Déontologie
Informations sur la décision
Le caporal Hare fait face à quatre allégations comme quoi il aurait enfreint l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC. Ces quatre allégations impliquent de sa part des affirmations fausses, trompeuses ou inexactes dans le contexte d’une action au civil, ensuite reprises en substance dans la présente enquête déontologique. Ont été jugées préoccupantes les observations du juge dans l’action au civil mettant en doute la crédibilité du caporal Hare, puisqu’une partie de sa preuve était contrefaite, ainsi que le mobile de ses actes.
Le comité de déontologie a rendu sur dossier une décision écrite établissant, premièrement qu’il n’était pas lié par les observations de la juge, et deuxièmement qu’au vu de la preuve, les allégations n’étaient pas fondées selon la prépondérance des probabilités.
Contenu de la décision
Protégé A
OGCA 202133831
2023 DAD 06
GENDARMERIE ROYALE DU CANADA
Audience disciplinaire au titre de la
Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10
Opposant :
le surintendant principal Steven Ing,
autorité disciplinaire de niveau III, Division E
(« l’autorité disciplinaire »)
et
le caporal Matthew Hare
Numéro de matricule 48836
(« le membre visé »)
Décision du comité de déontologie
Christine Sakiris
Le 28 mai 2023
|
Mme Janice Calzavara et le sergent d’état-major Jon Hart représentant l’autorité disciplinaire
M. John Benkendorf représentant le membre visé
TABLE DES MATIÈRES
Décision de procéder sur dossier et de rendre une décision écrite
UTILISATION PERMISE DE L’AFFAIRE AU CIVIL
Points litigieux dans l’affaire au civil
Conclusions de faits constituant la ratio de la décision
Validité du privilège enregistré
Rejet de la demande reconventionnelle
Décision sur la motion du SCFP
L’équité d’attribuer un caractère contraignant au résultat initial
ANNEXE A : AVIS D’AUDIENCE DISCIPLINAIRE
RÉSUMÉ
Le caporal Hare fait face à quatre allégations comme quoi il aurait enfreint l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC. Ces quatre allégations impliquent de sa part des affirmations fausses, trompeuses ou inexactes dans le contexte d’une action au civil, ensuite reprises en substance dans la présente enquête déontologique. Ont été jugées préoccupantes les observations du juge dans l’action au civil mettant en doute la crédibilité du caporal Hare, puisqu’une partie de sa preuve était contrefaite, ainsi que le mobile de ses actes.
Le comité de déontologie a rendu sur dossier une décision écrite établissant, premièrement qu’il n’était pas lié par les observations de la juge, et deuxièmement qu’au vu de la preuve, les allégations n’étaient pas fondées selon la prépondérance des probabilités.
INTRODUCTION
[1] Le caporal Matthew Hare fait face à quatre allégations d’infractions à l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC. Toutes impliquent de sa part des affirmations fausses, trompeuses ou inexactes dans le contexte d’une action au civil, ensuite reprises en substance dans la présente enquête déontologique.
[2] Les allégations sont exposées dans l’avis d’audience disciplinaire daté du 19 janvier 2022. Le 25 juin de la même année, le caporal Hare a déposé sa réponse aux allégations, conformément au paragraphe 15(3) des consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC déonto]. Bien qu’admettant plusieurs points particuliers, il niait les quatre allégations.
[3] J’ai été nommée en tant que comité de déontologie en vertu du paragraphe 43(1) de la Loi sur la gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC]. Selon l’article 45 de la même loi, je dois décider pour chacune des allégations si elle est établie selon la prépondérance des probabilités – autrement dit, si le caporal Hare a effectivement enfreint le code de déontologie. Si je conclus qu’au moins une des allégations est établie, alors je demanderai aux parties de soumettre leurs observations avant que d’imposer des mesures disciplinaires.
Allégations
[4] Il n’est pas contesté que le caporal Hare ait été partie à un litige au civil concernant l’enregistrement d’un privilège contre Outback Developments Ltd. (Outback), une société appartenant à K.W. Outback possédait la propriété adjacente à celle du caporal Hare, sur laquelle elle avait bâti une maison destinée à la vente. Le caporal Hare avait enregistré un privilège contre la propriété d’Outback pour défaut de payer les coûts de construction d’un mur de soutènement entre les deux propriétés. Outback, à son tour, avait intenté une action au civil pour déterminer si le privilège était valide ainsi que réclamer des dépens et des dommages-intérêts (« l’affaire au civil »).
[5] L’action au civil a été entendue par la juge Matthews, de la cour suprême de Colombie-Britannique, qui rendrait sa décision (« la décision au civil ») le 17 mai 2019. Ce qui inquiète particulièrement ici, ce sont les observations de la juge Matthews sur la crédibilité du caporal Hare, en particulier comme quoi il aurait forgé une partie de ses éléments de preuve.
[6] Les allégations et leurs éléments, tels qu’énoncés dans l’avis d’audience disciplinaire, font 23 pages [en anglais] et ne seront pas reproduites dans le corps de la présente décision. L’avis lui-même est plutôt fourni en pièce jointe (annexe A); je vais néanmoins, pour faciliter les choses, résumer la teneur des allégations.
[7] L’allégation no 1 est que, dans la période du 16 avril au 17 mai 2019, à Kelowna ou dans les environs en Colombie-Britannique, le caporal Hare aurait contrevenu à l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC en faisant plusieurs affirmations fausses ou trompeuses dans ses témoignages pour l’action au civil. En particulier, il aurait livré un témoignage faux ou trompeur sur l’existence, pour la construction du mur de soutènement, d’une entente avec K.W. où ce dernier se serait engagé à supporter la moitié du coût des matériaux; sur le coût des matériaux lui-même; et enfin, sur ses propres raisons d’avoir demandé une recherche de titre sur la propriété d’Outback avant d’enregistrer le privilège.
[8] L’allégation no 2 est que, dans la période du 16 avril au 17 mai 2019, à Kelowna ou dans les environs en Colombie-Britannique, le caporal Hare aurait contrevenu à l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC en faisant plusieurs affirmations fausses, trompeuses ou inexactes dans son affidavit pour l’action au civil. En particulier, il aurait inscrit dans son affidavit des renseignements faux ou trompeurs sur l’existence d’une entente avec K.W. pour la construction du mur de soutènement, sur le coût des matériaux nécessaires à cette construction, et sur la modification de la pente des propriétés. Le caporal Hare aurait par ailleurs inclus cette information bien que sachant que la règle générale ne se limitait pas à imputer la responsabilité des murs de soutènement au propriétaire du terrain le plus élevé. Bref, le caporal Hare aurait tenu des propos inexacts ou trompeurs dans sa déclaration sous serment devant la Cour.
[9] L’allégation no 3 est que, dans la période du 26 au 29 juin 2021, à Kelowna ou dans les environs en Colombie-Britannique, le caporal Hare aurait fait, relativement à l’affaire déontologique qui nous intéresse, une déclaration volontaire où il aurait « forgé la preuve » d’une entente avec K.W. pour la construction d’un mur de soutènement, contrevenant ainsi à l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC.
[10] L’allégation no 4 est que, dans la période du 30 juin au 15 juillet 2021, à Kelowna ou dans les environs en Colombie-Britannique, le caporal Hare aurait fait aux questions de l’enquêtrice en déontologie une réponse volontaire entachée de fausses déclarations sur l’existence d’une entente avec K.W. pour la construction du mur de soutènement; sur le coût des matériaux; et enfin, sur ses propres raisons d’avoir demandé une recherche de titre sur la propriété d’Outback avant d’enregistrer le privilège, contrevenant ainsi à l’article 8.1 du code de déontologie de la GRC.
Décision de procéder sur dossier et de rendre une décision écrite
[11] À mon premier examen de l’avis d’audience disciplinaire et des documents d’enquête, je n’étais pas certaine que les allégations, telles que formulées, justifiassent de remettre en litige une affaire privée réglée au civil. J’ai donc eu une conférence préparatoire avec les avocats le 9 juin 2022 pour entendre leurs points de vue.
[12] Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, je puis adopter les conclusions de la juge dans l’affaire au civil, mais même si je ne me sens pas portée à le faire, j’aurai la chance d’entendre la preuve moi-même. D’après eux, ce ne serait pas une remise en litige, puisque l’affaire au civil a déjà été conclue.
[13] Le représentant du membre visé doutait pour sa part, premièrement qu’il fût adéquat de mettre les allégations de l’avant, et deuxièmement que j’eusse compétence pour entendre cette affaire. Il a demandé du temps pour étudier la position de son client, ce qui lui a été accordé.
[14] Le 26 juin 2022, le représentant du membre visé a fait savoir qu’il ne présenterait pas de motion, mais plutôt la réponse du caporal Hare aux allégations. Présentant la réponse d’abord le 28 juin 2022, il a ensuite soumis successivement des documents à l’appui dans les mois subséquents, respectant les échéances que je fixais. Ce processus s’est achevé le 23 septembre 2022.
[15] Les documents supplémentaires fournis par le caporal Hare comprennent des reçus qu’il dit être pour les matériaux entrés dans la construction du mur de soutènement, et aussi des affidavits de trois particuliers à l’appui de l’entente qu’il disait croire conclue entre lui-même et K.W. pour le partage du coût de ces matériaux.
[16] Le 8 août 2022, les représentants de l’autorité disciplinaire ont fait savoir qu’ils n’acceptaient pas que les reçus soumis fussent attribuables au coût du mur de soutènement. Ils ont cependant concédé qu’une partie du mur se trouvait effectivement sur les deux propriétés, comme le disait la décision au civil. L’excavation de la propriété qu’avait proposée le représentant du membre visé a donc été évitée.
