Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire contenait une allégation au titre de l’article 3.2 du code de déontologie de la GRC, ainsi que deux allégations au titre de l’article 7.1. Selon la première allégation, le gendarme Shewchuk aurait utilisé des renseignements obtenus lors d’un contrôle routier à des fins inappropriées, soit pour amorcer des conversations sur les médias sociaux avec deux civiles, madame E.F. et madame B.B. La deuxième allégation concerne la remarque à connotation sexuelle que le gendarme Shewchuk aurait faite à madame B.B., qu’il savait mineure. Enfin, la troisième allégation se rapporte au nom d’utilisateur et à la photo que le gendarme Shewchuk a utilisés sur les médias sociaux, qui permettaient de l’identifier comme membre de la GRC, ce qui va à l’encontre de la politique sur les médias sociaux de la GRC.

Au début de l’audience, le gendarme Shewchuk a admis les trois allégations, et les parties ont présenté au comité de déontologie une version modifiée de l’exposé conjoint des faits. Les différences mineures n’ont pas eu d’incidence sur la détermination des faits établis du comité de déontologie, communiquée aux parties le 15 novembre 2022.

Le comité de déontologie a conclu au bien-fondé des allégations selon la prépondérance des probabilités. Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : a) une pénalité financière équivalente à quarante-cinq jours de la solde du gendarme Shewchuk, à déduire de celle-ci; et b) la mutation à un autre lieu de travail à la discrétion du commandant de la Division D.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier ACMT no 202133828

2023 DAD 07

Ordonnance de non-publication : Interdiction de publier ou de diffuser, de quelque façon que ce soit, tout renseignement qui permettrait d’établir l’identité des plaignantes.

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

Affaire disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10

Opposant :

le commandant de la Division D

(« l’autorité disciplinaire »)

et

le gendarme Stephan Shewchuk

numéro de matricule 61781

(« le membre visé »)

Décision du comité de déontologie

Louise Morel

Le 31 mai 2023

M. Barry Benkendorf, représentant de l’autorité disciplinaire

M. Josh Weinstein, représentant du membre visé


TABLE DES MATIÈRES

RÉSUMÉ 4

INTRODUCTION 4

Ordonnance de non-publication 6

REQUÊTE PRÉLIMINAIRE 7

Décision sur la requête 8

ALLÉGATIONS 9

Résumé des faits établis par le comité de déontologie 16

Faits se rapportant à l’allégation 1 17

Faits se rapportant à l’allégation 2 18

Faits se rapportant à l’allégation 3 19

Décision sur les allégations 19

Allégation 1 20

Allégation 2 21

Allégation 3 23

MESURES DISCIPLINAIRES 24

Déclaration préparée par le gendarme Shewchuk 25

Principes juridiques applicables 28

Décision sur les mesures disciplinaires 30

Gamme des mesures disciplinaires 30

Facteurs aggravants 30

Circonstances atténuantes 34

Conclusion sur les mesures disciplinaires 36

ANNEXE A – JURISPRUDENCE PRÉSENTÉE PAR LES PARTIES 38

Jurisprudence présentée par le représentant de l’autorité disciplinaire 38

Jurisprudence présentée par le représentant du membre visé 38

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire contenait une allégation au titre de l’article 3.2 du code de déontologie de la GRC, ainsi que deux allégations au titre de l’article 7.1. Selon la première allégation, le gendarme Shewchuk aurait utilisé des renseignements obtenus lors d’un contrôle routier à des fins inappropriées, soit pour amorcer des conversations sur les médias sociaux avec deux civiles, madame E.F. et madame B.B. La deuxième allégation concerne la remarque à connotation sexuelle que le gendarme Shewchuk aurait faite à madame B.B., qu’il savait mineure. Enfin, la troisième allégation se rapporte au nom d’utilisateur et à la photo que le gendarme Shewchuk a utilisés sur les médias sociaux, qui permettaient de l’identifier comme membre de la GRC, ce qui va à l’encontre de la politique sur les médias sociaux de la GRC.

Au début de l’audience, le gendarme Shewchuk a admis les trois allégations, et les parties ont présenté au comité de déontologie une version modifiée de l’exposé conjoint des faits. Les différences mineures n’ont pas eu d’incidence sur la détermination des faits établis du comité de déontologie, communiquée aux parties le 15 novembre 2022.

Le comité de déontologie a conclu au bien-fondé des allégations selon la prépondérance des probabilités. Les mesures disciplinaires suivantes ont été imposées : a) une pénalité financière équivalente à quarante-cinq jours de la solde du gendarme Shewchuk, à déduire de celle-ci; et b) la mutation à un autre lieu de travail à la discrétion du commandant de la Division D.

INTRODUCTION

[1] L’avis d’audience disciplinaire contenait deux allégations de conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC, ainsi qu’une allégation d’abus d’autorité en contravention de l’article 3.2 du code de déontologie de la GRC. Le 24 janvier 2022, l’autorité disciplinaire a signé l’avis, que le gendarme Stephan Shewchuk s’est vu signifier le 11 mars 2022, en plus du rapport d’enquête.

[2] Les allégations découlaient d’interactions survenues sur les médias sociaux entre le gendarme Shewchuk et deux civiles dont il a obtenu les renseignements personnels lors de contrôles routiers effectués à Portage la Prairie, au Manitoba, pendant les heures de travail.

[3] Le 20 octobre 2020, vers 12 h 27, durant ses heures de travail, le gendarme Shewchuk a intercepté le véhicule de madame E.F. pour excès de vitesse. Il lui a présenté un avertissement. Par la suite, le 22 octobre 2020, à 16 h 53, le gendarme Shewchuk a envoyé un message à madame E.F. sur Instagram en dehors des heures de travail. Madame E.F. n’a pas répondu au gendarme Shewchuk.

[4] Le 31 octobre 2020, vers 21 h 30, le gendarme Shewchuk a procédé au contrôle routier d’un véhicule dans lequel madame B.B. occupait le siège passager avant. Lors du contrôle routier, madame B.B. a donné son nom au gendarme Shewchuk. Plus tard dans la soirée, en dehors des heures de travail, le gendarme Shewchuk a envoyé une demande d’abonnement au compte Instagram de madame B.B., que cette dernière a acceptée. Lors de l’échange qui a suivi, madame B.B. a informé le gendarme Shewchuk qu’elle avait dix-sept ans; il a alors utilisé le terme « jailbait[1] » pour la décrire. Madame B.B a ensuite bloqué le gendarme Shewchuk.

[5] Au cours des deux interactions sur le média social, madame E.F. et madame B.B. ont pu constater que le gendarme Shewchuk était l’agent de la GRC qui les avait interceptées. Au moment de ces échanges, le nom [traduction] « Steven : gyrophares_et_sirènes_61761 » s’affichait sur le profil Instagram du gendarme Shewchuk, et sa photo de profil le montrait en compagnie d’un enfant.

[6] Le 22 octobre 2021, M. Gerry Annetts a été désigné comité de déontologie pour trancher l’affaire au titre du paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [« Loi sur la GRC »].

[7] Le 10 mai 2022, le gendarme Shewchuk a remis sa réponse à l’avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291 [CC (déontologie)]. Il niait les allégations, mais admettait la plupart des éléments présentés dans les énoncés détaillés.

[8] Le 26 mai 2022, j’ai été nommée nouveau comité de déontologie en l’espèce. Conformément à l’article 45 de la Loi sur la GRC, je dois décider, selon la prépondérance des probabilités, si les allégations ont été établies. Autrement dit, je dois déterminer si, selon toute vraisemblance, le gendarme Shewchuk a contrevenu au code de déontologie de la GRC. Si je conclus au bien-fondé d’une ou de plusieurs des allégations, je dois imposer des mesures disciplinaires.

