Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contient deux allégations de contravention au Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L’allégation 1 concerne la suppression par le gendarme Bourque d’un enregistrement vidéo d’une cible, qui a été fait lors d’une opération de surveillance, et la conclusion d’un accord avec l’équipe de surveillance pour ne pas divulguer cet enregistrement, bien qu’il s’agisse d’un élément de preuve dans le cadre d’une enquête criminelle. L’allégation 2 concerne le fait que le gendarme Bourque n’a pas veillé à inclure dans le rapport de surveillance tous les éléments de preuve qu’il a obtenus, et qu’il a faussement attesté de la véracité de ce rapport.

Le Comité de déontologie a conclu que les allégations 1 et 2 ont été établies et a imposé une mesure disciplinaire qui s’est traduite par une confiscation de la solde de 25 jours.

Contenu de la décision

Protégé A

2023 DAD 03

Interdiction de publication : Par ordonnance du Comité de déontologie, toutes les enquêtes criminelles ou sur des homicides en cours divulguées au cours d’une audience disciplinaire et qui ne font pas partie des allégations portées devant le Comité de déontologie ne doivent pas être publiées, diffusées ou transmises au public de quelque manière que ce soit.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C. (1985), ch. R-10)

Entre :

Le commandant de la Division J

(autorité disciplinaire)

et

Le gendarme Graham Bourque

Matricule 57118

(membre visé)

Décision du Comité de déontologie

Louise Morel

Le 16 février 2023

Mme Sabine Georges, représentante de l’autorité disciplinaire

M. David Bright, c.r., représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ 4

INTRODUCTION 4

Interdiction de publication 5

ALLÉGATIONS 5

CRÉDIBILITÉ DES TÉMOINS 8

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve 9

La gendarme Cormier 9

Le gendarme Pichette 10

Le caporal Potvin 10

Le gendarme Bourque 10

Résumé de la détermination des faits établis par le Comité de déontologie 11

PREUVE 12

Témoignage du gendarme Cormier 12

Témoignage du gendarme Pichette 13

Témoignage du caporal Potvin 14

Témoignage du gendarme Bourque 15

Preuve documentaire 16

ANALYSE 17

Allégation 1 – Conduite déshonorante 17

Quels sont les actes qui constituent le comportement allégué? 18

Le comportement du gendarme Bourque est-il déshonorant? 21

Allégation 2 – Présenter une déclaration fausse et trompeuse 24

MESURES DISCIPLINAIRES 26

Observations du gendarme Bourque 26

Décision quant aux mesures disciplinaires 27

Conclusion sur les mesures disciplinaires 31

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire contient deux allégations de contravention au Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L’allégation 1 concerne la suppression par le gendarme Bourque d’un enregistrement vidéo d’une cible, qui a été fait lors d’une opération de surveillance, et la conclusion d’un accord avec l’équipe de surveillance pour ne pas divulguer cet enregistrement, bien qu’il s’agisse d’un élément de preuve dans le cadre d’une enquête criminelle. L’allégation 2 concerne le fait que le gendarme Bourque n’a pas veillé à inclure dans le rapport de surveillance tous les éléments de preuve qu’il a obtenus, et qu’il a faussement attesté de la véracité de ce rapport.

Le Comité de déontologie a conclu que les allégations 1 et 2 ont été établies et a imposé une mesure disciplinaire qui s’est traduite par une confiscation de la solde de 25 jours.

INTRODUCTION

[1] Le 11 mars 2020, l’officier des services de police de base - Enquêtes criminelles de la Division J a reçu un courriel du procureur fédéral en chef adjoint du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), dans lequel il indiquait avoir constaté l’inconduite apparente de quatre agents de la GRC participant à une opération de surveillance qui, si établie, pourrait compromettre une poursuite criminelle et l’administration de la justice. Le lendemain, le commandant divisionnaire a pris connaissance de l’incident et a ordonné une enquête sur la question au titre du Code de déontologie.

[2] Les allégations sont énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire daté du 30 juin 2021. Le 11 novembre 2021, le gendarme Bourque a fourni sa réponse aux allégations, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie) (DORS/2014-291). Il a nié les deux allégations.

[3] Le 12 mars 2021, M. Gerry Annetts a été désigné pour constituer le comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada (L.R.C. (1985), ch. R-10) [Loi sur la GRC].

[4] Le 11 mai 2022, j’ai été désigné pour constituer un nouveau Comité de déontologie. Conformément à l’article 45 de la Loi sur la GRC, je dois décider si chaque allégation est établie selon la prépondérance des probabilités. Autrement dit, pour chaque allégation, je dois determiner s’il est plus probable qu’improbable que le gendarme Bourque ait contrevenu au Code de déontologie de la GRC. Si je conclus qu’une ou plusieurs des allégations sont établies, je dois imposer des mesures disciplinaires.

[5] L’audience disciplinaire s’est tenue en mode virtuel dans la semaine du 20 septembre 2022. J’ai rendu ma décision de vive voix concernant les allégations le 22 septembre 2022, dans laquelle j’ai conclu que les deux allégations étaient établies. À la suite des observations des parties sur les mesures disciplinaires, j’ai rendu ma décision de vive voix à ce sujet le 23 septembre 2022 et j’ai imposé une confiscation de la solde de 25 jours. La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

Interdiction de publication

[6] Le 22 septembre 2022, à la demande de la représentante de l’autorité disciplinaire et avec le consentement du représentant du membre visé, j’ai imposé une interdiction de publication prohibant toute autre publication, diffusion ou transmission de toute information divulguée au cours de l’audience disciplinaire portant sur des enquêtes criminelles ou sur des homicides en cours et ne faisant pas partie des allégations portées devant le Comité disciplinaire.

ALLÉGATIONS

[7] Conformément à l’avis d’audience disciplinaire, les allégations sont ainsi formulées :

Allégation 1

Autour du 15 mai 2019, à Moncton ou à proximité, dans la province du Nouveau-Brunswick, le gendarme Graham Bourque a adopté un comportement contraire à l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. À toutes les époques en cause, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au Détachement de Codiac de la Division J, dans la province du Nouveau-Brunswick.

2. Le 15 mai 2019, vous étiez en surveillance avec [le caporal (cap.)] Mathieu Potvin, [le gendarme (gend.)] Eric Pichette et la gend. Melissa Cormier en lien avec le dossier [nom du dossier caviardé].

3. Vers [20 h 18], vous avez commencé à enregistrer un individu qui quittait la résidence sous surveillance. Environ 25 minutes plus tard, vous vous êtes rendu compte que l’enregistrement était toujours en cours.

4. Vers [20 h 43], vous avez participé aux communications radio suivantes avec l’équipe de surveillance :

BOURQUE :

Bon, j’ai une question pour vous. Supposons que la caméra vidéo, que j’ai utilisée pour enregistrer une courte vidéo, n’ait pas cessé d’enregistrer pendant vingt-cinq minutes. Est-ce qu’on peut la couper pour la ramener à dix secondes?

PICHETTE :

Je ne pense pas que tu peux parce que, euh, Max a essayé de filtrer les vidéos pour Jamie, et, euh, ils ont fini par ne pas…, ne pas envoyer quoi que ce soit; c’était sensible, donc il a juste détruit la vidéo, donc, il ne l’a pas envoyée.