[17] À la conférence préparatoire du 12 octobre 2022, j’ai fait savoir aux parties mon intention de rendre sur dossier une décision écrite, conformément à l’article 23 de la CC déonto. Ma justification figurerait dans le sommaire de celle-ci, daté du lendemain :
[…]
Depuis notre première [conférence préparatoire], les [représentants de l’autorité disciplinaire] font valoir qu’on ne me demande pas de remettre en litige [l’affaire au civil], les allégations au titre de l’article 8.1 étant distinctes des questions substantielles dans [l’affaire au civil]. Je suis d’accord en principe pour dire qu’une mesure disciplinaire peut découler d’une affaire au civil. Ayant reçu aux alentours du 23 septembre 2022 des documents supplémentaires que [le caporal] H a l’intention d’invoquer, j’ai une fois de plus étudié en détail le dossier dont j’étais saisie. J’ai passé beaucoup de temps à étudier les éléments de chaque allégation. Ceux-ci renvoient au dossier de [l’affaire au civil], ou bien l’invoquent. Ce dossier comprend la transcription de [l’affaire au civil], y compris la décision de [la juge Matthews] ainsi que la preuve entendue. Le caporal Hare admet qu’à peu près tous les éléments des allégations sont justes. Il ne conteste pas tant la preuve elle-même que l’interprétation qu’on en fait ou les inférences qu’on en tire. Après considération plus approfondie du dossier dont je suis saisie, je conclus qu’il ne m’est nécessaire d’entendre aucun témoignage oral. […]
[Notre traduction] [C’est nous qui soulignons]
[18] J’ai ensuite invité les commentaires des avocats. Le représentant du membre visé a jugé problématique que la juge Matthews eût mal interprété la preuve. J’ai répondu qu’il n’y avait pas de différence entre me demander de réviser sa décision et me demander de remettre l’affaire en litige.
[19] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont également perçu un problème, notant que l’enjeu n’était pas tant l’existence d’un accord sur les points de droit que la véracité des propos du caporal Hare.
[20] J’ai répondu comme suit :
[…] l’autorité disciplinaire a l’obligation de faire la meilleure impression possible lorsqu’elle donne [l’avis d’audience disciplinaire]. Le cahier d’enquête et les autres documents accompagnant celui-ci constituent la base du dossier de [l’autorité disciplinaire]. Bref, on doit y trouver l’ensemble de la preuve sur laquelle les représentants de l’autorité disciplinaire entendent baser leurs arguments comme quoi [le caporal] H a enfreint l’article 8.1 du Code de déontologie. En l’espèce toutefois, les seuls éléments de preuve à accompagner [l’avis d’audience disciplinaire] étaient le dossier de l’affaire au civil, la « déclaration des incidences » faite par [K.W.], ainsi que les observations écrites [du caporal] H (comprenant ses réponses aux questions de suivi et plusieurs documents de l’avocat qui l’avait représenté dans l’affaire au civil). Le dossier de [l’autorité disciplinaire] repose presque entièrement sur celui de l’affaire au civil, et en particulier sur les remarques de [la juge Matthews] concernant la preuve du caporal Hare. Aussi, la question est de savoir dans quelle mesure je suis tenue de reprendre les conclusions de la juge […] et si ces remarques font partie de la ratio decidendi ou sont incidentes. C’est là une question de droit, et non pas de fait.
[…]
[21] J’ai confirmé, à la suite des questions des deux parties, que je prendrais en considération l’ensemble du dossier, y compris les documents déposés par le caporal Hare – précisant, au sujet de ceux-ci, que je me souviendrais qu’ils n’avaient fait l’objet d’aucun contre-interrogatoire. Le représentant du membre visé a soulevé que cet élément de preuve devrait être testé pour éclairer mon appréciation de sa portée. Je n’ai pas été d’accord, faisant valoir que les comités de déontologie ne recueillaient de témoignages oraux que quand ils le jugeaient absolument nécessaire pour résoudre un conflit grave ou de grande ampleur dans la preuve, et que je ne jugeais pas que ce fût le cas en l’espèce.
[22] J’ai confirmé que je demanderais des observations écrites sur le fond des allégations, y compris sur la pertinence directe des observations de la juge Matthews sur la preuve du caporal Hare, à savoir si elles faisaient partie de la ratio decidendi ou bien si elles n’étaient qu’incidentes (faites in obiter).
[23] Les deux parties ont demandé prolongation des délais que j’avais fixés à l’origine pour soumettre leurs observations écrites, ce qui leur a été accordé. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont soumis les leurs le 23 décembre 2022 et le représentant du membre visé, le 10 février 2023. Finalement, j’ai reçu la réponse des représentants de l’autorité disciplinaire le 10 mars 2023. Les deux parties ont cité à l’appui de leur position une série d’autres affaires, que j’ai aussi étudiées.
[24] Pour les raisons qui suivent, je conclus que les allégations nos 1, 2, 3 et 4 ne sont pas fondées.
UTILISATION PERMISE DE L’AFFAIRE AU CIVIL
[25] L’admissibilité de la décision au civil[1] et du dossier connexe, y compris les transcriptions de la procédure, n’est pas ici remise en question. Cependant, les parties ne s’entendent pas sur l’usage qu’on peut faire de ladite décision. Les représentants de l’autorité disciplinaire me pressent d’y adhérer, tant sur l’issue que sur les conclusions de fait, comme à une preuve des allégations, alors que celui du membre visé objecte qu’on ne peut pas s’y fier en l’espèce et que sa portée doit être mesurée.
[26] Pour déterminer l’utilisation permise de la décision au civil, je dois d’abord établir les points de droit qui devaient y être réglés, les résultats de l’action judiciaire, ainsi que les conclusions de fait qui pourraient être contraignantes dans l’affaire qui nous intéresse, à savoir celles qui font partie de la ratio.
[27] Je dois ensuite déterminer dans quelle mesure ces faits peuvent compter comme une preuve des éléments essentiels des allégations dont je suis saisie. Dans ce but, je vais me pencher sur les arguments des représentants de l’autorité disciplinaire concernant l’application de Toronto c. S.C.F.P.[2]
Points litigieux dans l’affaire au civil
[28] Les points litigieux de l’affaire au civil, tels qu’exprimés par la juge Matthews dans la décision au civil, sont les suivants[3] [notre traduction] :
- Si le privilège a été enregistré de manière valide, conformément à la Builders Lien Act, SBC 1997, ch. 45, art. 19 [Builders Lien Act], à savoir :
- si le mur de soutènement a été construit en application d’une entente entre Outback et le caporal Hare, faisant de la première un propriétaire et du second un entrepreneur;
- si le mur de soutènement s’est construit sur le lot d’Outback;
- et, dans l’affirmative, si Outback était réputée l’avoir autorisé.
- Advenant que le privilège enregistré n’eût pas été valide, si les dommages-intérêts suivants devraient être accordés :
- dépens et dommages-intérêts à Outback à cause de l’enregistrement d’un privilège non valide, conformément à l’article 19 de la Builders Lien Act;
- dommages-intérêts punitifs prévus à l’article 45 de la Builders Lien Act, comme quoi la personne qui enregistre ou fait enregistrer par un mandataire une revendication de privilège qu’elle sait contenir une fausse déclaration commet une infraction à la Builders Lien Act;
- des dommages-intérêts exemplaires, « adéquats là où les procédures de la loi sont utilisées avec des intentions cachées[4] »;
- des dommages-intérêts punitifs, destinés à « punir une telle conduite chez la personne qui l’a adoptée et à la décourager chez d’autres qui voudraient l’adopter avec une intention malveillante, oppressive et arrogante[5] . »
- S’il convient d’imposer des dépens spéciaux, pour une conduite « répréhensible[6] ».
- Si la demande reconventionnelle du caporal Hare pour rupture de contrat devrait être entendue.
Résultat de l’action au civil
[29] La juge Matthews a statué que le privilège n’était pas valide, qu’Outback et le caporal Hare ne s’étaient jamais entendus pour la construction du mur de soutènement, qu’une partie de celui-ci avait été construite sur le lot d’Outback, et enfin, que cette dernière était au courant de la construction mais non pas réputée l’avoir autorisée.
[30] La juge Matthews a accordé à Outback, pour un privilège non valide au sens de l’article 19 de la Builders Lien Act, des dommages-intérêts proportionnés aux honoraires d’avocat supportés par Outback pour négocier et rédiger une entente de sécurité en vertu de laquelle la somme du privilège serait gardée en fiducie, en échange de quoi le caporal Hare libérerait le privilège de sorte qu’Outback puisse vendre sa propriété[7] .
[31] La juge Matthews a également statué « qu’une seule amende de dommages-intérêts exemplaires ou punitifs au titre de [l’article] 45 devrait être imposée au vu des faits en l’espèce[8] ». Elle a refusé d’imposer des dommages-intérêts au titre de l’article 45 de la Builders Lien Act; elle s’en est tenue à ce qu’elle jugeait le plus adéquat : des dommages-intérêts punitifs à hauteur de 8400 $, représentatifs de ce que le caporal Hare aurait « tenté d’obtenir indûment[9] ».
[32] La juge Matthews a imposé des dépens spéciaux, ordonnant au caporal Hare de rembourser à Outback les frais juridiques supportés dans l’affaire.
[33] Finalement, ayant conclu qu’il n’y avait pas eu « de discussions équivalant à une entente comme quoi [le caporal] construirait le mur de soutènement et Outback y prendrait part[10] », la juge Matthews a rejeté la demande reconventionnelle du caporal Hare pour rupture de contrat.
Conclusions de faits constituant la ratio de la décision
[34] Dans Perrick, Re, la Law Society of British Columbia citait l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Malik :
Un jugement rendu dans une affaire civile ou criminelle antérieure est admissible en preuve dans des procédures interlocutoires subséquentes et fait foi de ses conclusions, dès lors [que l’instance antérieure concerne] les mêmes questions ou des questions connexes. […] La partie ou les parties subissant un préjudice auront la possibilité de présenter des éléments de preuve […] en vue de contredire les conclusions antérieures ou d’en atténuer la portée, à moins que les règles relatives à la res judicata, à la préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou à l’abus de procédure les en empêchent[11].
[35] Cela dit, tous les propos d’une décideuse ne sont pas contraignants. Ils le sont quand ils font partie de la ratio, mais pas quand ils y sont incidents.