[9] L’audience disciplinaire de la présente affaire a eu lieu du 29 novembre au 2 décembre 2022, à Winnipeg, au Manitoba. Le 29 novembre 2022, à la suite d’une requête visant à suspendre certains éléments de l’allégation 3, j’ai accepté les modifications à l’exposé conjoint des faits du 14 octobre 2022 et à l’exposé conjoint des faits supplémentaire du 21 octobre 2022. À l’issue de ces modifications, le gendarme Shewchuk a admis les trois allégations.

[10] J’ai rendu ma décision sur les allégations de vive voix le 30 novembre 2022, à savoir ma conclusion établissant le bien-fondé des trois allégations selon la prépondérance des probabilités.

[11] Les parties ont présenté leurs observations sur la question des mesures disciplinaires le 1er décembre 2022, puis j’ai rendu de vive voix ma décision sur les mesures disciplinaires, le 2 décembre 2022. La présente décision écrite intègre et approfondit cette décision rendue de vive voix.

Ordonnance de non-publication

[12] En vertu de l’alinéa 45.1(7)a) de la Loi sur la GRC, j’ordonne, à la demande du représentant de l’autorité disciplinaire et de celui du membre visé, l’interdiction de publier ou de diffuser, de quelque façon que ce soit, tout renseignement qui pourrait permettre d’établir l’identité des plaignantes.

[13] Par conséquent, les allégations ont été modifiées dans la présente décision pour tenir compte de l’ordonnance de non-publication.

REQUÊTE PRÉLIMINAIRE

[14] Au début de l’audience disciplinaire, après que le gendarme Shewchuk a admis les trois allégations, mais pas les énoncés détaillés, le représentant du membre visé a déposé une requête préliminaire en radiation des éléments redondants ou équivoques de l’énoncé détaillé de l’allégation 3, notamment les paragraphes 17 à 27. Il s’appuyait sur la décision du comité de déontologie dans l’affaire Cormier[2], ainsi libellée :

[29] À mon sens, l’intervention d’un comité de déontologie pour modifier ou supprimer des allégations et leur énoncé détaillé n’est justifiée que dans le cas où un élément ou un passage des allégations ou des énoncés détaillés contenus dans l’avis signifié en vertu du paragraphe 43(3) de la Loi sur la GRC prive le membre visé d’un niveau suffisant d’équité procédurale, comme cela peut se produire lorsqu’on y trouve des éléments redondants ou équivoques.

[15] Le représentant du membre visé a fait valoir le caractère redondant des paragraphes 17 à 27 de l’énoncé détaillé de l’allégation 3 et a soulevé une question d’équité procédurale, à savoir que le gendarme Shewchuk était visé par deux allégations fondées sur les mêmes faits. Subsidiairement, le représentant du membre visé affirmait que, si je n’étais pas disposée à radier les éléments de l’énoncé détaillé au titre de la notion d’équité procédurale exposée dans l’affaire Cormier, une suspension provisoire des éléments redondants s’imposait, selon le principe énoncé dans l’arrêt Kienapple[3]. Il a fait observer que le représentant de l’autorité disciplinaire acceptait de suspendre les paragraphes 17 à 27, conformément au principe de l’arrêt Kienapple.

[16] Le représentant de l’autorité disciplinaire a contesté la requête en radiation de certains éléments de l’énoncé détaillé au titre de la décision Cormier. Il a souligné qu’il y avait eu rejet de la requête en radiation dans la décision en question et que, par conséquent, le paragraphe cité par le représentant du membre visé constituait une opinion incidente (remarque faite en passant). Par ailleurs, il estimait que la question des éléments redondants, ou du chevauchement des allégations, ne relevait pas de l’équité procédurale.

[17] Selon lui, le fait d’accorder une requête en radiation causerait un préjudice à l’autorité disciplinaire. En effet, si l’on écartait l’allégation 2 à la suite d’un appel accueilli, en plus de radier certains éléments de l’énoncé détaillé de l’allégation 3 comme le proposait le représentant du membre visé, le gendarme Shewchuk éviterait les conséquences d’une allégation qu’il a admise, étant donné que l’allégation 2 serait radiée, tout comme les éléments redondants de l’allégation 3 par le comité de déontologie.

[18] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait référence à la décision du comité de déontologie de la GRC dans l’affaire Rasmussen[4], qui a appliqué les principes de l’arrêt Kienapple et de l’arrêt Prince[5], lequel fait autorité en ce qui a trait au principe de Kienapple. Bien que l’on puisse peut soutenir que le principe de l’arrêt Kienapple s’applique en l’espèce, il s’est dit disposé à consentir à la suspension temporaire d’une partie de l’allégation 3 pour parvenir à une résolution au chapitre de l’admission des trois allégations, comme dans l’affaire Rasmussen. Il a affirmé être prêt à soutenir, à l’étape des mesures disciplinaires de l’audience, que les événements décrits aux paragraphes 17 à 27 de l’énoncé détaillé constituent des circonstances aggravantes.

Décision sur la requête

[19] Je conviens avec le représentant de l’autorité disciplinaire que le commentaire au paragraphe 29 de la décision Cormier constitue une opinion incidente (remarque faite en passant). En outre, même si ce n’est pas le cas, je ne souscris pas à l’argument selon lequel les éléments redondants ou équivoques de l’allégation soulèvent une question d’équité procédurale.

[20] À mon sens, l’équité procédurale repose sur le droit de se faire entendre; le droit de savoir ce qu’il faut prouver; le droit à un décideur impartial; et le droit à une décision motivée. Les éléments redondants ou équivoques ne mettent en jeu aucun de ces quatre principes. Par conséquent, la requête en radiation des paragraphes 17 à 27 de l’énoncé détaillé de l’allégation 3 est rejetée.

[21] J’estime que le principe de l’arrêt Kienapple ne s’applique pas aux paragraphes 17 à 27 de l’énoncé détaillé de l’allégation 3. Je ne souscris pas non plus à l’argument selon lequel il s’agit d’éléments redondants. L’allégation 2 veut que le gendarme Shewchuk a adopté une conduite déshonorante lorsqu’il a fait une remarque à connotation sexuelle inappropriée à madame B.B., qu’il savait mineure. L’allégation 3 veut que le gendarme Shewchuk a adopté une conduite déshonorante lorsqu’il a utilisé un compte Instagram dont le nom d’utilisateur et la photo de profil permettaient de l’identifier à titre de membre de la GRC, ce qui contrevient à la politique sur les médias sociaux de la GRC. Il s’agit de deux actes distincts dont il n’est pas question dans l’énoncé détaillé des autres allégations.

[22] Je ne conclus pas que les allégations 2 et 3 portent sur des contraventions au code de déontologie visant le même acte ou la même séquence d’événements. La répétition d’éléments dans l’énoncé détaillé de l’allégation 3 vise plutôt à établir la chronologie des événements survenus entre le 20 octobre 2020 et le 1er novembre 2020.

[23] Néanmoins, étant donné que le représentant de l’autorité disciplinaire a accepté de suspendre temporairement les paragraphes 17 à 27 de l’énoncé détaillé de l’allégation 3, je suis disposée à le faire. Soulignons que je ne procède pas à la suspension des éléments de l’énoncé détaillé au titre de l’affaire Kienapple, mais plutôt de l’entente convenue entre les parties.