POTVIN :

Graham, je n’ai pas écrit que, je n’ai pas encore écrit que tu as euh, que tu as enregistré une vidéo. On peut donc faire comme si de rien n’était.

BOURQUE :

Ouais, laisse tomber. Je veux dire, j’ai eu deux autres vidéos de [la cible] quittant cet endroit. PICHETTE l’a eue hier. La cible quittait l’appartement et y entrait, mais je suppose que j’ai juste regardé vers le bas et qu’il était indiqué vingt-cinq minutes et que le bouton de lecture était allumé. Euh…

POTVIN :

Est-ce la même chose pour la vidéo de [l’autre cible], ou…?

BOURQUE :

Non, c’est une autre. Je vais voir. Il doit bien y avoir un moyen de faire ça. Mais, euh, n’écris rien pour l’instant.

POTVIN :

Oui, techniquement, si tu (_____) avec une divulgation complète, il faut la divulguer, n’est-ce pas? Mais si ce n’est jamais arrivé, ce n’est jamais arrivé. Tu ne peux pas, tu ne peux pas essayer de couper des parties de, euh, de la vidéo. Cela ne fera que créer un problème inutilement.

BOURQUE :

Oui, et pour le reste, il aurait fallu que nous le perdions sur vidéo, que nous le cherchions et que nous en parlions à la radio, alors je dirais simplement que cela ne s’est jamais produit.

POTVIN :

Confirmé.

PICHETTE :

Oui, mais attends, tu peux peut-être en redémarrer une autre pendant cinq minutes.

BOURQUE :

Oui, c’est vrai. Je vais juste – on en parlera plus tard. Je vais juste – Je regarderai tout ça là-bas et on trouvera une solution.

5. Vous avez convenu avec l’équipe de surveillance de ne pas divulguer la vidéo que vous avez enregistrée à [20 h 18] (la « vidéo »), bien qu’il s’agisse d’un élément de preuve dans le cadre d’une enquête criminelle. Vous avez également convenu de créer et de soumettre des documents qui seraient cohérents avec cet acte.

6. La vidéo n’a pas été citée dans le rapport de surveillance du 15 mai 2019 (le « rapport de surveillance ») et n’a pas été soumise pour divulgation. Vous avez supprimé la vidéo et il est impossible de la récupérer.

7. Le 16 mai 2019, vous avez examiné et signé le rapport de surveillance alors qu’il contenait des renseignements faux et trompeurs. Vous avez donc attesté de la véracité de ce rapport sans tenir compte de l’exactitude et de l’exhaustivité des informations qu’il contenait.

8. En tant que membre d’une équipe de surveillance, vous avez manqué à votre obligation de veiller à ce que toutes vos observations et tous les éléments de preuve que vous avez obtenus soient inclus de manière complète et exacte dans le rapport de surveillance. Votre manquement a entraîné la destruction de preuves et la présentation d’un rapport de police faux et trompeur dans le cadre d’une enquête criminelle.

9. Vos actes dans le cadre de cet incident sont déshonorants.

Allégation 2

Autour du 16 mai 2019, à Moncton ou à proximité, dans la province du Nouveau-Brunswick, le caporal Mathieu Potvin a adopté un comportement contraire à l’article 8.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. À toutes les époques en cause, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté au Détachement de Codiac de la Division J, dans la province du Nouveau-Brunswick.

2. Le 15 mai 2019, vous étiez en surveillance avec [le caporal (cap.)] Mathieu Potvin, [le gendarme (gend.)] Eric Pichette et la gend. Melissa Cormier en lien avec le dossier [nom du dossier caviardé].

3. Vers [20 h 18], vous avez commencé à enregistrer un individu qui quittait la résidence sous surveillance. Environ 25 minutes plus tard, vous vous êtes rendu compte que l’enregistrement était toujours en cours.

4. Vers [20 h 43], vous avez demandé à l’équipe de surveillance s’il était possible de couper la vidéo et vous avez eu une discussion par radio.

5. Vous avez convenu avec l’équipe de surveillance de ne pas divulguer la vidéo que vous avez enregistrée à [20 h 18] (la « vidéo »), bien qu’il s’agisse d’un élément de preuve dans le cadre d’une enquête criminelle. Vous avez également convenu de créer et de soumettre des documents qui seraient cohérents avec cet acte.

6. La vidéo n’a pas été citée dans le rapport de surveillance du 15 mai 2019 (le « rapport de surveillance ») et n’a pas été soumise pour divulgation. Vous avez supprimé la vidéo et il est impossible de la récupérer.

7. Le 16 mai 2019, vous avez examiné et signé le rapport de surveillance alors qu’il contenait des renseignements faux et trompeurs. Vous avez donc attesté de la véracité de ce rapport sans tenir compte de l’exactitude et de l’exhaustivité des informations qu’il contenait.

8. En tant que membre d’une équipe de surveillance, vous avez manqué à votre obligation de veiller à ce que toutes vos observations et tous les éléments de preuve que vous avez obtenus soient inclus dans le rapport de surveillance. Votre manquement a entraîné la destruction de preuves et la présentation d’un rapport de police faux et trompeur dans une enquête criminelle.

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

CRÉDIBILITÉ DES TÉMOINS

[8] Le dossier dont je dispose comprend les déclarations du caporal Potvin et des gendarmes Bourque, Pichette et Cormier, qui étaient tous présents lors de la surveillance du 15 mai 2019 et qui ont participé ou étaient au courant de la communication radio enregistrée à 20 h 43. Lors de l’audience disciplinaire, les quatre membres ont rendu leur témoignage.

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve

[9] Pour évaluer la crédibilité des quatre témoins, je dois déterminer s’ils sont honnêtes et si leur témoignage est fiable (c.-à-d. si le témoin est en mesure de percevoir et de rappeler avec précision ce qu’il a observé). Il est possible que je considère le témoignage offert par un témoin comme étant sincère, mais non fiable. Je peux aussi accepter une partie, la totalité ou aucun des éléments de preuve apportés par un témoin au sujet d’un fait particulier[1].

[10] Je dois tenir compte de l’incidence des incohérences dans cette preuve et déterminer si, prises globalement dans le contexte de l’ensemble de la preuve, elles ont une incidence sur la crédibilité du témoin[2].

[11] Dans la décision Faryna[3], la Cour fait observer que le témoignage d’un témoin ne peut être évalué uniquement en fonction de son comportement, c’est-à-dire qu’il semble dire la vérité. Le juge des faits doit plutôt déterminer si le récit du témoin est conforme à l’interprétation la plus probable des circonstances.

[12] La question de savoir si le récit du témoin a une « apparence de vraisemblance » est subjective, mais pour y répondre, il faut prendre en considération l’ensemble de la preuve[4].

La gendarme Cormier

[13] La gendarme Cormier était devenue membre de l’équipe de surveillance le 15 mai 2019, après avoir été détachée pour participer au dossier en février 2019. Ce jour-là, elle était chargée à la fois de participer à la surveillance active et de surveiller un iPad qui diffusait en direct des vidéos de l’un des deux lieux ciblés.

[14] La gendarme Cormier a déclaré qu’elle n’avait aucune expérience préalable en matière de surveillance avant ce dossier. Son témoignage était cohérent avec sa déclaration et j’ai estimé que le témoignage de la gendarme Cormier était crédible et fiable.