[36] La ratio d’une décision, ce sont les « conclusions de fait précises[12] » essentielles pour régler les points principaux dont la décideuse est saisie.
[37] Comme l’ont fait remarquer les représentants de l’autorité disciplinaire :
[31] Pour reprendre textuellement la définition d’obiter dictum dans le Black’s Law Dictionary, il s’agit d’un latinisme signifiant « dit au passage »; ce sont des propos qu’un juge tient en se basant sur des faits établis, mais qui ne changent rien à son jugement. De même, la Cour fédérale parle de l’opinion qu’un juge émet sans que ce soit pour étoffer sa décision[13]. [les citations internes ont été omises]
[38] Les représentants de l’autorité disciplinaire vont plus loin encore, affirmant que l’obiter n’est qu’un ensemble de commentaires superflus, potentiellement utiles pour comprendre une affaire dans les grandes lignes, mais sans conséquences sur le jugement lui-même[14]. À mon sens, c’est sous-estimer le rôle de l’obiter, qui peut avoir au contraire une force persuasive :
[27] Ratio decidendi renvoie au raisonnement judiciaire que la Cour a dû suivre pour parvenir à régler les points dont elle avait été saisie. Toutes les autres remarques énoncées dans les motifs des affaires antérieures sont obiter dicta, remarques incidentes à considérer séparément. Elles peuvent avoir une force persuasive, ce qui ne les rend pas contraignantes pour autant[15].
[39] L’opinion exprimée par une décideuse est donc forcément obiter. Comme l’a statué la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Groia, l’opinion d’une décideuse peut « aider la juge des faits » dans une affaire subséquente, mais n’est pas contraignante pour autant. Une opinion ne limite en rien ce que doivent ou peuvent être les conclusions de fait, même si elle porte sur le point litigieux[16] . Le représentant du membre visé invoque Aslam à l’appui de son argument comme quoi les conclusions sur la crédibilité ne sont pas des conclusions sur les faits, mais seulement des opinions exprimées par le juge ou le groupe spécial qui a entendu l’affaire[17] ».
[40] L’enjeu en l’espèce, ce sont les remarques de la juge Matthews concernant la crédibilité du caporal Hare et ce qui a pu motiver ses actions.
[41] Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, les remarques de la juge Matthews comme quoi le caporal Hare aurait « forgé » ou « concocté » sa version des faits, ou encore fait de « fausses déclarations[18] », seraient des conclusions de fait, nécessaires pour justifier la décision de la juge sur les points litigieux, dont l’opportunité ou non d’accorder des dommages-intérêts. Aussi, ils feraient partie de la ratio de sa décision et seraient donc contraignants[19].
[42] Pour sa part, le représentant du membre visé affirme que les remarques de la juge Matthews sur les éléments de preuve du caporal Hare sont obiter dicta puisqu’elles ne s’inscrivent pas dans sa justification pour trancher les points litigieux de l’affaire au civil, à savoir : si le privilège enregistré était valide, si des dépens spéciaux devaient être accordés et si des dommages-intérêts spéciaux devaient être accordés[20].
[43] Finalement, le représentant du membre visé renvoie à la justification de la juge Matthews pour déterminer si le caporal Hare était un entrepreneur (c.-à-d. partie à une entente sur la construction du mur de soutènement) et la base de l’attribution des dommages-intérêts spéciaux. Il attire particulièrement l’attention sur la décision qu’a prise la juge de ne pas imposer d’amende en vertu de l’article 45 de la Builders Lien Act, ce qui ne peut se faire qu’en cas de fausses déclarations relatives à un privilège enregistré mais non valide[21].
[44] Suivant l’analyse de la Cour supérieure de justice de l’Ontario dans Gerrond, je dois déterminer quelles étaient les conclusions de fait spécifiques ou essentielles à l’appui de la justification de la juge Matthews sur les points litigieux dont elle était saisie (ces points sont exposés au paragraphe 28 de la présente). Je dois déterminer quelles sont les conclusions de fait particulières ou essentielles à l’appui des motifs de la juge Matthews pour avoir réglé les points litigieux comme elle l’a fait.
Validité du privilège enregistré
[45] Pour déterminer la validité du privilège enregistré, la juge Matthews devait trouver réponse à trois questions : premièrement, si le mur de soutènement avait été construit selon une entente faisant d’Outback une propriétaire et du caporal Hare un entrepreneur; deuxièmement, si le mur de soutènement avait été érigé en partie sur le lot d’Outback; et troisièmement, si Outback était réputée avoir autorisé les travaux.
[46] Quant à la première question sur l’existence d’une entente entre Outback et le caporal Hare, la juge Matthews a indiqué qu’elle préférait la preuve de K.W. quant à la nature de ses conversations avec le caporal Hare sur la construction du mur de soutènement et à leur rencontre du 19 septembre 2015. Elle a relevé aussi l’absence de documentation faisant état d’une entente et du prix de celle-ci[22].
[47] La juge Matthews, au final, a conclu qu’Outback et le caporal Hare n’étaient parvenus à aucune entente pour la construction du mur de soutènement par le caporal Hare[23], et que par ailleurs le caporal Hare n’était pas un entrepreneur, puisque ses services n’avaient pas été retenus pour fournir les matériaux de construction ni pour faire les travaux[24].
[48] Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, les points suivants soulevés par la juge Matthews auraient aussi été déterminants pour lui faire conclure à l’absence d’une entente :
[55] […] [Le caporal] Hare a dit dans son témoignage qu’il avait réglé le solde comptant et que les matériaux qu’il avait payés comptant totalisaient quasiment le montant pour lequel il avait des reçus. Je ne crois pas cette preuve; j’en conclus que [le caporal] H l’a inventée pour récupérer intégralement le coût des matériaux entrés dans la construction du mur de soutènement.
[56] Si [le caporal] Hare s’est présenté à la rencontre du 19 septembre 2015, ce n’était pas afin de soumettre pour paiement les factures d’une moitié des matériaux conformément à l’entente dont il affirme l’existence, mais bien pour convaincre [K.W.] de payer. Comme je l’ai expliqué, il n’avait même pas de factures pour l’entièreté des matériaux. En outre, [le caporal] H a fait la recherche de titre avant d’envoyer à [K.W.] le message texte s’enquérant du paiement et avant même la rencontre où il exigerait de se faire payer le mur de soutènement. Il a admis qu’il l’avait fait dans le but d’enregistrer un privilège. J’en conclus qu’il savait que la propriété allait être vendue et qu’il voulait se trouver en position d’enregistrer un privilège.
[57] La preuve de [K.W.] se tient, tandis que celle [du caporal] H vacille à tel point que je crois [que le caporal] H l’a concoctée. J’accepte la preuve de [K.W.] sur la teneur de la discussion du 19 septembre 2015. Quant à la discussion controversée sur la propriété en amont, les preuves que [le caporal] H ait compté sur ce facteur cadrent avec celles dans le reste du dossier comme quoi il aurait affirmé à répétition que les lignes directrices sur la construction confirmaient son point de vue sur qui était responsable du mur. Quant au point en litige consistant à savoir s’il avait menacé d’enregistrer un privilège ou de démolir le mur, ces menaces cadrent avec le fait qu’il a procédé à une recherche de titre tout juste avant d’envoyer le message texte, dans le dessein d’utiliser la menace du privilège et de la vente imminente de la propriété d’Outback pour exercer des pressions sur cette dernière.
[58] Quant à la prétendue entente stipulant qu’Outback dût payer la moitié des matériaux, [le caporal] Hare l’a inventée de toutes pièces pour justifier sa demande de privilège. Voyant que cela ne fonctionnait pas, il s’est rabattu sur les lignes directrices en construction. De nouveau, quand les résultats de l’arpentage et le promoteur l’ont convaincu que cela ne fonctionnerait pas non plus, il n’a pas introduit de demande au civil pour faire révoquer son privilège, il a refusé de s’en départir[25].
[49] Ce que la juge Matthews devait déterminer à ce stade, c’était, premièrement l’existence entre K.W. et le caporal Hare d’une entente obligeant ce dernier à ériger le mur, et deuxièmement, les clauses de cette entente. Aucun des commentaires dans les paragraphes cités n’est essentiel en cette matière.
[50] Avec tout le respect que je luis dois, quoi que la juge Matthews pensât de ce qui avait motivé le caporal Hare à enregistrer le privilège, ce n’était d’aucune pertinence pour de la validité du privilège : ou bien il était valide, ou bien il ne l’était pas. Il s’agit donc premièrement de savoir si une entente avait été conclue ou pas.
[51] L’observation de la juge Matthews comme quoi le caporal Hare aurait « inventé » le fait qu’il avait payé une partie des matériaux comptant ne suffit pas en soi pour conclure à l’absence d’une entente. Quant au coût véritable du mur, il n’est aucunement pertinent. Ce qui compte plutôt, c’est le constat que K.W. et le caporal Hare n’aient pas discuté d’un coût précis pour les travaux.
[52] Que le caporal Hare eût manifestement « concocté » sa preuve comme la juge Matthews le croit n’a pas été déterminant pour l’amener à conclure qu’il n’y avait pas d’entente, et ne cadre pas non plus avec sa conclusion ultérieure que l’ancre Geotech dépassait effectivement sur la propriété d’Outback.
[53] Quoi qu’en disent les représentants de l’autorité disciplinaire, la juge Matthews n’a jamais conclu que le mur eût coûté à peine 8 367,59 $[26]. Elle répète plutôt que les reçus du caporal Hare ne totalisent pas plus que ce montant; nulle part dans sa décision elle ne s’avance sur le coût réel des travaux.
[54] La seconde question était de savoir si, faute d’une entente, Outback était propriétaire et si elle était réputée avoir donné son autorisation au sens de l’article 3 de la Builders Lien Act.
