) (DORS/2014-291), prévoit que le comité de déontologie peut rendre une décision à l’égard d’une allégation sans entendre de témoignage. Dans de tels cas, le comité de déontologie fonde sa décision sur les éléments au dossier. Cette pratique est rare. La loi modifiée a délibérément exclu le droit au contre-interrogatoire prévu dans l’ancienne procédure disciplinaire de la GRC. Actuellement, le comité de déontologie assigne des témoins en vertu de ses pouvoirs et de son approbation [conformément aux paragraphes 24.1(3) et 45(2) de la Loi sur la GRC] afin de l’aider à remplir son rôle tel que défini au paragraphe 45(1) de la Loi sur la GRC. Normalement, cette situation se produit lorsque le témoin est nécessaire et important pour résoudre une grave contradiction dans la preuve.

[47] Le témoignage de M. D.E. concernait principalement l’allégation 5, qui faisait l’objet d’une grave contradiction dans la preuve. Il a fourni sa déclaration conjointement avec Mme F.E. Bien que je comprenne les raisons qui ont amené l’enquêteur à agir de la sorte, cette façon de faire ne convient pas, car il est difficile de vérifier le témoignage sans un interrogatoire et un contre-interrogatoire appropriés lors de l’audience.

[48] Les éléments de preuve fournis par Mme T.K. concernaient principalement l’énoncé détaillé 2.b de l’allégation 1. D’autres éléments de preuve relatifs à cet énoncé détaillé ont été produits. Néanmoins, je ne retire de sa déclaration rien d’autre que le fait qu’elle était présente lors des incidents décrits dans cet énoncé détaillé. Mme T.K. a observé certains comportements qu’elle jugeait déplacés. Elle et son mari ne se livreraient jamais à un tel comportement. Bien qu’il m’ait été demandé de ne pas tenir compte de son témoignage, le gendarme Kitzul a inclus la même « conclusion » de sa déclaration dans son observation écrite.

FAITS QUI SOUS-TENDENT TOUTES LES ALLÉGATIONS

[49] Voici mes conclusions de fait concernant les sept allégations. Je tire ces conclusions à partir des preuves présentées par les témoins.

[50] À toutes les époques en cause, le gendarme Kitzul était membre de la Gendarmerie royale du Canada. Le gendarme Kitzul a été muté au Détachement de Roblin, Division D, à la fin du printemps 2010, où il a exercé des fonctions policières générales jusqu’à ce qu’il soit suspendu avec solde le 3 mai 2019.

[51] Le gendarme Kitzul a deux enfants, un garçon et une fille, nés d’une union précédente.

[52] Le gendarme Kitzul et Mme D.R. se sont rencontrés lors d’une partie de pêche en groupe à la fin de l’été 2016. Leur relation a débuté à la fin du mois de septembre 2016. Cette relation a pris fin le 11 décembre 2018, lorsque Mme D.R. et des membres de sa famille se sont rendus au Détachement de Langenburg pour signaler le comportement abusif et agressif présumé du gendarme Kitzul à l’égard de Mme D.R. Les faits relatifs aux sept allégations se sont produits dans le contexte de cette relation.

[53] Pendant toute l’époque en cause, le gendarme Kitzul et Mme D.R. ont vécu dans des résidences séparées. Le gendarme Kitzul vivait à Roblin, au Manitoba. Mme D.R. vivait à Pelican Landing, en Saskatchewan. Elle habitait en face de ses parents, M. D.R., et Mme G.R.

[54] Mme D.R. était une civile employée dans le secteur agricole. Elle travaillait dans la même entreprise que son père.

[55] Les quatre événements clés suivants ont défini la relation entre le gendarme Kitzul et Mme D.R. :

  1. L’opération chirurgicale de l’épaule subie par le gendarme Kitzul (probablement en novembre 2016);
  2. L’incident dans le chalet de pêche (allégation 3 – mars 2018);
  3. L’incident des « cheveux brûlés » (allégation 7 – novembre 2018);
  4. « L’intervention » (11 décembre 2018).

[56] Depuis la première rencontre, la relation du gendarme Kitzul et de Mme D.R. comportait un comportement brutal mutuel et consensuel. Ils luttaient souvent entre eux ou avec les enfants du gendarme Kitzul. Les confrontations de lutte comprenaient un rituel au cours duquel le gendarme Kitzul plaquait les enfants ou Mme D.R. au sol. Le gendarme Kitzul les libérait lorsqu’ils finissaient par céder en disant : « Jason est roi ». Le gendarme Kitzul et Mme D.R. se donnaient fréquemment des coups de poing, des gifles ou se pinçaient l’un l’autre de manière ludique. Ces comportements ont eu lieu en privé, lors de réunions de famille et d’amis et, à l’occasion, dans des lieux publics comme un tournoi de golf. Plusieurs témoins, dont Mme D.R., ont qualifié leur comportement mutuel de celui d’« élèves de 7e ou 8e année ». Je souscris à cette évaluation.

[57] Le gendarme Kitzul et Mme D.R. avaient plusieurs intérêts en commun. Ils aimaient les activités de plein air comme la pêche, la chasse, le quad, la motoneige et les feux de camp. À l’intérieur, ils jouaient souvent aux cartes, à des jeux de société et aux fléchettes. Ils étaient compétitifs dans ces activités. C’est dans ce contexte que se produisaient la plupart des coups de poing, des gifles et des pincements mentionnés plus haut. Dans cet esprit de compétition, ils se parlaient également de façon grossière.

[58] Le gendarme Kitzul a subi une des nombreuses interventions chirurgicales de l’épaule alors qu’il sortait avec Mme D.R. (possiblement en novembre 2016). Il a été en arrêt de travail pour cause de maladie pendant un certain temps avant de reprendre le travail en service réduit. Il a repris toutes ses fonctions environ 12 mois plus tard. Le gendarme Kitzul n’a généralement pas apprécié la période pendant laquelle il était en service réduit.

[59] La relation a commencé à se détériorer peu après l’opération de l’épaule du gendarme Kitzul. Cette détérioration s’est accentuée à la fin de l’année 2017 et au début de l’année 2018. Toutes les allégations contenues dans l’avis d’audience disciplinaire concernent l’année 2018. Elles démontrent une détérioration continue de la relation. Plusieurs ruptures de courte durée ont également eu lieu entre mars et décembre 2018.

[60] La réaction de Mme D.R. à l’agression survenue dans le chalet de pêche en mars 2018 est le premier cas, dans les éléments de preuve, où elle a exprimé à ses parents ses préoccupations concernant le comportement du gendarme Kitzul. Cet incident fait que les parents de Mme D.R. se préoccupent davantage du bien-être de Mme D.R.

[61] Alors que d’autres personnes, comme M. D.R., ont déclaré que l’agression dans le chalet de pêche avait effrayé Mme D.R., l’incident des « cheveux brûlés » est la première fois où Mme D.R. a déclaré dans son témoignage qu’elle avait eu peur des gestes du gendarme Kitzul. Les deux incidents ont néanmoins fortement marqué Mme D.R.

[62] Le 11 décembre 2018, une rencontre importante a eu lieu. Ce jour-là, M. D.R. a emmené Mme D.R. à la ferme de M. J.B. à leur retour d’un voyage d’affaires hors de la ville. Mme G.R., l’oncle D.R. et son épouse, M. J.B. et le gendarme J.B. étaient présents à leur arrivée. L’oncle D.R. avait organisé la rencontre à la demande de M. D.R. et à l’insu de Mme D.R. L’objectif de la réunion était d’informer Mme D.R. de leurs préoccupations concernant sa relation avec le gendarme Kitzul. Les parties ont qualifié cette réunion d’« intervention »[5] tout au long de l’audience et dans leurs déclarations. Après l’intervention, Mme D.R. et plusieurs des personnes présentes se sont rendues au Détachement de Langenburg pour faire un signalement. Avant le signalement, personne, y compris Mme D.R., n’avait dit au gendarme Kitzul que son comportement était inadéquat ou qu’il devait y mettre fin.

[63] Le 6 juin 2019, la GRC a déposé des accusations criminelles contre le gendarme Kitzul pour voies de fait, agression armée et conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies. La Couronne a demandé un arrêt des procédures pour l’accusation de conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies avant le procès. Les deux autres accusations ont fait l’objet d’un procès devant la Cour provinciale, à Roblin, le 4 mai 2021. Mme D.R. a témoigné au procès. Le procureur de la Couronne a inscrit une suspension d’instance pour les autres accusations immédiatement après le témoignage de Mme D.R.

ANALYSE

[64] Comme indiqué précédemment, les sept allégations relèvent de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[65] Afin d’établir une allégation au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre;
  3. si le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie;
  4. si le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour que la Gendarmerie ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

[66] Je vais aborder la preuve et mes conclusions sous l’angle des actes qui constituent le comportement allégué pour chaque allégation. J’aborderai les trois autres éléments du critère de manière plus générale par rapport à l’ensemble des sept allégations.

Quels sont les actes qui constituent le comportement allégué?

Allégation 1 : « Violence verbale et incidents précis de violence physique ».

[67] Les actes qui constituent le comportement allégué dans cette allégation sont la violence verbale et la violence physique. Les incidents de violence physique comprennent le fait que le gendarme Kitzul a fait tomber Mme D.R. d’une chaise de jardin et lui a bloqué la tête lors d’une soirée entre amis (énoncé détaillé 2.a); a lutté avec Mme D.R. au sol et lui a mis les mains derrière le dos lors d’une soirée en famille (énoncé détaillé2.b); et a frappé Mme D.R. avec des objets en plastique alors qu’elle jouait aux fléchettes (énoncé détaillé 2.c).

Les éléments de preuve relatifs à la violence verbale

[68] Mme D. R. a déclaré qu’au début de leur relation, le gendarme Kitzul était très affectueux et « excessivement gentil ». Il l’appelait par des petits noms comme « bébé » et « sexy ».

[69] Le gendarme Kitzul a été opéré de l’épaule en novembre 2016. Après Noël 2016, leur relation a commencé à se détériorer. Ils ont cessé de s’appeler par leurs petits noms. Le gendarme Kitzul s’est mis en colère. Bien qu’elle n’ait pas pu fournir de détails précis, Mme D.R. a affirmé que le comportement du gendarme Kitzul à son égard était devenu humiliant. Selon le gendarme Kitzul, elle ne pouvait pas bien faire les choses et ne pouvait pas penser par elle-même. Le gendarme Kitzul a fait un commentaire défavorable sur son alimentation, sa cuisine et le ménage. Le gendarme Kitzul l’a traitée de grosse, de stupide et, parfois même, de laide. Elle se contentait d’encaisser ces remarques ou de les ignorer.

[70] Lors du contre-interrogatoire, Mme D.R. a déclaré que le gendarme Kitzul pensait que le père de Mme D.R. exerçait un contrôle excessif et prenait les décisions de vie à sa place. Elle a admis que les commentaires sur le poids d’une personne sont justifiés s’ils sont liés à des problèmes de santé. Le gendarme Kitzul l’a encouragée à faire de l’exercice. À certains moments, le gendarme Kitzul lui a dit qu’elle avait l’air en forme.

[71] M. D.R. a déclaré qu’il ne se souvient pas avoir entendu le gendarme Kitzul faire des remarques désobligeantes à Mme D.R. en sa présence.

[72] Mme G.R. a déclaré qu’au début, le gendarme Kitzul semblait être une personne vraiment gentille. Le gendarme Kitzul était un peu plus âgé que Mme D.R., mais cela ne la dérangeait pas. La première année, le gendarme Kitzul et Mme D.R. semblaient être un couple normal. Au cours de la deuxième année, Mme G.R. a commencé à remarquer une violence verbale de plus en plus présente. Elle a noté que le gendarme Kitzul demandait à Mme D.R. pourquoi elle se rendait au gymnase, car cela ne l’aidait pas. Elle a indiqué que le gendarme Kitzul avait dit que Mme D.R. ressemblait à un fantôme, qu’elle ne pouvait pas penser par elle-même et qu’elle était grosse et stupide. Elle a remarqué un changement important dans leur relation au début de l’année 2018. Elle a déclaré que le gendarme Kitzul continuait à faire des commentaires dévalorisants et dégradants à l’égard de Mme D.R.

