Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a fait l’objet de deux allégations d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, l’une pour avoir eu recours à la force physique non désirée lors d’actes sexuels non consensuels sur une partenaire intime, et l’autre pour avoir proféré des menaces de mort ou de causer des blessures graves à son épouse.

L’appelant a contesté les deux allégations. Un comité de déontologie a estimé que les allégations étaient fondées et a ordonné que l’appelant soit renvoyé de la Gendarmerie. L’appelant a interjeté appel de cette décision.

En appel, l’appelant a fait valoir que les détails de l’Avis d’audience disciplinaire étaient insuffisants, ce qui l’avait empêché de présenter une réponse et une défense complètes; que le Comité de déontologie avait commis une erreur dans sa détermination de la crédibilité et de la fiabilité des témoins; que le Comité de déontologie avait commis une erreur dans l’application des principes relatifs à la défense d’alibi; et que le Comité de déontologie avait inversé le fardeau de la preuve. Par conséquent, l’appelant a demandé l’annulation des conclusions du Comité de déontologie et des mesures disciplinaires imposées.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC aux fins d’examen. Le CEE a recommandé le rejet de l’appel, estimant que l’appelant ne pouvait pas soulever en appel le prétendu problème procédural lié à l’Avis d’audience disciplinaire; que l’appelant n’avait pas démontré que le Comité de déontologie avait erré dans son évaluation de la crédibilité; et que le Comité de déontologie n’avait pas imposé un fardeau de la preuve inversé à l’appelant, mais que ce dernier avait le fardeau de présenter des éléments de preuve pour étayer sa position.

Un arbitre a souscrit à l’analyse et aux conclusions du CEE et a déterminé que la décision du Comité de déontologie était étayée par le dossier, qu’elle n’était pas manifestement déraisonnable, qu’elle n’était pas entachée d’une erreur de droit et qu’elle n’avait pas été prise en contravention aux principes applicables de l’équité procédurale. L’appel a été rejeté.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier 2019335765 (C-066)

2023 DAD 09

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UN

appel d’une décision d’un comité de déontologie au titre du paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 (dans sa version modifiée) et

de la Partie 2 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289

Entre :

le sergent Sukhjit Dhillon

Matricule 47909

Numéro du SIGRH 00085249

(l’appelant)

et

le commandant de la Division E

Gendarmerie royale du Canada

(l’intimé)

(les parties)

DÉCISION D’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

ARBITRE : Nicolas Gagné

DATE : 28 avril 2023


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 5

CONTEXTE 6

Avis d’audience disciplinaire – Allégations 7

Conférences préparatoires à l’audience et requête de sursis de l’instance 9

AUDIENCE DU COMITÉ DE DÉONTOLOGIE 10

Audience sur les allégations 10

Décision du Comité de déontologie 12

APPEL 13

Motifs d’appel 13

Respect des délais de l’appel 16

Considérations lors de l’appel 16

Équité procédurale 17

Erreur de droit 18

Manifestement déraisonnable 20

FOND DE L’APPEL 22

Omission de fournir suffisamment de détails dans l’avis d’audience disciplinaire 23

Conclusions 24

Erreurs dans l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité 26

Conclusions 27

Inversement du fardeau de la preuve et application erronée des principes de la défense d’alibi 29

Conclusions 31

DÉCISION 35

 

SOMMAIRE

L’appelant a fait l’objet de deux allégations d’infraction à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, l’une pour avoir eu recours à la force physique non désirée lors d’actes sexuels non consensuels sur une partenaire intime, et l’autre pour avoir proféré des menaces de mort ou de causer des blessures graves à son épouse.

L’appelant a contesté les deux allégations. Un comité de déontologie a estimé que les allégations étaient fondées et a ordonné que l’appelant soit renvoyé de la Gendarmerie. L’appelant a interjeté appel de cette décision.

En appel, l’appelant a fait valoir que les détails de l’Avis d’audience disciplinaire étaient insuffisants, ce qui l’avait empêché de présenter une réponse et une défense complètes; que le Comité de déontologie avait commis une erreur dans sa détermination de la crédibilité et de la fiabilité des témoins; que le Comité de déontologie avait commis une erreur dans l’application des principes relatifs à la défense d’alibi; et que le Comité de déontologie avait inversé le fardeau de la preuve. Par conséquent, l’appelant a demandé l’annulation des conclusions du Comité de déontologie et des mesures disciplinaires imposées.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC aux fins d’examen. Le CEE a recommandé le rejet de l’appel, estimant que l’appelant ne pouvait pas soulever en appel le prétendu problème procédural lié à l’Avis d’audience disciplinaire; que l’appelant n’avait pas démontré que le Comité de déontologie avait erré dans son évaluation de la crédibilité; et que le Comité de déontologie n’avait pas imposé un fardeau de la preuve inversé à l’appelant, mais que ce dernier avait le fardeau de présenter des éléments de preuve pour étayer sa position.

Un arbitre a souscrit à l’analyse et aux conclusions du CEE et a déterminé que la décision du Comité de déontologie était étayée par le dossier, qu’elle n’était pas manifestement déraisonnable, qu’elle n’était pas entachée d’une erreur de droit et qu’elle n’avait pas été prise en contravention aux principes applicables de l’équité procédurale. L’appel a été rejeté.

INTRODUCTION

[1] Le sergent Sukhjit Dhillon, matricule 47909 (l’appelant), interjette appel de la décision d’un comité de déontologie de la GRC (Comité) selon laquelle deux allégations formulées à l’encontre de l’appelant étaient fondées, toutes deux pour avoir omis de se comporter de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (une annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada [2014], DORS/2014-281). L’une des allégations concernait le recours à une force physique non désirée lors d’actes sexuels non consensuels sur une partenaire intime et l’autre, le fait d’avoir proféré des menaces de mort ou de causer des blessures graves à l’endroit de son épouse. Par conséquent, le Comité a demandé que l’appelant soit congédié de la Gendarmerie.

[2] L’appelant soutient que cette décision a été prise en contravention aux principes applicables de l’équité procédurale, qu’elle est fondée sur une erreur de droit et qu’elle est par ailleurs manifestement déraisonnable. Plus précisément, il soutient que l’Avis d’audience disciplinaire n’était pas suffisamment détaillé, ce qui l’avait empêché de présenter une réponse et une défense complètes; que le Comité avait commis une erreur dans sa détermination de la crédibilité et de la fiabilité des témoins; que le Comité avait commis une erreur dans l’application des principes relatifs à la défense d’alibi; et que le Comité avait inversé le fardeau de la preuve. Par conséquent, l’appelant demande l’annulation des conclusions du Comité et des mesures disciplinaires imposées.

[3] Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC (1985), ch. R-10 (Loi sur la GRC), l’appel a été renvoyé au Comité externe d’examen (CEE) de la GRC aux fins d’examen. Dans un rapport publié le 7 février 2023 (CEE C-2020-016 [C-066]) (Rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé le rejet de l’appel.

[4] En ce qui concerne le renvoi au CEE, je note que le paragraphe 45.16(8) de la Loi sur la GRC exige que je motive mon choix lorsque je choisis de m’écarter de ses conclusions et de ses recommandations.

[5] Le commissaire peut, en vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, déléguer son pouvoir de rendre des décisions définitives et exécutoires dans le cadre des appels de mesures disciplinaires, et ce pouvoir m’a été délégué. Je suis donc autorisé à rendre une décision définitive et exécutoire relativement au présent appel.

[6] Pour rendre la présente décision, j’ai tenu compte de la documentation dont disposait le Comité qui a rendu la décision portée en appel (documentation), ainsi que du dossier d’appel de 1863 pages préparé par le Bureau de la coordination des griefs et des appels (le « dossier »).

[7] Pour les motifs qui suivent, l’appel est rejeté.

CONTEXTE

[8] Le CEE a résumé comme suit le contexte factuel qui a mené à l’audience disciplinaire (Rapport, paragraphes 5-7) :

[TRADUCTION]

[5] L’appelant et la plaignante étaient collègues dans un détachement de la GRC et ont noué une relation extraconjugale en 2008. À l’audience, les parties ne s’entendaient pas sur la durée de la relation, la plaignante disant que celle-ci avait pris fin en 2013 et repris en février 2016, tandis que l’appelant affirmant n’avoir eu des relations sexuelles avec la plaignante qu’à quatre reprises en 2008 et 2009.

[6] Le 7 août 2016, l’épouse de l’appelant a communiqué avec la plaignante, l’informant que son mari et elle n’étaient pas divorcés et l’invitant à venir chez elle en l’absence de l’appelant. La plaignante s’est rendue au domicile et a parlé avec l’épouse de l’appelant pendant un certain temps, mais à un moment donné, l’appelant est arrivé. En voyant son épouse avec la plaignante, il serait devenu furieux, aurait crié et aurait quitté les lieux. Durant une déclaration qu’elle a faite dans le cadre d’une enquête imposée par la loi concernant des allégations d’agression impliquant l’appelant et son épouse pour des incidents ayant eu lieu plus tard dans la soirée, la plaignante a indiqué qu’elle et l’appelant avaient entretenu une relation au cours de laquelle l’appelant l’avait également agressée physiquement et sexuellement. En mars 2017, la plaignante a rapporté les incidents suivants :

1) Au début de 2010, tandis qu’il était au domicile de la plaignante, l’appelant a déclaré qu’une balle de fusil résoudrait tous ses problèmes. La plaignante a pensé qu’il était peut-être suicidaire, mais il a précisé que la balle serait pour son épouse. Il a alors saisi la plaignante à la gorge et a serré. Elle a essayé de lui donner des coups de pied, mais il lui a attrapé les jambes de son autre main. Elle a essayé de lui dire d’arrêter, mais il s’est contenté de serrer plus fort en se moquant d’elle.