[55] La juge Matthews a conclu que le mur de soutènement, et en particulier l’ancre de son filet Geotech, dépassait sur la propriété d’Outback, constituant de ce fait une amélioration de celle-ci[27]. Sur ce point, elle préférait la preuve du caporal Hare concernant la méthode de construction du mur, comme quoi Outback n’avait pas su établir selon la prépondérance des probabilités que les travaux avaient été achevés en juillet 2015. Elle a plutôt conclu qu’ils l’avaient été en septembre de la même année[28].
[56] Ainsi la juge Matthews a constaté qu’Outback savait que le mur de soutènement se construirait, mais non pas que l’ancre Geotech dépasserait sur sa propriété. Elle en a conclu qu’Outback ne savait pas non plus que le mur de soutènement améliorerait sa propriété[29].
[57] La conclusion de la juge Matthews sur la validité du privilège est comprise dans le paragraphe suivant, avec ses principaux motifs :
[75] Le mur de soutènement est une amélioration. [Le caporal] H n’était pas un entrepreneur, un sous-traitant ni un travailleur, puisque ni Outback ni personne d’autre ne l’avait engagé pour bâtir le mur de soutènement. Outback n’était pas un propriétaire du mur en question, puisqu’elle n’avait pas demandé sa construction ni su d’avance qu’il dépasserait sur son terrain. Bref, le privilège n’était pas valide[30].
Dommages-intérêts
[58] Au chapitre des dommages-intérêts, la juge Matthews a jugé qu’après l’enregistrement d’un lien non valide, l’article 19 de la Builders Lien Act justifiait des dommages-intérêts. Outback s’est vu rembourser les frais juridiques supportés pour préparer une entente en matière de sécurité, après quoi elle a placé la somme du privilège en fiducie pour que la vente de sa propriété puisse aller de l’avant.
[59] Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, la juge Matthews a tiré une conclusion de fait comme quoi le caporal Hare avait fait une « fausse déclaration » sur le coût du mur[31]. Ici, ils relèvent que les coûts qu’il avait déclarés dépassaient par deux fois la somme des reçus produits. Comme je l’ai déjà écrit, la capacité du caporal Hare à établir le coût réel de la construction du mur n’a rien à voir avec le fait que la juge Matthews ait conclu à l’absence d’une entente. Cette conclusion se base surtout sur la préférence qu’elle a eue pour le compte rendu de leur conversation livré par K.W., et non par le caporal Hare.
[60] La juge Matthews a opté pour ne pas imposer d’amende en vertu de l’article 45 de la Builders Lien Act. Comme on l’a vu, une telle amende ne peut être imposée que quand la personne ayant enregistré le privilège non valide fait sciemment une fausse déclaration[32]. Aussi, en n’imposant pas d’amende, la juge confirme n’avoir pas tiré de conclusion de fait voulant que le caporal Hare eût fait une fausse déclaration ou alors « inventé » ou « concocté » sa preuve.
[61] Elle a jugé plus à propos d’opter pour des dommages-intérêts exemplaires ou punitifs, arrêtant finalement son choix sur les punitifs. Bien qu’elle ait qualifié les « fausses déclarations » du caporal Hare relativement au privilège non valide « d’éléments de la conduite » à décourager, son opinion sur ce point n’est pas l’assise de sa décision pour les dommages-intérêts punitifs ni les dépens spéciaux.
[62] Pour citer la juge Matthews :
[93] Les dommages-intérêts punitifs me semblent le meilleur parti. Si la conduite s’était limitée à l’enregistrement d’un privilège non valide et à l’abus de procédure, des dommages-intérêts exemplaires auraient suffi, comme le décrit la décision Guildford Industries. Mais ici, [le caporal] H est allé plus loin encore; il n’a pas revendiqué le privilège ni accepté de payer la garantie, obligeant de ce fait Outback à investir quantité de temps et de ressources dans deux procès – le procès sommaire devant le juge Bretton, et ce procès de trois jours devant moi[33].
[63] Ici, elle souligne que le caporal Hare n’a pas revendiqué son privilège ni payé la garantie, conduisant Outback à intenter l’action au civil qui nous intéresse. L’affaire s’est rendue jusqu’au procès, malgré qu’un jugement sommaire eût établi que le privilège ne s’attachait pas à la propriété. Telle est la conduite que la juge Matthews qualifierait au final de répréhensible[34]. Ses remarques sur la crédibilité du caporal Hare étaient peut-être persuasives, mais certainement pas déterminantes.
Dépens spéciaux
[64] Concernant les dépens spéciaux, nous répéterons que c’était la décision du caporal Hare lui-même que de laisser l’affaire se rendre jusqu’à un procès, qui déboucherait sur l’obligation pour lui de verser des dépens spéciaux. Alors que d’une part elle reconnaît que le juge du procès sommaire a fini par statuer qu’il ne pouvait pas établir la validité du privilège sur la foi de preuves contestées, cela même qui devrait être réglé au procès, la juge Matthews estime que cela aurait dû être évident, que « c’était écrit dans le ciel », que le caporal Hare n’avait pas de raison valable d’insister pour un procès et qu’il était donc « responsable des conséquences[35] ».
Rejet de la demande reconventionnelle
[65] Finalement, la juge Matthews a rejeté la demande reconventionnelle du caporal Hare pour rupture de contrat, ayant conclu à l’absence de quelque entente que ce soit. Elle justifie sa décision comme suit : « […] il n’y a pas eu de discussions équivalant à l’établissement d’une entente selon laquelle [le caporal] H construirait le mur de soutènement avec le concours d’Outback ». Quant au coût final des matériaux, elle a conclu qu’elle n’avait pas « besoin de déterminer si le prix avait été établi avec exactitude, faute de discussions qui auraient justifié de conclure à l’existence d’une entente »
[36].
[66] Encore une fois, c’est son constat qu’aucune entente n’existait qui sert de fondement à la justification de la juge Matthews. Nous l’avons dit, son avis sur les motivations et la crédibilité du caporal Hare sont peut-être persuasifs, mais n’a pas été déterminant pour lui faire conclure à l’absence d’une entente.
[67] Par conséquent, bien que je sois d’accord avec les représentants de l’autorité disciplinaire pour dire que la juge Matthews a tiré une conclusion de fait qu’il n’existait pas d’entente entre le caporal Hare et K.W. stipulant que ce dernier dût payer en partie le mur de soutènement, je ne le suis pas concernant la conclusion de fait limitant le coût du mur à 8 367,59 $, ni le point de vue voulant que les remarques de la juge comme quoi le caporal Hare aurait « inventé » ou « concocté » sa preuve, ou encore fait une « fausse déclaration », fassent partie de sa ratio. Ces remarques sont plutôt l’expression d’une opinion, ce qui les rend obiter.
[68] Si j’ai tort et que ces déclarations s’inscrivent en fait dans la ratio de la juge Matthews, alors je devrai me demander si, comme le représentant du membre visé l’affirme, elles sont contraignantes pour moi en l’espèce.
Décision sur la motion du SCFP
[69] La décision au civil est définitive. Le caporal Hare en avait bien interjeté appel, démarche qui a toutefois avorté.
[70] Dans leurs observations écrites, les représentants de l’autorité disciplinaire renvoient à Toronto c. S.C.F.P. pour invoquer l’impératif judiciaire de ne jamais rien remettre en litige
[37]. La Cour suprême du Canada elle-même a déjà fait valoir que la doctrine de l’abus de procédure interdisait la remise en litige « dans des circonstances où les exigences strictes de la préclusion […] n’étaient pas remplies, mais où la réouverture aurait néanmoins porté atteinte aux principes d’économie, de cohérence, de caractère définitif des instances et d’intégrité de l’administration de la justice[38] ».
[71] Il existe trois types de circonstances où un tribunal puisse juger à propos de remettre en cause :
- lorsque la première instance est entachée de fraude ou de malhonnêteté;
- lorsque de nouveaux éléments de preuve, qui n’avaient pu être présentés auparavant, jettent de façon probante un doute sur le résultat initial;
- lorsque l’équité exige que le résultat initial n’ait pas force obligatoire dans le nouveau contexte[39].
[72] Comme l’ont fait remarquer les représentants de l’autorité disciplinaire, la doctrine sur les abus de procédure interdit aussi la remise en litige d’un fait substantiel déjà établi par une instance[40].
[73] Les représentants de l’autorité disciplinaire font valoir qu’aucune des circonstances délimitées par la Cour suprême du Canada dans Toronto c. S.C.F.P. ne s’applique dans l’affaire qui nous intéresse. Aucune fraude ni malhonnêteté ne serait imputable à K.W. dans l’affaire au civil, ce serait plutôt au caporal Hare. Par ailleurs, les documents à l’appui de la réponse du caporal Hare aux allégations n’auraient rien de nouveaux éléments de preuve : autant les reçus que la teneur des affidavits étaient connus du caporal Hare au moment de l’affaire au civil. Finalement, les représentants ajoutent que le souci d’équité, qu’il concerne l’instance antérieure elle-même ou son application, n’exclut pas de conclure que la décision au civil doive avoir force obligatoire, puisque « les conclusions reprises ici intéressent l’honnêteté du caporal Hare dans cette affaire au civil[41] ».
[74] Les représentants de l’autorité disciplinaire me pressent de conclure sur la foi de ces principes que je devrais adopter les conclusions de fait de la juge Matthews.
[75] Finalement, les représentants de l’autorité disciplinaire affirment que ces conclusions de fait devraient suffire à conclure que les quatre allégations sont fondées.
[76] Pour sa part, le représentant du membre visé affirme que la doctrine sur l’abus de procédure, telle qu’exposée dans Toronto c. S.C.F.P., s’applique manifestement dans le contexte des condamnations au criminel, comme le dit l’article 23(2) des CC déonto, selon lequel un comité de déontologie « peut s’appuyer sur la conclusion d’une cour canadienne selon laquelle un membre est coupable d’une infraction à une loi fédérale ou provinciale pour décider qu’il a contrevenu au code de déontologie ». Ce qui est moins clair pour lui, c’est si ces mêmes principes s’appliquent directement en l’espèce.