ALLÉGATIONS

[24] Voici les allégations, telles qu’énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire :

Allégation 1

Entre le 20 octobre 2020 et le 1er novembre 2020, à Portage la Prairie (Manitoba) ou dans les environs, le gendarme Stephan Shewchuk a adopté un comportement contraire à l’article 3.2 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. Au moment des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Sécurité routière de Portage la Prairie, à la Division D, au Manitoba.

2. Le 20 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez procédé au contrôle routier du véhicule de madame [E.F.], qui vous a présenté son permis de conduire et son certificat d’immatriculation.

3. Par la suite, le 22 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez envoyé le message suivant à madame [E.F.] sur Instagram : [traduction] « Salut [madame E.F.] tu me dis vraiment quelque chose lol d’où est-ce que je te connais ».

4. Le nom d’utilisateur associé au compte Instagram de madame [E.F.] et/ou le nom qui y était affiché indiquait son nom complet et les chiffres [caviardé]. Vous n’aviez pas d’amis en commun avec elle sur Instagram.

5. Vous étiez en mesure de trouver le compte Instagram de madame [E.F.] en recherchant son nom, ce que vous avez fait.

6. Le 31 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez procédé au contrôle routier d’un véhicule dans lequel madame [B.B.] occupait le siège passager avant.

7. Lors du contrôle routier, vous avez demandé à madame [B.B.] son nom, qu’elle vous a donné.

8. Par la suite, le 31 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez envoyé une demande d’abonnement au compte Instagram de madame [B.B.].

9. Le nom « Steven » s’affichait sur le compte Instagram que vous avez utilisé, et vous apparaissiez sur la photo de profil en compagnie d’un jeune garçon. Le nom d’utilisateur associé à votre compte comportait les mots

[traduction]

« gyrophares_et_sirènes_61781 » (lights_and_sirens_61781) ou quelque chose de semblable, ou d’autres éléments ayant trait à la police. 61781 est votre numéro de matricule.

10. Madame [B.B.] a accepté votre demande d’abonnement sur Instagram.

11. Le nom d’utilisateur de madame [B.B.] ou le nom affiché sur son compte Instagram indiquait son nom complet. Vous n’aviez pas d’amis en commun avec elle sur Instagram.

12. Vous êtes entré en communication avec madame [E.F.] et madame [B.B.] après avoir vérifié leurs identités dans l’exercice de vos fonctions, au cours de contrôles routiers proactifs.

13. Vos actes constituaient un abus d’autorité, de pouvoir ou de position. Vous avez abusé de votre autorité en utilisant les renseignements obtenus dans l’exercice de vos fonctions à des fins inappropriées, soit pour amorcer une conversation avec une civile sur les médias sociaux à des fins non liées au travail.

Allégation 2

Entre le 20 octobre 2020 et le 1er novembre 2020, à Portage la Prairie (Manitoba) ou dans les environs, le gendarme Stephan Shewchuk a adopté un comportement contraire à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. Au moment des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Sécurité routière de Portage la Prairie, à la Division D, au Manitoba.

2. Le 31 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez procédé au contrôle routier d’un véhicule dans lequel madame [B.B.] occupait le siège passager avant.

3. Lors du contrôle routier, vous avez demandé à madame [B.B.] son nom, qu’elle vous a donné.

4. Le 31 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez envoyé une demande d’abonnement à madame [B.B.] sur Instagram.

5. Le nom « Steven » s’affichait sur le compte Instagram que vous avez utilisé, et vous apparaissiez sur la photo de profil en compagnie d’un jeune garçon. Le nom d’utilisateur associé à votre compte comportait les mots [traduction] « gyrophares_et_sirènes_61781 » ou quelque chose de semblable, ou d’autres éléments ayant trait à la police. 61781 est votre numéro de matricule.

6. Madame [B.B.] a accepté votre demande d’abonnement sur Instagram.

7. Vous avez engagé une conversation avec madame [B.B.] sur Instagram, qui s’est déroulée ainsi :

[TRADUCTION]

Vous : Tu me dis quelque chose lol.

Mme [B.B.] : Je pense que tu m’as interceptée hier (émoji qui rit)

Vous : C’est pour ça que ton nom de famille me disait quelque chose, vous étiez 3 dans le véhicule. Tu étais passagère?

Mme [B.B.] : Oui lol

Vous : À l’avant lol

Mme [B.B.] : Oui

Vous : La conductrice avait seulement 18 ans.

Donc toi, t’as quel âge? Lol

Mme [B.B.] : j’ai 17 ans lol

Vous : Hahah oh jailbate [sic] lol

Mme [B.B.] : Lol ouais

8. Au cours de cette conversation, vous avez fait une remarque à connotation sexuelle à madame [B.B.], que vous saviez mineure.

9. Le terme anglais « jailbait » a une connotation sexuelle. Il renvoie à une jeune femme envers laquelle on éprouve une attirance sexuelle, mais qui n’a pas atteint l’âge de la majorité, ou bien à une personne désirable, mais trop jeune pour avoir un rapport sexuel en toute légalité. Lorsque vous avez fait la remarque à madame [B.B.], vous saviez qu’il s’agissait d’un terme de nature sexuelle. Vous avez employé le terme en ce sens. Vous l’avez employé pour entamer une conversation de nature sexuelle avec madame [B.B.].

10. Madame [B.B.] a cherché la définition du terme « jailbait » que vous aviez employé; elle a alors su que vous comptiez lui faire des avances, mais que c’était mal, car elle était mineure.

11. Quand vous lui avez envoyé un message, madame [B.B.] a pu vous identifier et conclure que vous étiez membre de la GRC.

12. Lorsque vous avez employé le terme « jailbate », madame [B.B.] vous a bloqué. Par la suite, vous avez changé le nom d’utilisateur et la photo de profil associés à votre compte Instagram.

13. Vous avez également effacé les messages que vous lui aviez envoyés, notamment un message dans lequel vous lui demandiez si elle devait atteindre l’âge de dix-huit ans cette année-là ou l’année d’après, ou quelque chose de semblable.

14. Votre conduite a été déshonorante. En amorçant une conversation inappropriée et en faisant une remarque à connotation sexuelle à madame [B.B.], notamment en la qualifiant de « jailbait » après qu’elle vous a dit

être âgée de dix-sept ans, vous avez agi d’une manière qui a jeté le discrédit sur la Gendarmerie.

Allégation 3

Entre le 20 octobre 2020 et le 1er novembre 2020, à Portage la Prairie (Manitoba) ou dans les environs, le gendarme Stephan Shewchuk a adopté un comportement contraire à l’article 7.1 du code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncé détaillé

1. Au moment des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) affecté à la Sécurité routière de Portage la Prairie, à la Division D, au Manitoba.

2. Le 20 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez procédé au contrôle routier du véhicule de madame [E.F.], qui vous a présenté son permis de conduire et son certificat d’immatriculation. Le contrôle routier a eu lieu en face d’une école secondaire.

3. Vous aviez garé votre véhicule en face de l’école secondaire.

4. Par la suite, le 22 octobre, vous avez envoyé le message suivant à madame E.F. sur Instagram : [traduction] « Salut [madame E.F.] tu me dis vraiment quelque chose lol d’où est-ce que je te connais ».

5. Le nom « Steven » s’affichait sur le compte Instagram que vous avez utilisé, et vous apparaissiez sur la photo de profil en compagnie d’un jeune garçon. Le nom d’utilisateur associé à votre compte comportait les mots [traduction] « gyrophares_et_sirènes_61781 » ou quelque chose de semblable, ou d’autres éléments ayant trait à la police. 61781 est votre numéro de matricule.