2) Vers la fin de 2012, au cours de ce qui a commencé comme une relation sexuelle consensuelle, l’appelant est monté sur la plaignante et lui a écarté de force les jambes avec ses mains à un point tel qu’elle a cru qu’il allait lui disloquer les hanches. Elle avait mal et pleurait. Elle lui a demandé d’arrêter à plusieurs reprises, mais il a appuyé son avant-bras sur sa gorge et lui a tourné la tête sur le côté. Il a ensuite eu une relation sexuelle avec elle.

3) En avril 2016, après avoir renoué la relation, durant une relation sexuelle, l’appelant a commencé à sucer et à mordre le mamelon droit de la plaignante. Elle lui a dit d’arrêter à plusieurs reprises parce qu’elle avait mal et a essayé de s’éloigner de lui. Il est passé au sein gauche et a poursuivi avec plus de force encore. La douleur était telle que la plaignante a cru avoir perdu conscience pendant une seconde. Elle s’est retournée sur le dos et il a eu des rapports sexuels avec elle alors qu’elle [TRADUCTION] « restait allongée là ».

[7] Une enquête imposée par la loi et un processus disciplinaire ont été lancés simultanément à l’égard de ces allégations. Plusieurs témoins ont été interrogés. L’enquête imposée par la loi a été confiée à un service de police municipal. La plaignante a fourni trois déclarations verbales et deux déclarations écrites. L’appelant a fourni dans le cadre de l’enquête criminelle une déclaration générale selon laquelle la plaignante n’était pas crédible et qu’il ne l’avait pas agressée. Le rapport sur l’enquête relative au Code de déontologie a été déposé le 9 janvier 2018.

Avis d’audience disciplinaire – Allégations

[9] Le 6 juin 2018, d’après les résultats de l’enquête, le commandant de la Division E a émis un avis d’audience disciplinaire contenant deux allégations selon lesquelles l’appelant avait contrevenu au Code de déontologie (allégations) (Documentation, p. 934-936). Les allégations et leurs détails sont les suivants, comme reproduits par le CEE :

[TRADUCTION]

Allégation 1

Entre le 1er mai 2009 ou vers cette date et le 30 avril 2016 ou vers cette date, à Coquitlam (Colombie-Britannique) ou dans les environs, [l’appelant] s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails :

1. Au moment des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et affecté à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Vous entreteniez une relation personnelle avec [la plaignante] ayant comporté des activités sexuelles consensuelles et non consensuelles au domicile de cette dernière.

3. Le 7 décembre 2016, le 27 mars 2017 et le 17 avril 2017, [la plaignante] a fourni des déclarations au sujet de sa relation avec vous et de votre comportement à son égard.

4. La relation a pris fin en 2013 mais a recommencé en février 2016 après que vous ayez communiqué avec [la plaignante] par courriel.

5. Les relations sexuelles étaient de nature violente et, à une ou plusieurs reprises, vous avez eu recours à une force physique non désirée à l’endroit de [la plaignante].

6. Un soir, entre le 1er novembre 2009 et le 28 février 2010, après une fête où vous aviez consommé de l’alcool, vous vous êtes rendu au domicile de [la plaignante]. Elle était assise sur les marches dans son domicile. Vous lui avez dit que vous pourriez la prendre à cet endroit, sous-entendant que vous pourriez avoir des relations sexuelles avec elle. Vous l’avez saisie par la gorge et avez serré très fort. Elle vous a demandé d’arrêter mais vous avez continué à serrer pendant environ cinq secondes. Vous l’avez laissée en état de choc, se demandant si elle devait appeler la police.

7. En novembre ou décembre 2012, pendant une relation sexuelle, vous avez continué à écarter les jambes de [la plaignante] alors qu’elle vous disait que vous lui faisiez mal.

8. [La plaignante] avait la bouche près de votre oreille et vous demandait d’arrêter, mais vous avez ignoré sa demande et vous l’avez forcée à détourner la tête avec votre bras.

9. En avril 2016, pendant une relation sexuelle avec [la plaignante], vous suciez et mordiez l’un de ses mamelons en agrippant son autre sein.

10. [La plaignante] vous a demandé plusieurs fois d’arrêter, mais vous avez ignoré sa demande. En agissant de la sorte, vous avez infligé des ecchymoses et des douleurs non désirées à [la plaignante].

11. Vos actes constituent une conduite déshonorante.

Allégation 2

Entre le 1er novembre 2009 ou vers cette date et le 28 février 2010 ou vers cette date, à Coquitlam (Colombie-Britannique) ou dans les environs, [l’appelant] s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails :

1. Au moment des faits, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et affecté à la Division E, en Colombie-Britannique.

2. Vous entreteniez une relation personnelle avec [la plaignante] ayant comporté des activités sexuelles consensuelles et non consensuelles au domicile de cette dernière.

3. Un soir, après une fête où vous aviez consommé de l’alcool, vous vous êtes rendu au domicile de [la plaignante] et vous avez discuté avec elle dans le hall d’entrée de sa résidence.

4. Durant la conversation, vous avez dit quelque chose comme [TRADUCTION] « une seule balle de fusil résoudrait tous mes problèmes ». Au début, [la plaignante] a cru que vous parliez de vous suicider, mais vous avez précisé [TRADUCTION] « non [...], la balle résoudrait mes problèmes en ce qui concerne [D.] », qui était votre épouse à l’époque.

5. Vos commentaires étaient inappropriés et constituent une conduite déshonorante.

Conférences préparatoires à l’audience et requête de sursis de l’instance

[10] Le 23 octobre 2018, durant une conférence préparatoire à l’audience, l’appelant a présenté une requête préliminaire visant à obtenir un sursis de l’instance fondé sur un abus de procedure en raison des retards survenus dans le lancement de l’audience disciplinaire, au-delà du délai prévu au paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC. L’appelant a cherché à obtenir une instruction pour la transmission de renseignements supplémentaires, conformément au paragraphe 15(5) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, afin d’étayer la requête. Le 2 novembre 2019, le Comité a émis l’Instruction de fournir des renseignements supplémentaires, qui a été satisfaite le 29 novembre 2018.

[11] Le 6 décembre 2018, une autre conférence préparatoire à l’audience a eu lieu afin de discuter des préoccupations soulevées par l’appelant en ce qui concerne la suffisance de la divulgation fournie en réponse à l’Instruction de fournir des renseignements supplémentaires. Par conséquent, le Comité a émis une autre instruction.

[12] Le 18 décembre 2018, une autre conférence préparatoire à l’audience a eu lieu au cours de laquelle le Comité a indiqué qu’il semblait que l’audience disciplinaire avait été lancée dans le délai prescrit d’un an. L’appelant a avancé qu’un enquêteur du Groupe des norms professionnelles (GNP) était une autorité disciplinaire qui était au courant de l’affaire avant la prétendue date inscrite au dossier où l’officier hiérarchique de l’appelant avait été informé. Les parties ont présenté des observations sur cette requête.

[13] Le 1er avril 2019, le Comité s’est prononcé sur la requête, la rejetant au motif que l’enquêteur du GNP n’était pas une autorité disciplinaire à l’égard de l’appelant car l’appelant ne relevait pas de lui. En s’appuyant sur l’arrêt Thériault c. Gendarmerie royale du Canada (C.A.F.), 2006 CAF 61, le Comité a conclu que [TRADUCTION] « c’est la connaissance de l’autorité disciplinaire pertinente qui marque le début du délai » et non [TRADUCTION] « la connaissance des personnes qui sont chargées de faire enquête et rapport sur les allégations de manquements à la déontologie ». Étant donné que le surintendant ML, l’autorité disciplinaire de l’appelant, a appris les allégations de l’enquêteur du GNP le 27 mars 2017, le Comité a conclu que l’audience disciplinaire a été entamée dans le délai d’un an prescrit par le paragraphe 41(2) de la Loi sur la GRC.

AUDIENCE DU COMITÉ DE DÉONTOLOGIE

[14] Le Comité a tenu une audience disciplinaire de quatre jours, soit du 9 au 11 avril 2019 et le 9 mai 2019. Les seuls témoins entendus ont été la plaignante et l’appelant. Le Comité a par la suite entendu les observations des parties et rendu une décision orale le 23 mai 2019, déterminant que les deux allégations étaient fondées. Les 30 et 31 mai 2019, le Comité a entendu des observations sur les mesures disciplinaires à imposer; l’appelant n’a pas témoigné à cette étape-ci. Le Comité a ensuite exposé oralement les motifs de sa décision sur les mesures disciplinaires et ordonné le renvoi de l’appelant de la GRC.