Le gendarme Pichette

[15] Le gendarme Pichette était désigné chef de l’équipe de surveillance le 15 mai 2019, chargé de veiller à ce que l’équipe remplisse les objectifs du « triangle de commandement » responsable de ce dossier de surveillance.

[16] J’ai trouvé le témoignage du gendarme Pichette très crédible et fiable. Son témoignage de vive voix était conforme à sa déclaration. Il a répondu aux questions de façon claire et franche.

Le caporal Potvin

[17] Dans l’ensemble, j’ai trouvé le témoignage du caporal Potvin crédible et fiable. Il a présenté son témoignage de façon directe et franche. Son témoignage de vive voix était conforme à ses déclarations antérieures, à son témoignage sous serment du 2 juin 2020, entendu lors de l’enquête préliminaire sur la cible de l’enregistrement vidéo supprimé, et à sa réponse au titre du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie) aux allégations dans le cadre d’une procédure disciplinaire concomitante.

Le gendarme Bourque

[18] Dans l’ensemble, j’ai trouvé le témoignage du gendarme Bourque crédible et fiable. Son témoignage de vive voix a été, pour l’essentiel, conforme à ses déclarations.

[19] Il était membre de l’équipe de surveillance le 15 mai 2019, chargé de la surveillance active et de la documentation vidéo de la présence de la cible à deux endroits précis.

[20] Lorsqu’il a été confronté pour la première fois en mars 2020, le gendarme Bourque a volontiers reconnu qu’après avoir demandé aux membres de son équipe si une vidéo pouvait être filtrée et qu’on lui a dit que ce n’était pas possible, il avait décidé de la supprimer.

[21] J’ai noté quelques incohérences dans le témoignage du gendarme Bourque. Par exemple, lors de son témoignage de vive voix, il a déclaré qu’après sa communication radio avec le caporal Potvin et le gendarme Pichette, il a consulté un informaticien pour savoir si la partie personnelle de l’enregistrement pouvait être filtrée, mais on lui a répondu que ce n’était pas possible. Cette consultation présumée avec l’informaticien ne figure dans aucune de ses déclarations antérieures ni dans son témoignage sous serment entendu le 2 juin 2020 lors de l’enquête préliminaire de la cible, ni dans sa réponse au titre du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie) aux allégations formulées contre lui en application du Code de déontologie.

[22] Dans l’ensemble, cette incohérence mineure et non corroborée n’a pas compromis de manière significative la crédibilité ou la fiabilité du témoignage du gendarme Bourque.

Résumé de la détermination des faits établis par le Comité de déontologie

[23] Le 3 juin 2022, j’ai présenté une détermination des faits établis, qui expose les faits incontestés suivants.

[24] À toutes les époques en cause, le gendarme Bourque était membre de la GRC, affecté au Détachement de Codiac de la Division J, dans la province du Nouveau-Brunswick.

[25] Le 15 mai 2019, il effectuait une surveillance avec le caporal Potvin et les gendarmes Pichette et Cormier.

[26] Vers 20 h 18, le gendarme Bourque a commencé à filmer un individu qui quittait la résidence sous surveillance. Environ 25 minutes plus tard, il s’est rendu compte que l’enregistrement était toujours en cours.

[27] Vers 20 h 43, le gendarme Bourque a participé avec l’équipe de surveillance à une communication radio qui a été enregistrée en direct et dont la transcription figure dans l’avis d’audience disciplinaire.

[28] L’enregistrement vidéo n’était pas cité dans le rapport de surveillance du 15 mai 2019 et n’a pas été soumis pour divulgation. Le gendarme Bourque a supprimé la vidéo et il est impossible de la récupérer.

[29] Le 16 mai 2019, le gendarme Bourque a examiné et signé le rapport de surveillance, même si celui-ci ne faisait pas mention de l’enregistrement de 25 minutes qui comprenait 10 secondes sur la cible. Le gendarme Bourque a attesté de la véracité du rapport de surveillance sans tenir compte de son exactitude et de son exhaustivité.

PREUVE

[30] Comme l’a déclaré la Cour suprême du Canada dans l’arrêt McDougall[5], « […] la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités. […] » Toutefois, la Cour suprême reconnaît qu’« aucune norme objective ne permet de déterminer qu’elle l’est suffisamment ».

Témoignage du gendarme Cormier

[31] La gendarme Cormier a témoigné en disant qu’elle avait entendu la communication radio entre le caporal Potvin et les gendarmes Bourque et Pichette, mais qu’elle n’y avait pas pris part parce qu’elle n’avait rien à y ajouter.

[32] La gendarme Cormier a compris que la conversation portait sur la manière de corriger une erreur dans l’utilisation du matériel vidéo. À aucun moment, elle n’a compris que les membres discutaient de la destruction d’une vidéo ou d’une preuve.

[33] La gendarme Cormier a déclaré avoir appris qu’un enregistrement vidéo avait été supprimé en mars 2020 lorsque le caporal De Botton l’a informée que la Couronne avait envoyé un courriel au sujet de la communication radio qu’il avait transcrite.

[34] La gendarme Cormier a déclaré qu’elle n’avait aucun souvenir précis de la discussion du 15 mai 2019 et que son souvenir reposait sur l’examen de la transcription de la conversation en mars 2020.

[35] La gendarme Cormier a confirmé qu’au cours des dix mois qui se sont écoulés entre mai 2019 et mars 2020, elle n’a eu aucune communication avec les autres membres de l’équipe de surveillance au sujet de cet enregistrement vidéo.

Témoignage du gendarme Pichette

[36] Le gendarme Pichette a déclaré avoir compris que le gendarme Bourque parlait d’une « défaillance de la vidéo » lors de la communication radio contestée. Il a témoigné en disant que, les 15 et 16 mai 2019, il ne pensait pas ou ne comprenait pas que le gendarme Bourque avait, en fait, enregistré une vidéo de la cible. Comme ce fut le cas pour le caporal Potvin, ce n’est que dix mois plus tard, après une plainte du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC), qu’il a appris que le gendarme Bourque avait enregistré une vidéo de 25 minutes comprenant 10 secondes de la cible et qu’il l’avait ensuite supprimée.

[37] Le gendarme Pichette s’est souvenu que, peu après avoir été informé de la plainte formulée par le SPPC en mars 2020, le gendarme Bourque s’était excusé auprès de lui pour avoir effacé l’enregistrement vidéo. Il ne souvenait pas de la conversation exacte ni de l’endroit où elle s’est déroulée.

[38] Le gendarme Pichette a affirmé que le gendarme Bourque lui avait demandé s’il était possible de « filtrer » une vidéo et qu’il lui avait répondu que, par expérience, il ne pensait pas qu’il était possible de filtrer une vidéo de surveillance.

[39] Le gendarme Pichette a déclaré que les membres de l’équipe n’avaient eu aucune communication au sujet de la destruction d’une partie ou de la totalité d’une vidéo. Il n’a pas non plus eu de conversation avec aucun membre de l’équipe entre le moment où la conversation radio a eu lieu le 15 mai 2019 et dix mois plus tard, lorsqu’il a appris par le caporal De Botton que la vidéo avait été supprimée.