[73] L’oncle D.R. a témoigné en disant que la relation entre le gendarme Kitzul et Mme D.R. semblait bonne au début. Il a tenu à ne pas se mêler à eux et ne les a vus ensemble qu’occasionnellement. Le gendarme Kitzul était une personne qu’il était peu disposé à faire entrer dans son « cercle familial rapproché » en raison d’une mauvaise expérience antérieure avec lui. Même s’il ne les voyait pas souvent, il avait vu le gendarme Kitzul taquiner Mme D.R. et la traiter de noms qu’il jugeait déplacés. Il n’a pas été témoin de lutte ou de coups de poing.

[74] L’oncle D.R. a évoqué un incident précis qui s’est produit en septembre 2017 dans l’arrière-cour de la maison du gendarme Kitzul. Un groupe de personnes était présent lorsque le gendarme Kitzul a dit à Mme D.R. de « lever son gros cul et d’aller chercher de l’eau ». Les commentaires du gendarme Kitzul ont choqué l’oncle D.R. parce qu’il n’a pas été « élevé pour parler aux femmes de cette façon ». Il a également souligné la fluidité avec laquelle les mots sont sortis de la bouche du gendarme Kitzul et la faible réaction de Mme D.R. Il a émis l’opinion que Mme D.R. s’était habituée à ce comportement parce que celle qu’il connaissait aurait « répondu quelque chose [au gendarme Kitzul] ».

[75] M. J.B. a affirmé qu’il avait participé à la partie de pêche en groupe au cours de laquelle le gendarme Kitzul et Mme D.R. s’étaient rencontrés. Leur comportement était étrange. Ils étaient sur le canapé en train de se battre. Cela a dérangé l’oncle D.R. Il leur a demandé d’arrêter. Devant leur refus, l’oncle D.R. a jeté un oreiller puis une canette de bière en direction du gendarme Kitzul. Puisque la relation avait mal commencé, M. J.B. a choisi de limiter les contacts avec eux. Il a estimé que cette relation n’était pas saine.

[76] Le gendarme Kitzul a déclaré que la relation avec Mme D.R. était « ludique », c’est-à-dire qu’elle comportait des tapes et des chatouilles. L’un ou l’autre pouvait déclencher la bagarre. Le gendarme Kitzul et Mme D.R. plaisantaient beaucoup. Leur relation comportait beaucoup de sarcasmes, mais rien d’humiliant. Le gendarme Kitzul a nié avoir traité Mme D.R. de stupide ou d’idiote.

[77] Le gendarme Kitzul a également apporté des explications à la plupart des commentaires qui lui ont été attribués par d’autres témoins. Parmi ses explications, on peut citer les suivantes :

  1. Le fait de dire à Mme D.R. de faire preuve de bon sens faisait simplement partie d’une conversation qui n’avait rien d’humiliant.
  2. Mme D.R. demandait souvent l’avis du gendarme Kitzul ou lui demandait ce qu’elle devait faire dans certaines situations. Le gendarme Kitzul ne se sentait pas à l’aise de lui dire ce qu’elle devait faire. Le gendarme Kitzul lui faisait parfois des suggestions, mais elle devait aussi réfléchir et prendre une décision par elle-même.
  3. Mme D.R. avait fait part au gendarme Kitzul de son problème de poids. Une fois, elle avait exprimé son inquiétude, car elle ne parvenait pas à obtenir les résultats escomptés de son programme d’exercices. Pour l’encourager, le gendarme Kitzul lui a dit que les femmes qui avaient accouché ont un ventre plat.

Les éléments de preuve relatifs à l’énoncé détaillé 2.a

[78] Mme D.R. a affirmé qu’à une occasion, un groupe de personnes était assis dans l’arrière-cour de la maison du gendarme Kitzul. Ce dernier s’est levé sans prévenir, l’a bloquée par la tête et l’a renversée avec sa chaise. Elle avait le souffle coupé, s’étouffait et toussait.

[79] Le gendarme Kitzul ne se souvient pas que Mme D.R. se soit étouffée ou ait toussé lorsqu’ils se sont battus. Le gendarme Kitzul a nié avoir bloqué la tête de Mme D.R. Cependant, lors du contre-interrogatoire, le gendarme Kitzul a reconnu qu’il avait peut-être agi de la sorte de manière ludique.

Les éléments de preuve relatifs à l’énoncé détaillé 2.b

[80] Mme D.R. a déclaré que lors de la « fin de semaine de la Classique de la fête du Travail », le gendarme Kitzul l’a poussée au sol et a répété son rituel « Jason est roi ». Elle n’aimait pas toujours que le gendarme Kitzul fasse cela. Elle ne se souvient pas de la force utilisée par le gendarme Kitzul ce jour-là, mais elle se rappelle avoir eu du mal à respirer. Lors du contre-interrogatoire, Mme D.R. a également déclaré que le gendarme Kitzul l’avait pincée ce jour-là, ce qui lui avait causé des ecchymoses entre les jambes. Elle a reconnu qu’elle fait facilement des bleus.

[81] M. D.R. a témoigné en disant que lui et Mme G.R. tenaient une soirée chez eux la « fin de semaine de la Classique de la fête du Travail » ces dix dernières années. Il a cité un certain nombre de personnes présentes à cette soirée. Toutes ces personnes étaient des civils et non des membres de la GRC. M. D.R. jouait aux poches et n’a donc pas vu ce qui s’est passé avant l’incident. Il a vu le gendarme Kitzul mettre Mme D.R. au sol et lui mettre le bras derrière le dos jusqu’à ce qu’elle dise : « Jason est roi ». Lors du contre-interrogatoire, il a déclaré que c’était la seule occasion où il avait vu le gendarme Kitzul et Mme D.R. se battre.

[82] Mme G.R. n’a pas témoigné sur cet incident précis, mais elle a dit qu’elle avait constaté beaucoup de brutalité entre le gendarme Kitzul et Mme D.R. Elle a notamment mentionné des combats et des « mises au sol ». Elle a déclaré que le gendarme Kitzul faisait trébucher Mme D.R. ou lui mettait le bras derrière le dos. Elle a noté que, parfois, ces incidents étaient « joviaux ». À d’autres occasions, elle a fait remarquer que c’était comme si le gendarme Kitzul voulait faire savoir à Mme D.R. qu’il était supérieur à elle.

[83] Le gendarme Kitzul ne se rappelait rien de particulier à propos de cet incident, mais il a reconnu que lui et Mme D.R. se battaient lors de réunions de famille. Personne n’a jamais dit au gendarme Kitzul ou à Mme D.R. que ce n’était pas approprié.

Les éléments de preuve relatifs à l’énoncé détaillé 2.c

[84] Mme D.R. a déclaré qu’elle et le gendarme Kitzul jouaient souvent aux fléchettes dans le sous-sol de la résidence du gendarme Kitzul. Quand c’était au tour de Mme D.R. de lancer, le gendarme Kitzul l’a frappée sur les fesses avec divers morceaux de plastique pour la distraire. La piste de course utilisée était en plastique dur, mais pliable. Elle ne se souvient pas de la force qu’il a utilisée.

[85] M. D.R. et Mme G.R. ont témoigné en disant qu’ils allaient régulièrement souper chez le gendarme Kitzul. Après le souper, ils jouaient aux cartes ou aux fléchettes au sous-sol. Lorsque Mme D.R. se plaçait en ligne pour tirer, le gendarme Kitzul la frappait sur la cuisse ou les fesses avec des objets tels qu’une raquette de ping-pong, un petit bâton de hockey en plastique ou un morceau de piste de course en plastique.

[86] M. D.R. a déclaré que cela s’était produit à plus de trois reprises. Les coups provoquaient un bruit de « claquement ». Il pensait que les coups seraient douloureux. Il n’aurait pas voulu être frappé aussi fort que le gendarme Kitzul a frappé Mme D.R. En contre-interrogatoire, il a dit qu’il n’arrivait pas à croire que Mme D. R. n’avait pas réagi lorsque le gendarme Kitzul l’avait frappée avec les objets. Mme G.R. a déclaré que l’alcool était toujours en jeu lors de ces visites.

[87] Le gendarme Kitzul a déclaré que jouer aux fléchettes était amusant, mais compétitif, comme beaucoup d’autres activités que lui et Mme D.R. faisaient ensemble. Ils se parlaient mal l’un à l’autre pour tenter de se déconcentrer. Le gendarme Kitzul a reconnu que ce genre d’échanges ne convenait pas à tout le monde.

[88] Le gendarme Kitzul ne se souvient pas qu’un événement particulier se soit produit pendant la partie de fléchettes. Ils ont souvent joué aux fléchettes. Le gendarme Kitzul a convenu qu’il avait peut-être déjà frappé Mme D.R. avec un objet. Le gendarme Kitzul n’a pas pu donner d’exemple précis, car cela se produisait très souvent. Il a ajouté que les coups allaient dans les deux sens et que Mme D.R. utiliserait les mêmes objets pour le frapper.

[89] Lors du contre-interrogatoire, le gendarme Kitzul a reconnu qu’il aurait pu utiliser un morceau de piste de course en plastique, un bâton de hockey en plastique et une raquette de ping-pong pour frapper Mme D.R. Bien que le gendarme Kitzul ne se souvienne pas d’avoir frappé Mme D.R. avec ces objets en présence des parents de cette dernière, cela a pu être le cas.

Mes conclusions

[90] Mes conclusions concernant la crédibilité de Mme D.R., combinées à l’incapacité du gendarme Kitzul à fournir des détails sur ces incidents, constituent des éléments déterminants pour mes conclusions de fait, alors qu’il n’existe aucun élément de preuve corroborant le témoignage de Mme D.R. Le gendarme Kitzul a admis s’être battu avec Mme D.R. lors de soirées familiales et l’avoir frappée avec des objets alors qu’elle jouait aux fléchettes. Je retiens également les témoignages de M. D.R., de Mme G.R. et de l’oncle D.R. qui confirment le témoignage de Mme D.R. tel qu’il a été exposé précédemment.

[91] Je conclus que l’autorité disciplinaire a démontré, selon la prépondérance des probabilités, les actes suivants précisés dans l’avis d’audience disciplinaire :

  1. Le gendarme Kitzul a fait des commentaires humiliants et abaissants à l’égard de Mme D.R., notamment en disant qu’elle était grosse ou en utilisant des mots à cet effet et qu’elle ne pouvait pas se défendre.
  2. À une occasion, alors qu’un groupe de personnes était assis dans l’arrière-cour de la résidence du gendarme Kitzul, ce dernier s’est levé brusquement et a bloqué la tête de Mme D.R., ce qui lui a fait perdre son souffle, l’a étouffée et l’a fait tousser.
  3. Lors d’une réunion sociale au domicile de M. D.R. et de Mme G.R. à l’occasion de la « fin de semaine de la Classique de la fête du Travail » de 2018, le gendarme Kitzul a plaqué au sol Mme D.R. Le gendarme Kitzul lui a coincé le bras derrière le dos et lui a pincé les jambes jusqu’à ce qu’elle dise « Jason est roi ». La force utilisée était suffisante pour causer à Mme D.R. des douleurs et des ecchymoses aux jambes.
  4. À plusieurs reprises, alors qu’ils jouaient aux fléchettes dans le sous-sol du domicile du gendarme Kitzul, ce dernier a frappé Mme D.R. sur les fesses ou les jambes avec des objets tels qu’une raquette de ping-pong, un petit bâton de hockey en plastique et un morceau de piste de course en plastique. Les coups étaient assez forts pour causer de la douleur à Mme D.R.
  5. Mme D.R. n’a consenti à aucun des gestes susmentionnés.