Audience sur les allégations

[15] Le CEE a résumé comme suit les parties pertinentes des témoignages (Rapport, paragraphes 13-14) :

[TRADUCTION]

[13] […] La plaignante a donné sa version des faits et décrit sa relation avec l’appelant entre 2008 et 2013, année où l’appelant a mis fin à la relation en [TRADUCTION] « disparaissant de la surface de la terre ». Elle a déclaré que la relation avait bien commencé mais qu’elle s’était dégradée au fil du temps lorsque l’appelant était devenu froid et distant et qu’il lui donnait l’impression d’être « un paillasson ». La plaignante a décrit les incidents à l’origine des allégations décrites ci-dessus. Lors du contre-interrogatoire, elle a expliqué que même s’ils ne s’étaient pas vus pendant quelques mois, elle avait cru comprendre qu’elle entretenait une relation sérieuse avec l’appelant parce qu’ils ne voyaient pas d’autres personnes. Cependant, elle n’avait ni photos ni autres souvenirs de sa relation avec lui. De plus, bien qu’elle ait écrit à deux reprises à l’appelant en 2016 qu’elle ne l’avait pas vu depuis six ans, elle a catégoriquement affirmé qu’elle voulait dire six mois et qu’elle ne faisait que reprendre ce que l’appelant lui disait. La plaignante a également fait reference à un courriel dans lequel elle indiquait que « beaucoup de choses s’étaient produites depuis 2013 ». Le représentant du membre (RM) a fait remarquer à la plaignante qu’elle n’était pas en mesure de déterminer quand les incidents étaient survenus; ses déclarations mentionnaient parfois 2008, parfois 2010 et parfois 2011. Le RM a relevé des incohérences dans les déclarations faites par la plaignante aux enquêteurs et dans son témoignage concernant la durée de la relation, ainsi que la chronologie des incidents.

[14] Dans son témoignage, l’appelant a soutenu que lui et la plaignante n’étaient que des amis qui avaient eu des relations intimes à quatre reprises en 2008 et 2009. Il a soutenu catégoriquement qu’il n’avait pas revu la plaignante après 2009. Bien qu’il y ait eu des messages, dont certains de nature sexuelle, au printemps 2016, indiquant qu’ils étaient impatients de se voir, l’appelant a déclaré qu’ils ne s’étaient jamais revus. Il a nié avoir agressé physiquement et sexuellement la plaignante. Il a expliqué que l’incident du 15 avril 2016 concernant les seins n’avait pas pu se produire parce qu’il était avec sa fille et qu’il avait dîné au restaurant avec son frère ce jour-là. Lors du contre-interrogatoire, le représentant de l’autorité disciplinaire (RAD) a indiqué à l’appelant, qui en a convenu, qu’il n’avait pas dit la vérité aux enquêteurs ni à la plaignante sur un certain nombre de points. Par exemple, il a dit à la plaignante qu’il ne savait pas qui avait donné son nom aux enquêteurs, alors qu’en fait c’était lui; il a dit aux enquêteurs qu’il n’avait parlé que brièvement à la plaignante depuis le jour où il l’avait trouvée à son domicile avec son épouse, alors qu’en fait, le dossier indique qu’ils s’étaient beaucoup parlé depuis. Le RAD a également souligné que l’appelant avait beaucoup insisté pour que la plaignante lui fournisse une copie de la déclaration écrite qu’elle avait faite aux enquêteurs.

Décision du Comité de déontologie

[16] Le CEE résume comme suit les conclusions et les décisions du Comité concernant les allégations et les mesures disciplinaires (Rapport, paragraphes 16-19) :

[TRADUCTION]

[16] […] Le Comité a tout d’abord indiqué que, bien que les détails aient été exposés en ce qui concerne chaque contravention alléguée au Code de déontologie, le RAD n’était pas tenu de prouver chaque détail précis, car certains d’entre eux avaient été fournis pour situer les allégations dans leur contexte. Il était seulement tenu de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que la conduite de l’appelant à l’égard de chaque allégation était déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[17] Le Comité s’est ensuite attardé sur la nature de la relation entre l’appelant et la plaignante. Après avoir examiné les récits contradictoires des deux témoins, le Comité a conclu que la relation entre l’appelant et la plaignante était une relation abusive, contrôlée par l’appelant. Après avoir examiné les principes applicables pour établir la crédibilité et la fiabilité d’un témoin, le Comité a estimé que la nature abusive de la relation expliquait en partie les incohérences entre les déclarations et le témoignage de la plaignante. Cela expliquait également pourquoi la plaignante avait fourni deux déclarations aux enquêteurs, la première étant plus favorable à l’appelant. Le Comité a également dû déterminer l’impact de ces incohérences sur l’ensemble de la preuve. En revanche, le Comité a estimé que l’appelant, durant son témoignage, avait fourni de l’information et des « preuves d’alibi » qui auraient pu et dû être fournies avec sa réponse aux allégations conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), ou encore à la première occasion. Par conséquent, conformément à la jurisprudence, le Comité a déclaré qu’il était autorisé à tirer une conclusion négative de la divulgation tardive. Au bout du compte, le Comité a estimé que la plaignante était plus crédible que l’appelant, malgré quelques problèmes de fiabilité quant à la chronologie des événements.

[18] Le Comité a reconnu que la preuve relative à l’incident d’étranglement et de menaces donne un écart de plus ou moins trois mois dans la période indiquée dans l’avis d’audience. Toutefois, le Comité a estimé que cette divergence ne portait pas préjudice à l’appelant. En effet, l’appelant avait accès aux mêmes éléments de preuve que le Comité et était mieux placé pour savoir à quel moment il était en congé dans son détachement, soit à l’époque où l’incident s’est produit. Le Comité a en outre estimé que l’incident relative à « l’écartement des jambes », qui se serait produit en novembre ou en décembre 2012, avait été établi sur la base du témoignage du plaignant. Enfin, le Comité a estimé que l’incident relatif à la morsure au sein avait été établi à la lumière des éléments de preuve et du témoignage de la plaignante. Le Comité a conclu que les actions de l’appelant constituaient un comportement déshonorant et a estimé que les deux allégations étaient fondées.

[19] Après avoir entendu les observations sur les mesures disciplinaires à imposer, le Comité a rendu sa décision orale. Il a d’abord rappelé le critère juridique applicable pour déterminer les mesures appropriées, puis, en se référant au Guide des mesures disciplinaires, il a constaté que les mesures disciplinaires allaient de la confiscation d’un jour de salaire jusqu’au congédiement pour les deux allégations. Après avoir examiné les facteurs aggravants et atténuants, le Comité a estimé que les facteurs aggravants l’emportaient largement sur les facteurs atténuants et a ordonné le renvoi de l’appelant.

APPEL

Motifs d’appel

[17] Le 25 septembre 2019, l’appelant a présenté une déclaration d’appel au Bureau de la coordination des griefs et des appels (Appel, p. 4, 8, 83). Il a indiqué croire que la décision du Comité avait été rendue d’une manière qui contrevenait aux principes d’équité procédurale applicables, qu’elle était entachée d’une erreur de droit et qu’elle était par ailleurs manifestement déraisonnable. Dans une annexe à la déclaration d’appel, l’appelant a formulé ses motifs d’appel comme suit, sans développer davantage (Appel, p. 12-13) :

[TRADUCTION]

  1. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit dans son interprétation du paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, et des lignes directrices du Comité de déontologie.
  2. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit et/ou a contrevenu aux principes d’équité procédurale en inversant le fardeau de la preuve de manière à ce qu’il incombe à [l’appelant] d’établir sa defense à l’aide d’éléments de preuve documentaire exhaustifs.
  3. En outre, le Comité de déontologie a contrevenu aux principes d’équité procédurale et/ou a agi de manière manifestement déraisonnable dans son interprétation et son traitement de la réponse écrite [de l’appelant] aux allégations.
  4. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit en appliquant les principes de preuve du droit pénal et, en particulier, les principes relatifs à la preuve d’alibi.
  5. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit et/ou a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité en formulant la question finale comme étant celle de savoir si [l’appelant] était [TRADUCTION] « coupable ou innocent dans cette affaire ».
  6. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit et/ou a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité en tirant une conclusion négative à l’encontre [de l’appelant] pour ne pas avoir divulgué une « preuve d’alibi ».
  7. Le Comité de déontologie a violé le droit [de l’appelant] à une décision équitable et impartiale en donnant lieu à une crainte raisonnable de partialité.
  8. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit et/ou a contrevenu aux principes d’équité procédurale en autorisant et en tenant compte d’éléments de preuve hautement préjudiciables concernant et contre [l’appelant], malgré le fait que ces éléments de preuve n’avaient aucune valeur probante.
  9. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit et/ou a contrevenu aux principes d’équité procédurale en s’appuyant largement sur des preuves irrecevables pour établir la crédibilité, dégager des facteurs atténuants et aggravants et déterminer la sanction appropriée.
  10. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit et/ou a contrevenu aux principes d’équité procédurale en ignorant et en expliquant les divergences dans les éléments de preuve et la chronologie des événements présentés par la plaignante.
  11. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit dans son évaluation de la crédibilité des témoins.
  12. Le Comité de déontologie a agi de manière manifestement déraisonnable en s’attendant à ce que [l’appelant] fournisse des arguments de défense détaillés pour chaque allégation, en dépit du fait que :
    1. [l’appelant] a clairement déclaré que ces incidents ne s’étaient pas produits;
    2. [l’appelant] n’a pas été informé des dates exactes ou des périodes précises auxquelles les incidents se seraient produits.
  13. Le Comité de déontologie a agi de manière manifestement déraisonnable en concluant que l’[appelant] et la plaignante avaient entretenu une relation sérieuse pendant une période de quatre ans, bien qu’il n’y ait aucune preuve indépendante ou physique à l’appui de cette conclusion.
  14. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit et/ou a agi de manière manifestement déraisonnable dans sa façon de traiter les nombreuses divergences et incohérences dans les déclarations et le témoignage de la plaignante.
  15. Le Comité de déontologie a commis une erreur de droit, a agi de manière manifestement déraisonnable et/ou a contrevenu aux principes d’équité procédurale dans les mesures disciplinaires qu’il a imposées à [l’appelant].