[77] Le représentant du membre visé poursuit en disant que dans le contexte administratif, une partie peut produire une « motion SCFP » demandant que les conclusions de fait d’un juge dans une instance civile antérieure soient acceptées comme preuves de ces faits et empêchent le membre de les remettre en litige ou d’apporter de nouveaux éléments de preuve[42] – alors que c’est exactement, selon lui, ce que l’autorité disciplinaire fait en l’espèce. Je suis d’accord.
[78] Tirant des exemples d’une série de décisions administratives[43], le représentant du membre visé fait valoir que, même quand une décision est admise après une motion SCFP, cela ne suffit pas nécessairement à rendre les conclusions de fait sous-jacentes admissibles comme preuves de ces mêmes faits : le comité de déontologie doit encore juger de la portée à leur attribuer.
[79] Quant à la prise en considération d’une motion SCFP, les principes d’équité exigent selon le représentant du membre visé que les résultats de la décision au civil n’aient pas force obligatoire dans l’affaire qui nous intéresse. Il rappelle que les parties ne sont pas d’accord et que les points à régler ne sont vraiment pas les mêmes dans l’affaire au civil que par rapport aux allégations qui nous intéressent. En particulier, dans l’affaire au civil, le caporal Hare était le défendeur et les points litigieux consistaient à déterminer si le privilège était valide et si des dépens ou des dommages-intérêts devaient être accordés – non pas, comme en l’espèce, si le caporal Hare avait menti sous serment.
[80] Le représentant du membre visé ajoute que, dans le contexte de ces points litigieux, le caporal Hare n’avait pas été prévenu de l’ampleur de ce contre quoi il aurait à se défendre, à savoir des allégations d’avoir « concocté » de la preuve[44]. Aussi devrait-on, en l’espèce, lui donner une chance de se défendre tout à fait et devrais-je, selon le représentant du membre visé, rejeter la motion SCFP des représentants de l’autorité disciplinaire.
[81] Les parties s’entendent sur les principes applicables dans l’affaire Toronto c. S.C.F.P., à savoir, que la doctrine sur les abus de procédure empêche qu’une partie remette en litige un enjeu ou un fait déjà jugé, sauf en présence d’une des exceptions susmentionnées.
Fraude ou malhonnêteté
[82] Les représentants de l’autorité disciplinaire observent qu’il n’y a pas de preuve de fraude ni de malhonnêteté dans l’affaire au civil. Le représentant du membre visé ne le conteste pas et je suis d’accord.
Nouvelles preuves
[83] Le caporal Hare a soumis des documents à l’appui de sa réponse aux allégations. Ceux-ci tombent dans deux catégories : (1) des reçus et des relevés bancaires soumis comme preuves de paiement pour des matériaux qui, prétend-il, ont été achetés pour construire le mur de soutènement; et (2) des affidavits de trois particuliers (J.H., R.D. et A.S.), qui se disent au courant d’une entente entre le caporal Hare et K.W. pour se partager les coûts de ces matériaux.
[84] Les représentants de l’autorité disciplinaire affirment que, puisque toutes ces preuves étaient connues et à portée de main du caporal Hare au moment de l’affaire au civil, ce dernier ne peut pas aujourd’hui les produire comme si c’étaient des preuves nouvelles.
[85] Renvoyant à Palmer[45], le représentant du membre visé concède qu’il se peut effectivement que le caporal Hare disposât déjà des reçus et des relevés bancaires au moment de l’affaire au civil, ce qui les rendrait inadmissibles. Il objecte par contre qu’on ne peut en dire autant des affidavits puisqu’ils ne sont devenus nécessaires qu’en l’espèce, pour corroborer la déposition du caporal Hare au sujet du privilège et des faits pertinents de l’affaire au civil[46].
[86] Je conviens avec les représentants de l’autorité disciplinaire que le caporal Hare savait que sa crédibilité et sa version des faits seraient évaluées dans l’affaire au civil[47]. Sa capacité de produire des reçus ou autres preuves de paiement pour les matériaux du mur de soutènement intéressait la valeur du privilège enregistré; voilà pourquoi il aurait dû avoir les éléments de preuve en question en sa possession et être en mesure de les produire à ce moment-là.
[87] De même, pouvoir montrer une preuve de son entente avec K.W. pour le partage des coûts était déterminant pour faire établir la validité du privilège qu’il avait enregistré. Le caporal Hare aurait été au courant, à ce moment-là, de ses conversations avec J.H., R.D. et A.S., ou de la présence de ces derniers avant que l’affaire au civil ne soit entendue. Je relève en particulier que le caporal Hare a affirmé qu’un ami à lui était présent à l’une de ses trois ou quatre conversations avec K.W. Il appelle J.H. par son nom[48]. Pourtant, les éléments de preuve émanant de J.H., de R.D. et d’A.S. n’ont pas été présentés durant l’affaire au civil.
[88] De ce qui précède, je conclus que les documents supplémentaires soumis par le caporal Hare, soit les reçus, les relevés bancaires ainsi que les affidavits de J.H., de R.D. et d’A.S., n’ont rien de preuves nouvelles.
L’équité d’attribuer un caractère contraignant au résultat initial
[89] Si le caporal Hare avait été déclaré coupable d’une infraction criminelle de parjure, c’est le paragraphe 23(2) de la CC déonto qui l’emporterait. De même, si l’un des points de droit à régler dans l’affaire au civil avait été de savoir si oui ou non le caporal Hare avait fait une déclaration fausse ou trompeuse, alors le point de vue des représentants de l’autorité disciplinaire l’aurait probablement emporté.
[90] Or, je conviens avec le représentant du membre visé que les points de droit à régler dans l’affaire au civil et dans celle qui nous intéresse sont sensiblement différents. Dans la première, il s’agissait de savoir si le privilège était valide, si l’on devait accorder des dépens ou des dommages-intérêts et si la demande reconventionnelle du caporal Hare pour rupture de contrat devait être exaucée. Dans la seconde, on me demande plutôt de déterminer si le caporal Hare a menti sous serment puis répété ses mensonges à l’enquêtrice en déontologie. Il n’existe pas de lien précis entre les conclusions précédentes et les allégations[49].
[91] Au vu de cette différence, je dois convenir avec le représentant du membre visé que le caporal Hare n’avait pas été prévenu de ce contre quoi il aurait à se défendre. En outre, sa compromission dans l’affaire au civil – à savoir que le privilège serait déclaré invalide et que, ayant refusé de rembourser à K.W. sa part déclarée des coûts du mur, il serait condamné à verser des dépens ou des dommages-intérêts – est bien moindre que ce qu’il risque dans la présente affaire : la perte de son emploi et la fin de sa carrière dans la police.
[92] Aussi, même à supposer que les remarques de la juge Matthews sur la motivation et la crédibilité du caporal Hare constituent des conclusions de fait, il serait injuste de les admettre comme preuves des mêmes faits dans la présente instance.
[93] La motion SCFP de l’autorité disciplinaire est admise en partie. Les conclusions de la juge Matthews sur les causes premières sont admissibles dans la présente instance et ne peuvent être remises en litige. Il en va de même pour les conclusions de fait suivantes.
- Le privilège enregistré n’était pas valide :
- Outback et le caporal Hare ne s’étaient jamais entendus pour que ce dernier construise le mur de soutènement;
- le caporal Hare n’était pas un entrepreneur, puisqu’il n’avait pas été engagé pour construire le mur de soutènement ni pour en fournir les matériaux;
- la propriété à laquelle le privilège s’appliquait avait notamment Outback comme propriétaire;
- le mur de soutènement, en particulier l’ancre de son filet Geotech, dépassait sur la propriété d’Outback et en constituait une amélioration;
- Outback n’avait pas su au préalable que le mur de soutènement constituerait une amélioration à sa propriété;
1. Outback savait à l’avance que le mur de soutènement serait construit,
2. mais non pas que l’ancre Geotech dépasserait sur sa propriété.
- Le caporal Hare devait payer des dommages-intérêts en application de l’article 19 de la Builders Lien Act :
- le privilège enregistré n’était pas valide;
- Outback aurait droit au remboursement de ses frais juridiques pour préparer une entente de garantie, par laquelle elle verserait la somme du privilège en fiducie afin que la vente de sa propriété puisse aller de l’avant.
- Le caporal Hare n’était pas passible de l’amende prévue à l’article 45 de la Builders Lien Act.
- Le caporal Hare devait payer des dommages-intérêts punitifs :
- le caporal Hare avait enregistré un privilège non valide;
- le caporal Hare n’avait finalement pas revendiqué son privilège, mais il n’avait pas non plus remboursé la garantie, poussant ainsi Outback à intenter l’action au civil;
- l’affaire s’était rendue jusqu’au procès, bien qu’un jugement sommaire eût déterminé que le privilège ne s’appliquait pas à la propriété.
- Le caporal Hare devait payer des dépens spéciaux :
- Dans l’affaire au civil, le caporal Hare avait eu une conduite répréhensible :
1. Le juge du procès sommaire avait statué que le privilège ne se rattachait pas à la propriété et que lui-même devrait déterminer la validité du privilège d’après les éléments de preuve contestés.
2. La validité du privilège était le point litigieux à résoudre au procès.
3. Après le procès sommaire, le caporal Hare aurait été raisonnable de prévoir l’issue de l’affaire au civil.
4. Rien ne justifiait que le caporal Hare laissât l’affaire se rendre jusqu’au procès.
- La demande reconventionnelle du caporal Hare pour une rupture de contrat est rejetée.
- Outback et le caporal Hare n’ont jamais conclu d’entente obligeant ce dernier à construire le mur de soutènement.
[94] Rien n’empêchera le caporal Hare de remettre en litige les remarques de la juge Matthews ou encore, si j’ai tort et qu’elles ne sont pas obiter, ses conclusions concernant sa crédibilité (celle du caporal Hare) et ce qui l’a motivé à enregistrer le privilège.
DÉCISION SUR LES ALLÉGATIONS
[95] Je suis saisie de quatre allégations au titre de l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC, qui dit :
Les membres rendent compte en temps opportun, de manière exacte et détaillée, de l’exécution de leurs responsabilités, de l’exercice de leurs fonctions, du déroulement d’enquêtes, des agissements des autres employés et de l’administration et du fonctionnement de la Gendarmerie.