Allégation 2 : « Tirer sur Mme D.R. avec une arme à balles BB »

La preuve

[92] Mme D.R. a témoigné en disant que le gendarme Kitzul gardait une arme à balles BB au bas de l’escalier dans le sous-sol de la maison du gendarme Kitzul. Le gendarme Kitzul lui a tiré dessus avec cette arme à balles BB à plusieurs reprises; toutefois, elle ne se souvenait que d’un incident précis qui s’est produit en janvier 2018. Elle se trouvait chez le gendarme Kitzul. Ils devaient jouer aux fléchettes dans le sous-sol. Pendant qu’elle s’installait, elle faisait dos au gendarme Kitzul. Elle s’est retournée et a vu le gendarme Kitzul pointer l’arme à balles BB vers elle. Le gendarme Kitzul lui a tiré dessus une fois sur la hanche et deux fois sur les fesses. Le tir sur la hanche l’a « pincée pendant une seconde » et lui a laissé une ecchymose. Elle s’est cachée derrière le bar à proximité. Le gendarme Kitzul a essayé de la faire sortir de sa cachette, en tirant sur le mur au-dessus du bar. Le gendarme Kitzul a fini par s’arrêter et a rangé l’arme à balles BB. Ils ont repris leur jeu de fléchettes. Elle et le gendarme Kitzul étaient tous deux en étant d’ébriété.

[93] Lors du contre-interrogatoire, Mme D.R. a déclaré qu’à plusieurs reprises, lorsqu’ils se rendaient au sous-sol pour jouer aux fléchettes, le gendarme Kitzul courait chercher l’arme à balles BB. Elle devait monter les escaliers en courant pour éviter de se faire tirer dessus par le gendarme Kitzul. Ce n’était pas un jeu pour elle. Elle ne se souvient pas avoir pointé l’arme à balles BB vers le gendarme Kitzul.

[94] Le gendarme Kitzul a déclaré avoir acheté l’arme à balles BB comme cadeau de Noël pour ses enfants. L’arme à balles BB est devenue une plaisanterie entre le gendarme Kitzul et Mme D.R. Le gendarme Kitzul ne pouvait pas dire comment la plaisanterie avait commencé. Le gendarme Kitzul a admis qu’à au moins une occasion, il a tiré sur Mme D.R. sur les fesses avec l’arme à balles BB à une distance d’environ neuf mètres. Elle n’a manifesté aucune douleur à ce moment-là. Le gendarme Kitzul a également parlé d’une autre occasion où Mme D.R. s’est cachée derrière le bar pour éviter que le gendarme Kitzul ne lui tire dessus.

[95] Le gendarme Kitzul a également déclaré que Mme D.R. avait à deux reprises essayé de tirer sur le gendarme Kitzul avec l’arme à balles BB. Une fois, elle a manqué son coup lorsqu’elle a essayé de tirer sur le gendarme Kitzul à une distance d’environ neuf mètres. La deuxième fois, elle se trouvait à environ un mètre de distance et pointait l’arme à balles BB vers le gendarme Kitzul. Elle a appuyé sur la gâchette, mais a oublié de retirer la sûreté. Le gendarme Kitzul lui a saisi l’arme à balles BB avant qu’elle ne tire sur lui. Le gendarme Kitzul a rangé l’arme. Ils ont cessé le jeu à partir de ce moment-là.

[96] Lors du contre-interrogatoire, le gendarme Kitzul a reconnu que l’arme à balles BB pouvait blesser quelqu’un. Le gendarme Kitzul a reconnu que le fait de pointer une arme vers quelqu’un pouvait constituer une infraction criminelle, mais le gendarme Kitzul n’avait pas d’intention criminelle lorsqu’il a utilisé l’arme à balles BB.

Mes conclusions

[97] Je conclus que l’arme à balles BB aurait pu causer des blessures ou faire du mal à une personne. J’estime en outre que l’autorité disciplinaire a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le gendarme Kitzul a tiré sur Mme D.R. avec une arme à balles BB à plusieurs reprises. Le gendarme Kitzul a blessé Mme D.R. par un tir d’arme à balles BB au moins une fois. Il lui a fait du mal qui s’est traduit par une brève douleur et des ecchymoses à la hanche.

Allégation 3 : « Agression dans le chalet de pêche » et allégation 4 : « Conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies »

La preuve

[98] Mme D.R. a témoigné en disant que, le « jeudi avant le Vendredi saint » en 2018, elle et le gendarme Kitzul sont allés pêcher sur glace au lac des Prairies. Elle a laissé son véhicule garé sur le bord du lac. Ils se sont rendus au chalet de pêche de son père dans le véhicule du gendarme Kitzul. Ils ont passé une bonne partie de la journée et de la soirée à pêcher. Il faisait nuit lorsqu’ils sont rentrés chez eux.

[99] Le gendarme Kitzul était contrarié à l’idée de reprendre le travail à plein temps parce qu’il avait toujours des problèmes à l’épaule.

[100] Mme D.R. a pris une bière pendant leur séjour sur le lac. Le gendarme Kitzul a apporté une bouteille d’alcool fort, peut-être de la vodka, et une glacière contenant des canettes de bière. Mme D.R. a « vu [le gendarme Kitzul] boire toute la journée ». Elle a déclaré que le gendarme Kitzul était « en état d’ébriété très très avancé ».

[101] Ils étaient en train de préparer leur départ lorsque le gendarme Kitzul a bloqué Mme D.R. avec son corps pour l’empêcher de passer devant lui, la coinçant essentiellement contre le mur du chalet de pêche sans recourir à la force. Sans prévenir, le gendarme Kitzul lui a donné deux coups de poing dans les côtes. Bien qu’elle les ait à peine sentis à travers sa parka, les coups lui ont fait pencher la tête vers l’avant et le gendarme Kitzul lui a alors donné un coup de poing à la tête. Elle a réagi en criant « Aïe! ». Le coup de poing à la tête n’a causé aucune blessure. Elle n’a pas cherché à se faire soigner.

[102] Le gendarme Kitzul s’est rendu en voiture du chalet de pêche jusqu’à la rive. Une fois sur la rive, Mme D.R. a offert de reconduire le gendarme Kitzul chez lui étant donné son état d’ébriété. Le gendarme Kitzul a refusé l’offre. Arrivée dans son véhicule, Mme D.R. a envoyé un message texte à ses parents. Elle a ensuite suivi le gendarme Kitzul jusqu’à l’autoroute. Le gendarme Kitzul conduisait « partout sur la route ». Il conduisait de manière « erratique et effrayante ». Sur l’autoroute, ils ont pris des directions opposées pour se rendre à leurs domiciles respectifs.

[103] Lorsqu’elle est arrivée chez elle, Mme D.R. est allée voir ses parents et leur a raconté ce qui s’était passé dans le chalet de pêche et sur le chemin du retour. Pendant qu’elle racontait son histoire, le gendarme Kitzul l’a appelée trois fois pour lui dire qu’il était arrivé à la maison. Lors des deuxième et troisième appels, le gendarme Kitzul a dit essentiellement la même chose que lors de l’appel précédent et ne semblait pas se souvenir d’avoir passé l’appel précédent.

[104] M. D.R. et Mme G.R. ont déclaré qu’ils rentraient chez eux après un voyage à Regina lorsqu’ils ont reçu un message texte de Mme D.R. Peu de temps après leur arrivée à la maison, Mme D.R. est venue chez eux. Elle était visiblement contrariée et semblait avoir pleuré. Mme D.R. leur a dit que le gendarme Kitzul l’avait frappée à l’estomac et à la tête et qu’il avait conduit avec des facultés affaiblies. Alors qu’elle racontait son histoire, Mme D.R. tremblait et faisait les cent pas dans la pièce. Pendant que M. D.R. et Mme G.R. parlaient avec Mme D.R., le gendarme Kitzul a appelé cette dernière trois fois en peu de temps.

[105] Durant le contre-interrogatoire, M. D.R. a déclaré qu’il était allé pêcher sur la glace avec le gendarme Kitzul « quelques fois » vers la fin de la relation. La consommation d’alcool était courante pendant les parties de pêche sur glace avec le gendarme Kitzul.

[106] Mme G.R. a déclaré que Mme D.R. lui avait dit que le gendarme Kitzul était contrarié lorsqu’il était dans le chalet de pêche. Le gendarme Kitzul réprimandait les proches de Mme D.R. et M. J.B. Le gendarme Kitzul était également contrarié parce que lui et Mme D.R. devaient toujours faire ce que M. D.R. voulait, y compris pêcher dans son chalet de pêche. Après cet incident, Mme G.R. a veillé à envoyer un message texte à Mme D.R. tous les matins pour s’assurer qu’elle allait bien.

[107] Le gendarme Kitzul a déclaré qu’il était courant de pêcher sur la glace avec Mme D.R. Le témoignage du gendarme Kitzul se composait principalement de déclarations générales sur ce qui se passait habituellement lorsqu’il allait pêcher sur la glace. Le gendarme Kitzul n’avait aucun souvenir précis de cet incident, mais il avait des photographies de lui et de Mme D.R. en train de pêcher le 29 mars 2018. Le gendarme Kitzul ne se souvient pas d’avoir passé les appels téléphoniques à Mme D.R. Il était « complètement déconcerté » par l’allégation parce qu’il n’avait jamais agressé Mme D.R. dans le chalet de pêche. Lors du contre-interrogatoire, le gendarme Kitzul a admis que, bien qu’il ne se souvienne pas d’avoir frappé Mme D.R. dans les côtes ou à la tête, il se peut qu’il l’ait fait accidentellement.

[108] Le rapport d’enquête contient plusieurs messages textes non datés relatifs aux allégations 3 et 4. Concernant l’allégation 3, ces messages démontrent de manière générale que la relation entre le gendarme Kitzul et Mme D.R. était une source de préoccupation pour Mme D.R. et ses parents à l’époque. Ils corroborent également le témoignage de Mme D. R. et de ses parents.

[109] Pour ce qui est de l’allégation 4, Mme D. R. a envoyé un message texte à 21 h 04, dans lequel elle a écrit : « Jason arrive en ville saoul comme un cochon ». Ce message confirme son témoignage concernant l’état d’ébriété avancé du gendarme Kitzul alors qu’il conduisait son véhicule.

Mes conclusions

[110] En ce qui concerne l’allégation 3, je conclus que l’incident s’est produit le 29 mars 2018, et non le 27 mars 2018, comme le précise l’avis d’audience disciplinaire. L’autorité disciplinaire a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le gendarme Kitzul a donné plusieurs coups de poing à Mme D.R. dans le chalet de pêche contre son gré. Parmi ces coups de poing, il y en avait deux plus légers dans les côtes et un plus violent à la tête. La réaction de Mme D.R. indique clairement que cet incident a dépassé le stade de la rudesse habituelle dans sa relation avec le gendarme Kitzul.

[111] En ce qui concerne l’allégation 4, je conclus que l’autorité disciplinaire a démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le gendarme Kitzul a conduit un véhicule à moteur alors que ses facultés étaient affaiblies par l’alcool. Le gendarme Kitzul s’est rendu au chalet de pêche en ayant en sa possession une quantité importante d’alcool, notamment une bouteille d’alcool fort et des canettes de bière. Je reconnais que Mme D.R. a vu le gendarme Kitzul boire pendant toute la durée de la pêche. Au vu du témoignage de Mme D.R. et du message textuel corroborant qu’elle a envoyé à sa mère, j’estime que le gendarme Kitzul était en état d’ébriété avancé. Mme D.R. n’avait aucune raison d’embellir l’état d’ébriété du gendarme Kitzul dans un message texte privé adressé à ses parents. La conduite du gendarme Kitzul était si erratique que Mme D.R. craignait de conduire à proximité du gendarme Kitzul. Le gendarme Kitzul a passé trois appels téléphoniques à Mme D.R. après son arrivée à la maison. Je conviens que le gendarme Kitzul ne se souvient pas d’avoir passé ces appels en raison de son état d’ébriété avancé.