[18] Le 26 mars 2020, l’appelant a remis au Bureau de la coordination des griefs et des appels (BCGA) ses arguments en appel, étayés par plusieurs documents annexés (Appel, p. 120-928). Il a présenté des arguments sur les motifs d’appel condensés suivants :

[TRADUCTION]

  1. Défaut de fournir des détails suffisants dans l’avis d’audience disciplinaire;
  2. Erreurs dans l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité :
    1. défaut d’évaluer correctement la preuve;
    2. défaut d’évaluer correctement la crédibilité;
  3. Renversement du fardeau de la preuve pour faire peser celui-ci sur l’appelant.

Respect des délais de l’appel

[19] Le Comité a produit son compte rendu de décision le 3 septembre 2019 (Appel, p. 15), et l’appelant a indiqué qu’il lui avait été signifié le 13 septembre 2019 (Appel, p. 10), ce qui n’a pas été contesté. Le BCGA a reçu l’appel de l’appelant le 25 septembre 2019 (Appel, p. 4, 8). Par conséquent, je conclus que l’appel a été déposé dans le délai prescrit de 14 jours établi à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels).

Considérations lors de l’appel

[20] Le processus d’appel en matière disciplinaire n’est pas un processus où l’appelant a la possibilité de faire réévaluer son cas de novo devant un nouveau décideur. C’est plutôt une occasion de contester une décision déjà rendue. Lorsque l’arbitre examine un appel d’une décision rendue dans une affaire disciplinaire, son rôle est régi par le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), qui stipule :

33 (1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[21] Le rôle de l’arbitre se limitera à déterminer si la décision en appel a été rendue en violation des principes applicables d’équité procédurale, si elle est entachée d’une erreur de droit ou si elle est manifestement déraisonnable.

[22] Lorsqu’il s’agit d’un appel sur les mesures disciplinaires, le paragraphe 45.16(5) de la Loi sur la GRC énonce les résultats possibles :

(3) Le commissaire peut, lorsqu’il est saisi d’un appel interjeté contre une mesure disciplinaire imposée par le comité de déontologie ou l’autorité disciplinaire :

(a) soit rejeter l’appel et confirmer la mesure disciplinaire;

(b) soit accueillir l’appel et annuler la mesure disciplinaire imposée ou, sous réserve des paragraphes (4) ou (5), imposer toute autre mesure disciplinaire.

[23] Conformément au chapitre II.3 « Griefs et appels » du Manuel d’administration (MA, chap. II.3) (version en vigueur au moment du dépôt de l’appel), à la section 5.6.2., l’arbitre doit tenir compte des documents suivants pour prendre sa décision :

5. 6. 2. L’arbitre étudie le formulaire relatif à l’appel; la décision écrite faisant l’objet de l’appel; les documents sur lesquels se fonde la décision, qui auront été fournis par la personne qui a pris la décision; les argumentations; toute autre information soumise par les parties; dans le cas où l’appel a été renvoyé au [CEE], le rapport du [CEE] concernant l’appel.

[24] L’appelant a indiqué dans sa déclaration d’appel qu’il est d’avis que la décision du Comité a été rendue en violation des principes applicables d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit et qu’elle est manifestement déraisonnable. Je vais maintenant examiner les paramètres de chacune de ces considérations, y compris les normes de contrôle applicables.

Équité procédurale

[25] Dans le cadre d’un appel, l’équité procédurale est assujettie à une stricte norme de contrôle de la décision correcte, comme l’explique l’arrêt Garcia Diaz c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 321 de la Cour fédérale du Canada :

À l’égard des questions d’équité procédurale, la norme de contrôle est celle de la décision correcte. Plus précisément, qu’il soit question de la norme de contrôle de la décision correcte ou de l’obligation de la Cour de s’assurer que le processus a été équitable sur le plan procédural, le contrôle judiciaire d’une question relative à l’équité procédurale ne laisse aucune marge de manœuvre à la cour de révision ni n’autorise cette dernière à faire preuve de déférence. La question fondamentale demeure celle de savoir si la partie visée connaissait la preuve à réfuter et si elle a eu une occasion réelle et équitable d’y répondre : voir Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 [2019] 1 RCF 121 [CFCP] (le juge Rennie), particulièrement aux para 49, 54 et 56; Baker, au para 28. Dans l’arrêt Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196, le juge de Montigny a affirmé que « [c]e qui importe, en fin de compte, c’est de savoir si l’équité procédurale a été respectée ou non » (au paragraphe 35).

[26] Lorsqu’il prétend que la décision du Comité ne respecte pas les principes applicables d’équité procédurale, l’appelant doit démontrer que le Comité n’a pas suivi une procedure adéquate pour rendre sa décision, établissant qu’au moins l’un des droits suivants a été violé :

  • Le droit de savoir quelle question sera tranchée et le droit d’avoir une occasion équitable de faire valoir son point de vue sur cette question;
  • Le droit à une décision rendue par un décideur impartial;
  • Le droit à une décision de la personne saisie du grief;
  • Le droit de connaître les motifs de la décision.

[27] Le principal argument soulevé par l’appelant à cet égard est que l’avis d’audience disciplinaire était erroné et manquait de précision et que, par conséquent, l’appelant n’a pas été en mesure de présenter une défense appropriée. Il soutient donc essentiellement qu’il n’a pas été dûment informé et qu’il n’a pas eu pleinement l’occasion de se faire entendre. J’examinerai ce motif plus en détail un peu plus loin.

Erreur de droit

[28] Une erreur de droit est une erreur dans l’application ou l’interprétation de la loi applicable à une affaire. Elle est généralement décrite comme l’application d’une norme juridique incorrecte ou l’omission de tenir compte d’un élément essentiel d’un critère juridique. Autrement dit, [TRADUCTION] « [u]ne question qui vise à déterminer l’interprétation correcte d’une norme juridique [ou d’une disposition législative] plutôt que la manière dont la norme est appliquée aux faits particuliers est une question de droit » (Robert Macaulay et James Sprague, Practice and Procedure before Administrative Tribunals, feuilles mobiles [Toronto : Thompson Reuters, 2017], volume 3, aux pages 28-336, note 236).

[29] En l’espèce, l’appelant fait valoir que le Comité a commis une erreur de droit lorsqu’il a prétendument renversé le fardeau de la preuve afin qu’il incombe à l’appelant de prouver les allégations en [TRADUCTION] « exigeant de l’appelant qu’il prouve que le comportement inopportun n’a pas eu lieu » (Appel, p. 130).

[30] En ce qui concerne la norme de contrôle applicable, la Cour suprême a établi dans l’arrêt Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, qu’il existe une présomption que le caractère raisonnable est la norme de contrôle applicable des décisions administratives (Vavilov, paragraphes 16-17, 23-32). La Cour a néanmoins confirmé que cette présomption peut être réfutée et qu’une norme de contrôle différente s’applique dans deux types de situations.

[31] D’abord, la présomption peut être réfutée et une norme de contrôle autre que celle du caractère raisonnable peut être appliquée lorsque le législateur a indiqué qu’une telle norme de contrôle différente devrait s’appliquer (Vavilov, paragraphes 33-52). En l’espèce, le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels) ne précise pas expressément une norme de contrôle à appliquer aux erreurs de droit. Ainsi, la norme de contrôle en common law prévaut étant donné que la présomption n’est pas réfutée.

[32] Ensuite, la Cour suprême a établi que la présomption selon laquelle le caractère raisonnable est la norme de contrôle applicable sera réfutée lorsque l’affaire porte sur certains types de questions de droit, auquel cas la norme de contrôle de la décision correcte doit être appliquée : les questions constitutionnelles, les questions de droit générales d’une importance capitale pour le système juridique dans son ensemble, et les questions liées aux délimitations des compétences respectives d’organismes administratifs (Vavilov, paragraphe 53). Aucune de ces questions n’est soulevée dans les motifs d’appel de l’appelant et, par conséquent, ces exceptions à la présomption d’application de la norme de la décision raisonnable ne s’appliquent pas en l’espèce.

[33] À ce titre, jappliquerai une norme du caractère raisonnable aux questions de droit.