[40] Enfin, le gendarme Pichette a expliqué que, lorsqu’il s’agit de préparer la divulgation à transmettre à la Couronne, il est d’usage qu’un répartiteur radio télécharge la communication radio originale et la transmet à un membre de l’équipe de surveillance qui l’examinera et proposera un filtrage à l’intention de la Couronne. Une fois l’original obtenu, un deuxième CD est produit, qui contient la proposition de filtrage à l’intention de la Couronne et les arguments à l’appui de ce filtrage. Ensuite, l’original et la copie contenant la proposition de filtrage sont transmis à la Couronne qui prendra une décision concernant le filtrage proposé.

[41] En l’espèce, en raison d’un manque d’effectifs, ce sont les membres de l’équipe de surveillance, et non un répartiteur radio, qui ont été autorisés à accéder au système radio et à extraire l’original des communications radio en vue de leur divulgation.

[42] Le gendarme Pichette a témoigné en disant qu’il était responsable du téléchargement des communications radio originales pour le mois de mai 2019 et de la production du deuxième CD avec le filtrage proposé. Il a noté qu’il avait « signalé » la communication radio du 15 mai 2019, à 20 h 43, pour que la Couronne l’examine, et qu’il avait suggéré qu’elle soit filtrée, car il pensait qu’elle n’était pas pertinente. C’est à la suite de ce signalement que la discussion a été portée à l’attention du procureur fédéral en chef adjoint du SPPC, qui a estimé que l’équipe de surveillance avait délibérément supprimé des éléments de preuve qui devaient être divulgués.

[43] En réponse à une question directe de ma part, le gendarme Pichette a déclaré qu’au moment où il téléchargeait la communication radio originale du 15 mai 2019, il aurait pu l’effacer s’il l’avait voulu.

Témoignage du caporal Potvin

[44] Lors de son témoignage, le caporal Potvin a reconnu qu’en examinant la transcription de la communication radio du 15 mai 2019, il est clair que le gendarme Bourque a déclaré avoir enregistré une vidéo de 25 minutes comportant 10 secondes de la cible. Cependant, ce n’est pas ce que le caporal Potvin avait compris le 15 mai 2019.

[45] Le caporal Potvin a compris que le gendarme Bourque avait tenté d’enregistrer une vidéo de la cible alors qu’elle quittait la résidence, mais que la caméra avait mal fonctionné. Ce n’est que le 13 mars 2020, lorsqu’il a été informé par le caporal De Botton de l’allégation de la Couronne selon laquelle l’équipe de surveillance avait détruit des éléments de preuve, qu’il a pris connaissance de la vidéo de 25 minutes qui comprenait 10 secondes de la cible filmée par le gendarme Bourque et qui avait été supprimée par la suite.

[46] Le caporal Potvin réfute l’existence d’un « accord » entre les membres de l’équipe de surveillance pour ne pas divulguer la vidéo prise ou d’un « accord » pour créer et soumettre le rapport de surveillance en conséquence. Étant donné qu’il ignorait l’existence d’une vidéo, comment aurait-il pu y avoir un « accord » pour ne pas la divulguer ou pour établir et soumettre un rapport de surveillance en omettant la vidéo?

[47] Le caporal Potvin a témoigné en disant que, peu après le 13 mars 2020, après sa discussion avec le caporal De Botton, le gendarme Bourque avait envoyé un message d’excuse pour avoir supprimé la vidéo de 25 minutes qui comprenait 10 secondes de la cible.

[48] Au cours de son contre-interrogatoire mené par le représentant du membre visé, le caporal Potvin a déclaré que la suppression de l’enregistrement vidéo n’avait pas mis en péril le projet, qui avait abouti à une conclusion satisfaisante. La cible a été arrêtée, accusée de trafic de drogue et condamnée.

Témoignage du gendarme Bourque

[49] Le gendarme Bourque a témoigné en disant que, le 15 mai 2019, il était en train de surveiller l’un des lieux ciblés et qu’il était équipé d’une caméra. Il a enregistré une vidéo de 25 minutes où l’on voit pendant 10 secondes la cible sortir d’un lieu surveillé, descendre des escaliers et monter dans son véhicule. Le gendarme Bourque a déclaré qu’il avait ensuite déposé la caméra pour entreprendre une surveillance active avec l’équipe.

[50] Le gendarme Bourque a déclaré qu’il croyait avoir éteint la caméra, mais, environ 25 minutes plus tard, il s’est rendu compte que, par mégarde, il l’avait laissée allumée et qu’elle avait enregistré les communications radio de l’équipe de surveillance ainsi qu’une conversation téléphonique personnelle qu’il avait eue soit avec sa femme, soit avec un autre membre de la famille à propos de celle-ci.

[51] Le gendarme Bourque a déclaré qu’il avait demandé aux membres de son équipe s’il était possible de filtrer l’enregistrement vidéo et, qu’après avoir été informé que ce n’était pas possible, il l’avait supprimé, car il pensait que cette vidéo de 25 minutes n’avait aucune valeur probante et qu’elle comprenait 10 secondes de la cible sortant de l’endroit où elle se trouvait.

[52] Le gendarme Bourque a précisé que son observation concernant la sortie de la cible, sa descente des escaliers et sa montée dans son véhicule avait été notée sur le rapport de surveillance et qu’il avait apposé ses initiales sur son observation.

[53] Lorsqu’on lui a demandé s’il s’était entendu avec le caporal Potvin pour détruire la vidéo et modifier le rapport de surveillance, le gendarme Bourque a répondu que non. Il estimait que l’enregistrement de 10 secondes n’était pas pertinent, car il n’y avait rien de nouveau dans la vidéo qui n’avait pas déjà été filmé par l’équipe et il « pensait » que les autres membres de l’équipe étaient du même avis.

[54] Lors de son contre-interrogatoire mené par la représentante de l’autorité disciplinaire, le gendarme Bourque a déclaré que le caporal Potvin ne lui avait pas demandé de détruire la vidéo. Le gendarme Bourque a ajouté que, le 15 mai 2019, il croyait que le caporal Potvin avait compris que le gendarme Bourque avait un enregistrement vidéo, mais il sait maintenant que ce n’était pas le cas.

Preuve documentaire

[55] Le caporal Potvin a également fait l’objet d’une audience disciplinaire relativement à la surveillance du 15 mai 2019 et au fait qu’il était le préposé au registre des communications chargé de produire le rapport de surveillance pour cette date. Dans sa réponse à l’avis de contravention au Code de déontologie prévue au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), il a fourni au Comité de déontologie un message texte daté du 18 mars 2020, rédigé par le gendarme Bourque et envoyé à lui et au gendarme Pichette[6]. Le message se lit comme suit :

Les gars, je suis vraiment désolé d’en arriver là. Je regrette que nous soyons tous impliqués dans cette affaire parce que j’ai oublié d’arrêter un enregistrement vidéo et que je l’ai ensuite supprimé. Je ne pensais littéralement pas que ce soit grave, mais je suppose que c’est moi qui devrai en subir les conséquences. […]

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

ANALYSE

Allégation 1 – Conduite déshonorante

[56] Dans le processus disciplinaire, il incombe à l’autorité disciplinaire de démontrer que les allégations sont établies sur la base de la prépondérance des preuves. Le comité de déontologie est ensuite chargé de déterminer s’il s’est acquitté de ce fardeau.