Allégation 5 : « Coup de poing dans le bras lors d’une réunion sociale ».

La preuve

[112] Mme D.R. a témoigné en disant qu’au cours de l’été 2018, peut-être au début du mois de juillet, elle et le gendarme Kitzul se trouvaient chez ses parents pour une réunion sociale avec ses grands-parents et quelques amis. À un moment donné de la visite, le gendarme Kitzul est passé devant elle et lui a donné un coup de poing à l’épaule. Le gendarme Kitzul la frappait régulièrement au bras ou à l’épaule. Elle retournait parfois le coup. Le gendarme Kitzul lui donnait des coups de poing pour lui montrer son affection. Elle ne se souvient pas de la force du coup de poing donné ce jour-là. Elle avait bu ce jour-là, mais pas beaucoup. Le gendarme Kitzul n’avait pas bu parce qu’il devait travailler plus tard.

[113] M. D.R. a témoigné en disant que, début juillet 2018, les parents de Mme G.R. étaient en visite. Ils étaient sur la terrasse arrière de leur maison lorsque le gendarme Kitzul et Mme D.R. sont arrivés. Le gendarme Kitzul était déjà en étant d’ébriété. À un moment donné, le gendarme Kitzul « est apparu » et a donné à Mme D.R. un coup de poing dans le bras. Elle a réagi en criant « Aïe! ». Ils ont continué à se fréquenter après l’incident, mais leur humeur avait changé.

[114] Le gendarme Kitzul ne se souvient pas de cet incident en particulier. Le gendarme Kitzul a déclaré qu’il ne se serait pas mis en état d’ébriété s’il devait travailler plus tard.

Mes conclusions

[115] Le principal acte dans cette allégation est le coup de poing que le gendarme Kitzul a donné au bras de Mme D.R. L’autorité disciplinaire allègue qu’il s’agit de voies de fait. Les éléments de preuve sont contradictoires, en particulier en ce qui concerne la consommation d’alcool par le gendarme Kitzul. Toutefois, plusieurs témoignages concordent au sujet du coup de poing dans le bras. Je conclus que le gendarme Kitzul a donné un coup de poing au bras de Mme D.R. à cette occasion. M. D.R. et M. D.E. ont jugé le coup de poing déplacé; cependant, je conclus que, contrairement à l’incident survenu dans le chalet de pêche, ce coup de poing dans le bras était tout simplement une partie de la rudesse qui faisait partie intégrante de la relation entre le gendarme Kitzul et Mme D.R., et Mme D.R. était une participante consentante à ce comportement. Je me pencherai sur le caractère discréditant de ce comportement lorsque j’aborderai l’analyse des troisième et quatrième éléments du critère.

Allégation 6 « Torsion du poignet blessé de Mme D.R. »

La preuve

[116] Mme D.R. a déclaré qu’elle s’était blessée au poignet droit plus tôt dans la journée après avoir glissé sur de la glace et être tombée par terre. C’était la saison de la chasse au chevreuil en novembre 2018. Le gendarme Kitzul était excité parce qu’il avait abattu un chevreuil. Mme D.R s’est rendue chez le gendarme Kitzul après le travail pour voir le chevreuil. Le gendarme Kitzul avait bu avant son arrivée. Un ami, M. M.M., et les enfants du gendarme Kitzul étaient déjà là. Lorsqu’elle est arrivée, Mme D.R. a parlé au gendarme Kitzul de sa blessure au poignet.

[117] Le gendarme Kitzul avait le hoquet. Ils en plaisantaient. Elle a dit au gendarme Kitzul qu’il fallait qu’il retienne sa respiration. Elle a mis sa main devant le visage du gendarme Kitzul et a fait semblant de lui boucher le nez. Le gendarme Kitzul a saisi son poignet endolori et l’a tordu. Elle a crié. M. M.M. et le fils du gendarme Kitzul ont réprimandé le gendarme Kitzul pour avoir blessé Mme D.R. Le gendarme Kitzul était énervé et a déclaré qu’elle ne devait pas faire cela, faisant référence à la tentative de Mme D.R. de lui boucher le nez.

[118] La mobilité du poignet de Mme D.R. a été réduite pendant plusieurs jours. Elle n’a pas consulté de médecin, mais elle a acheté une attelle parce qu’elle avait mal au poignet en conduisant.

[119] En contre-interrogatoire, Mme D.R. a déclaré que la réaction du gendarme Kitzul avait été plutôt rapide. Elle a convenu que le gendarme Kitzul avait peut-être oublié qu’elle avait mal au poignet.

[120] Le gendarme Kitzul a déclaré qu’il était sur le canapé. Mme D.R. allait mettre sa main sur la bouche du gendarme Kitzul. Il a réagi naturellement en retirant sa main. Mme D.R. a dit que ça faisait mal. Le gendarme Kitzul s’est rendu compte par la suite que c’était peut-être sa main endolorie. Elle avait parlé au gendarme Kitzul de la glissade et de sa chute quelques heures plus tôt. Le gendarme Kitzul l’avait simplement oublié. Le gendarme Kitzul a présenté ses excuses.

[121] Lors du contre-interrogatoire, le gendarme Kitzul a témoigné en disant que l’incident s’était produit très rapidement. Bien que cela soit possible, le gendarme Kitzul n’a pas cru qu’il avait tordu le poignet de Mme D.R.

Mes conclusions

[122] Selon l’énoncé détaillé, le gendarme Kitzul aurait été contrarié. Le gendarme Kitzul a saisi le bras blessé de Mme D.R. et l’a « tordu dans tous les sens », commettant ainsi des voies de fait contre Mme D.R.

[123] J’estime que Mme D.R. a initié le contact avec le gendarme Kitzul en plaçant sa main blessée devant le visage du gendarme Kitzul pour couvrir son nez. La réaction immédiate du gendarme Kitzul a été de retirer la main. Les éléments de preuve ne permettent pas de déterminer clairement si le gendarme Kitzul a saisi le poignet de Mme D.R. Même si je reconnais que le gendarme Kitzul a effectivement saisi le poignet de Mme D.R., rien ne prouve que le gendarme Kitzul l’a « tordu dans tous les sens ». Quoi qu’il en soit, en retirant la main de Mme D.R., le gendarme Kitzul lui a infligé une douleur au poignet. Étant donné que Mme D.R. a parlé au gendarme Kitzul de la blessure plusieurs heures avant l’incident, il était raisonnable que le gendarme Kitzul l’ait oubliée dans les circonstances. Je conclus que le gendarme Kitzul n’avait pas l’intention de blesser Mme D.R. La réaction du gendarme Kitzul était simplement naturelle et immédiate lorsque la main de Mme D.R. s’est trouvée devant son visage. Cela étant, l’autorité disciplinaire n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, les actes énoncés pour l’allégation 6 dans l’avis d’audience disciplinaire. Par conséquent, l’allégation 6 n’est pas établie.

Allégation 7 « Mettre le feu aux cheveux de Mme D.R. »

La preuve

[124] Le gendarme Kitzul et Mme D.R. ont tous deux déclaré qu’ils jouaient aux fléchettes dans le sous-sol du gendarme Kitzul. Mme D.R. se tenait face au gendarme Kitzul et consultait son téléphone cellulaire.

[125] Mme D.R. a déclaré que le gendarme Kitzul était venu derrière elle. Elle a aperçu un éclat de lumière à côté de sa tête. Elle s’est rendu compte que le gendarme Kitzul avait mis le feu à ses cheveux. Une fois le feu sur les cheveux éteint, le gendarme Kitzul a simplement dit qu’il ne savait pas qu’elle utilisait du fixatif pour cheveux. Bouleversée, elle s’est rendue aux toilettes pour constater les dégâts. Elle s’est rendue chez le coiffeur et s’est fait couper un centimètre de cheveux pour enlever la partie endommagée. L’incident l’a effrayée.

[126] Le gendarme Kitzul a déclaré que son sous-sol était assez désordonné, et que par conséquent l’endroit où ils jouaient aux fléchettes était plutôt petit. Le gendarme Kitzul était en train d’allumer une cigarette lorsque l’arrière des cheveux de Mme D.R. a pris feu. Le gendarme Kitzul a rapidement éteint le feu avec sa main. Il s’agissait d’un accident. Le gendarme Kitzul a eu l’impression que Mme D.R. était « un peu fâchée ». Le gendarme Kitzul a peut-être présenté des excuses.

[127] En contre-interrogatoire, le gendarme Kitzul a déclaré que lui et Mme D.R. se trouvaient si près l’un de l’autre qu’ils se seraient peut-être touchés quand ses cheveux ont pris feu. Le gendarme Kitzul savait que les cheveux sont inflammables. Le gendarme Kitzul ne sait pas pourquoi il pensait que Mme D.R. utilisait du fixatif pour cheveux. Le gendarme Kitzul ne se souvient pas non plus s’il avait bu à ce moment-là.

Mes conclusions

[128] Le gendarme Kitzul savait que les cheveux sont inflammables. Le gendarme Kitzul savait ou aurait raisonnablement dû savoir que le fait de mettre le feu aux cheveux de Mme D.R. était susceptible de lui causer un préjudice, même si ce préjudice se limitait à ses cheveux. Le gendarme Kitzul a mis le feu aux cheveux de Mme D.R. en allumant une cigarette à proximité alors qu’elle utilisait son téléphone cellulaire. En agissant de la sorte, le gendarme Kitzul a endommagé les cheveux de Mme D.R. Bien que petit, le sous-sol du gendarme Kitzul était suffisamment grand pour y jouer aux fléchettes; par conséquent, le gendarme Kitzul avait suffisamment d’espace dans le sous-sol pour allumer une cigarette en toute sécurité. Par ailleurs, le gendarme Kitzul aurait pu se rendre dans le garage où le gendarme Kitzul a dit, en rapport avec l’allégation 6, pouvoir aller fumer.

[129] L’énoncé détaillé 4 de cette allégation indique qu’en mettant le feu aux cheveux de Mme D.R., le gendarme Kitzul a commis des voies de fait, ce qui nécessite une preuve d’intention. Le gendarme Kitzul affirme qu’il s’agissait d’un accident. Je rejette l’affirmation du gendarme Kitzul selon laquelle il s’agissait d’un accident. Cette affirmation ne concorde tout simplement pas avec les éléments de preuve. Je ne pense pas non plus que l’autorité disciplinaire ait démontré, selon la prépondérance des probabilités, que le gendarme Kitzul avait réellement l’intention de mettre le feu aux cheveux de Mme D.R. J’estime que les gestes du gendarme Kitzul ont démontré une insouciance déréglée ou téméraire à l’égard de la sécurité de Mme D.R., ce qui est suffisant pour établir l’acte visé par cette allégation. Aucune excuse n’a été trouvée pour justifier un tel acte. Par conséquent, l’allégation 7 est établie.