[34] Je vais maintenant me pencher sur ce qui constitue une décision raisonnable. Dans larrêt Canada (Procureur général) c. Zimmerman, 2015 CF 208, au paragraphe 45, la juge McVeigh de la Cour fédérale soutient que « [l]e caractère raisonnable d’une décision tient à sa justification, à sa transparence et à l’intelligibilité du processus décisionnel ainsi qu’à l’appartenance de la décision aux issues possibles et acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit (Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9; Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12) ».

[35] En examinant la décision de la Cour suprême dans Vavilov, le juge Norris de la Cour fédérale, dans Bell Canada c. Hussey, 2020 CF 795, a examiné la notion de decision raisonnable, soulignant ce qui suit au paragraphe 30 :

Le contrôle judiciaire selon la norme de la décision raisonnable sintéresse « à la décision effectivement rendue par le décideur, notamment au raisonnement suivi et au résultat de la décision » (Vavilov, au par. 83). Une décision raisonnable « doit être fondée sur une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Vavilov, au par. 85). Les motifs du décideur doivent être lus à la lumière du dossier et en tenant compte du contexte administratif dans lequel ils ont été fournis (Vavilov, aux par. 91-95). Lorsqu’elle décide si une décision est raisonnable, la cour de révision « doit donc se demander si la décision possède les caractéristiques dune décision raisonnable, soit la justification, la transparence et lintelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » (Vavilov, au par. 99).

[36] En termes simples, je dois déterminer si la décision de lintimé est justifiable, transparente et intelligible. Il incombe à lappelant de me convaincre que « la lacune ou la déficience quinvoque la partie contestant la décision est suffisamment capitale ou importante pour render cette dernière déraisonnable » (Vavilov, au paragraphe 100, cité avec approbation dans larrêt Société canadienne des postes c. Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes, 2019 CSC 67, au paragraphe 33).

Manifestement déraisonnable

[37] Lappelant évoque le spectre derreurs de la part du Comité lors de lévaluation de la prevue présentée et de la crédibilité des témoins. Jestime que les erreurs commises dans la détermination des faits dune affaire et de la crédibilité des témoins sont des questions de fait, ou des questions mixtes de fait et de droit, lorsquil sagit dappliquer des principes juridiques à la preuve présentée. Selon le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), de telles questions doivent être examinées sous langle du caractère manifestement déraisonnable.

[38] Jai déjà examiné ce qui constitue une décision raisonnable. Quelle est exactement la norme dune décision « manifestement déraisonnable »? La Cour fédérale, dans Kalkat c Canada (Procureur général), 2017 CF 794, et la Cour dappel fédérale, dans Smith c Canada (Procureur général), 2021 CAF 73, ont toutes deux accepté que le terme « manifestement déraisonnable » utilisé dans les Consignes du commissaire (griefs et appels) est le même que la norme « manifestement déraisonnable » reconnue depuis longtemps dans la jurisprudence.

[39] Il y a une distinction à faire entre une décision « déraisonnable » et une decision « manifestement déraisonnable », cette dernière étant le seuil applicable pour la conduite des appels en vertu des Consignes du commissaire (griefs et appels). Dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, la Cour suprême a formulé les observations suivantes au sujet de la différence :

[56] Je conclus que cette troisième norme devrait être fondée sur la question de savoir si la décision du Tribunal est déraisonnable. Ce critère doit être distingué de la norme de contrôle qui appelle le plus haut degré de retenue, et en vertu de laquelle les tribunaux doivent dire si la décision du tribunal administratif est manifestement déraisonnable. Est déraisonnable la décision qui, dans lensemble, nest étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander sil existe quelque motif étayant cette conclusion. Le défaut, sil en est, pourrait découler de la preuve elle-même ou du raisonnement qui a été appliqué pour tirer les conclusions de cette preuve. Un exemple du premier type de défaut serait une hypothèse qui navait aucune assise dans la preuve ou qui allait à lencontre de lessentiel de la preuve. Un exemple du deuxième type de défaut serait une contradiction dans les prémisses ou encore une inférence non valable.

[57] La différence entre « déraisonnable » et « manifestement déraisonnable » réside dans le caractère flagrant ou évident du défaut. Si le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal, la décision de celui-ci est alors manifestement déraisonnable. Cependant, sil faut procéder à un examen ou à une analyse en profondeur pour déceler le défaut, la décision est alors déraisonnable mais non manifestement déraisonnable. Comme la fait observer le juge Cory dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, à la p. 963, « [d]ans le Grand Larousse de la langue française, l’adjectif manifeste est ainsi défini : “Se dit d’une chose que l’on ne peut contester, qui est tout à fait évidente” ». Cela ne veut pas dire, évidemment, que les juges qui contrôlent une décision en regard de la norme du caractère manifestement déraisonnable ne peuvent pas examiner le dossier. Si la décision contrôlée par un juge est assez complexe, il est possible quil lui faille faire beaucoup de lecture et de réflexion avant dêtre en mesure de saisir toutes les dimensions du problème. […] Mais une fois que les contours du problème sont devenus apparents, si la décision est manifestement déraisonnable, son caractère déraisonnable ressortira.

[40] La Cour suprême a expliqué, dans larrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, au paragraphe 52, quune décision manifestement déraisonnable est une décision qui est « clairement irrationnelle » ou « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée quaucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».

[41] Par conséquent, les questions de fait ou les questions mixtes de fait et de droit dans le présent appel exigent une grande retenue et seule la présence dune erreur manifeste et déterminante permettrait de conclure que la décision du Comité est manifestement déraisonnable. Je dois donc mabstenir dintervenir dans la décision à moins que lappelant nétablisse que la décision du Comité est entachée dune erreur claire, manifeste et déterminante, démontrant ainsi que la décision est manifestement déraisonnable. Il ne suffit pas de simplement démontrer que les motifs fournis sont insuffisants. Lappelant doit prouver que le Comité a non seulement commis une erreur, mais aussi que cette erreur est telle que je nai pas dautre choix que dannuler la décision. Telle est la norme imposée par les Consignes du commissaire (griefs et recours). Par conséquent, je dois accorder un degré élevé de déférence à la décision du Comité.

FOND DE L’APPEL

[42] J’aborderai maintenant les motifs d’appel de l’appelant à la lumière des considérations susmentionnées.

Omission de fournir suffisamment de détails dans l’avis d’audience disciplinaire

[43] En ce qui concerne l’omission de fournir suffisamment de détails dans l’avis d’audience disciplinaire, le Comité externe d’examen (CEE) résume comme suit les arguments de l’appelant (Rapport, paragraphe 29) :

[TRADUCTION]

[29] L’appelant soutient que l’avis d’audience qui lui a été signifié était inadéquat, car il condensait quatre allégations d’inconduite en seulement deux déclarations, ne contenait pas suffisamment de détails et fournissait une plage de dates trop large pour chaque acte allégué. Selon l’appelant, puisque le Comité a reconnu qu’il aurait été préférable que tous les incidents fassent l’objet d’une allégation distincte, il aurait dû demander au [représentant de l’autorité disciplinaire] de modifier l’avis d’audience. Ces déficiences ont empêché l’appelant de répondre adéquatement aux allégations, ce qui constitue une violation de l’alinéa 43(3)a) et du paragraphe 43(4) de la Loi sur la GRC et de son droit à l’équité procédurale.

[44] Par exemple, l’appelant soutient que la date précise où se serait produit l’incident relative aux seins ne lui avait été communiquée qu’à l’audience, ce qui a annulé toute possibilité pour lui de rassembler à l’avance et de présenter des éléments de preuve pour sa défense d’alibi. Selon lui, la même situation s’applique aux autres allégations, dans la mesure où seule une large fourchette de dates lui avait été communiquée. Tout cela, selon l’appelant, l’a empêché de présenter une défense détaillée.

[45] L’intimé répond ce qui suit à ce sujet, comme l’a résumé le CEE (Rapport, paragraphe 30) :

[TRADUCTION]

[30] L’intimé admet que les détails de l’avis d’audience auraient pu être structurés de manière plus efficace. Toutefois, en se fondant sur [Gill c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1106], les détails contenaient suffisamment d’informations pour que soit remplie l’obligation d’équité. En outre, l’intimé fait valoir que l’appelant a reçu une copie de tous les éléments de preuve, ce qui aurait dû lui permettre de préparer une réponse et une défense complètes. L’intimé souligne en outre que plusieurs conférences préalables à l’audience ont eu lieu et que l’appelant n’y a jamais mentionné de problèmes concernant l’avis d’audience.

[46] Dans sa réfutation, l’appelant conteste l’affirmation de l’intimé selon laquelle la période mentionnée au cours de laquelle l’incident « balle de fusil/étranglement » se serait produit est suffisamment définie pour permettre une défense pleine et entière. Il souligne que, bien que le Comité ait constaté une inexactitude dans la chronologie définie pour l’une des allégations, il a commis une erreur en minimisant cette inexactitude, ce qui contrevient aux principes établis par la Cour d’appel fédérale dans l’affaire Gill.