6. Quelque temps après avoir envoyé un message à madame [E.F.], vous avez changé votre nom d’utilisateur pour [traduction] « unisdansladiversité333 ».

7. Après avoir envoyé un message à madame [E.F.], vous avez remplacé votre photo de profil, qui permettait de vous identifier, par une autre photo.

8. Quand vous lui avez envoyé le message, madame [E.F.] a été en mesure de vous identifier et de conclure que vous étiez le membre de la GRC qui l’avait interceptée.

9. Le nom de madame [E.F.] et le nombre [caviardé] s’affichaient sur son compte Instagram.

10. Vous étiez en mesure de trouver le compte Instagram de madame [E.F.] en recherchant son nom, ce que vous avez fait.

11. Selon madame [E.F.], vous avez tenté de la retrouver, car vous aviez su son nom lors du contrôle routier.

12. Madame [E.F.] était troublée par le fait que vous ayez communiqué avec elle sur les réseaux sociaux à la suite du contrôle routier. Elle se disait très inquiète que vous possédiez ses renseignements personnels, dont son nom et son adresse.

13. Madame [E.F.] se disait mal à l’aise face à ce manque de professionnalisme. Elle craignait que la situation se reproduise; si vous deviez procéder à un contrôle routier de son véhicule à nouveau, elle se sentirait mal à l’aise et effrayée.

14. Madame [E.F.] affirme avoir parlé à d’autres « filles » de la collectivité, qui lui auraient dit avoir vécu des expériences semblables avec vous.

15. Madame [E.F.] estimait que vous tentiez de cibler des jeunes en garant votre véhicule en face de l’école secondaire.

16. Le 2 novembre 2020, un collègue de la GRC, le caporal [C.S.], a été informé de vos interactions avec madame [E.F.] par sa fille, [S.S.], qui avait appris l’incident d’une amie. [S.S.] a dit au caporal [C.S.] qu’il est bien connu que vous ciblez les conductrices et que vous tentez ensuite de communiquer avec elles sur les plateformes de médias sociaux.

17. Le 31 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez procédé au contrôle routier d’un véhicule dans lequel madame [B.B.] occupait le siège passager avant.

18. Lors du contrôle routier, vous avez demandé à madame [B.B.] son nom, qu’elle vous a donné.

19. Le 31 octobre 2020 ou vers cette date, vous avez envoyé une demande d’abonnement à madame [B.B.] sur Instagram.

20. Le nom « Steven » s’affichait sur le compte Instagram que vous avez utilisé, et vous apparaissiez sur la photo de profil en compagnie d’un jeune garçon. Le nom d’utilisateur associé à votre compte comportait les mots [traduction] « gyrophares_et_sirènes_61781 » ou quelque chose de semblable, ou d’autres éléments ayant trait à la police. 61781 est votre numéro de matricule.

21. Madame [B.B.] a accepté votre demande d’abonnement sur Instagram.

22. Vous avez engagé une conversation suivante avec madame [B.B.] sur Instagram, qui s’est déroulée ainsi :

[TRADUCTION]

Vous : Tu me dis quelque chose lol.

Mme [B.B.] : Je pense que tu m’as interceptée hier (émoji qui rit)

Vous : C’est pour ça que ton nom de famille me disait quelque chose, vous tiez 3 dans le véhicule. Tu étais passagère?

Mme [B.B.] : Oui lol

Vous : À l’avant lol

Mme [B.B.] : Oui

Vous : La conductrice avait seulement 18 ans. Donc toi, t’as quel âge? Lol

Mme [B.B.] : j’ai 17 ans lol

Vous : Hahah oh jailbate [sic] lol

Mme [B.B.] : Lol ouais

23. Lorsque vous lui avez envoyé un message, madame [B.B.] a pu vous identifier et conclure que vous étiez membre de la GRC.

24. Vous avez employé le terme « jailbait » pour la désigner, puis madame [B.B.] vous a bloqué. Par la suite, vous avez changé le nom d’utilisateur et le profil associés à votre compte Instagram.

25. Vous avez également effacé les messages que vous lui aviez envoyés, notamment un message dans lequel vous lui demandiez si elle devait atteindre l’âge de dix-huit ans cette année-là ou l’année d’après, ou quelque chose de semblable.

26. Le terme anglais « jailbait » a une connotation sexuelle. Il désigne essentiellement une jeune femme envers laquelle on éprouve une attirance sexuelle, mais qui n’a pas atteint l’âge de la majorité, ou bien une personne désirable, mais trop jeune pour avoir un rapport sexuel en toute légalité. Lorsque vous avez fait la remarque à madame [B.B.], vous saviez qu’il s’agissait d’un terme de nature sexuelle. Vous avez employé le terme en ce sens. Vous l’avez employé pour entamer une conversation de nature sexuelle avec madame [B.B.].

27. Madame [B.B.] a cherché la définition du terme « jailbait » que vous aviez employé; elle a alors su que vous comptiez lui faire des avances, mais que c’était mal, car elle était mineure.

28. Votre conversation l’a rendue mal à l’aise et l’a [traduction] « un peu effrayée ». Elle craignait que vous pourriez « tenter de faire quelque chose ».

29. Ultérieurement, des captures d’écran de ladite conversation avec madame [B.B.] sur Instagram ont été publiées sur Facebook à la vue d’autres personnes.

30. Sur Facebook, un compte au nom de profil « Mariz PQ » a publié les captures d’écran de la conversation, qui permettent de vous identifier, accompagnées d’un avertissement destiné à la population : [traduction] « Faites attention à ce policier prédateur [skinner] qui envoie des messages à des mineures, n’oubliez pas qu’il a déjà été suspen… [sic] ».

31. Le terme « skinner » désigne essentiellement une personne qui commet des agressions sexuelles ou qui en a commis. « Mariz PQ » a employé ce terme pour vous désigner dans sa publication Facebook.

32. Les membres de la petite collectivité où vous travaillez ont appris que vous aviez tenu des propos de nature sexuelle envers une mineure, madame [B.B.], au cours d’une conversation que vous aviez engagé avec elle.

33. Les membres de la petite collectivité où vous travaillez ont également appris, par le biais de discussions entre eux ou de publications dans les médias sociaux, que vous aviez communiqué avec des jeunes femmes sur les médias sociaux après avoir interagi avec elles dans l’exercice de vos fonctions.

34. Les membres de la collectivité où vous travaillez ont réagi négativement aux conversations que vous avez eues avec madame [B.B.] et madame [E.F.]. Les membres de la collectivité où travaillez en sont venus à la conclusion que vous pourriez commettre des agressions sexuelles envers des mineures, que vous l’avez fait ou que vous prévoyiez le faire.

35. Vous avez agi de façon déshonorante en vous identifiant à titre de membre de la GRC ou en étant identifiable comme tel sur les médias sociaux, ce qui contrevient à la politique sur les médias sociaux de la GRC, de même qu’en engageant des conversations qui ont jeté le discrédit sur la GRC.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

Résumé des faits établis par le comité de déontologie

[25] Le 14 octobre 2022, les parties m’ont présenté un exposé conjoint des faits, suivi, le 21 octobre 2022, d’un exposé conjoint des faits supplémentaire.

[26] Le premier jour de l’audience disciplinaire, les parties ont apporté des modifications mineures à l’exposé conjoint des faits. Ces modifications n’influencent en rien ma determination des faits établis, communiquée aux parties le 15 novembre 2022, dans laquelle j’exposais les faits non contestés suivants :

[27] Le gendarme Stephan Shewchuk est un membre régulier de la GRC depuis le 6 juillet 2015. Au moment des faits, il était affecté à la Sécurité routière de Portage la Prairie, à la Division D, au Manitoba.