[96] En l’espèce, on prétend que le caporal Hare a livré des comptes-rendus faux, trompeurs ou inexacts. Ces allégations seront prouvées si le caporal Hare, ou bien savait que ses comptes-rendus étaient faux, trompeurs ou inexacts, ou bien s’il a été négligent ou insouciant sur la question de leur véracité.
[97] Selon l’allégation 1, les affirmations suivantes, faites par le caporal Hare dans son témoignage de vive voix pour l’affaire au civil, étaient fausses et trompeuses :
- que K.W. eût accepté de payer la moitié des matériaux[50];
- que le coût total du mur se situât entre 15 000 et 16 000 $[51];
- qu’il n’avait pas demandé de recherche de titre avant de rencontrer K.W. le 19 septembre 2015[52];
- qu’il ne songeait pas à un privilège au moment de demander la recherche de titre[53].
[98] Selon l’allégation 2, les affirmations suivantes, faites par le caporal Hare dans son affidavit pour l’affaire au civil, étaient fausses et trompeuses :
- que K.W. eût accepté de payer la moitié des matériaux[54];
- que la moitié du coût des matériaux se chiffrât à 8 367,59 $[55];
- son explication incomplète des règles régissant la responsabilité des murs de soutènement, pour laisser entendre que c’était à K.W. de payer le mur[56].
[99] Les allégations 3 et 4 sont inextricablement liées aux deux premières, puisqu’elles dissent que le caporal Hare a répété ces affirmations dans sa déposition écrite et sa réponse aux questions de l’enquêtrice en déontologie. C’est donc dire que si les deux premières allégations ne sont pas avérées, les deux dernières ne pourront pas l’être non plus.
[100] La preuve sur laquelle l’autorité disciplinaire se base pour établir les allégations est le rapport final de l’enquête, qui comprend :
- la décision au civil;
- le dossier dans l’affaire au civil, y compris l’ensemble des éléments de preuve et de leurs transcriptions, et aussi le cahier d’appel inscrit, auquel il ne serait pas donné suite;
- l’énoncé des incidences (écrit) déposé par K.W.;
- la déclaration écrite volontaire du caporal Hare (non datée);
- les questions supplémentaires posées par l’enquêtrice en déontologie le 30 juin 2021;
- la réponse écrite volontaire du caporal Hare aux questions supplémentaires de l’enquêtrice en déontologie, datée du 15 juillet 2021 et comprenant :
- une lettre de C.F., avocat du caporal Hare, datée du 17 décembre 2020,
- des photos du mur de soutènement,
- une copie des lignes directrices en construction de l’entreprise Black Mountain, auxquelles renvoie sa déposition;
- une copie de la Builders Lien Act;
- la correspondance par courriel entre l’enquêtrice en déontologie et la Fédération de la police nationale;
- une carte satellite Google des propriétés en cause dans l’affaire au civil.
[101] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont proposé K.W. pour unique témoin. Or, je n’ai pas besoin du témoignage de cette personne.
[102] Comme le dit l’avis d’audience disciplinaire, le caporal Hare ne conteste pas l’exactitude des extraits de sa preuve dans l’affaire au civil; il ne trouve à redire que sur les conclusions qu’on doit en tirer. Il affirme que, croyant avoir une entente avec K.W., il avait enregistré le privilège de bonne foi après avoir consulté son avocat. Cette consultation n’est pas remise en doute et la preuve montre qu’elle a bien eu lieu avant l’enregistrement du privilège.
[103] Pour étayer sa réponse aux allégations, le caporal Hare a déposé :
- un avis de la GRC daté du 2 octobre 2015 faisant savoir à K.W. que sa plainte d’extorsion contre le caporal Hare, déposée à la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes en date du 29 septembre de la même année, ne ferait l’objet d’aucune enquête en vertu de la partie VII de la Loi sur la GRC ni au criminel;
- un avis de la GRC daté du 12 mai 2016 faisant savoir à K.W. que sa plainte au criminel contre le caporal Hare pour menaces, après enquête, s’était révélée non fondée;
- des reçus et des relevés bancaires, présentés comme preuves du coût des matériaux pour le mur de soutènement;
- des affidavits de J.H., de R.D. et d’A.S., présentés comme preuves que K.W. et le caporal Hare s’étaient entendus pour se partager les coûts des matériaux.
[104] Le représentant du membre visé me propose d’entendre le témoignage oral de J.H., de R.D., d’A.S. et du caporal Hare, faisant valoir que c’est nécessaire puisque la crédibilité du caporal Hare est au cœur même de l’affaire.
[105] Je ne suis pas d’accord. Le caporal Hare ne conteste pas l’exactitude des déclarations contestées. Aucun conflit n’existe dans la preuve quant à ce qui a été dit et quand.
[106] Je n’ai pas besoin non plus des témoignages de J.H., R.D. et A.S. À leur face même, les affidavits établissent tout au plus que K.W. a refusé de payer le mur de soutènement et que le caporal Hare a consulté son avocat avant d’enregistrer un privilège sur la propriété. Ce ne sont pas là des faits contestés.
[107] Ayant constaté que les remarques de la juge Matthews sur la crédibilité du caporal Hare et ses raisons d’enregistrer le privilège n’étaient pas contraignantes, je dois les situer dans le contexte des observations des parties et aussi de la preuve totale présentée devant moi.
Allégation no 1
a) Le caporal Hare a-t-il livré un témoignage faux, trompeur ou inexact comme quoi K.W. avait accepté de payer la moitié du coût des matériaux?
[108] Que la juge Matthews ait constaté qu’aucune entente ne pouvait être établie en droit, ou qu’elle préfère les preuves de K.W. sur ce point, ne prouve pas en soi que le caporal Hare ait livré un témoignage faux, trompeur ou inexact selon la prépondérance des probabilités.
[109] Il n’est pas contesté que K.W. nie l’existence d’une entente alors que le caporal Hare affirme l’existence d’une entente verbale. Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, le fait que le caporal Hare croie à l’existence d’une entente n’est d’aucune pertinence :
[…] à l’heure de participer activement à un procès, le caporal Hare savait forcément qu’il n’y avait pas d’entente. Un contrat exige un accord des volontés. En l’espèce, après qu’une demande de paiement lui a été faite, [K.W.] a rencontré [le caporal] Hare pour lui dire expressément qu’il n’avait jamais accepté de payer les matériaux. Quand l’affaire s’est rendue jusqu’au procès, [le caporal] H avait tout lieu de savoir que [K.W.] n’avait pas tiré les mêmes conclusions que lui de leur rencontre, et que donc aucun contrat n’existait entre eux[57].
[110] Sans vouloir offenser personne, avec cette logique, il suffirait qu’une partie nie l’existence d’un contrat pour empêcher l’autre de défendre sa réclamation en cour – proposition indéfendable. Ce qu’on me charge de déterminer, ce n’est pas si le caporal Hare avait des chances raisonnables d’obtenir gain de cause, mais bien s’il a livré un témoignage faux, trompeur ou inexact en affirmant que K.W. avait accepté de payer la moitié des coûts des matériaux pour construire le mur de soutènement.
[111] Les représentants de l’autorité disciplinaire affirment qu’il n’y a tout simplement aucune preuve crédible[58] que K.W. eût accepté de supporter la moitié des coûts pour le mur de soutènement.
[112] Les représentants de l’autorité disciplinaire ajoutent que la preuve porte à croire que K.W. n’a pas conclu de contrat verbal[59]. Ils se fie pour cela aux éléments de preuve de K.W. et de son épouse comme quoi leur processus d’appel d’offres habituel implique d’obtenir des reçus et des soumissions. Or, K.W. a aussi affirmé qu’il fonctionnait parfois sans soumission ou par contrat verbal quand il avait de bonnes relations bien établies avec le sous-traitant concerné[60].
[113] Le caporal Hare et K.W. témoignent tous deux qu’ils avaient eu des relations cordiales avant leur conversation du 19 septembre 2015 et qu’ils ont échangé sur la construction éventuelle d’un mur de soutènement entre leurs deux propriétés. Le caporal Hare rapporte trois conversations avant le 19 septembre 2015; K.W. affirme qu’il y en a eu deux, mais peut-être plus[61]. Leurs preuves respectives concordent sur le fait que, dans ces conversations, ils ont discuté de la construction d’un mur de soutènement entre leurs deux propriétés, des lignes directrices régissant ce genre de travaux, ainsi que des matériaux que le caporal Hare entendait utiliser. Ce qui est clair par contre, c’est qu’ils n’ont pas interprété ces conversations de la même manière.
[114] Quant aux textos échangés par les deux parties le 18 septembre 2015, les représentants de l’autorité disciplinaire estiment que K.W. y semblait plus confus qu’autre chose[62]. On pourrait toutefois faire d’autres inférences raisonnables à partir des mêmes textos; ainsi, pour le représentant du membre visé, ils peuvent s’interpréter objectivement comme indicateurs d’une entente.
[115] L’inférence voulant que K.W. fût confus face aux textos du caporal Hare, demandant « où on en est pour les coûts du mur de soutènement », serait plus convaincante si le mur avait été achevé deux mois plus tôt : en juillet 2015, comme l’affirme K.W. Cependant, la juge Matthews a conclu que les travaux s’étaient plutôt terminés en septembre de la même année. Le moment du texto du caporal Hare cadre avec cette seconde date, de même qu’avec la position de ce dernier comme quoi il voulait se faire payer la part des matériaux que lui devait K.W. Quant à K.W., il affirme avoir interprété le texto comme voulant dire que le caporal Hare souhaitait savoir s’il avait fait une bonne affaire avec les travaux[63], cela deux mois après l’achèvement. Cette explication n’est pas convaincante.