[47] Par ailleurs, l’appelant soutient que, contrairement à ce qu’affirment le Comité et l’intimé, les détails des allégations n’étaient pas vérifiables à partir du rapport d’enquête qui lui a été fourni, et que ce n’est pas à lui [TRADUCTION] « de discerner les allégations formulées contre lui », citant à l’appui l’affaire d’une audience disciplinaire entre Le commandant de la Division H et le gendarme Devin Pulsifer, 2019 DARD 09.

Conclusions

[48] Je souscris à l’analyse du CEE à cet égard. Il incombait à l’appelant de soulever toute question procédurale à la première occasion (Zündel c. Canada [Commission des Droits de la Personne], 2000, ACF no 1838, aux paragraphes 4, 8). Ce principe a été énoncé dans beaucoup de décisions, notamment dans Chrétien c. Canada (Procureur général), 2005 CF 925 (au paragraphe 44), où la Cour fédérale déclare que la partie qui croit avoir rencontré un problème procédural doit immédiatement le soulever devant le tribunal « au lieu de ne sortir de son silence que si le résultat de l’instance ne lui est pas favorable ». De plus, la Cour fédérale a statué ce qui suit dans Kamara c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CF 448 :

[26] […] La jurisprudence de la Cour est claire : les questions de cette nature, qui portent sur l’équité procédurale, doivent être soulevées à la première occasion. Or, la demanderesse en l’espèce ne s’est plainte en aucun moment. Son défaut de formuler une objection au stade de l’audience équivaut à une renonciation tacite relativement à tout manquement perçu à l’équité procédurale ou à la justice naturelle. Voir Restrepo Benitez et al. c. M.C.I., 2006 CF 461, aux paragraphes 220, 221, 232 et 236, et Shimokawa c. M.C.I., 2006 CF 445, aux paragraphes 31 et 32, où la Cour cite l’arrêt Geza c. M.C.I., 2006 CAF 124, au paragraphe 66.

[49] Comme l’a fait remarquer le CEE (Rapport, paragraphe32) :

[TRADUCTION]

[32] L’appelant a reçu l’avis d’audience, y compris tous les documents d’enquête, le 25 juillet 2018. Entre octobre 2018 et le 1er avril 2019, le Comité a tenu quatre conférences préparatoires à l’audience avec les parties afin de déterminer plusieurs questions préliminaires. Le dossier contient aussi plusieurs courriels entre les parties et le Comité. Or, l’appelant n’a pas soulevé une seule fois la question de la suffisance des allégations et de leurs détails. De plus, l’appelant n’a pas soulevé la question au début de l’audience. Même après avoir entendu les éléments de preuve de la plaignante, l’appelant n’a pas abordé la question de la suffisance des détails dans ses observations orales finales. Ayant reçu l’avis d’audience et les documents sur lesquels allait se fonder l’audience de juillet 2018, l’appelant possédait toute l’information nécessaire pour soulever une objection s’il l’avait estimé nécessaire. Cette question aurait dû être soulevée à la première occasion, par exemple durant l’une des conférences préparatoires à l’audience. Comme l’appelant ne l’a pas fait, j’estime qu’il a renoncé à son droit de contester l’avis d’audience et qu’il n’est pas autorisé à soulever cette question en appel.

[50] L’appelant était représenté par un représentant des membres (RM) pendant toute la durée de la procédure décrite par le CEE. L’appelant et son RM n’ont pas soulevé la question du prétendu manque de précision de l’avis d’audience disciplinaire. L’appelant a participé aux conférences préparatoires et à l’audience sans émettre d’objection. Il a également présenté des observations et monté une défense, là encore sans soulever d’objection.

[51] Qui plus est, au tout début de l’audience, le Comité a demandé à l’appelant de confirmer s’il avait été « dûment avisé », ce à quoi le RM a répondu par l’affirmative; de surcroît, le RM a expressément renoncé à la lecture des détails lorsque le Comité a lu les allégations à l’appelant, comme l’exige le paragraphe 20(1) des Consignes du commissaire (déontologie) (Documentation, p. 2093).

[52] Je suis d’accord avec le CEE pour dire que l’appelant a renoncé à son droit de soulever un manquement à l’équité procédurale en ce qui concerne les détails de l’avis d’audience disciplinaire. L’appelant a participé aux conférences préparatoires et à l’audience, a contre-interrogé la plaignante, a témoigné lui-même et a présenté des observations, le tout sans soulever cette question. L’appelant ne peut pas alléguer une violation de l’équité procédurale, alors qu’il n’a pas soulevé la question devant le Comité, parce qu’il est maintenant insatisfait du résultat de l’audience.

[53] Ce motif d’appel est rejeté.

Erreurs dans l’évaluation de la crédibilité et de la fiabilité

[54] L’appelant soutient que le Comité n’a pas correctement évalué les éléments de preuve et qu’il a commis des erreurs dans l’évaluation de la crédibilité des témoins. Ces motifs sont étroitement liés et je souscris à l’approche du CEE qui a consisté à les traiter ensemble. Ils sont en fait présentés sous la même catégorie dans les observations écrites de l’appelant.

[55] Le CEE résume comme suit les arguments de l’appelant (Rapport, paragraphes 33-34) :

[TRADUCTION]

[33] L’appelant soutient tout d’abord que le Comité a tiré des conclusions de fait, par exemple, sur la nature de la relation entre l’appelant et la plaignante avant d’évaluer la crédibilité des deux témoins. Étant donné que la durée et la nature de la relation ont été des faits très contestés, l’appelant soutient que le Comité a commis une erreur dans son évaluation des éléments preuves parce qu’ils n’étaient pas fiables. L’appelant affirme que le Comité n’a jamais pris en considération sa version des faits, bien qu’il n’y ait aucune preuve corroborant la version de la plaignante. De même, l’appelant indique que le Comité a accepté de nombreuses déclarations faites par la plaignante sans analyser au préalable sa crédibilité ou la fiabilité de ces déclarations.

[34] Ensuite, bien que l’appelant soutienne que le Comité a commis une erreur en n’évaluant pas la crédibilité des témoins, il affirme que le Comité a commis une erreur dans l’évaluation de cette crédibilité. Plus précisément, l’appelant affirme que le Comité a tiré des conclusions sur la crédibilité et la fiabilité sans procéder à l’analyse juridique appropriée. Selon l’appelant, le Comité aurait dû examiner les facteurs discutés dans [Bradshaw v. Stenner, 2010 BCSC 1398], comme la capacité et l’occasion des témoins d’observer les événements; leur capacité à garder fidèlement en mémoire les faits; leur capacité à résister à la tendance; et la question de savoir si la preuve des témoins s’harmonise avec d’autres preuves acceptées, entre autres facteurs. Au lieu de cela, le Comité s’est principalement appuyé sur le comportement de la plaignante. Bien que le Comité ait reconnu l’existence d’incohérences dans son témoignage, il a estimé à tort que ces incohérences étaient plausibles. L’appelant fait remarquer, en revanche, que le Comité l’avait jugé, lui, non crédible en raison de son incapacité à produire des éléments de preuve corroborants à l’appui de sa défense.

[56] Le CEE résume comme suit les arguments de l’intimé (Rapport, paragraphe 35) :

[TRADUCTION]

[35] L’intimé soutient que, depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur la GRC modifiée, les comités de déontologie sont saisis dès le départ de tous les documents sur lesquels ils doivent s’appuyer à l’audience. L’intimé reconnaît que le Comité a pris certaines décisions avant d’évaluer la crédibilité des témoins. Toutefois, il fait remarquer que cette évaluation faisait partie de l’évaluation globale de la crédibilité.

[57] Dans sa réfutation, l’appelant fait observer que le Comité et l’intimé ont omis d’aborder les facteurs à prendre en considération dans l’évaluation de la crédibilité. L’appelant souligne également le fait que l’intimé présente des observations de fond sur le concept de declarations antérieures cohérentes, sans tenir dûment compte des propos de la Cour suprême dans l’affaire R. c. Stirling, 2008 CSC 10, où il a été dit que les déclarations antérieures cohérentes ne devraient pas constituer le fondement d’une présomption selon laquelle un témoin est susceptible de dire la vérité.

Conclusions

[58] Je souscris à l’analyse du CEE.

[59] Le Comité n’a pas fermé les yeux sur les divergences ou les inexactitudes dans les éléments de preuve de la plaignante. Il a montré qu’il avait été attentif à ces éléments, qu’il les avait reconnus et qu’il s’y était attaqué. En ce qui concerne la preuve de l’appelant, le Comité ne s’est pas fondé uniquement sur son témoignage à l’audience, mais a également comparé ses éléments de preuve à ceux figurant dans le dossier, comme les courriels échangés entre lui et la plaignante.

[60] Le Comité s’est donné beaucoup de mal pour expliquer la façon dont il a traité les éléments de preuve produits par les témoins et la question de la crédibilité. Son raisonnement est justifié, transparent et intelligible. En fin de compte, j’estime que son évaluation des preuves et les conclusions qu’il en a tirées s’inscrivent certainement dans le spectre des issues acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

[61] En ce qui concerne l’affirmation de l’appelant selon laquelle le Comité n’a pas procédé à une analyse juridique appropriée de la crédibilité et n’a pas pleinement tenu compte des facteurs soulevés par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Bradshaw v. Stenner, 2010 BCSC 1398 (au paragraphe 186) (Bradshaw), je ne crois pas qu’il existe une méthode inébranlable ou un ensemble de règles fixes à prendre en consideration pour déterminer la crédibilité. Comme l’a déclaré la Cour suprême dans White v. The King, [1947] SCR 268, à la page 272, [TRADUCTION] « [l]a crédibilité est une question de fait et ne peut pas être déterminée selon des règles fixes que l’on suggère avoir force de loi […] ».