Faits se rapportant à l’allégation 1

[28] Le 20 octobre 2020, durant les heures de travail, le gendarme Shewchuk a procédé au contrôle routier du véhicule de madame E.F., qui roulait à une vitesse excessive. Celle-ci a présenté son permis de conduire et son certificat d’immatriculation.

[29] Le gendarme Shewchuk a remis un avertissement à madame E.F., qui contenait le nom de cette dernière, son adresse et sa date de naissance.

[30] Le 22 octobre 2020, à 16 h 53, le gendarme Shewchuk a envoyé le message suivant à madame E.F. sur Instagram : « Salut [madame E.F.] tu me dis vraiment quelque chose lol d’où est-ce que je te connais. » Madame E.F. n’a pas répondu au message du gendarme Shewchuk.

[31] Le 31 octobre 2020, vers 21 h 30, durant ses heures de travail, le gendarme Shewchuk a procédé au contrôle routier du véhicule de madame K.B. Madame B.B. se trouvait à bord du véhicule de madame K.B. Le gendarme Shewchuk a avisé les trois femmes à bord du véhicule de madame K.B. qu’il s’agissait d’un contrôle routier aléatoire à des fins de vérification de la sobriété.

[32] Lors du contrôle, le gendarme Shewchuk a mentionné que madame K.B. n’était pas de Portage la Prairie. Madame B.B. a affirmé au gendarme Shewchuk que madame K.B. lui rendait visite en ville. Le gendarme Shewchuk a alors demandé à madame B.B. son nom, qu’elle lui a donné.

[33] Le 31 octobre 2020, le gendarme Shewchuk a envoyé une demande d’abonnement au compte Instagram de madame B.B.

[34] Madame B.B. a accepté la demande, sans s’abonner en retour au compte Instagram du gendarme Shewchuk.

[35] Le gendarme Shewchuk a ensuite envoyé un message à madame B.B. sur Instagram.

Faits se rapportant à l’allégation 2

[36] Le gendarme Shewchuk a engagé une conversation avec madame B.B. sur Instagram, qui s’est déroulée ainsi :

[TRADUCTION]

Gendarme Shewchuk : Tu me dis quelque chose lol.

Mme B.B. : Je pense que tu m’as interceptée hier (émoji qui rit)

Gendarme Shewchuk : C’est pour ça que ton nom de famille me disait quelque chose, vous étiez 3 dans le véhicule. Tu étais passagère?

Mme B.B. : Oui lol

Gendarme Shewchuk : À l’avant lol

Mme B.B. : Oui

Gendarme Shewchuk : La conductrice avait seulement 18 ans. Donc toi, t’as quel âge? Lol

Mme B.B. : j’ai 17 ans lol

Gendarme Shewchuk : Hahah oh jailbate [sic] lol

Mme B.B. : Lol ouais

[37] Au moment de cet échange, le nom [traduction] « Steven : gyrophares_et_sirènes_61761 » s’affichait sur le profil Instagram du gendarme Shewchuk, et sa photo de profil le montrait en compagnie d’un enfant.

[38] Lorsque le gendarme Shewchuk lui a envoyé un message, madame [B.B.] a pu l’identifier et conclure qu’il était membre de la GRC.

[39] Le gendarme Shewchuk a envoyé un autre message à madame B.B. dans lequel il lui demandait si elle devait atteindre l’âge de dix-huit ans cette année-là ou l’année d’après, ou quelque chose de semblable.

[40] Après avoir reçu ces messages, madame B.B. a bloqué le gendarme Shewchuk sur Instagram.

[41] Le gendarme Shewchuk a également bloqué madame B.B. et a changé son nom d’utilisateur et sa photo de profil.

[42] Le 31 octobre 2020, madame B.B. était âgée de dix-sept ans.

Faits se rapportant à l’allégation 3

[43] Le 20 octobre 2020, le gendarme Shewchuk a procédé au contrôle routier du véhicule de madame E.F., puis lui a envoyé un message sur Instagram le 22 octobre 2020.

[44] On pouvait lire le nom « Steven » sur le compte Instagram que le gendarme Shewchuk a utilisé, et sa photo de profil le montrait en compagnie d’un enfant. Le nom d’utilisateur associé au compte était [traduction] « gyrophares_et_sirènes_61781 ». 61781 est le numéro de matricule du gendarme Shewchuk.

[45] Des captures d’écran de la conversation qu’ont eue le gendarme Shewchuk et madame B.B. sur Instagram ont été publiées sur Facebook à la vue d’autres personnes.

[46] Madame K.B. a publié ladite conversation sur sa page Instagram, où l’a vue madame S.S.

[47] Quelque temps après avoir envoyé un message à madame E.F. et à madame B.B, le gendarme Shewchuk a changé son nom d’utilisateur pour [traduction] « unisdansladiversité333 ».

[48] Après avoir communiqué avec madame E.F. et madame B.B., le gendarme Shewchuk a remplacé sa photo de profil, qui permettait de l’identifier, par une autre photo.

Décision sur les allégations

[49] Dans sa réponse du 10 mai 2022, le gendarme Shewchuk niait les trois allégations. Toutefois, au début de l’audience disciplinaire, il a admis chaque allégation et la majeure partie des énoncés détaillés modifiés, comme en font état mes conclusions de faits dans la détermination des faits établis. Les aveux du gendarme Shewchuk cadrent avec le contenu des documents dont je dispose.

[50] Aucun élément de preuve n’a été présenté de vive voix à l’étape de l’audience portant sur les allégations. Pour parvenir à ma décision sur les allégations, j’ai tenu compte des éléments de preuve documentaire dont je dispose, des aveux du gendarme Shewchuk et des observations des conseils.

Allégation 1

[51] L’article 3.2 du code de déontologie prévoit que « [l]es membres agissent avec intégrité, équité et impartialité sans abuser de leur autorité, de leur pouvoir ou de leur position ou les compromettre. »

[52] Je conclus au bien-fondé des faits suivants : le 20 octobre 2020, durant ses heures de travail, le gendarme Shewchuk a procédé au contrôle routier du véhicule de madame E.F., qui roulait à une vitesse excessive. Elle lui a présenté son permis de conduire et son certificate d’immatriculation, et il lui a remis un avertissement.

[53] Par la suite, le 22 octobre 2020, le gendarme Shewchuk a envoyé un message à madame E.F. sur Instagram en dehors des heures de travail. Madame E.F. n’a pas répondu au message du gendarme Shewchuk.

[54] Puis, le 31 octobre 2020, à 21 h 30, le gendarme Shewchuk a procédé, durant ses heures de travail, au contrôle routier d’un véhicule dans lequel se trouvait madame B.B. Lors du contrôle, madame B.B. a donné son nom au gendarme Shewchuk.

[55] Plus tard le soir même, en dehors des heures de travail, le gendarme Shewchuk a envoyé une demande d’abonnement au compte Instagram de madame B.B., que cette dernière a acceptée. Le gendarme Shewchuk a alors envoyé un message à madame B.B. sur Instagram; ils ont ensuite discuté brièvement.

[56] Le gendarme Shewchuk a admis tous les éléments de l’énoncé détaillé de l’allégation 1. Il a admis avoir d’abord rencontré madame E.F. et madame B.B. dans le cadre de contrôle routiers qu’il a effectués durant les heures de travail et avoir communiqué avec elles ultérieurement sur les médias sociaux en dehors des heures de travail en vue d’entamer une conversation à des fins non liées à ses fonctions.