[57] L’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC est ainsi libellé : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ». Le critère de « conduite déshonorante » a été élaboré par le Comité externe d’examen de la GRC et comporte quatre étapes.

[58] Afin d’établir une allégation au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre;
  3. si le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie;
  4. si le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour que la Gendarmerie puisse avoir un intérêt légitime à prendre des mesures disciplinaires à son endroit.

[59] L’étape 2 relative à l’identité du gendarme Bourque ne fait l’objet d’aucune contestation, pas plus que l’étape 4, puisque les allégations ont été faites pendant que le gendarme Bourque était en service et effectuait une opération de surveillance. Les deux autres étapes nécessitent une analyse plus approfondie.

Quels sont les actes qui constituent le comportement allégué?

[60] Les actes qui constituent le comportement allégué dans ce cas sont la destruction d’une vidéo de 25 minutes qui comprenait 10 secondes de la cible et la conclusion d’un accord avec l’équipe de surveillance pour ne pas divulguer la vidéo bien qu’il s’agisse d’un élément de preuve dans le cadre d’une enquête criminelle.

Destruction de l’enregistrement vidéo

[61] Le gendarme Bourque a déclaré qu’il avait enregistré une vidéo de 10 secondes de la cible en train de sortir d’un lieu surveillé et de monter dans sa voiture. Il croyait avoir éteint la caméra lorsqu’il a rejoint l’équipe de surveillance pour tenter de suivre la cible; or, par mégarde, la caméra est demeurée en marche pendant 25 minutes.

[62] Selon le gendarme Bourque, pendant ces 25 minutes, l’écran affiche du noir, mais la caméra a enregistré tout ce qui se disait sur la fréquence ainsi qu’une conversation personnelle qu’il a eue. Après avoir appris qu’il ne pouvait pas filtrer la vidéo, il a estimé que la séquence de 10 secondes n’avait pas de valeur probante, étant donné qu’ils avaient déjà enregistré l’entrée et la sortie de la cible à ces endroits.

[63] Le gendarme Bourque a confirmé qu’il avait supprimé la vidéo parce qu’il pensait avoir le pouvoir discrétionnaire de le faire.

[64] Lorsque le gendarme Bourque a été confronté pour la première fois, le 11 mars 2020, à l’allégation selon laquelle il avait supprimé un enregistrement vidéo d’une cible sortant d’une résidence sous surveillance, qui constituait un élément de preuve dans le cadre d’une enquête criminelle, il a admis d’emblée avoir supprimé l’enregistrement vidéo en question.

[65] Autour du 18 mars 2020, le gendarme Bourque a envoyé au gendarme Pichette et au caporal Potvin un message texte dans lequel il s’excusait d’avoir supprimé la vidéo[7].

[66] Par ailleurs, lors de sa déposition devant moi, le gendarme Bourque a de nouveau admis avoir supprimé l’enregistrement vidéo, car il estimait qu’il était de mauvaise qualité et qu’il n’avait aucune valeur probante.

[67] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’autorité disciplinaire a établi, selon la prépondérance des probabilités, que le gendarme Bourque a enregistré une vidéo de 25 minutes, dont une séquence de 10 secondes filmant une cible lors de l’opération de surveillance du 15 mai 2019, et qu’il l’a ensuite supprimée.

Accord avec l’équipe de surveillance

[68] Le gendarme Bourque a admis tous les aspects de l’allégation 1, sauf l’énoncé détaillé 5, qui se lit comme suit :

5. Vous avez convenu avec l’équipe de surveillance de ne pas divulguer la vidéo que vous avez enregistrée à [20 h 18] (la « vidéo »), bien qu’il s’agisse d’un élément de preuve dans le cadre d’une enquête criminelle. Vous avez également convenu de créer et de soumettre des documents qui seraient cohérents avec cet acte.

[69] Lors de son témoignage, le gendarme Bourque a nié avoir conclu un accord avec les membres de l’équipe de surveillance. Il a déclaré avoir pris la décision de supprimer la vidéo, car il estimait qu’elle n’avait pas de valeur probante et il a noté son observation sur le rapport de surveillance.

[70] Le caporal Potvin, la gendarme Cormier et le gendarme Pichette ont tous témoigné en disant que, le 15 mai 2019, ils avaient compris que le gendarme Bourque avait tenté d’enregistrer une vidéo de la cible, mais que sa caméra avait mal fonctionné. Tous les trois ont nié avoir convenu de détruire la vidéo ou de présenter des documents qui pourraient étayer une telle action.

[71] Dans ses observations, la représentante de l’autorité disciplinaire estime que la transcription de la communication radio établit que le gendarme Bourque et le caporal Potvin ont convenu de supprimer la vidéo et de produire un rapport de surveillance erroné.

[72] Elle cite la déclaration du caporal Potvin, à la ligne 537 de la pièce 1, qui se lit comme suit :

Graham, je n’ai pas écrit que, je n’ai pas encore écrit que tu as euh, que tu as enregistré une vidéo. On peut donc faire comme si de rien n’était.[8]

[73] La représentante de l’autorité disciplinaire souhaite que je déduise de sa déclaration « on peut faire comme si de rien n’était » et de la réponse du gendarme Bourque « ouais, laisse tomber »[9] qu’il s’agit d’un accord pour supprimer la vidéo.

[74] Toutefois, les observations de la représentante de l’autorité disciplinaire ne tiennent pas compte du fait que le caporal Potvin et les gendarmes Pichette et Cormier ont témoigné en disant qu’ils n’avaient pas compris qu’il y avait une vidéo. Au contraire, ils ont compris que le gendarme Bourque avait tenté d’enregistrer une vidéo, mais que la caméra avait mal fonctionné.

[75] Le caporal Potvin a déclaré qu’il faisait référence au problème de la caméra lorsqu’il a dit « on peut faire comme si de rien n’était ».

[76] Le gendarme Bourque a essentiellement admis tous les points de cette allégation, à l’exception du fait qu’il a conspiré avec l’équipe de surveillance pour ne pas divulguer l’enregistrement vidéo et pour produire et soumettre des documents qui correspondraient à cette action.

[77] Je ne dispose d’aucune preuve pour contester le témoignage de tous les témoins, y compris celui du gendarme Bourque, selon lequel aucun accord n’a jamais été conclu en vue de ne pas divulguer l’enregistrement vidéo. Je souligne qu’il existe des preuves incontestables que, à l’exception du gendarme Bourque, aucun des membres de l’équipe de surveillance ne savait que le gendarme Bourque avait enregistré une vidéo de 25 minutes qui comprenait une séquence de 10 secondes dans laquelle on voyait la cible sortir d’une résidence sous surveillance.

[78] Enfin, je note que le gendarme Pichette a filtré les communications radio du mois de mai 2019 et qu’il a signalé la conversation du 15 mai 2019 comme n’étant pas pertinent. Ce faisant, il a attiré l’attention de la Couronne sur la discussion.

[79] J’ai entendu dire que, lors du filtrage de la divulgation, les membres de l’équipe de surveillance avaient le pouvoir de supprimer des parties de la transcription originale. S’il y avait eu un accord pour supprimer des preuves et soumettre un rapport falsifié, l’attention de la Couronne n’aurait pas été attirée sur cet échange et il aurait pu être simplement effacé.