[116] La preuve de K.W. et celle du caporal Hare concordent sur le fait que, quand ils se sont rencontrés en personne, le second a demandé au premier, en ces termes ou en d’autres, comment il entendait régler sa part des matériaux, estimée à 8 300 $. K.W. a répondu qu’il n’avait jamais accepté de payer quoi que ce soit. Selon ses dires, il aurait fait savoir au caporal Hare qu’on ne pouvait pas enregistrer de privilège sur une propriété sans y avoir fait des travaux; tous deux auraient discuté de l’application des lignes directrices, après quoi il aurait exposé clairement que le caporal Hare avait modifié la pente, pour finalement lui demander « ce qu’il cherchait[64] ». K.W. n’a pas expliqué pourquoi il tenait à régler ce point, si lui et le caporal Hare n’avaient encore eu aucune conversation sur l’application des lignes directrices ni sur le partage du coût des matériaux.
[117] Les représentants de l’autorité disciplinaire affirment finalement que, dans l’affaire au civil, le caporal Hare a eu recours aux lignes directrices d’une manière qui cadre mal avec l’existence d’une entente[65]; en deux mots, si K.W. avait dû payer le mur de soutènement, selon les lignes directrices, aucune entente sur les coûts n’aurait été nécessaire. Cependant, ils ne parlent pas de la réponse du caporal Hare sur ce point. Affirmer l’existence d’une entente cadre avec la compréhension que le caporal Hare disait avoir des lignes directrices, à savoir, que K.W. fût responsable de la construction du mur. Il voyait l’entente de partage des coûts comme mutuellement bénéfique : il aurait son mot à dire sur les matériaux pour qu’ils correspondent à ses préférences esthétiques, tandis que K.W. économiserait de l’argent[66].
[118] Bref, si le caporal Hare n’a pas su prouver l’existence d’une entente en droit, la prevue dont je dispose appuie ses dires dans une certaine mesure. Nous n’avons aucune preuve directe qu’il eût sciemment et insouciamment fait une déclaration fausse, trompeuse ou inexacte sur l’existence d’une entente entre lui-même et K.W. pour partager les coûts des matériaux. Il y a plusieurs inférences raisonnables qu’on puisse tirer. Celles des représentants de l’autorité disciplinaire ne sont pas pour moi avérées selon la prépondérance des probabilités à la lumière des faits établis. J’en conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas su prouver selon la prépondérance des probabilités le caractère faux, trompeur ou inexact de la déclaration du caporal Hare comme quoi lui-même et K.W. avaient une entente pour partager les coûts des matériaux du mur de soutènement.
b) Le caporal Hare a-t-il livré un témoignage faux, trompeur ou inexact en affirmant que le coût des matériaux pour la construction du mur de soutènement totalisait entre 15 000 et 16 000 $?
[119] Les représentants de l’autorité disciplinaire affirment que les reçus produits par le caporal Hare dans l’affaire au civil ne totalisent pas plus de 8 367,59 $. Selon eux, il n’y a aucune preuve « outre de vagues assertions » qu’il ait dépensé davantage[67]; les autres reçus produits par le caporal Hare à l’appui de sa réponse aux allégations n’ayant pas été testés, on ne devrait leur accorder que peu d’importance, voire pas du tout. À l’appui de cet argument, ils indiquent des reçus pour des articles n’ayant manifestement rien à voir avec la construction d’un mur de soutènement, par exemple des grilles d’évents de plancher[68].
[120] Les représentants de l’autorité disciplinaire affirment que « ce qui a le plus de sens, et qui s’est réellement produit », c’est que le mur a coûté 8 367,59 $ au total. Selon eux, ce montant cadrerait avec « l’argument initial » du caporal Hare comme quoi K.W. devait payer le mur intégralement, conformément aux lignes directrices[69].
[121] Or, cet argument ne concorde pas avec la preuve. Les reçus produits comme pièces à conviction par le caporal Hare dans l’affaire au civil ne totalisaient que 7 651,38 $ et concernaient des services d’excavation, du béton préparé, des Allan Blocks, et un pouce de roche fracturée utilisée comme cailloux de drain.[70]. Ces quatre articles ne correspondent pas à l’ensemble des matériaux qu’on utilise raisonnablement pour construire un mur de soutènement.
[122] Le caporal Hare a fait état dans son témoignage de matériaux supplémentaires qu’il avait payés comptant, y compris l’ancre Geotech dont la juge Matthews avait constaté l’installation. Il a admis sans détours qu’il n’avait pas les reçus de tous les matériaux achetés et que, sans être certain du total exact, il l’estimait entre 15 000 et 16 000 $[71].
[123] Jamais les représentants de l’autorité disciplinaire n’ont affirmé que ces coûts supplémentaires étaient déraisonnables ou n’auraient pas pu être payés comptant; ce qu’ils affirment plutôt, c’est que le coût total n’est pas prouvé et que, même si l’on acceptait le montant qu’il avance, il n’en resterait pas moins que le caporal Hare se trouve incapable d’expliciter quelque 6 000 $ de dépenses[72]. Ils ne disent rien du fait que la juge Matthews n’a pas rendu de conclusions sur le coût réel des matériaux.
[124] Le caporal Hare a soumis en appui à sa réponse aux allégations des reçus supplémentaires, que j’ai examinés. Ces reçus concernent entre autres les barres d’armature (118,72 $ et 55,45 $) et l’adhésif (150,98 $) qu’il mentionne dans son témoignage; ils cadrent avec sa preuve concernant le coût total des matériaux.
[125] Le caporal Hare a également produit des reçus de matériaux cadrant avec la méthode de construction dont il a témoigné, telle qu’acceptée par la juge Matthews. Leurs dates concordant avec les dates de construction constatées par la juge Matthews, ils concernent les chaperons des Allan blocks (1 031,69 $), les matériaux de coffrage (44,15 $), ainsi que le scellant pour béton et les enclumes pour faire tenir le coffrage dans le sol (150,98 $). Le caporal Hare énumère aussi des paiements comptant pour des tuyaux de vidange, des locations de matériel, des matériaux d’irrigation, etc.
[126] La preuve dont je dispose démontre que les reçus produits par le caporal Hare durant l’affaire au civil ne représentent pas le coût de construction total du mur de soutènement. Les reçus à l’appui de sa réponse aux allégations corroborent son témoignage. Même si je n’accepte qu’avec réserves les dépenses supplémentaires en matériaux dont le caporal Hare rend compte et qui totalisent 16 665,50 $, je constate au vu de la preuve que le mur de soutènement dans son ensemble a coûté beaucoup plus que 8 367,59 $, contrairement à ce qu’affirment les représentants de l’autorité disciplinaire. Il s’ensuit nécessairement que l’autorité disciplinaire n’a pas su prouver selon la prépondérance des probabilités que le caporal Hare eût livré un témoignage faux, trompeur ou inexact sur le coût total des matériaux pour la construction du mur de soutènement.
c) Le caporal Hare a-t-il livré un témoignage faux, trompeur ou inexact sur le moment de la recherche de titre?
[127] Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, le caporal Hare aurait induit la Cour en erreur concernant le but et le moment de la recherche de titre; il aurait témoigné n’avoir pas demandé celle-ci avant sa conversation avec K.W., et déclaré faussement ne l’avoir pas demandée dans le but d’enregistrer un privilège[73].
[128] Le caporal Hare ne nie pas que la recherche de titre se soit faite le 16 septembre 2015. Alors que les représentants de l’autorité disciplinaire morcellent ses déclarations, il devient clair quand on les lit dans leur ensemble que le caporal Hare affirme avoir demandé la recherche de titre justement dans le but d’enregistrer un privilège. Il ajoute ne pas se souvenir quand il a demandé le privilège[74].
[129] Par ailleurs, le caporal Hare affirme qu’il n’avait pas le droit de soumettre des preuves sur les motifs de sa recherche de titre[75], ce que confirme la lettre de C.F., son avocat dans l’affaire au civil[76].
[130] Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, l’affirmation du caporal Hare comme quoi il aurait demandé la recherche de titre pour vérifier que la propriété appartenait bien à Outback, craignant de ne pas parvenir à recouvrer la part de K.W.[77], n’est guère crédible, puisqu’une recherche de titre n’aurait pas été nécessaire si sa réclamation avait en fait été basée sur un contrat[78]. Je ne suis pas d’accord. Pour la partie à un contrat qui craindrait que ses clauses ne soient pas respectées, une recherche de titre serait une démarche raisonnable avant de forcer l’exécution du contrat.
[131] En outre, l’argument des représentants de l’autorité disciplinaire se base sur l’hypothèse que le caporal Hare cherchât à profiter de la vente imminente de la propriété d’Outback pour enregistrer un privilège illégal. La preuve ne va pas en ce sens; rien ne porte à croire directement ni indirectement qu’il sût que la propriété s’était vendue ni quand la vente devait se conclure. Le privilège a été enregistré le 25 septembre 2015, et c’est l’avocat d’Outback qui lui annoncerait la vente, après cette date.
[132] De surcroît, le caporal Hare n’a pas agi comme s’il avait eu l’intention d’exploiter la vente imminente pour se donner un rapport de force dans son différend avec K.W. Une fois avisé de la vente, il a accepté que la somme du privilège soit gardée en fiducie afin que la vente, prévue pour la fin du mois, puisse aller de l’avant. Au final, la vente n’a été retardée que d’un jour, se faisant le 29 septembre 2015 au lieu du 28[79].
[133] De ce qui précède, je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas su prouver le caractère faux, trompeur ou inexact du témoignage du caporal Hare concernant la date et le motif de sa demande de recherche de titre.
[134] Les représentants de l’autorité disciplinaire n’ont pas su établir selon la prépondérance des probabilités qu’aucune des trois déclarations contestées soit fausse, trompeuse ou inexacte. J’en conclus que l’allégation no 1 est infirmée.
Allégation no 2
a) Le caporal Hare a-t-il livré un témoignage faux, trompeur ou inexact comme quoi K.W. avait accepté de payer la moitié du coût des matériaux?