[57] J’accepte le fait qu’il a admis avoir abusé de son autorité en utilisant des renseignements obtenus dans le cadre de ses fonctions à des fins inappropriées, soit en vue d’entamer des conversations sur les médias sociaux pour des motifs non liés à l’exercice de ses fonctions.

[58] Compte tenu de ce qui précède, l’allégation 1 est fondée selon la prépondérance des probabilités.

Allégation 2

[59] L’article 7.1 du code de déontologie de la GRC prévoit ce qui suit : « Les membres se comportent de manière à éviter de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. »

[60] Selon le critère de « conduite déshonorante » énoncé à l’article 7.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit établir les quatre éléments suivants, selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes qui constituent le comportement présumé;
  2. l’identité du membre qui aurait commis les actes visés par les allégations;
  3. que la conduite du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC;
  4. que le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour que la GRC ait un motif légitime de lui imposer des mesures disciplinaires.

[61] Pour déterminer l’acte ou les actes constituant la conduite alléguée, il faut démontrer que les événements présentés dans l’énoncé détaillé des allégations se sont bel et bien produits. Il n’est pas nécessaire d’établir le bien-fondé de chaque élément, mais il faut le faire de façon suffisante pour que les éléments établis satisfassent au critère de la conduite déshonorante.

[62] Si l’autorité disciplinaire s’acquitte du fardeau de la preuve aux étapes a) et b), le comité de déontologie doit alors déterminer si la conduite du membre pourrait vraisemblablement jeter le discrédit sur la GRC. Pour ce faire, il détermine si une personne raisonnable dans la société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et, plus particulièrement, celles de la GRC, serait d’avis qu’il y a eu conduite déshonorante.

[63] Enfin, à l’étape d), le comité de déontologie doit déterminer si la conduite est suffisamment liée aux devoirs et fonctions du membre pour que la Gendarmerie ait un motif légitime de lui imposer des mesures disciplinaires.

[64] Le gendarme Shewchuk a admis avoir initié la conversation avec madame B.B. après avoir obtenu son nom dans le cadre d’un contrôle routier d’un véhicule dans lequel elle était passagère. En outre, le gendarme Shewchuk a admis le contenu de sa conversation avec madame B.B., y compris l’emploi du terme « jailbait » pour la décrire après qu’elle lui a dit n’être âgée que de dix-sept ans. Enfin, le gendarme Shewchuk a admis avoir envoyé un dernier message à madame B.B. dans lequel il lui demandait si son anniversaire approchait ou s’il n’aurait lieu que dans un an.

[65] À la lumière de ce qu’a admis le gendarme Shewchuk, je conclus que les deux premiers volets du critère sont remplis selon la prépondérance des probabilités. Je peux donc maintenant passer à la question de savoir si les troisième et quatrième volets du critère sont remplis.

[66] Les policiers, qui se voient conférer des pouvoirs extraordinaires pour aider et protéger la population et faire respecter nos lois, doivent se conformer à une norme de conduite particulièrement élevée.

[67] L’allégation 2 veut essentiellement que le gendarme Shewchuk, après avoir appris le nom de madame B.B. lors d’un contrôle routier, a initié une conversation avec celle-ci sur les réseaux sociaux. On pouvait lire les mots [traduction] « gyrophares_et_sirènes_61781 » sur le compte Instagram du gendarme Shewchuk, et sa photo de profil le montrait en compagnie d’un enfant. Au cours de l’échange, il a demandé à madame B.B. son âge, puis a employé le terme « jailbait » pour la décrire. Il s’agissait d’une remarque à connotation sexuelle inappropriée à l’endroit d’une mineure.

[68] Madame B.B. a affirmé s’être sentie mal à l’aise et vulnérable à la suite de l’échange en question avec le gendarme Shewchuk. Elle a également déclaré qu’elle ne se sentait pas en sécurité maintenant que le gendarme Shewchuk avait accès à ses renseignements personnels[6].

[69] Je conclus qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et, plus particulièrement, celles de la GRC, serait d’avis que la conduite du gendarme Shewchuk pourrait vraisemblablement jeter le discrédit sur la GRC.

[70] Il incombe aux policiers de protéger les jeunes et de les aider à se sentir en sécurité en tout temps. Le gendarme Shewchuk a failli à ce devoir.

[71] Sa première interaction avec madame B.B. a eu lieu durant les heures de travail, dans le cadre d’un contrôle routier. Il a ensuite fait usage des renseignements personnels obtenus dans l’exercice de ses fonctions à des fins non liées au travail. En conséquence, je conclus que le comportement du gendarme Shewchuk est suffisamment lié à ses devoirs et fonctions pour que la Gendarmerie ait un motif légitime de lui imposer des mesures disciplinaires.

[72] L’allégation 2 est donc fondée selon la prépondérance des probabilités.

Allégation 3

[73] L’allégation 3 porte également sur une conduite déshonorante aux termes de l’article 7.1 du code de déontologie.

[74] Elle veut essentiellement que le gendarme Shewchuk a contrevenu à la politique sur les médias sociaux de la GRC en étant identifiable à titre de membre de la GRC, puis en entamant une conversation non liée au travail avec madame B.B., qui est mineure. Cette conversation a été rendue publique, et certains membres de la collectivité où il travaille en ont pris connaissance. Par ailleurs, lorsqu’il a communiqué avec madame E.F. sur les réseaux sociaux en dehors des heures du travail, le gendarme Shewchuk était identifiable à titre de membre de la GRC.

[75] Il a admis avoir contrevenu à la politique sur les médias sociaux de la GRC en s’identifiant comme membre de la GRC ou en étant identifiable comme tel, ce qui constitue une conduite déshonorante.

[76] Je conclus qu’une personne raisonnable en société, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris les réalités du travail policier en général et, plus particulièrement, celles de la GRC, serait d’avis que la conduite du gendarme Shewchuk pourrait vraisemblablement jeter le discrédit sur la GRC.

[77] Le fait que le gendarme Shewchuk ait pu communiquer avec ces jeunes femmes à la suite de contrôles routiers me porte à conclure que sa conduite est suffisamment liée à ses devoirs et fonctions pour que la Gendarmerie ait un motif légitime de lui imposer des mesures disciplinaires.

[78] Compte tenu de ce qui précède, je conclus également au bien-fondé de l’allégation 3 selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[79] Comme j’ai conclu au bien-fondé des trois allégations, j’ai l’obligation, au titre du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et du Guide des mesures disciplinaires de la GRC, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes »[7].

[80] Par ailleurs, au titre du paragraphe 24(2) des CC (déontologie), « [l]e comité [de déontologie] impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au code de déontologie. »

[81] Pour parvenir à ma décision sur les mesures disciplinaires qui s’imposent, j’ai examine avec soin les éléments de preuve dont je dispose, la déclaration du gendarme Shewchuk, ainsi que les observations détaillées des conseils.

Déclaration préparée par le gendarme Shewchuk

[82] Au début de l’étape des mesures disciplinaires, le gendarme Shewchuk a prêté serment et lu la déclaration qu’il avait préparée.

[83] Il a d’abord présenté ses excuses aux jeunes femmes concernées de les avoir offensées, bien que ce n’ait pas été son intention. Il a affirmé regretter sa conduite et ses propos.