[80] Par conséquent, j’estime que l’autorité disciplinaire n’a pas réussi, selon la prépondérance des probabilités, à démontrer que le gendarme Bourque avait convenu avec l’équipe de surveillance de ne pas divulguer la vidéo enregistrée à 20 h 18. De plus, j’estime que l’autorité disciplinaire n’a pas réussi à établir l’existence d’un accord visant à créer et à présenter des documents qui seraient compatibles avec cet acte.

Le comportement du gendarme Bourque est-il déshonorant?

[81] La représentante de l’autorité disciplinaire a fait valoir que la conduite du gendarme Bourque avait de graves répercussions sur l’enquête criminelle menée par l’équipe de surveillance, dans la mesure où : a) elle pourrait empêcher la cible de répondre et de se défendre pleinement face aux accusations dont elle fait l’objet; b) elle pourrait empêcher la Couronne de porter l’affaire en justice; et c) elle jette le discrédit sur l’administration de la justice.

[82] La représentante de l’autorité disciplinaire a attiré mon attention sur une décision rendue en 2014 par la Cour du Banc de la Reine de la Saskatchewan[10], qui avait ordonné la suspension des procédures à la suite d’une violation des droits de l’accusé.

[83] La représentante de l’autorité disciplinaire a souligné les faits de cette affaire : un gendarme de la GRC a intentionnellement coupé l’enregistrement audio de conversations entre lui-même et d’autres agents de police, qui étaient pertinentes pour l’enquête en cours et pour l’arrestation de M. Santos, ainsi que de conversations entre l’accusé et d’autres agents.

[84] La représentante de l’autorité disciplinaire a rappelé le commentaire suivant du juge Gunn[11] :

[149] Le gendarme Harris a agi en contravention directe à la politique écrite de la GRC. Le gendarme Harris a choisi de contrevenir délibérément à cette politique écrite. Le gendarme Harris était un policier expérimenté et connaissait l’obligation de divulgation qui lui incombait ainsi qu’à la Couronne. J’estime que l’acte du gendarme Harris en ce qui concerne la suppression de l’enregistrement audio ont été faites de mauvaise foi et dans le but de contrecarrer l’obligation de la Couronne de divulguer ces mêmes conversations.

[85] La représentante de l’autorité disciplinaire a fait valoir qu’il appartient à la Couronne, et non au gendarme Bourque, de décider si un élément de preuve est pertinent et doit être divulgué. Je souscris à cette affirmation.

[86] Pour sa part, le représentant du membre visé a fait remarquer qu’il n’y avait aucune preuve que le gendarme Bourque avait détruit l’enregistrement vidéo afin de le dissimuler à la défense ou de contrecarrer l’obligation de la Couronne de fournir une divulgation complète de la preuve. Il a détruit l’enregistrement vidéo parce qu’il contenait 25 minutes d’informations personnelles ainsi qu’une conversation avec sa conjointe ou à propos de celle-ci et qu’il a jugé que ce n’était pas pertinent.

[87] Le représentant du membre visé a fait valoir que rien ne prouvait que la cible avait été empêchée de présenter une défense pleine et entière, puisque le rapport de surveillance faisait état de l’observation de la cible par le gendarme Bourque et que l’équipe de surveillance disposait d’autres séquences vidéo montrant l’entrée et la sortie de la cible pendant toute la durée de l’enquête.

[88] Lors de son témoignage pendant l’enquête préliminaire de la cible, le 2 juin 2020, le gendarme Bourque a admis être conscient que les agents de police avaient l’obligation légale et morale de transmettre à la Couronne les informations obtenues au cours d’une enquête et qu’il appartenait à la Couronne de déterminer les éléments qui devaient être communiqués à la défense. Il était également conscient que l’avocat de la Couronne avait le droit de vérifier les éléments d’identification personnelle ou les éléments de preuve et les écarter si elle les jugeait non pertinents.

[89] Le gendarme Bourque a confirmé lors de son témoignage devant moi qu’il avait intentionnellement supprimé la vidéo parce qu’il pensait avoir le pouvoir discrétionnaire de le faire s’il estimait que la preuve n’était pas pertinente.

[90] Le gendarme Bourque a précisé qu’étant donné que la cible était déjà filmée alors qu’elle entrait dans la résidence et en sortait, et qu’il avait noté son observation du 15 mai 2019 dans le rapport de surveillance, il n’avait pas l’intention de retirer les éléments de preuve à la défense.

[91] Les faits et les éléments de preuve dont je dispose ne sont pas semblables à ceux de l’affaire R. v Santos. Aucune des preuves présentées n’indique que le gendarme Bourque a agi de mauvaise foi ou qu’il a tenté de contrecarrer l’obligation de divulgation de la Couronne.

[92] En outre, la suppression de l’enregistrement vidéo n’a pas entraîné la suspension des procédures. J’ai entendu des éléments de preuve selon lesquels la principale cible de l’enquête criminelle, filmée sur la vidéo supprimée, a été arrêtée, inculpée et condamnée pour trafic de drogue.

[93] J’estime que le fait de détruire des preuves dans le cadre d’une enquête criminelle est un acte suffisant pour atteindre le seuil de la conduite déshonorante.

[94] Il est bien établi que les agents de police sont soumis à des normes de conduite plus élevées et que des pouvoirs extraordinaires leur sont conférés afin de servir et de protéger les membres du public et de faire respecter nos lois.

[95] Je suis d’avis qu’une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités policières en général et celles de la GRC en particulier, percevrait les actes du gendarme Bourque comme étant susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[96] Par conséquent, l’allégation 1 est établie selon la prépondérance des probabilités.

Allégation 2 – Présenter une déclaration fausse et trompeuse

[97] L’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC précise que : « Les membres rendent compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de leurs responsabilités, de l’exercice de leurs fonctions, du déroulement d’enquêtes, des agissements des autres employés et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie. »

[98] La première question est de savoir si la déclaration en question est exacte. Si je constate qu’elle est inexacte, je dois alors déterminer laquelle des trois catégories établies par le comité de déontologie dans l’affaire Girard[12] s’applique.

[99] Dans l’affaire Girard[13], le comité de déontologie a estimé que, lorsqu’un membre est accusé d’avoir contrevenu à l’article 8.1 du Code de déontologie et, en particulier, d’avoir établi un rapport faux, trompeur ou inexact, on distingue généralement trois catégories de cas :

[…]

a) le cas où le policier savait que ses déclarations étaient fausses, trompeuses ou inexactes;

b) le cas où le policier a été négligent, insouciant ou imprudent quant à la validité de ses déclarations;

c) le cas où le policier a fait des déclarations sincères mais erronées qui se sont par la suite avérées être inexactes, fausses ou trompeuses.

[26] Les deux premières catégories sont susceptibles d’entraîner des responsabilités tandis que la troisième ne l’est pas.

[100] Cette analyse est également cohérente avec le Guide des mesures disciplinaires, à la page 62, qui cite les mêmes principes que ceux énoncés par Ceyssens[14].