Conclusion sur les actes qui constituent le comportement allégué

[130] En résumé, j’ai conclu que l’autorité disciplinaire avait établi, selon la prépondérance des probabilités, que le gendarme Kitzul avait commis les actes suivants :

  1. Il a fait des commentaires humiliants et abaissants à l’égard de Mme D.R., notamment en disant qu’elle était grosse ou en utilisant des mots à cet effet et qu’elle ne pouvait pas se défendre.
  2. Il a brusquement bloqué la tête de Mme D.R., ce qui lui a fait perdre le souffle, l’a étouffée et l’a fait tousser.
  3. Lors d’une soirée entre amis, il a plaqué Mme D.R. au sol, lui a coincé les bras derrière le dos et l’a pincée entre les jambes.
  4. À plusieurs reprises, alors qu’il jouait aux fléchettes dans le sous-sol du domicile du gendarme Kitzul, il a frappé Mme D.R. sur les fesses ou les jambes avec des objets tels qu’une raquette de ping-pong, un petit bâton de hockey en plastique et un morceau de piste de course en plastique.
  5. Il a tiré sur Mme D.R. avec une arme à balles BB à plus d’une reprise et a atteint Mme D.R. avec un coup de cette arme au moins une fois.
  6. Il a donné plusieurs coups de poing à Mme D.R., dont deux coups plus légers dans les côtes et un coup plus violent à la tête, dans le chalet de pêche.
  7. Il a conduit un véhicule à moteur avec facultés affaiblies sous l’effet de l’alcool.
  8. Il a par insouciance mis le feu aux cheveux de Mme D.R. alors qu’il allumait une cigarette.

Le gendarme Kitzul est-il responsable du comportement allégué?

[131] Le deuxième élément constitutif du critère de la conduite déshonorante est l’identité du membre. La preuve établit clairement que le gendarme Kitzul est le membre responsable du comportement allégué.

Le comportement du gendarme Kitzul est-il susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie?

[132] Le critère du comportement susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie est de savoir comment une personne raisonnable dans la société informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier, percevrait le comportement en question.

[133] L’autorité disciplinaire a simplement fait valoir que le gendarme Kitzul s’était livré à des actes de violence entre partenaires intimes et à un incident de conduite avec facultés affaiblies. Une personne raisonnable informée des circonstances, y compris des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier, percevrait ces actes comme susceptibles de jeter le discrédit sur la GRC.

[134] Le gendarme Kitzul a fait valoir que son comportement ne constituait pas une conduite déshonorante.

[135] Je suis d’accord avec le gendarme Kitzul lorsqu’il qualifie de puéril le comportement brutal entre lui et Mme D.R. Pour être franc, ce comportement se situe bien en deçà de la norme de conduite que le grand public et la Gendarmerie sont en droit d’attendre des membres de la GRC, qu’ils soient en service ou non. Les commentaires humiliants et abaissants que le gendarme Kitzul a adressés à Mme D.R. entrent dans la même catégorie. Lorsqu’un tel comportement se produit en privé, il est peu probable qu’il jette le discrédit sur la Gendarmerie. Cependant, une grande partie de ce comportement puéril s’est produit en public et de nombreux gestes du gendarme Kitzul ont franchi la limite entre un comportement puéril et un comportement agressif. Tous les témoins civils ont conclu que le comportement du gendarme Kitzul au cours de sa relation avec Mme D.R. était, pour le moins, déplacé.

[136] Les comités de déontologie, dont je fais partie, ont toujours estimé qu’un comportement agressif commis par un membre de la Gendarmerie, qu’il soit au travail ou non, à l’égard d’un partenaire intime, et la conduite d’un véhicule à moteur avec les facultés affaiblies par l’alcool ou par la drogue constituent des comportements déshonorants ou susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Les voies de fait et la conduite avec facultés affaiblies sont des comportements auxquels les membres de la GRC sont confrontés quotidiennement dans le cadre de leurs activités d’application de la loi. La société attend des policiers qu’ils respectent les lois qu’ils sont chargés de faire respecter. Je ne vois aucune raison de déroger à ces conclusions dans ce cas-ci. Il ne fait aucun doute qu’une personne raisonnable dans la société informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier, percevrait les actions établies du gendarme Kitzul comme étant susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[137] Par conséquent, l’autorité disciplinaire a établi cet élément du critère selon la prépondérance des probabilités.

Le comportement du gendarme Kitzul est-il suffisamment lié aux devoirs et fonctions du gendarme Kitzul pour que la Gendarmerie ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit?

[138] L’autorité disciplinaire a fait valoir que la GRC avait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à l’endroit du gendarme Kitzul pour les raisons suivantes :

  1. La violence entre partenaires intimes est une infraction à laquelle les membres sont tenus de réagir et constitue « l’un des problèmes les plus répandus de notre société »;
  2. Les actions du gendarme Kitzul peuvent nuire à sa capacité d’enquêter au sujet d’actes de violence entre partenaires intimes et de conduite avec facultés affaiblies; le public perdrait confiance dans la capacité du gendarme Kitzul d’enquêter sur ces questions.

[139] Le gendarme Kitzul a soutenu que l’exigence de la Loi sur la GRC selon laquelle les membres doivent être respectueux en tout temps ne supplante pas le principe de longue date en matière d’emploi selon lequel les employés ont droit à une vie privée, et qu’il doit y avoir un lien justifiant des mesures disciplinaires professionnelles.

[140] Aux paragraphes 13 à 17 des observations du gendarme Kitzul et en se référant à la décision Lingl[6], le gendarme Kitzul déclare que le critère établi pour le lien avec la conduite des agents de police en dehors de leurs heures de travail contient plusieurs facteurs, chacun d’entre eux pouvant établir le lien avec l’emploi du membre. Ces facteurs sont les suivants :

  1. Lorsque le comportement de l’agent porte atteinte à la réputation ou à la crédibilité du service de police.
  2. Lorsque le comportement de l’agent entraîne son incapacité à exercer ses fonctions de manière satisfaisante.
  3. Lorsque le comportement de l’agent entraîne le refus, la réticence ou l’incapacité des autres agents ou employés à travailler avec lui.
  4. Lorsque l’agent a enfreint la loi d’une manière qui porte atteinte à la réputation du service et de ses membres.
  5. Lorsque le comportement de l’agent empêche le service de remplir ses fonctions de manière appropriée, de gérer son travail de manière efficace ou de diriger son personnel en toute efficacité.

[141] Le gendarme Kitzul a souligné qu’il n’y avait pas de lien justifiant une action disciplinaire. Le comportement du gendarme Kitzul « n’équivalait pas à une agression criminelle ou à une accusation criminelle et ne risquait pas d’obscurcir le jugement du gendarme Kitzul dans le cadre d’une enquête sur d’éventuels crimes ». Le gendarme Kitzul a indiqué que son comportement découlait d’une relation puérile avec une partenaire consentante. Les personnes travaillant pour la GRC ont droit à une vie privée. En l’absence de tout lien avec la fonction du membre, la GRC ne peut pas prendre de mesures disciplinaires à l’encontre d’un membre pour des raisons liées à sa vie privée. Le gendarme Kitzul a ajouté que la relation privée et consensuelle du gendarme Kitzul avec Mme D.R. ne mettrait pas en cause la réputation ou la crédibilité de la GRC et ne lui porterait pas préjudice. Bien que les allégations portent sur des incidents multiples, elles découlent toutes d’une seule relation; par conséquent, dans le pire des cas, il s’agirait de l’inconduite isolée d’un seul agent de police. Les actions du gendarme Kitzul ne peuvent pas nuire au zèle ou à la réputation de la GRC. De plus, rien ne prouve que les actions du gendarme Kitzul affecteraient le rendement du gendarme Kitzul au travail.

[142] En réponse aux observations du gendarme Kitzul, l’autorité de déontologie a fait valoir que la nature criminelle des allégations constitue un lien suffisant pour discipliner un policier hors service. L’avis d’audience disciplinaire comporte de multiples actes de violence conjugale à l’endroit de Mme D.R. sur une longue période. Toutes les personnes impliquées dans cette affaire savaient que le gendarme Kitzul était un agent de police. C’est pour cette raison qu’elles ont hésité à signaler le comportement du gendarme Kitzul.

[143] Les actes déshonorants qui, selon mes conclusions, ont été commis par le gendarme Kitzul se sont tous produits alors que ce dernier était hors service. La version annotée 2014 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada, explique, à la page 8, en quoi une conduite dans la vie personnelle peut être suffisamment liée aux fonctions d’un membre :

[…]

En tant que membre de la GRC, vous avez choisi une profession unique pour laquelle les normes de conduites sont élevées. Il s’agit d’une responsabilité qui est constante. La relation entre un membre et la Gendarmerie n’est pas la même que celle qui existe entre un citoyen et le gouvernement. Votre conduite, peu importe que vous soyez en service ou en congé, sera examinée minutieusement en raison de votre statut de policier.

Toute conduite qui soulève un doute quant à votre intégrité, à votre honnêteté ou à votre moralité peut réduire l’efficacité en ce qui concerne l’exécution de vos fonctions et amènera le public à perdre confiance en la Gendarmerie. Les responsabilités décrites dans le code de déontologie visent à favoriser la prise de décisions éthiques éclairées qui vont au-delà des limites du milieu de travail. En vous acquittant de ces responsabilités, vous répondrez aux attentes professionnelles de la Gendarmerie et des Canadiens.

[…]

[144] Je suis d’accord avec le gendarme Kitzul pour dire que le comportement puéril non criminel qui s’est produit entre lui et Mme D.R. en privé et avec le consentement de Mme D.R. n’a pas nui à la réputation ou à la crédibilité de la GRC et n’a pas non plus empêché le gendarme Kitzul de s’acquitter de ses fonctions de manière satisfaisante.

[145] Je suis en désaccord avec la déclaration du gendarme Kitzul selon laquelle son comportement n’équivalait pas à des voies de fait criminelles ou à des accusations criminelles ni avec le fait qu’il s’agit d’une inconduite isolée de la part d’un agent de police. Les énoncés détaillés 2.a, b et c de l’allégation 1 et les allégations 2, 3, 4 et 7 se rapportent à des questions qui relèvent de comportements auxquels les membres de la Gendarmerie font face quotidiennement dans le cadre de leurs activités quotidiennes d’application de la loi. Ces incidents se sont produits au cours d’une longue série d’événements sur une période de 12 mois, à différents endroits, en présence de civils que la GRC est censée protéger. Au travail ou dans la vie personnelle, les membres de la GRC sont perçus par le public comme des personnes en position d’autorité dans leurs collectivités. Le public s’attend à juste titre à ce que les policiers se conduisent avec respect et courtoisie en tout temps.

[146] En outre, en réponse à la plainte de Mme D.R., la GRC a porté des accusations criminelles contre le gendarme Kitzul pour voies de fait, agression armée et conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies. Les médias ont rapporté le dépôt des accusations criminelles. Le gendarme Kitzul a été identifié comme membre de la GRC dans ces reportages médiatiques. Le gendarme Kitzul a comparu devant le même tribunal pénal que les personnes que le gendarme Kitzul avait accusées d’infractions pénales au cours des 12 dernières années. Le procès pénal du gendarme Kitzul s’est déroulé dans cette même salle d’audience. Le procès était ouvert au public.

[147] L’issue de l’accusation criminelle du gendarme Kitzul n’a pas été déterminée par le juge de première instance, mais a fait suite à la suspension de la procédure demandée par le procureur de la Couronne. Le procureur de la Couronne n’a pas fourni d’explication claire concernant cette décision dans la salle d’audience publique. Les actes du gendarme Kitzul mettent en doute l’intégrité morale du gendarme Kitzul.

[148] De plus, Roblin est une petite communauté rurale. Comme c’est le cas dans de nombreuses collectivités similaires au Canada où la GRC fournit des services de police, tout le monde se connaît et connaît les affaires des uns et des autres. Après 12 ans dans la collectivité, bon nombre de ses citoyens étaient au courant des affaires personnelles du gendarme Kitzul, y compris probablement des détails de sa relation avec Mme D.R.; par conséquent, les actes du gendarme Kitzul risquent de compromettre l’efficacité du gendarme Kitzul dans l’exercice de ses fonctions et d’amener le public à perdre confiance dans la Gendarmerie. Ainsi, je conclus que la conduite du gendarme Kitzul est suffisamment liée à ses fonctions pour que la GRC ait un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son égard.