[62] En outre, je ne considère pas que l’arrêt Bradshaw soutienne la proposition selon laquelle une évaluation de la crédibilité doit passer par tous les différents facteurs énumérés par la Cour, car je constate qu’au point 186, la Cour se contente d’énumérer une liste de facteurs potentiels pouvant être pris en considération, sans suggérer en aucune manière que la liste est exhaustive ou doit être prise en compte dans son intégralité. Je trouve raisonnable qu’un décideur puisse parvenir à une conclusion sur la crédibilité sans avoir à passer en revue tous les facteurs énumérés.

[63] Comme l’a conclu une majorité des juges de la Cour suprême dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 RCS 235, au paragraphe 25, une conclusion qui, selon moi, s’applique avec les adaptations nécessaires au processus d’appel en matière de déontologie de la GRC :

Bien que le juge de première instance soit toujours dans une position privilégiée pour apprécier la crédibilité des témoins, ce n’est pas là le seul domaine où il bénéficie d’un avantage sur les juges des cours d’appel. Parmi les avantages dont jouit le juge de première instance sur le plan des inférences factuelles, mentionnons son expertise relative en matière d’appréciation et d’évaluation de la preuve, de même que la connaissance unique qu’il possède de la preuve souvent abondante produite par les parties. Cette familiarité avec toute la trame factuelle lui est d’une grande utilité lorsque vient le moment de tirer des conclusions de fait. En outre, les considérations relatives au coût, au nombre et à la durée des appels sont tout aussi pertinentes pour ce qui est des inférences de fait que pour ce qui est des conclusions de fait, et justifient l’application aux unes comme aux autres d’une norme empreinte de retenue. En conséquence, nous ne partageons pas l’opinion de notre collègue selon laquelle la raison principale justifiant de faire montre de retenue à l’égard des conclusions de fait est la possibilité qu’a le juge de première instance d’observer les témoins directement. Nous sommes d’avis que le juge de première instance jouit, par rapport aux juges d’appel, de nombreux avantages qui influent sur toutes les conclusions de fait et que, même si ces avantages n’existaient pas, d’autres considérations impérieuses justifient de faire montre de retenue à l’égard des inférences de fait. […].

[64] En conclusion, pour les raisons susmentionnées et en conformité avec l’analyse du CEE, je rejette ces motifs d’appel.

Inversement du fardeau de la preuve et application erronée des principes de la défense d’alibi

[65] L’appelant soutient que [TRADUCTION] « le Comité a indûment inversé le fardeau de la preuve de sorte qu’il incombait à l’appelant de fournir des éléments de preuve pour réfuter les allégations formulées contre lui » et que le Comité a manifestement [TRADUCTION] « tiré une conclusion défavorable concernant la crédibilité de l’appelant parce que celui-ci n’a pas présenté d’éléments de preuve corroborants à l’appui de sa défense », principalement en [TRADUCTION] « considérant le silence de l’appelant, ou l’absence d’une défense détaillée, comme un signe d’appui ou d’acceptation de la position de la plaignante ». Les questions étant également liées, je souscris à l’approche du CEE ayant consisté à les traiter ensemble.

[66] Le CEE a résumé comme suit les arguments de l’appelant (Rapport, paragraphes 43-44) :

[TRADUCTION]

[43] D’abord, l’appelant aborde la question du renversement du fardeau de la preuve. Il soutient que le Comité lui a imposé le fardeau inversé de réfuter les allégations, et qu’il l’a fait tout en reconnaissant que c’est à l’intimé qu’il incombe de prouver les allégations selon la prépondérance des probabilités. L’appelant soutient en outre que le Comité, en renversant le fardeau de la preuve, a tiré des conclusions négatives contre lui parce qu’il n’a pas fourni d’éléments de preuve corroborants pour appuyer sa défense. Le Comité a en outre commis une erreur en acceptant les éléments de preuve contenus dans les déclarations antérieures de la plaignante au motif que l’appelant n’a pas directement contesté ces éléments.

[44] Ensuite, l’appelant soutient que le Comité a mal appliqué les principes juridiques relatifs à la preuve d’alibi et a tiré une conclusion défavorable contre sa crédibilité. Le Comité n’aurait pas dû faire abstraction de sa défense parce que l’appelant n’a pas pu produire la preuve de son alibi au moment où il a répondu aux allégations. L’appelant soutient qu’il n’aurait pas pu produire son alibi en temps opportun étant donné que l’avis ne contenait pas assez de détails quant au moment de l’incident relatif aux seins. Il ajoute qu’une divulgation tardive par un accusé ne peut qu’affaiblir la preuve d’alibi, et non l’exclure entièrement. Dans sa réfutation, l’appelant indique que la date du 15 avril n’était pas vérifiable par les éléments de preuve fournis au préalable, et qu’il n’a pu la vérifier que lorsque la date a été précisée plus tard dans le témoignage de la plaignante. L’appelant indique qu’il a effectivement demandé à produire des éléments de preuve supplémentaires au sujet de l’endroit où il se trouvait, mais que cette demande a été rejetée. Je note qu’à l’appui de cette affirmation, l’appelant se réfère au paragraphe 18 des observations de l’intimé; toutefois, rien dans ce paragraphe n’indique qu’une demande a été faite et refusée. Ce paragraphe des observations de l’intimé fait référence aux paragraphes 15(3) et 15(4) des Consignes du commissaire (déontologie), qui stipulent que l’appelant doit fournir ses éléments de preuve dans les 30 jours qui suivent la date de la signification de l’avis d’audience et qu’une enquête supplémentaire peut être demandée. L’intimé indique en outre dans ce paragraphe que l’appelant n’a pas demandé la possibilité de rassembler des éléments de preuve supplémentaires et qu’aucun ajournement n’a été demandé.

[67] En réponse, l’intimé présente les observations suivantes, telles qu’elles ont été résumées par le CEE (Rapport, paragraphe 45) :

[TRADUCTION]

[45] L’intimée soutient que l’appelant confond « renversement du fardeau de la preuve » et « inférence défavorable ». L’intimé déclare qu’une inférence défavorable peut être tirée lorsque, en l’absence d’explications, une partie omet de faire comparaître un témoin important qui aurait connaissance des faits. Il indique que le Comité a fourni une analyse approfondie des principes de l’inférence défavorable et note en outre que ce n’est pas l’absence d’éléments de preuve corroborants qui a posé problème au Comité, mais le fait que l’appelant a choisi de fournir dans son témoignage des éléments de preuve qui auraient pu et dû être fournis dans sa réponse aux allégations conformément au paragraphe 15(3). Ainsi, il a été impossible de présenter certains éléments de preuve à la plaignante (comme l’allergie grave aux chats de l’appelant) ou d’enquêter davantage sur ses affirmations (comme celle ayant trait à l’endroit où il se trouvait le 15 avril). Bien que l’appelant soutienne qu’il n’a été informé de la date du 15 avril qu’à l’audience, l’intimé rétorque qu’il avait reçu tous les documents d’enquête des mois avant l’audience et qu’il aurait pu déterminer la date à partir de ces documents.

[68] Dans sa réfutation, l’appelant a souligné que certains de ses éléments de preuve avaient été rejetés de manière déraisonnable parce qu’ils n’étaient pas étayés (par exemple, allergie aux chats, décès du beau-père), alors que des éléments de preuve similaires fournis par la plaignante avaient été acceptés d’emblée.

Conclusions

[69] J’accepte l’analyse du CEE.

[70] La question qui se pose ici n’est pas celle du fardeau de la preuve inversé, mais bien celle du fardeau de présentation. Comme l’a indiqué le CEE, [TRADUCTION] « (1) le fardeau de la preuve repose sur la partie qui allègue une hypothèse; et (2) lorsqu’une des parties est censée avoir particulièrement connaissance de l’objet d’une allégation, c’est à elle qu’il incombe de prouver cette allégation ». L’appelant a décidé de présenter une défense pour contester les arguments de l’intimé contre lui en ce qui concerne la nature ou la durée de sa relation avec la plaignante et la survenance de certains événements. Une fois qu’il a présenté cette défense, c’est à lui qu’il incombait d’en établir le bien-fondé; il est le seul à avoir accès aux éléments de preuve susceptibles d’établir son alibi et sa catégorisation de la relation qu’il a eue avec la plaignante.

[71] En l’espèce, le Comité a effectivement constaté que certains aspects des affirmations avancées par l’appelant dans le cadre de sa défense relevaient de sa connaissance ou de son contrôle, mais qu’il n’avait pas produit, pour appuyer ces affirmations, d’éléments de preuve susceptibles de les corroborer. Le Comité a également examiné le témoignage de vive voix de l’appelant et a conclu qu’il n’était pas crédible. Par conséquent, le Comité n’a pas pu s’appuyer sur le seul témoignage de l’appelant pour étayer la défense.