[101] Lors de son témoignage sous serment à l’enquête préliminaire le 2 juin 2020, le gendarme Bourque a admis que le rapport de surveillance était trompeur dans la mesure où il ne mentionnait pas la vidéo de 25 minutes qui comprenait 10 secondes de la cible, enregistrée le 15 mai 2019.

[102] Dans sa réponse à l’avis de contravention au Code de conduite prévue au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), datée du 11 novembre 2021, le gendarme Bourque a reconnu que, lorsqu’il a examiné et signé le rapport de surveillance, celui-ci contenait des renseignements erronés et trompeurs.

[103] J’ai considéré comme un fait établi que le gendarme Bourque ait attesté de la véracité du rapport de surveillance sachant qu’il ne mentionnait pas la vidéo de 25 minutes qui comprenait 10 secondes de la cible enregistrées lors de la surveillance du 15 mai 2019.

[104] En conséquence, je conclus que le gendarme Bourque savait qu’il fournissait un rapport faux et trompeur. Il ne s’agissait pas d’une déclaration honnête, mais erronée, le gendarme Bourque a agi dans l’intention de tromper.

[105] L’allégation 2 est établie.

MESURES DISCIPLINAIRES

Observations du gendarme Bourque

[106] Au début des mesures disciplinaires, le gendarme Bourque a lu une déclaration préparée. J’ai tenu compte de cette déclaration pour prendre ma décision concernant les mesures disciplinaires.

[107] Le gendarme Bourque a affirmé que c’était un privilège et un honneur d’être membre de la GRC. Il a parlé de ses états de service antérieurs, du fait qu’il n’a pas eu d’inconduite et qu’il a obtenu des fiches de rendement positives.

[108] Le gendarme Bourque a reconnu que, les 15 et 16 mai 2019, il a fait une supposition coûteuse qui l’a affecté tant sur le plan personnel que professionnel, et qui a eu des répercussions sur ses collègues.

[109] Le gendarme Bourque s’est excusé auprès de ses collègues policiers, du Détachement de Codiac, du Groupe des crimes de rue de Codiac, et plus particulièrement auprès du caporal Potvin ainsi que des gendarmes Cormier et Pichette pour son manque de jugement en mai 2019.

[110] Le gendarme Bourque a fait part des bouleversements personnels qu’il a subis au cours des deux dernières années en raison de son inconduite et de l’impact que cela a eu sur sa vie sociale et familiale. Il a admis avoir suivi des séances de counseling pour contribuer à sauver son mariage et a remercié sa femme pour son engagement envers lui.

[111] Pour conclure, le gendarme Bourque a reconnu que son jugement professionnel avait fait défaut en mai 2019 et qu’il avait commis une erreur. Il a assumé la pleine responsabilité de ses actes et comprend pourquoi la GRC considère ces questions avec sérieux dans le but de protéger l’intérêt du public et l’intégrité de la Gendarmerie.

[112] Le gendarme Bourque a ajouté qu’il comptait tirer parti de cette expérience pour s’épanouir en tant que personne et, espérons-le, en tant que fonctionnaire, quel que soit le poste qu’il occupera. Il a terminé sa déclaration en affirmant qu’il était, et qu’il est toujours, fier d’être membre de la Gendarmerie royale du Canada.

Décision quant aux mesures disciplinaires

[113] Ayant établi les contraventions au Code de déontologie, je suis maintenant tenue par la loi d’imposer des mesures disciplinaires appropriées et proportionnées. Le paragraphe 24(2) des Consignes du commissaire (déontologie) prévoit l’imposition de mesures disciplinaires « proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie ». L’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC précise ce qui suit :

[…] des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives […]

[114] Pour déterminer la sanction appropriée, il faut avant tout peser les intérêts du public, de la GRC en tant qu’employeur, du membre qui doit être traité équitablement et des personnes affectées par l’inconduite en question. L’équité envers le membre exige, en partie, que les mesures disciplinaires imposées soient proportionnelles à la nature et aux circonstances de la contravention.

[115] Il y a aussi le principe de la parité des sanctions. Le Guide des mesures disciplinaires, bien qu’il ne soit pas normatif, vise à promouvoir la parité des sanctions. Il comporte certaines limites, que la représentante de l’autorité disciplinaire a tenté d’aborder dans ses observations. De toute évidence, le Guide des mesures disciplinaires doit être lu compte tenu de l’évolution des normes sociétales, telles qu’elles sont établies par la jurisprudence ou les politiques et lois applicables.

[116] Par ailleurs, bien que je ne sois pas liée par les décisions de déontologie antérieures, celles-ci peuvent fournir des indications concernant les sanctions appropriées pour une catégorie particulière de comportement.

[117] Je commencerai par définir la série de mesures appropriées. Je passerai ensuite en revue les facteurs atténuants et aggravants. Pour finir, j’expliquerai brièvement comment j’ai pesé ces facteurs et soupesés les intérêts du public, de la GRC, du membre et des parties concernées, pour parvenir à ma décision.

[118] Pour ce qui est de la fourchette appropriée, j’ai pris en considération les arguments avancés par les avocats ainsi que les cas présentés. J’estime que dans ce cas, la sanction globale appropriée va de la confiscation du salaire pendant 20 jours ou plus, seule ou en combinaison avec d’autres mesures disciplinaires, jusqu’au licenciement.

[119] Concernant les facteurs aggravants dans cette affaire, la représentante de l’autorité disciplinaire a fait valoir que la perte de confiance du commandant divisionnaire constituait un facteur aggravant. Comme l’a noté le comité de déontologie dans l’affaire Vellani[15] :

[117] […] Je crois qu’il est temps d’abandonner une fois pour toutes ce concept dépassé. Premièrement, la décision de renvoyer un employé ne peut pas se fonder sur l’évaluation subjective d’une seule personne quant au mérite de cet employé. Il faut une analyse juridique objective. Deuxièmement, aux termes de la Loi actuelle, le concept de la perte de confiance est une tautologie : les seuls cas qui relèvent de la compétence d’un comité de déontologie sont ceux où le commandant divisionnaire, c’est-à-dire l’autorité disciplinaire, a perdu sa confiance en le membre visé et demande son congédiement. Il s’agit moins d’un facteur aggravant que d’une condition préalable à la présentation de l’affaire au comité de déontologie.

[120] Comme autres circonstances aggravantes, la représentante de l’autorité disciplinaire a noté que l’inconduite impliquait la destruction de preuves et que le gendarme Bourque avait signé un rapport qui contenait de fausses informations. Avec tout le respect que je vous dois, il ne s’agit pas de circonstances aggravantes, mais d’éléments des allégations ou de l’inconduite.

[121] Selon le Black’s Law Dictionary[16], le terme « aggravation » se définit comme suit :

[TRADUCTION]

« Circonstances de la perpétration d’un crime ou d’un délit qui augmentent la culpabilité ou la gravité ou qui ajoutent aux conséquences préjudiciables, mais qui vont au-delà des éléments essentiels du crime ou du délit en soi. » […]

[122] Le Comité de déontologie retient les circonstances aggravantes suivantes.

[123] Tout d’abord, la gravité de l’inconduite, à savoir la destruction de preuves obtenues dans le cadre d’une enquête criminelle et la signature d’un rapport de surveillance pour en attester l’exactitude, tout en sachant pertinemment que ce rapport était inexact.