[149] Par conséquent, l’autorité disciplinaire a établi cet élément du critère selon la prépondérance des probabilités.

Conclusion sur les allégations

[150] En s’appuyant sur l’analyse qui précède, l’autorité disciplinaire a établi les quatre éléments du critère de la conduite déshonorante dans les allégations 1, 2, 3, 4 et 7. Ces allégations sont établies. L’autorité disciplinaire n’a pas établi les quatre éléments du critère pour les allégations 5 et 6; par conséquent, ces allégations ne sont pas établies.

MESURES DISCIPLINAIRES

[151] Ayant conclu que cinq des sept allégations étaient fondées, je suis tenu, en vertu du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, d’imposer au moins l’une des mesures disciplinaires prévues dans ce paragraphe. Ces mesures disciplinaires comprennent le congédiement, l’ordre de démissionner et « une ou plusieurs des mesures disciplinaires prévues dans les règles ». Les mesures de conduite « prévues dans les règles » figurent aux articles 3, 4 et 5 des Consignes du commissaire (déontologie).

Propositions des parties quant aux mesures disciplinaires

Proposition de l’autorité disciplinaire

[152] L’autorité disciplinaire a demandé que je congédie le gendarme Kitzul de la GRC ou, subsidiairement, que j’ordonne au gendarme Kitzul de démissionner de la Gendarmerie, à titre de sanction globale. La demande de l’autorité disciplinaire repose sur le fait que, bien que les mesures disciplinaires soient censées être correctives et éducatives, la GRC a le droit et l’obligation de prévenir et de dissuader toute conduite inacceptable de ses membres au regard de ses objectifs et buts organisationnels ainsi que de l’intérêt public[7].

[153] La GRC a adopté une position ferme contre la violence entre partenaires intimes, aussi bien dans ses activités d’application de la loi, comme en témoignent ses politiques[8], qu’en ce qui concerne la conduite de ses membres, comme le montrent les décisions antérieures du comité de déontologie[9]. Le gendarme Kitzul a enfreint les valeurs fondamentales de la GRC. Le gendarme Kitzul n’a pas respecté les normes éthiques et sociales de la GRC. Par conséquent, les actes du gendarme Kitzul ont fondamentalement rompu la relation de travail.

[154] Le gendarme Kitzul a fait preuve d’un « manque de reconnaissance flagrant » dans ses actes. Le gendarme Kitzul a minimisé ses actes tout au long de son témoignage. Le gendarme Kitzul a fait preuve d’une attitude dédaigneuse et cavalière envers le processus de conduite en général. Le gendarme Kitzul n’a manifesté aucun remords, bien qu’il ait eu l’occasion de le faire à l’étape des mesures de conduite de l’audience disciplinaire. Ce type de comportement, conjugué aux deux affaires disciplinaires antérieures du gendarme Kitzul, ne laisse rien présager de bon concernant les perspectives de réadaptation du gendarme Kitzul.

[155] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont fourni une longue liste de circonstances aggravantes, dont la plupart sont incluses dans mon analyse des facteurs de proportionnalité exposée plus loin dans la présente décision.

Présentation du gendarme Kitzul

[156] Le gendarme Kitzul a maintenu qu’il serait approprié d’imposer la confiscation d’une partie importante de la solde ou une réduction de la banque de congés annuels, soit en fonction de chaque allégation établie, soit en tant que sanction globale. Le gendarme Kitzul a également suggéré que si j’estime que la pénalité financière proposée n’est pas suffisante, il serait préférable d’ordonner à l’intéressé de démissionner de la Gendarmerie plutôt que de le congédier. Le gendarme Kitzul a fait remarquer que le comité de déontologie dans l’affaire Sandhu[10] avait établi que les mesures disciplinaires applicables aux allégations de violence entre partenaires intimes se situaient entre la confiscation de la solde pendant 40 jours et le congédiement; par conséquent, une pénalité financière importante figure dans la fourchette des mesures appropriées. Le gendarme Kitzul a ajouté que la confiscation de la solde semble ne pas devoir dépasser 60 jours à l’heure actuelle.

[157] Le gendarme Kitzul a reconnu qu’il était important que les membres de la GRC fassent respecter la loi. Le gendarme Kitzul a déclaré que les éléments de preuve ne permettaient pas d’étayer l’affirmation de l’autorité disciplinaire selon laquelle le gendarme Kitzul ne comprenait pas les problèmes liés à la violence conjugale. Le gendarme Kitzul a insisté sur le fait que, en dépit des deux affaires de déontologie antérieures du gendarme Kitzul et de ses actes liés à cette procédure disciplinaire, il y a « peu de chances qu’il récidive ».

[158] Tous les cas fournis par l’autorité disciplinaire comme précédents pour une demande de démission ou de congédiement sont plus graves en ce qui concerne le degré ou la durée de la violence entre partenaires intimes. Par conséquent, je devrais, au mieux, considérer que le comportement du gendarme Kitzul correspond à la fourchette normale des mesures disciplinaires. Au pire, la conduite du gendarme Kitzul relativement à la conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies et à la violence entre partenaires intimes avec utilisation d’armes se situe à l’extrémité inférieure de la fourchette des infractions aggravées.

[159] Enfin, le gendarme Kitzul a admis que l’attention accordée par les médias à l’inconduite d’un membre de la GRC peut nuire à la réputation de la GRC; toutefois, il n’y a aucun moyen de connaître la réaction du public à ces reportages médiatiques en général, et encore moins la réaction du public aux reportages médiatiques concernant l’affaire du gendarme Kitzul en particulier. Par conséquent, je ne devrais accorder aucun poids à l’allégation de l’autorité disciplinaire selon laquelle l’attention accordée par les médias à l’affaire du gendarme Kitzul a entaché la réputation de la GRC.

Modernisation de l’approche de la GRC en matière de mesures disciplinaires

[160] Dans un effort pour moderniser le mode d’administration des mesures disciplinaires par la GRC, les comités de déontologie de la GRC, dont je fais partie, s’éloignent du cadre quelque peu désuet établi par le Comité externe d’examen de la GRC avant l’entrée en vigueur des dispositions modifiées de la Loi sur la GRC, le 28 novembre 2014. L’approche modernisée vise à déterminer et à administrer les mesures disciplinaires appropriées en appliquant cinq principes fondamentaux.

[161] En février 2022, un rapport sur l’application des mesures disciplinaires en cas d’inconduite à caractère sexuel au sein de la Gendarmerie[11] a été remis à la GRC. Malgré sa portée quelque peu étroite, le rapport donne un aperçu et contient des recommandations relatives à l’imposition de mesures disciplinaires en général. À la page 28, les auteurs du rapport résument cinq principes qui, selon eux, sont fondamentaux pour « le processus d’établissement de mesures disciplinaires appropriées », à savoir :

[…]

1. Une mesure disciplinaire doit pleinement obéir aux objectifs suivants du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires contre la police :

i. l’intérêt du public : il est nécessaire que la GRC observe des normes de conduite élevées, et que la confiance du public à l’endroit de la GRC soit maintenue;

ii. les intérêts de la GRC sont liés au double rôle qu’elle exerce en sa qualité d’employeur responsable du maintien de l’intégrité et de la discipline en milieu de travail policier, et en sa qualité « d’organisme public responsable de la sécurité du public »;

iii. le membre visé droit d’être traité de manière équitable;

iv. lorsque d’autres personnes sont touchées, les intérêts de ces personnes (par exemple, les plaignants qui sont membres du public ou les autres employés de la GRC) – sont pris en compte.

2. Les mesures correctives doivent prévaloir, s’il y a lieu.

3. Il existe une présomption voulant que la mesure la moins sévère possible soit retenue, mais cette présomption est réfutée dans les cas où l’intérêt du public ou d’autres facteurs précis doivent prévaloir.

4. La proportionnalité;

5. Une norme plus rigoureuse s’applique à la conduite des policiers, comparativement aux autres employés, essentiellement parce qu’ils sont en position de confiance.

[…]

Application des cinq principes fondamentaux

[162] Ces cinq principes fondamentaux sont reconnus et utilisés ailleurs dans la communauté policière canadienne et, de manière générale, dans d’autres domaines pertinents des relations de travail. J’ai déjà abordé de nombreux aspects de ces principes dans la partie relative aux allégations de la présente décision. Je m’efforcerai de les appliquer ici sans trop me répéter.

Application de la partie IV de la Loi sur la GRC

[163] La partie IV de la Loi sur la GRC traite des procédures de plainte et de déontologie de la GRC. L’article 36.2 de la Loi sur la GRC définit l’objet de la partie IV :

36.2 La présente partie a pour objet :

a) d’établir les responsabilités des membres;

b) de prévoir l’établissement d’un code de déontologie qui met l’accent sur l’importance de maintenir la confiance du public et renforce les normes de conduite élevées que les membres sont censés observer;

c) de favoriser la responsabilité et la responsabilisation des membres pour ce qui est de promouvoir et de maintenir la bonne conduite au sein de la Gendarmerie;

d) d’établir un cadre pour traiter les contraventions aux dispositions du code de déontologie de manière équitable et cohérente au niveau le plus approprié de la Gendarmerie;

e) de prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives.

[164] Les objectifs énoncés dans la partie IV de la Loi sur la GRC reflètent les quatre objectifs énoncés par les auteurs du document Phase 1 – Rapport final. Ma tâche consiste à équilibrer les intérêts divergents de la communauté dans son ensemble – la GRC, en tant qu’employeur et organisme public; le gendarme Kitzul, en tant que membre visé; et les tiers concernés, Mme D.R. et ses parents – afin de déterminer la mesure ou les mesures disciplinaires à prendre.

Les mesures correctives devraient prévaloir

[165] L’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC précise que les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances de chaque cas et, s’il y a lieu, elles devraient être éducatives et correctives plutôt que punitives.

[166] La demande formulée par l’autorité disciplinaire en vue du congédiement du gendarme Kitzul, la confiscation de la solde pendant 60 jours, suggérée par le gendarme Kitzul, et la demande de démission suggérée par les deux parties n’ont aucune valeur corrective. Les trois options sont strictement punitives. Le fait que les parties conviennent que le gendarme Kitzul doit se voir imposer des mesures strictement punitives montre que les mesures éducatives ou correctives ne sont pas justifiées compte tenu de la nature de la conduite et des circonstances de l’affaire.

Présomption de la mesure la moins sévère possible

[167] Comme indiqué dans le résumé des cinq principes fondamentaux, la présomption de la disposition la moins sévère possible peut être réfutée dans les cas où l’intérêt du public ou d’autres facteurs doivent prévaloir. L’intérêt du public et d’autres considérations sont en jeu et doivent prévaloir.

[168] La GRC a une politique de tolérance zéro à l’égard de la violence entre partenaires intimes. Dans la décision Rendell[12], la Cour fédérale a confirmé que les comités de déontologie de la GRC peuvent, dans le cadre des mesures disciplinaires, appliquer la politique de tolérance zéro de la GRC dans les affaires de violence familiale. Une politique de tolérance zéro ne signifie pas le renvoi automatique ou présumé d’un membre en infraction. Elle signifie plutôt que la conduite d’un membre impliquant de la violence entre partenaires intimes ne sera pas tolérée et sera traitée avec sérieux, tout en tenant compte des circonstances propres à chaque cas.

[169] Dans la décision Wilson[13], le comité de déontologie a relevé les préoccupations d’intérêt public relatives à la conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies lorsqu’il a écrit : « La conduite en état d’ébriété est un problème fortement médiatisé au Canada depuis plusieurs années. À cause d’elle, des milliers de Canadiens sont tués ou blessés chaque année. Les policiers sont bien informés de ces faits […] ».