[72] En guise d’exemple, l’appelant a indiqué dans son témoignage qu’il était gravement allergique aux chats et qu’il n’aurait donc pas pu se trouver dans la résidence de la plaignante comme elle l’a avancé, puisque, selon lui, elle a un ou plusieurs chats. Le Comité a reconnu que l’appelant n’avait pas fourni de preuve médicale à l’appui de cette affirmation, mais plus important encore, il a noté que la plaignante n’avait jamais été confrontée à cette affirmation lors du contre-interrogatoire. Le Comité a indiqué que [traduction] « comme cette information n’a été divulguée qu’après que la plaignante ait déjà témoigné, je ne sais même pas si la plaignante avait un chat pendant la période en question ». Comme le dit l’auteur Peter Sankoff (Peter Sankoff, The Portable Guide to Witnesses, Toronto, Thomson Carswell, 2006, p. 139), (dans le même ordre d’idées, voir R v. Paris, 150 CCC (3d) 162, aux paragraphes 22-24) :

[TRADUCTION]

De manière réaliste, il convient de considérer l’ensemble de la question comme un choix tactique susceptible d’avoir des conséquences. Ne pas procéder à un contre-interrogatoire est une bonne stratégie, mais le juge des faits peut accorder moins de foi à des éléments de preuve qui sont présentés pour la première fois après que le témoin dont le témoignage est remis en question a terminé sa déposition et n’a plus l’occasion de donner sa version des faits. Le juge des faits peut se demander pourquoi il n’y a pas eu de contre-interrogatoire et tenir compte de ce fait pour déterminer le poids à accorder au témoignage contradictoire. Toutefois, il ne s’agit pas d’une proposition automatique et le fait de tirer automatiquement une conclusion défavorable à l’encontre d’un élément de preuve qui n’a pas été soulevé lors du contre-interrogatoire constitue une erreur de droit.

[73] En l’espèce, le Comité n’a pas tiré automatiquement une conclusion défavorable. Il a expliqué pourquoi il pensait qu’un contre-interrogatoire aurait été bénéfique et sur quel aspect, et il a parlé de preuves matérielles sous la forme de courriels qui donnaient une apparence de réalité à l’élément de preuve de la plaignante mais qui ont été rejetées sommairement et sans raison par l’appelant.

[74] Je suis d’accord avec le CEE pour dire que la conclusion défavorable du Comité en l’espèce est liée au moment où l’appelant a présenté son élément de preuve et non à sa corroboration. Le Comité a souligné que l’appelant avait eu amplement l’occasion de divulguer ses arguments de défense. J’estime que le Comité avait le pouvoir discrétionnaire de tirer une conclusion défavorable et que ce pouvoir discrétionnaire a été exercé de manière raisonnable.

[75] Je souscris également à la façon dont le CEE a traité la question de la défense d’alibi. Bien qu’il s’agisse d’une notion qui trouve le plus souvent son application en droit pénal, il s’agit néanmoins d’une notion qui découle du droit de la preuve. J’estime qu’il était loisible au Comité, et raisonnable, de tirer une conclusion défavorable de la divulgation tardive de l’alibi par l’appelant, pendant son témoignage, à savoir qu’il ne pouvait pas avoir été présent lors de l’un des incidents allégués, alors qu’il avait eu amplement l’occasion de présenter cet alibi auparavant, et que la date de l’incident allégué pouvait être déterminée à partir de la preuve.

[76] Dans l’arrêt Huang c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 FC 940, la Cour fédérale du Canada a réexaminé le principe énoncé dans l’arrêt Ferguson c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2008 FC 1067, concernant la relation entre le poids, la suffisance et la crédibilité des éléments de preuve. Au paragraphe 42 de l’arrêt Huang, la Cour fédérale a déclaré :

Le terme « crédibilité » est souvent utilisé à tort dans un sens élargi pour signifier que les éléments de preuve ne sont pas convaincants ou suffisants. Il s’agit toutefois de deux concepts différents. L’évaluation de la crédibilité est liée à la fiabilité de la preuve. Lorsqu’on conclut que la preuve n’est pas crédible, on conclut que l’origine de la preuve (par exemple, le témoignage du demandeur) n’est pas fiable. La fiabilité de la preuve est une chose; cependant, la preuve doit aussi avoir une valeur probante suffisante pour satisfaire à la norme de preuve applicable. L’évaluation de la suffisance porte sur la nature et la qualité des éléments de preuve qu’un demandeur doit présenter pour obtenir réparation, sur leur valeur probante et sur l’importance que le juge des faits doit accorder aux éléments de preuve, qu’il s’agisse d’une cour ou d’un décideur administratif. Le droit de la preuve utilise un système binaire où deux possibilités existent : soit un fait existe, soit il n’existe pas. Lorsqu’un doute persiste dans l’esprit du juge des faits, le doute est résolu par la règle selon laquelle il incombe à une partie de démontrer que la preuve présentée pour corroborer l’existence ou la non-existence d’un fait est suffisante pour satisfaire à la norme de preuve applicable. Dans l’arrêt FH c McDougall, 2008 CSC 53 [McDougall], la Cour suprême du Canada a conclu qu’il n’existe qu’une seule norme civile de preuve au Canada, celle de la prépondérance des probabilités : « le juge du procès doit examiner la preuve attentivement » et « la preuve doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités » […].

[77] La norme selon laquelle je dois évaluer si le Comité avait une analyse appropriée sur laquelle appuyer sa conclusion est expliquée par la Cour suprême de la Colombie-Britannique dans l’affaire Victoria Times Colonist v. Communications, Energy and Papeworkers, 2008 BCSC 109 (confirmée par 2009 BCCA 229), au paragraphe 65 :

[TRADUCTION]

[65] Au moment d’examiner le caractère manifestement déraisonnable, la Cour ne doit pas se demander si elle est convaincue par la justification de la décision du tribunal; elle doit simplement se demander si, pour évaluer la décision dans son ensemble, il existe une ligne d’analyse rationnelle ou tenable à l’appui de la décision, de sorte que celle-ci n’est pas clairement irrationnelle ou, selon la formulation dans Ryan, si la décision est si imparfaite qu’aucune retenue judiciaire ne peut justifier sa prise de position. Si la décision n’est pas clairement irrationnelle ou n’est pas viciée dans la mesure extrême décrite dans Ryan, on ne peut pas dire qu’elle est manifestement déraisonnable. C’est le cas, peu importe que la cour souscrive à la conclusion du tribunal ou qu’elle estime que l’analyse est convaincante. Même s’il y a des aspects du raisonnement que la cour juge viciés ou déraisonnables, tant que ces aspects n’affectent pas le caractère raisonnable de la décision prise dans son ensemble, la décision n’est pas manifestement déraisonnable.

[78] J’estime que les divergences et les questions mises en évidence par le Comité concernant le témoignage de l’appelant montrent clairement une ligne d’analyse rationnelle et défendable pour étayer une conclusion selon laquelle l’appelant manque de crédibilité.

[79] Le Comité a fait référence à la décision de la Cour suprême dans l’affaire F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, et a explicitement reconnu qu’il était tenu de déterminer la véracité des témoins et d’examiner si leur témoignage était fiable, selon la prépondérance des probabilités, dans le contexte de l’ensemble des éléments de preuve.

[80] Selon la décision de la Cour fédérale Ruelas Aguilera c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CF 507, au paragraphe 40, citant R.K.L. c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 116, [2003] A.C.F. no 162 (QL), aux paragraphes 9-11) :

Normalement, la Commission peut à bon droit conclure que le demandeur n’est pas crédible à cause d’invraisemblances contenues dans la preuve qu’il a présentée, dans la mesure où les inférences qui sont faites ne sont pas déraisonnables et que les motifs sont formulés « en termes clairs et explicites » […].

La Commission peut aussi à bon droit tirer des conclusions raisonnables fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la raison […] La Commission peut rejeter des preuves non réfutées si celles-ci ne sont pas compatibles avec les probabilités propres à l’affaire dans son ensemble, ou si elle relève des contradictions dans la preuve […]

[81] Pour conclure, je ne considère pas que le Comité a commis une erreur susceptible de révision. Son traitement de la défense d’alibi et de la défense soulevée par l’appelant est convenablement motivé, justifié, transparent et intelligible, et appartient aux issues possibles acceptables au regard des faits et du droit. Ce motif d’appel est rejeté.

DÉCISION

[82] Je conclus que l’appelant n’est pas parvenu à démontrer que la décision du Comité a été rendue en contravention aux principes applicables de l’équité procédurale, qu’elle se fonde sur une erreur de droit ou qu’elle est manifestement déraisonnable.

[83] Je rejette l’appel et je confirme la décision du Comité en vertu de l’alinéa 45.16(1)a) de la Loi sur la GRC.

[84] Si l’appelant ne souscrit pas à ma décision, il peut exercer un recours auprès de la Cour fédérale au titre du paragraphe 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales.

 

 

28 avril 2023

Nicolas Gagné

Arbitre, Recours, appels et examen

 

Date

 

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