[84] Le gendarme Shewchuk a ensuite présenté brièvement les difficultés personnelles qu’il a rencontrées à compter de mai 2019. Il a vécu l’échec de son mariage; a dû assumer les dettes conjointes du couple en échange d’une entente selon laquelle son ex-épouse ne pouvait avoir droit à sa pension; et a obtenu la garde partagée de son fils de deux ans en tant que père monoparental.

[85] Le gendarme Shewchuk a ajouté qu’en juillet 2019, il comptait parmi les nombreux membres dépêchés à une résidence en réponse à un incident impliquant des armes inconnues, dont on ignorait les circonstances. Il a poursuivi un suspect qui s’était enfui de la résidence à vélo sur une courte distance avant de le heurter avec son véhicule, ce qui a entraîné la chute du suspect. Une enquête de l’Unité d’enquête indépendante du Manitoba, au titre du code de déontologie, a suivi, à l’issue de laquelle le gendarme Shewchuk a été réaffecté à des fonctions administratives. En juillet 2020, l’autorité disciplinaire a conclu au bien-fondé des trois allégations d’inconduite, et le gendarme Shewchuk s’est vu imposer des mesures disciplinaires. Il a recommencé à mener des patrouilles.

[86] Il a déclaré que sa santé mentale s’est mise à se détériorer durant cette période en raison du stress qu’il vivait et du fait qu’il n’avait personne vers qui se tourner. Il se sentait isolé et seul; en 2020, les confinements et les restrictions liés à la pandémie de COVID-19 ont exacerbé ces sentiments. Depuis sa réaffectation à des fonctions administratives en juillet 2019, il devait travailler de la maison; il n’avait donc aucune interaction sociale avec des amis ou des members de la famille. Quand il n’était pas complètement seul, il n’interagissait qu’avec son fils de deux ans.

[87] Le gendarme Shewchuk a précisé que, en dépit de ce qui précède et du fait de ne pas avoir abordé les problèmes de santé mentale qu’il éprouvait, il a commencé à faire des heures supplémentaires dès qu’il a pu reprendre toutes ses fonctions pour rembourser les dettes considérables découlant de sa séparation en mai 2019.

[88] Au cours des trois mois qui ont suivi, soit de juillet à septembre 2020, il a travaillé de dix à douze jours supplémentaires par mois. Il convient de souligner que la période de repos normale prévoit entre douze et seize absences par mois. En bref, il a travaillé quasiment tous les jours pendant trois mois.

[89] Au cours des semaines précédant les incidents dont découlent les allégations qui m’ont été présentées, le gendarme Shewchuk a répondu à trois appels de service à haut risque, qui ont eu un effet traumatisant sur celui-ci.

[90] Le 11 octobre 2020, alors qu’ils tentaient de procéder à l’arrestation d’un suspect armé, un maître-chien et lui se sont trouvés en situation d’affrontement dans un vide sanitaire restreint, sans savoir si le suspect leur tirerait dessus. Le Groupe tactique d’intervention est intervenu, et le suspect a par la suite été arrêté sans heurt.

[91] Après cette demande d’assistance, le gendarme Shewchuk a travaillé dix autres heures (à la suite de son quart de travail régulier de dix heures) avant de rentrer chez lui tôt le matin du 12 octobre 2020.

[92] Il était de retour au travail le soir du 12 octobre 2020. En quelques heures, le gendarme Shewchuk répondait à une demande d’assistance concernant un tireur actif. Selon son souvenir, il faisait nuit; il était terrorisé et croyait qu’il allait mourir. Le gendarme Shewchuk a déclaré que, depuis qu’il s’est joint à la GRC, il ne s’est jamais senti aussi effrayé qu’à ce moment.

[93] Le gendarme Shewchuk a été le premier policier à communiquer avec le suspect, qui était armé d’une carabine. Heureusement, plutôt que de braquer l’arme à feu vers le gendarme Shewchuk, le suspect a pris la fuite et s’est caché dans un buisson. Le Groupe tactique d’intervention a procédé à son arrestation par la suite.

[94] Par la suite, le 21 octobre 2020, il a aidé à repêcher les corps de deux jeunes hommes morts gelés et noyés dans des zones marécageuses, au nord de Portage la Prairie. Les jeunes hommes étaient âgés de dix-sept et de dix-huit ans. À l’issue du repêchage, le gendarme Shewchuk a dû procéder à une fouille des corps gelés pour les identifier.

[95] Après ces incidents critiques, il n’a jamais eu l’occasion d’assister à des séances de verbalisation et de counselling, même s’il avait accepté d’y prendre part.

[96] Le gendarme Shewchuk a affirmé qu’il tentait de composer avec les sentiments de solitude, de dépression et d’isolement qui l’habitaient en communiquant avec des inconnus sur les medias sociaux pour avoir des contacts humains ou des interactions positives et amicales. Il a souligné que la plupart de ces conversations ne duraient qu’un jour ou deux, puis prenaient fin ou reprenaient de façon informelle de temps à autre. Le gendarme Shewchuk a précisé qu’il s’agissait, pour lui, d’une échappatoire à son rôle de père monoparental et à son rôle de policier, qu’il occupait quatre-vingt-quinze pour cent du temps.

[97] Il a convenu qu’il ne s’agissait pas d’une façon saine ou appropriée de composer avec ses problèmes de santé mentale.

[98] Le gendarme Shewchuk a reconnu qu’il demeure un policier qu’il soit en service ou non, et que tout renseignement obtenu dans l’exercice de ses fonctions est protégé. Il a admis avoir fait un usage abusif des renseignements personnels de madame E.F. et de madame B.B.

[99] En raison de ses actes qui ont conduit à une enquête au titre du code de déontologie, le gendarme Shewchuk a été affecté à des fonctions administratives. Au cours des mois qui ont suivi, il a commencé à faire d’intenses cauchemars à propos de fusillades ou de la mort, dans lequel il se faisait tirer dessus ou devait tirer sur quelqu’un. Il a déclaré qu’il était rongé par l’anxiété, la dépression et les crises de paniques, et qu’il avait des idées suicidaires.

[100] Le gendarme Shewchuk a fait appel au Programme d’aide aux employés. Il a admis qu’il éprouvait des difficultés et a commencé à prendre part, chaque mois, à des séances d’aide psychologique pour aborder ses symptômes de stress post-traumatique et apprendre à composer sainement avec ceux-ci. Il assiste toujours à ces séances mensuelles.

[101] Le gendarme Shewchuk a déclaré que cette expérience lui a appris à ne pas se surmener au point de faire des heures supplémentaires excessives et de s’épuiser une fois de plus. Il a aussi appris à faire bien attention à ses propos et à la façon dont il communique.

[102] Enfin, le gendarme Shewchuk a admis qu’il lui reste bien du travail à faire sur lui-même, mais a ajouté que sa carrière à la GRC était tout pour lui, qu’il adorait son travail de policier et qu’il portait l’uniforme avec fierté.

Principes juridiques applicables

[103] Dans leurs observations concernant les mesures disciplinaires, les parties ont fait référence au Rapport de Ceyssens et de Childs[8], dans lequel les auteurs dégagent cinq principes sur lesquels repose le processus d’établissement de mesures disciplinaires appropriées.

[104] Voici le premier principe : « Une mesure disciplinaire doit pleinement obéir aux objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires contre la police »[9].

[105] Par ailleurs, « [l]a détermination d’une sanction appropriée suppose, en son cœur, un équilibre entre des intérêts : celui du public, de la GRC en tant qu’employeur, du membre à traiter équitablement et de ceux qui sont touchés par l’inconduite en cause »[10] (en l’espèce, les plaignantes). La Cour suprême du Canada a mis l’intérêt public en lumière en affirmant que « [l]es organismes disciplinaires ont pour objectifs de protéger le public, de réglementer leur profession respective et de préserver la confiance du public envers ces professions »[11].