[170] Bien que le gendarme Kitzul n’ait tué ou blessé personne, ni même causé de dommages matériels, il n’en demeure pas moins que les conséquences auraient pu être très différentes. Le gendarme Kitzul a commis une grave erreur dans sa vie professionnelle et personnelle en choisissant de conduire sous l’emprise de l’alcool.

Proportionnalité

[171] L’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC et le paragraphe 24 (2) des Consignes du commissaire (déontologie) précisent tous les deux que les mesures disciplinaires doivent être adaptées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie.

[172] L’application de ce quatrième principe est similaire au cadre établi par le Comité externe d’examen de la GRC dans le cadre de l’ancien système disciplinaire de la GRC. En vertu de ce cadre, les comités de déontologie devaient déterminer les mesures disciplinaires appropriées, puis examiner les circonstances atténuantes et aggravantes afin de retenir les mesures disciplinaires appropriées à chaque cas. Jusqu’à tout récemment, les comités de déontologie appliquaient ce critère pour déterminer les mesures disciplinaires adéquates.

[173] Selon l’approche modernisée, les comités de déontologie doivent d’abord identifier les facteurs de proportionnalité pertinents, puis évaluer si chaque facteur identifié est atténuant ou aggravant. Enfin, le comité de déontologie doit équilibrer ou pondérer ces considérations pour parvenir aux mesures disciplinaires appropriées.

Identification des facteurs de proportionnalité

[174] Dans la présente affaire, les facteurs de proportionnalité que j’ai identifiés sont les suivants :

  • L’intérêt public;
  • La gravité;
  • La reconnaissance de la gravité de l’inconduite;
  • L’existence d’un handicap et d’autres circonstances personnelles pertinentes;
  • La possibilité de réformer ou de réhabiliter;
  • La parité (uniformité des décisions);
  • La dissuasion générale;
  • L’atteinte à la réputation de la GRC.

Évaluation des facteurs de proportionnalité

L’intérêt public

[175] J’ai déjà examiné la plupart des considérations pertinentes concernant l’intérêt public dans mon analyse à l’étape des allégations. En fait, même si le gendarme Kitzul a commis ses actes dans sa vie privée, le public et la GRC ont tout intérêt à ce que le gendarme Kitzul soit amené à rendre des comptes afin d’assurer l’intégrité du processus de déontologie de la GRC et de protéger le public. Étant donné la nature de la conduite du gendarme Kitzul et le lien direct entre ses actes et les fonctions d’application de la loi lui incombant, l’intérêt public favorise l’adoption de mesures disciplinaires significatives.

La gravité

[176] La gravité de la conduite est une considération fondamentale dans presque toutes les procédures disciplinaires. Bien que les accusations criminelles portées contre le gendarme Kitzul aient été suspendues, sa conduite dans les cinq allégations établies était de nature criminelle, et donc grave. La conduite avec facultés affaiblies d’un véhicule à moteur et la violence entre partenaires intimes sont depuis longtemps des sujets de préoccupation pour le public, la police et le système de justice pénale.

[177] L’inconduite du gendarme Kitzul s’est produite sur une période importante de la relation du gendarme Kitzul avec Mme D.R., qui a duré deux ans. Ce comportement n’était pas isolé. Le comportement violent du gendarme Kitzul a impliqué l’utilisation d’armes, y compris l’arme à balles BB et d’autres objets tels que la raquette de ping-pong, le bâton de hockey en plastique et le morceau de piste de course en plastique. Il a tiré sur Mme D.R. avec l’arme à balles BB et l’a frappée avec des objets à plusieurs reprises.

[178] Bien que le gendarme Kitzul n’ait pas causé à Mme D.R. de blessure physique nécessitant des soins médicaux, ses actes ont néanmoins causé un préjudice à Mme D.R. et à ses parents. J’ai recueilli le témoignage de Mme D.R., de M. D.R., de Mme G.R. et de l’oncle D.R. au sujet de ce préjudice lors de l’audience disciplinaire et dans le cadre des déclarations de Mme D.R. et de Mme G.R. sur les conséquences de ces actes.

[179] Ce facteur de proportionnalité se situe dans la fourchette des cas graves.

La reconnaissance de la gravité de l’inconduite

[180] La reconnaissance de la gravité de l’inconduite suppose que le membre se rende compte de la gravité de sa conduite, qu’il accepte la responsabilité de ses actes et qu’il fasse preuve de remords.

[181] Je souscris à l’affirmation du représentant du membre visé selon laquelle le droit d’un membre d’apporter une réponse et une défense complètes aux allégations dans le cadre d’une audience contestée « ne devrait pas être retenu contre lui ». Cependant, les éléments de preuve démontrent que pendant la période visée par les allégations, le gendarme Kitzul n’avait pas conscience de la gravité de sa conduite. Il semble que le gendarme Kitzul n’ait toujours pas pris conscience de la gravité de sa conduite et qu’il n’en ait pas non plus accepté la responsabilité. Le gendarme Kitzul a banalisé ses actes tout au long de son témoignage et a qualifié bon nombre de ses actes de « blague » ou de plaisanterie avec Mme D.R. Le gendarme Kitzul a également fait preuve d’une attitude dédaigneuse et cavalière à l’égard du processus d’examen des mesures disciplinaires en général. Le gendarme Kitzul n’a pas non plus fait preuve de remords, bien qu’il ait eu l’occasion de le faire à l’étape des mesures disciplinaires de l’audience disciplinaire. Il s’agit là de circonstances aggravantes.

L’existence d’un handicap et d’autres circonstances personnelles pertinentes

[182] En tant que facteur de proportionnalité, le handicap et les circonstances personnelles atténuantes peuvent servir de circonstances atténuantes pour le gendarme Kitzul. Avant la période visée par les allégations, le gendarme Kitzul a vécu plusieurs revers dans sa vie personnelle, notamment sa séparation d’avec la mère de ses deux enfants. Le gendarme Kitzul a également eu des problèmes continus à l’épaule, ce qui est devenu un facteur influant sur son comportement dans sa relation avec Mme D.R. D’autres documents qui m’ont été fournis indiquent que le gendarme Kitzul a été diagnostiqué comme souffrant d’un traumatisme lié au stress opérationnel et de plusieurs autres troubles psychologiques.

[183] Bien que je comprenne la situation du gendarme Kitzul à l’époque en cause jusqu’à aujourd’hui, ma compréhension de cette situation demeure limitée. Le gendarme Kitzul a eu l’occasion de fournir des preuves médicales pour m’aider à comprendre pleinement sa situation médicale et personnelle, mais il a choisi de ne pas le faire de façon significative.

[184] Le gendarme Kitzul m’a demandé de reporter l’étape des mesures disciplinaires de l’audience disciplinaire afin de lui laisser le temps de demander un licenciement pour raisons médicales. J’ai rejeté la requête au motif que, même si le gendarme Kitzul avait récemment renoué avec les services de santé de la Division D et assisté à une clinique de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, le gendarme Kitzul était au courant de ses problèmes de santé physique et psychologique depuis au moins le 31 janvier 2019, comme en attestent les documents qui m’ont été fournis à l’appui de la requête du gendarme Kitzul. Le gendarme Kitzul a été suspendu avec solde en mai 2019. Ainsi, le gendarme Kitzul avait presque trois ans et demi pour régler ces problèmes. Pourtant, ce n’est que récemment que le gendarme Kitzul a choisi de traiter ces problèmes. Les efforts du gendarme Kitzul sont, malheureusement pour lui, « un peu trop tard ».

[185] Les lettres d’appuie fournies par le gendarme Kitzul suggèrent qu’il a atteint un niveau de stabilité et que sa vie personnelle actuelle comporte des aspects positifs. Ces éléments sont encourageants; toutefois, l’absence de preuves tangibles attestant d’un handicap et de circonstances personnelles atténuantes confère à ce facteur de proportionnalité un caractère neutre ou, au mieux, modérément atténuant.

La possibilité de réformer ou de réhabiliter

[186] La possibilité de réformer ou de réhabiliter est étroitement liée aux facteurs concernant les remords et les antécédents professionnels, et doit être considérée comme un facteur de décision dans toutes les procédures disciplinaires[14].

[187] La présente procédure disciplinaire se déroule dans le contexte d’une relation employeur-employé. Pourtant, je ne dispose d’aucune information sur le gendarme Kitzul en milieu de travail, si ce n’est le fait que le gendarme Kitzul a déjà fait l’objet de deux affaires de déontologie.

[188] Le 17 juillet 2012, le gendarme Kitzul a été reconnu coupable d’avoir eu une conduite déshonorante au titre du paragraphe 39(1) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (1988) (DORS/88-361), dans le cadre d’un incident de ménage. Le gendarme Kitzul s’est disputé avec son ancienne conjointe de fait. Après la dispute, l’ex-conjointe de fait du gendarme Kitzul a glissé et est tombée sur de la glace. Le gendarme Kitzul l’a aidée à se relever en saisissant le col de sa veste. Un facteur important qui a été pris en compte par le décideur est le fait que ces événements se sont produits devant leurs deux enfants. Le gendarme Kitzul a fait l’objet d’un blâme et de la réduction d’un jour de congé régulier.

[189] En mai 2016, le gendarme Kitzul a été reconnu coupable de négligence dans le devoir, en contravention à l’article 4.2 du Code de déontologie. Le constat de négligence dans le devoir n’est pas nécessairement pertinent pour une allégation de conduite déshonorante, mais dans ce cas, le devoir négligé par le gendarme Kitzul était lié à une plainte de violence familiale déposée par un résident local. Le gendarme Kitzul a manqué à son devoir d’ouvrir un dossier, et encore moins d’enquêter correctement sur l’affaire. Une fois l’enquête menée correctement, deux accusations criminelles ont été portées contre l’auteur présumé de la violence. Le gendarme Kitzul a fait l’objet d’un blâme et de la confiscation de la solde de deux jours. Le gendarme Kitzul a également été sommé de relire la politique de la Division en matière de violence familiale et de suivre un cours en ligne sur ce sujet.

[190] Le fait que le gendarme Kitzul n’ait apparemment pas tiré de leçons de ces deux affaires disciplinaires antérieures n’augure rien de bon pour les perspectives de sa réhabilitation, pas plus que le fait que le gendarme Kitzul n’ait pas fait preuve d’un quelconque remords. Il s’agit là d’une circonstance aggravante considérable.

La parité des sanctions

[191] Dans l’intérêt de l’uniformité des décisions, la notion sous-jacente de parité des sanctions signifie que les comportements similaires doivent être traités de la même manière. Les cas fournis par l’autorité disciplinaire à l’appui de la demande de congédiement démontrent qu’il existe un large éventail de mesures disciplinaires appropriées, y compris le congédiement. Comme l’a souligné le représentant du membre visé, aucun de ces cas n’est en rapport direct avec la question. Tous ces cas sont plus graves en termes de degré ou de durée de la violence entre partenaires intimes. Néanmoins, les comités de déontologie, dont je fais partie, ont conclu que les affaires impliquant toute forme de violence entre partenaires intimes peuvent justifier le licenciement d’un membre de la Gendarmerie, qu’il s’agisse d’un congédiement ou d’un ordre de démission.

[192] Les comités de déontologie ont également traité par le passé des cas de conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies, pour lesquels le congédiement est tout à fait envisageable dans les circonstances appropriées.

[193] Compte tenu de mes conclusions sur la gravité de la conduite du gendarme Kitzul en ce qui concerne la violence entre partenaires intimes et la conduite d’un véhicule à moteur avec facultés affaiblies, ce facteur de proportionnalité se situe dans la fourchette des cas graves.