[135] Pour les mêmes motifs qu’à l’allégation no 1, je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas su établir selon la prépondérance des probabilités que le caporal Hare ait fait, dans son affidavit pour l’affaire au civil, une déclaration fausse, trompeuse ou inexacte comme quoi K.W. avait accepté de supporter la moitié du coût des matériaux.
b) Le caporal Hare a-t-il livré un témoignage faux, trompeur ou inexact comme quoi le coût des matériaux pour la construction du mur de soutènement totalisait entre 15 000 et 16 000 $?
[136] Pour les mêmes motifs qu’à l’allégation no 1, je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas su établir selon la prépondérance des probabilités que le caporal Hare ait fait, dans son affidavit pour l’affaire au civil, une déclaration fausse, trompeuse ou inexacte comme quoi le coût des matériaux pour la construction du mur de soutènement totalisait entre 15 000 et 16 000 $.
c) Le caporal Hare a-t-il donné une explication incomplète des règles régissant la responsabilité en ce qui concerne les murs de soutènement?
[137] Selon les représentants de l’autorité disciplinaire, le caporal Hare aurait rédigé un affidavit délibérément trompeur pour faire accroire que K.W. était légalement tenu de payer le mur de soutènement[80]. Cette assertion se base sur le « commentaire non contraignant » de M. A.B., dans son courriel du 21 octobre 2015, comme quoi Outback avait pour ainsi dire préservé l’élévation d’avant la construction[81]. Cependant, les représentants n’abordent pas le fond des objections du caporal Hare concernant l’exactitude des conclusions de M. A.B., y compris que celles-ci fussent tendancieuses à cause des relations d’affaires de M. A.B. avec Outback, et que le plan cadastral ou arpentage servant de fondement ait été effectué avant la construction d’Outback sur la propriété[82].
[138] Je suis troublée de l’argument que font valoir les représentants de l’autorité disciplinaire, à savoir essentiellement que, dans une affaire au civil, le défaut de plaider la preuve contre sa propre position équivale à livrer un témoignage faux, trompeur ou inexact. Le caporal Hare n’a rien fait de plus qu’énoncer sa position sur la manière d’interpréter et d’appliquer les faits dans son affaire; tel était son droit.
[139] J’en conclus que l’allégation no 2 est infirmée.
Allégations nos 3 et 4
[140] Les allégations nos 3 et 4 sont essentiellement que le caporal Hare aurait répété, dans ses observations écrites à l’enquêtrice en déontologie, les déclarations contestées des allégations nos 1 et 2. Les deux paires d’allégations sont inextricablement liées. Ayant conclu que les allégations nos 1 et 2 n’étaient pas fondées, je ne puis qu’en faire autant pour les allégations nos 3 et 4.
CONCLUSION
[141] Les déclarations que l’autorité disciplinaire cherche à invoquer comme preuves des allégations, dans l’affaire au civil, avaient été faites in obiter, ce qui signifie qu’elles n’ont aucune valeur obligatoire pour moi. Et même si j’ai tort sur ce point, il appert pour moi que les principes exposés dans Toronto c. S.C.F.P. excluent de les invoquer comme preuves que le caporal Hare eût fait une déclaration fausse, trompeuse ou inexacte.
[142] L’autorité disciplinaire base presque entièrement sa position sur les déclarations contestées en tant que preuves de la supposée inconduite. Mais dans le contexte de l’ensemble de la preuve, je constate que l’autorité disciplinaire n’a pas su établir les allégations nos 1 et 2 selon la prépondérance des probabilités; quant aux allégations nos 3 et 4, puisque leur substance est inextricablement liée à celle des deux autres, je conclus qu’elles ne sont pas fondées non plus.
[143] Les mesures provisoires en place doivent être promptement levées, conformément à l’article 23 du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.
[144] L’une ou l’autre partie peut interjeter appel de la présente décision auprès du commissaire, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC.
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28 mai 2023
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Christine Sakiris
Comité de déontologie
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Date
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ANNEXE A : AVIS D’AUDIENCE DISCIPLINAIRE
[1] Outback Developments Inc. v Hare, 2019 BCSC 2404 [Outback].
[2] Toronto (Ville) c. S.C.F.P., section locale 79, 2003 CSC 63 [Toronto c. S.C.F.P.].
[3] Outback, par. 4 et 5.
[4] Outback, par. 87. [Notre traduction, comme pour toutes les citations directes de sources unilingues anglaises, c.-à-d. ici dont le titre a été laissé en anglais.]
[5] Outback, par. 88.
[6] Outback, par. 96.
[7] Outback, par. 78.
[8] Outback, par. 90.
[9] Outback, par. 93 et 94.
[10] Outback, par. 107.
[11] Perrick, Re, 2018 LSBC 7, 2017 CarswellBC 3940, par. 92, citant Colombie-Britannique (Procureur général) c. Malik, 2011 CSC 18 [Malik], par. 7.
[12] Law Society of Ontario v Manziani, 2020 ONLSTH 24 [Manzinani], par. 36.
[13] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 31.
[14] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 33.
[15] R. v Gerrond, 2021 ONSC 4475, 2021 CarswellOnt 9526 (Westlaw) [Gerrond], par. 27.
[16] Groia v Law Society of Upper Canada, 2015 ONSC 686 [Groia], par. 132, cité dans Manzinani, par. 42.
[17] Ontario (College of Pharmacists) v Aslam, 2018 ONCPDC2 (CanLII) [Aslam], par. 27.
[18] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 29, citant Outback, par. 55-58; 91; 100.
[19] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 27-42.
[20] Observations écrites du représentant du membre visé, 10 février 2023, par. 19-32.
[21] Observations écrites du représentant du membre visé, 10 février 2023, par. 24-34.
[22] Outback, par. 52.
[23] Outback, par. 59.
[24] Outback, par. 59.
[25] Outback, par. 55-58.
[26] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 22 décembre 2022, par. 27, citant Outback, par. 55, 91 et 100.
[27] Outback, par. 39.
[28] Outback, par. 45.
[29] Outback, par. 60-70.
[30] Outback, par. 75.
[31] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 22 décembre 2022, par. 28, citant Outback, par. 91.
[32] Outback, par. 84.
[33] Outback, par. 93.
[34] Outback, par. 90-95.
[35] Outback, par. 100 et 101.
[36] Outback, par. 107.
[37] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 14.
[38] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 16, citant Toronto c. S.C.F.P., par. 37 (WL).
[39] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 18, citant Toronto c. S.C.F.P., par. 51 (WL).
[40] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 19, citant Greater Essex County District School Board and CUPE, Local 1348, re, [2013] OLAA 480, 117 CLAS 53, 230 LAC (4th) 194, par. 28 (WL).
[41] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 26.
[42] Observations écrites du représentant du membre visé, 10 février 2023, par. 16.
[43] Observations écrites du représentant du membre visé, 10 février 2023, par. 15 to 18, citant Law Society v Piersanti, 2018 ONLSTA 10 (confirmé par la Cour divisionnaire, 2019 ONSC 1826) [Piersanti]; Malik; Law Society of Ontario v Bush, 2022 ONLSTH 133 (CanLII).
[44] Observations écrites du représentant du membre visé, 10 février 2023, par. 23.
[45] Palmer c. la Reine, [1980] 1 RCS 759 [Palmer].
[46] Observations écrites du représentant du membre visé, 10 février 2023, par. 47-50.
[47] Réponse des représentants de l’autorité disciplinaire, 10 mars 2023, par. 24-29.
[48] Transcription, Rapport final de l’enquête, p. 327, lignes 24-26, et p. 345, lignes 13-25.
[49] Piersanti, par. 66, cité dans Manziani, par. 38.
[50] Avis d’audience disciplinaire, Allégation 1, élément 26.
[51] Avis d’audience disciplinaire, Allégation 1, éléments 39 et 40.
[52] Avis d’audience disciplinaire, Allégation 1, élément 48.
[53] Avis d’audience disciplinaire, Allégation 1, élément 45.
[54] Avis d’audience disciplinaire, Allégation 2, éléments 51 et 52.
[55] Avis d’audience disciplinaire, Allégation 2, élément 54.
[56] Avis d’audience disciplinaire, Allégation 2, élément 59.
[57] Réponse des représentants de l’autorité disciplinaire, 10 mars 2023, par. 15.
[58] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 22 décembre 2022, par. 75.
[59] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 22 décembre 2022, par. 77.
[60] Transcription, Rapport final de l’enquête, p. 249, ligne 10.
[61] Transcription, Rapport final de l’enquête, p. 230.
[62] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 76.
[63] Transcription, Rapport final de l’enquête, p. 233, lignes 29-40.
[64] Transcription, Rapport final de l’enquête, p. 299; et Outback, par. 48-50.
[65] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 79.
[66] Réponse écrite du caporal Hare aux questions de l’enquêtrice en déontologie, Rapport final de l’enquête, p. 573.
[67] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 78.
[68] Réponse des représentants de l’autorité disciplinaire, 10 mars 2023, par. 27.
[69] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 79.
[70] Transcription, Rapport final de l’enquête, p. 334 et 335.
[71] Transcription, Rapport final de l’enquête, p. 336, lignes 39-41.
[72] Avis d’audience disciplinaire, par. 35.
[73] Avis d’audience disciplinaire, Allégation 1, éléments 42-47.
[74] Transcription, Rapport final de l’enquête, p. 346, ligne 30.
[75] Réponse écrite du caporal Hare aux questions de l’enquêtrice en déontologie, Rapport final de l’enquête, p. 571.
[76] Lettre de C.F., datée du 17 décembre 2020, Rapport final de l’enquête, p. 579.
[77] Réponse écrite du caporal Hare aux questions de l’enquêtrice en déontologie, Rapport final de l’enquête, p. 571.
[78] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 80.
[79] Exposé conjoint des faits dans l’affaire au civil, Rapport final de l’enquête, p. 114, par. 19.
[80] Observations écrites des représentants de l’autorité disciplinaire, 23 décembre 2022, par. 85.
[81] Rapport final de l’enquête, p. 103.
[82] Réponse écrite du caporal Hare aux questions de l’enquêtrice en déontologie, Rapport final de l’enquête, p. 573.