[124] Deuxièmement, les actions du gendarme Bourque sont empreintes de duplicité ou d’un manque d’honnêteté.

[125] Troisièmement, comptant plus de dix ans de service, le gendarme Bourque avait une certaine ancienneté et aurait dû être plus avisé. Il n’était pas sans savoir que la décision de divulguer des éléments de preuve revenait à la Couronne et non à l’agent de police.

[126] La représentante de l’autorité disciplinaire a souligné que les actions du gendarme Bourque ont porté atteinte à la crédibilité et à la réputation de la GRC, compte tenu de l’attention que cette affaire a suscitée dans les médias. Toutefois, comme l’a indiqué le représentant du membre visé, aucune preuve ne m’a été présentée pour soutenir cette affirmation. Je ne considère donc pas cette affirmation comme une circonstance aggravante.

[127] L’attention médiatique constitue en soi une circonstance aggravante, tout comme le fait que les actes du gendarme Bourque étaient susceptibles de compromettre l’enquête criminelle. Cependant, en réalité, l’enquête criminelle n’a pas été compromise et la personne visée par l’enquête a été accusée, reconnue coupable et condamnée à 8,5 ans de prison.

[128] La représentante de l’autorité disciplinaire a également soutenu que les actes du gendarme Bourque avaient compromis la relation de la GRC et du gendarme Bourque avec un organisme partenaire, à savoir le SPPC. Encore une fois, comme l’a fait remarquer le représentant du membre visé, aucune preuve n’a été présentée pour justifier cette conclusion. Par conséquent, je n’accorde qu’un poids minime à ce facteur.

[129] En ce qui concerne les circonstances atténuantes, je note qu’elles ne constituent pas une justification ou une excuse pour l’infraction, mais, par souci d’équité envers le gendarme Bourque, elles peuvent être prises en considération afin d’atténuer la sévérité de la sanction imposée et de traiter l’inconduite de manière appropriée.

[130] Avant tout, comme l’a indiqué le représentant du membre visé, le gendarme Bourque a assumé sa responsabilité et admis son inconduite lorsque le caporal De Botton l’a abordé pour la première fois en mars 2020.

[131] Deuxièmement, le gendarme Bourque a immédiatement présenté ses excuses aux membres de son équipe pour ses actes. Il a ensuite présenté ses excuses à la Gendarmerie, à ses collègues et à moi-même. La représentante de l’autorité disciplinaire a reconnu que ses excuses étaient sincères.

[132] Troisièmement, le gendarme Bourque n’a jamais fait l’objet de mesures disciplinaires, de fiches de rendement négatives ou de commentaires négatifs dans ses évaluations de rendement. Bien au contraire, en m’appuyant sur les nombreuses évaluations de rendement soumises par le représentant du membre visé, je constate que le gendarme Bourque est un membre dévoué, supérieur à la moyenne, professionnel et fier d’être membre de la Gendarmerie et de servir et de protéger la collectivité dans laquelle il est affecté, qu’il s’agisse d’Iqaluit ou de Codiac.

[133] J’accepte l’argument du représentant du membre visé selon lequel les lettres à l’appui qu’il a fournies proviennent d’agents de police expérimentés qui ont supervisé le gendarme Bourque au fil des ans. Ces lettres le décrivent comme étant responsable, professionnel, compatissant et honnête, ce qui prouve que l’inconduite survenue les 15 et 16 mai 2019 était un incident ponctuel, hors-norme ou, comme l’a décrit le représentant du membre visé, « un cas isolé ».

[134] Quatrièmement, le gendarme Bourque a demandé conseil à un conseiller agréé, Jamie McFarlane, qui a accepté de le recommander. Il a fait remarquer que le gendarme Bourque s’est engagé dans une réflexion profonde sur les événements qui l’ont mené jusqu’à aujourd’hui et qu’il a fini par y voir plus clair. Ceci, à mon avis, démontre son potentiel de réadaptation.

Conclusion sur les mesures disciplinaires

[135] Après avoir examiné le dossier devant moi, la nature de l’inconduite, les circonstances atténuantes et aggravantes, ainsi que les cas cités par les parties, je conclus que le congédiement n’est pas justifié dans cette affaire. Les circonstances atténuantes, en particulier la sincérité des remords du gendarme Bourque, ses efforts pour mieux comprendre son inconduite, le fait qu’il ait assumé la responsabilité de ses actes et qu’il s’agisse d’un incident isolé dans une carrière qui dure maintenant depuis 13 ans, font qu’il convient d’imposer une sanction éducative et corrective, qui répond à l’objectif de dissuasion individuelle et générale.

[136] Compte tenu de ce qui précède, j’impose la mesure disciplinaire globale suivante, conformément à l’alinéa 5(1)j) des Consignes du commissaire (déontologie) :

Une pénalité financière de 25 jours à déduire de la solde du gendarme Bourque.

[137] Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée dans les plus brefs délais, conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[138] L’une ou l’autre des parties peut faire appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de cette décision au gendarme Bourque, en vertu de l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et de l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels) (DORS/2014-289).

 

 

Le 16 février 2023

Louise Morel

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

 



[1] R. c R.E.M., 2008 CSC 51, au paragraphe 65.

[2] F. H. c. McDougall, 2008 CSC 53 [arrêt McDougall], au paragraphe 80.

[3] Faryna c. Chorney, 1951 CanLII 252 (C.-B. CA), [1952] 2 DLR 354 [décision Faryna], page 357.

[4] Arrêt McDougall, au paragraphe 58.

[5] Arrêt McDougall, paragraphe 46.

[6] Annexe A, Réponse du caporal Mathieu Potvin à un avis de contravention au Code de déontologie au titre du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), datée du 22 avril 2022.

[7] Annexe A, Réponse du caporal Mathieu Potvin à un avis de contravention au Code de déontologie au titre du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), datée du 22 avril 2022.

[8] Pièce 1, Transcription de la communication radio, 15 mai 2019 et 16 mai 2019, ligne 537, page 10 de 18.

[9] Pièce 1, Transcription de la communication radio, 15 mai 2019 et 16 mai 2019, ligne 539, page 10 de 18.

[10] R v Santos, 2014 SKQB 5 (CanLII) [affaire R. v Santos].

[11] R c. Santos, page 56, paragraphe 149.

[12] Le sous-commissaire Curtis Zablocki et le gendarme Jason Girard, 2020 DAD 30 [affaire Girard].

[13] Affaire Girard, paragraphes 25 et 26.

[14] Ceyssens, Paul, Legal Aspects of Policing, Earlscourt Legal Press, Volume II, chapitre 6, révisé en mars 2012, page 6-117 à 6-119.

[15] Commandant de la Division E c. gendarme Fareez Vellani, 2017 DARD 3 [affaire Vellani], paragraphe 117.

[16] Black’s Law Dictionary. « Définition et signification du terme “aggravation” – Black's Law Dictionary ». The Law Dictionary, 4 novembre 2011, en ligne à l’adresse suivante (en anglais) : https://thelawdictionary.org/aggravation/#:~:text=AGGRAVATION%20Definition%20%26%20Legal%20Meaning &text=Any%20circumstance%20attending%20the%20commission,the%20crime%20or%20tort%20itself.

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