La dissuasion spécifique et générale

[194] La dissuasion spécifique et générale sont deux objectifs légitimes du processus de déontologie de la GRC. Le nombre de cas de violence entre partenaires intimes et de conduite avec facultés affaiblies dont sont saisis les comités de déontologie de la GRC, en dépit de la politique de tolérance zéro appliquée par la GRC à l’égard de ces deux formes d’inconduite, montre que les comités de déontologie doivent envisager sérieusement le concept de dissuasion générale comme moyen de « transmettre un message aux autres membres de la GRC » en vue de renforcer la position ferme de la GRC contre toutes les formes de violence entre partenaires intimes et de conduite avec facultés affaiblies. Par conséquent, ce facteur de proportionnalité se situe dans la fourchette des cas graves.

L’atteinte à la réputation de la GRC

[195] Le dernier facteur de proportionnalité identifié est celui de l’atteinte à la réputation de la GRC, qui n’est pas facilement vérifiable. Les comités de déontologie ont été mis en garde contre toute exagération de l’atteinte à la réputation de la GRC ou contre toute conclusion d’atteinte à la réputation de la GRC en l’absence de preuves à l’appui, car il serait inéquitable de le faire sur le plan de la procédure[15]. Cependant, les commissions d’enquêtes de police de l’Ontario déterminent depuis des années les comportements susceptibles d’entacher la réputation d’un service de police sans preuve, en appliquant un critère objectif. Le critère, formulé initialement dans la decision Girard[16] et cité dans la décision Hassan[17], est le suivant :

[TRADUCTION]

a) Le critère est avant tout objectif.

b) La Commission doit mesurer la conduite de l’agent au regard des attentes raisonnables de la collectivité.

c) Pour déterminer les attentes raisonnables de la collectivité, la Commission peut faire appel à son propre jugement, en l’absence d’éléments de preuve permettant de déterminer ce que sont les attentes raisonnables. Le comité doit se placer dans la position d’une personne raisonnable de la collectivité, qui serait impartiale et pleinement informée des circonstances de l’affaire.

d) En appliquant cette norme, la Commission doit tenir compte non seulement des faits immédiats entourant l’affaire, mais aussi de l’ensemble des règles et règlements appropriés en vigueur à l’époque.

e) En raison de la nature objective du critère, l’élément subjectif de la bonne foi mentionné dans l’affaire Shockness constitue une considération appropriée lorsque l’agent est tenu par les circonstances d’exercer [son] pouvoir discrétionnaire.

[…]

[196] L’autorité disciplinaire a fourni deux reportages médiatiques au sujet de l’accusation de voies de fait déposée contre le gendarme Kitzul, pour soutenir l’affirmation selon laquelle les actes du gendarme Kitzul ont nui à la réputation de la Gendarmerie. Le représentant du membre visé a indiqué que des recherches sur Google avaient fait apparaître d’autres articles de presse relatifs à la suspension par la Couronne des poursuites pénales engagées contre le gendarme Kitzul.

[197] L’inconduite des membres de la GRC est rapportée quotidiennement dans les médias. J’estime qu’il est raisonnable de déduire qu’avec chaque reportage médiatique sur l’inconduite d’un membre, la réputation de la GRC et la confiance du public qui en découle sont érodées dans une certaine mesure. Toutefois, à plus grande échelle, je doute que les reportages relatifs à la procédure pénale du gendarme Kitzul aient contribué de manière significative à cette érosion. Le véritable impact du comportement du gendarme Kitzul se fait sentir au niveau local.

[198] Comme je l’ai indiqué précédemment, la plupart des témoins de l’autorité disciplinaire avaient une opinion défavorable du gendarme Kitzul du fait qu’ils avaient eu au moins une mauvaise rencontre avec lui, sans rapport avec les allégations. Par conséquent, plusieurs d’entre eux souhaitaient ne pas avoir affaire au gendarme Kitzul. Leurs observations limitées à propos du gendarme Kitzul dans sa relation avec Mme D.R. n’ont fait que renforcer la piètre opinion qu’ils avaient à son sujet. Plusieurs des témoins étaient liés à d’autres membres de la GRC, qu’il s’agisse de parents ou de connaissances. Je crois qu’ils sont tous suffisamment intelligents pour distinguer les actes personnels du gendarme Kitzul de celles du reste de la GRC. Néanmoins, plusieurs de ces témoins ont reconnu le gendarme Kitzul comme étant un membre de la GRC et ont indiqué qu’ils ne s’attendaient pas à un tel comportement de la part du gendarme Kitzul. Ils ont jugé que même les comportements non criminels étaient inacceptables pour un membre de la Gendarmerie.

[199] J’ai plus de 20 ans d’expérience en tant que policier de première ligne au Manitoba. Cette expérience, bien qu’un peu ancienne, a consisté en grande partie à assurer le maintien de l’ordre dans de petites villes comme Roblin. Grâce à cette expérience, j’ai une vision pratique des attentes raisonnables de ces collectivités. Cette expérience concorde avec les attentes exprimées par les différents témoins que j’ai entendus à l’étape d’examen des allégations.

[200] En outre, dans les petites collectivités comme Roblin, tout le monde se connaît et chacun en sait long sur les affaires personnelles des autres. C’est encore plus vrai pour les membres de la GRC qui sont souvent des membres éminents ou bien connus de ces petites collectivités. Par conséquent, l’inconduite des membres de la GRC dans les petites collectivités, qu’ils soient au travail ou non, peut nuire à la réputation de la GRC dans cette collectivité. En corollaire, l’inconduite des membres de la GRC affectés dans de petites collectivités, au travail ou dans la vie personnelle, peut les soumettre à des normes plus strictes que les membres en poste dans les grands centres métropolitains. Je trouve cela tout à fait approprié puisque le maintien de l’ordre dans les petites collectivités rurales est la raison d’être des fonctions policières de la GRC et l’essentiel de l’emploi en tant que membre régulier de la GRC.

[201] Je constate que la conduite du gendarme Kitzul a, à tout le moins, porté atteinte à la réputation de la GRC au sein de la collectivité locale. De ce fait, ce facteur de proportionnalité est considéré comme une circonstance aggravante.

Équilibrage des facteurs de proportionnalité

[202] Tous les facteurs de proportionnalité que j’ai identifiés, à l’exception du handicap et des circonstances personnelles atténuantes, constituent des facteurs aggravants à des degrés divers. Par conséquent, l’équilibre des facteurs de proportionnalité penche fortement en faveur de mesures disciplinaires significatives, pouvant aller jusqu’au congédiement.

Les policiers sont soumis à des normes plus strictes

[203] L’alinéa 36.2b) de la Loi sur la GRC précise que l’un des objectifs du régime de déontologie de la GRC est de prévoir l’établissement d’un code de déontologie qui met l’accent sur l’importance de maintenir la confiance du public et renforce les normes de conduite élevées que les membres sont censés observer.

[204] Les tribunaux et les comités de déontologie de la GRC[18] reconnaissent depuis longtemps que les policiers sont assujettis à des normes de conduite plus élevées que le grand public. Le public a le droit de s’attendre à ce que les personnes auxquelles il confie le soin de faire respecter et d’appliquer la loi s’y conforment également. La violence verbale et physique du gendarme Kitzul à l’égard de Mme D.R. et la décision du gendarme Kitzul de conduire un véhicule à moteur avec des facultés affaiblies ont rompu cette confiance de manière significative.

Décision quant aux mesures disciplinaires

[205] Après avoir mis en application les cinq principes fondamentaux dans les circonstances de cette affaire, je constate qu’il y a très peu d’aspects positifs dans le cas du gendarme Kitzul. Par conséquent, le maintien du gendarme Kitzul au sein de la GRC saperait la confiance du public à l’égard de l’organisation. Par conséquent, j’ordonne par la présente au gendarme Kitzul de démissionner de la GRC dans les 14 jours. Si le gendarme Kitzul ne démissionne pas, j’ordonne son congédiement.

CONCLUSION

[206] La présente décision constitue ma décision écrite, telle que l’exige le paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC. Le paragraphe 25(3) des Consignes du commissaire (déontologie) précise que la décision doit être signifiée aux parties. La décision peut faire l’objet d’un appel auprès du commissaire en déposant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la décision (article 45.11 de la Loi sur la GRC; article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels) (DORS/2014-289).

Signature

 

Le 4 janvier 2023

Kevin Harrison

Comité de déontologie

 

 

 



[1] La « fin de semaine de la Classique de la fête du Travail » est une expression employée pour désigner des matchs de football de rivalité classique joués pendant la fin de semaine de la fête du Travail dans le calendrier annuel de la Ligue canadienne de football. Dans ce cas, le match de rivalité opposait les Blue Bombers de Winnipeg aux Roughriders de la Saskatchewan.

[2] Un chalet de pêche est une structure permanente placée sur le bord d’un plan d’eau. La structure dans laquelle cette allégation a eu lieu est ce que l’on appelle communément une cabane de pêche. Une cabane de pêche est une structure portable placée sur la glace d’un plan d’eau, généralement un lac, qui sert d’abri lors de la pêche sur glace. Néanmoins, par souci de cohérence, j’ai utilisé l’expression « chalet de pêche » pour désigner cette structure tout au long de la présente décision.

[3] Avant l’audience disciplinaire, le gendarme J.B. a été promu caporal. Dans un souci de clarté dans la présente décision, je l’appellerai « gendarme » puisque c’est ainsi qu’il est désigné dans le dossier établi avant l’audience et dans les témoignages recueillis lors de l’audience.

[4] L’autorité disciplinaire a signé l’ordonnance de suspension le 29 avril 2019. L’ordonnance de suspension a été signifiée au gendarme Kitzul le 3 mai 2019. L’ordonnance de suspension est entrée en vigueur à la date de sa signification au gendarme Kitzul.

[5] Le dictionnaire Cambridge définit le terme intervention par [Traduction] « l’action de s’impliquer intentionnellement dans une situation difficile, afin de l’améliorer ou d’empêcher qu’elle ne s’aggrave » ou « une occasion où les amis ou la famille d’une personne lui parlent d’un problème ou d’une situation en raison du comportement déraisonnable ou nuisible de cette personne » (en ligne : <https://dictionary.cambridge.org/dictionary/English/intervention>).

[6] Lingl v Calgary Police Service, (1993) 2 ALERB 128 [Lingl], page 14.

[7] Voir Commandant de la Division F c. Caporal Toma, 2020 DAD 14, paragraphe 11.

[8] Voir Manuel des opérations de la Division D, chapitre 2.4 et Manuel des opérations de la Division D, chapitre 2.4, annexe 2-4-1.

[9] Voir Commandant de la Division E c. Sergent Dhillon, 2019 DARD 13; Commandant de la Division F c. Caporal Toma, 2020 DAD 14; et Autorité disciplinaire déléguée de la Division E c. le gendarme Sandhu, 2021 DAD 07.

[10] Commandant de la Division E c. Gendarme Sandhu, 2021 DAD 07, paragraphe 160.

[11] Ceyssens, Paul et Childs, W. Scott, Phase I – Rapport final concernant les mesures disciplinaires et l’imposition de mesures disciplinaires en cas d’inconduite à caractère sexuel au titre de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, 24 février 2022 (Phase I – Rapport final).

[12] Rendell v. Canada (Attorney General), 2001 C.F.P.I. 710 [Rendell], paragraphe 20.

[13] Commandant de la Division F c. Sergent Wilson, 2017 DARD 6, paragraphe 33.

[14] Phase I – Rapport final, page 48.

[15] Voir Sergent Turner c. Commandant de la Division E, 2022 DAD 14, paragraphe 103.

[16] Girard c. Delaney, (1995) 2 PLR 337 (Comm. d’enq. de l’Ont.) [Girard], page 349.

[17] Hassan v Peel Regional Police Service, 2006 ONCPC 7 (CanLII) [Hassan].

[18] Voir Commandant de la Division H c. Gendarme Whalen, 2021 DAD 17, paragraphe 189.

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