[106] L’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC fait référence au deuxième principe fondamental recensé dans le Rapport de Ceyssens et de Childs, selon lequel les mesures correctives doivent prévaloir, s’il y a lieu.

[107] Le troisième principe fondamental prévoit l’existence d’une présomption voulant que la mesure la moins sévère possible soit retenue, mais cette présomption est réfutée dans les cas où l’intérêt du public ou d’autres facteurs précis doivent prévaloir.

[108] Le quatrième principe fondamental, selon la définition de la Cour suprême du Canada et des cours d’appel, prévoit qu’une norme plus rigoureuse s’applique à la conduite des policiers[12].

[109] Selon le Rapport de Ceyssens et de Childs, la proportionnalité représente le cinquième principe fondamental de l’imposition de mesures disciplinaires[13]. Ce principe exige que le comité de déontologie relève les « considérations pertinentes relatives à la proportionnalité »; determine si ces considérations sont atténuantes, aggravantes ou neutre; et, enfin, trouve un juste équilibre entre elles ou les soupèse.

[110] Le Guide des mesures disciplinaires, bien qu’il ne soit pas normatif, vise à promouvoir la parité des sanctions. Il s’agit néanmoins d’un « guide » qui doit être lu dans le contexte des normes sociétales changeantes, telles qu’établies par la jurisprudence ou les lois et politiques applicables.

[111] De même, les décisions disciplinaires antérieures, bien que je ne sois pas liée par celles-ci, peuvent fournir une orientation quant à la gamme appropriée de sanctions à imposer pour un type particulier de comportement.

Décision sur les mesures disciplinaires

[112] Je déterminerai d’abord la gamme appropriée de mesures, puis j’examinerai les facteurs relatifs à la proportionnalité particuliers à la présente instance. Enfin, j’expliquerai brièvement la façon dont j’ai soupesé ces facteurs en tenant compte des intérêts du public, de la GRC, du member visé et des plaignantes pour parvenir à ma décision.

Gamme des mesures disciplinaires

[113] En ce qui concerne la gamme appropriée, j’ai pris en considération les observations, de même que la jurisprudence fournie par les deux conseils[14]. Je conclus que la gamme appropriée des sanctions globales en l’espèce comprend une pénalité financière équivalente à quarante-cinq jours de la solde ou plus, ainsi que d’autres mesures disciplinaires pouvant aller jusqu’au congédiement.

Facteurs aggravants

[114] Selon le Black’s Law Dictionary[15], les circonstances aggravantes s’entendent de [traduction] « circonstances de la perpétration d’un crime ou d’un délit qui augmentent la culpabilité ou la gravité ou qui ajoutent aux conséquences préjudiciables, mais qui vont au-delà des éléments essentiels du crime ou du délit en soi. »

[115] D’entrée de jeu, j’estime que la gravité de l’inconduite représente un facteur aggravant. Le gendarme Shewchuk a utilisé des renseignements qu’il obtenus dans le cadre de ses fonctions pour entamer des conversations sur les réseaux sociaux avec deux femmes à des fins non liées au travail.

[116] Au cours de l’échange de messages textes avec madame B.B., il a employé le terme à connotation sexuelle « jailbait ». madame B.B. était alors âgée de dix-sept ans. J’accepte qu’elle déclare affirme avoir su que le terme signifiait, après en avoir cherché la définition, que le gendarme Shewchuk ne devrait pas lui faire des avances, car elle était mineure. Après l’interaction avec le gendarme Shewchuk, elle s’est sentie mal à l’aise, apeurée et vulnérable[16].

[117] Le gendarme Shewchuk se trouvait en position d’autorité sur plusieurs plans. Il a interagi avec madame E.F. et madame B.B. dans le cadre de ses fonctions de policier chargé de faire respecter la loi. Lorsqu’il a communiqué avec elles sur le média social, on pouvait facilement l’identifier comme l’agent de la GRC qui avait effectué les contrôles routiers plus tôt. Il a abusé de son autorité en faisant un usage inapproprié de renseignements qu’il a obtenus dans le cadre de ses fonctions en vue d’entamer des conversations avec deux civiles à des fins non liées au travail.

[118] La dissuasion se révèle d’une importance particulière en l’espèce, non seulement pour servir d’avertissement aux autres membres, mais aussi pour veiller à ce qu’un tel comportement inapproprié ne se reproduise. Le besoin de dissuasion individuelle revêt encore plus d’importance lorsque le contrevenant est une personne en position de confiance et d’autorité.

[119] Le représentant de l’autorité disciplinaire maintient sa position à l’effet que l’intention du gendarme Shewchuk était d’avoir des relations de nature sexuelle avec madame B.B. et avec madame E.F. Je ne souscris pas à cette affirmation. Aucun élément de preuve présenté n’étaie cette conclusion. Selon les éléments de preuve dont je dispose, le gendarme Shewchuk a employé, dans le cadre des deux interactions avec les jeunes femmes, un terme à connotation sexuelle inapproprié à une seule occasion. Il n’y a eu aucune communication entre le gendarme Shewchuk et madame E.F., car celle-ci a refusé sa demande d’abonnement sur Instagram.

[120] Par ailleurs, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que l’inconduite antérieure du gendarme Shewchuk constitue un facteur aggravant. En juillet 2019, celui-ci a été impliqué dans un incident au cours duquel il a recouru à la force de façon abusive, selon les conclusions. À l’issue d’une décision rendue en juillet 2020, le gendarme Shewchuk s’est vu imposer le retrait de quinze jours de congé annuel et l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de deux ans. Selon le représentant de l’autorité disciplinaire, le gendarme Shewchuk n’a pas tiré de leçon des mesures disciplinaires qu’on lui a précédemment imposées, car l’inconduite en cause dans la présente affaire a eu lieu trois mois après l’imposition des mesures disciplinaires découlant du premier incident.

[121] J’estime qu’il s’agit d’un facteur aggravant, auquel je n’ai toutefois accordé que peu d’importance, comme la nature de cette inconduite n’est ni similaire ni analogue à celle des allégations dont je suis saisie.

[122] Par ailleurs, le fait que des membres de la collectivité aient pris connaissance des messages textes inappropriés envoyés à madame B.B. par le gendarme Shewchuk constitue, à mon avis, un facteur aggravant.

[123] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que l’inconduite constituait un acte délibéré, planifié et prémédité. Il a précisé que le gendarme Shewchuk a abordé deux jeunes femmes au cours d’une période d’onze jours, ce qui constitue un acte répétitif s’échelonnant sur une période prolongée.

[124] Je ne souscris pas à la description que le représentant de l’autorité disciplinaire a faite de l’inconduite. Toute la jurisprudence qu’a présentée le représentant de l’autorité disciplinaire se rapportait à des cas d’inconduite s’échelonnant sur plusieurs mois[17], mettant en cause l’échange de plus de deux cents messages textes sexuellement explicites[18] ou l’usage non autorisé de banques de données policières au cours d’une période de cinq ans[19]. Voilà des exemples d’incidents « répétitifs » s’échelonnant sur « des périodes prolongées ».

[125] Comme l’a fait valoir le représentant du membre visé, on ne m’a présenté aucun élément de preuve selon lequel le gendarme Shewchuk aurait longuement réfléchi et planifié ses actes en vue de trouver les jeunes femmes sur les médias sociaux et de leur faire des avances. La preuve établit que le gendarme Shewchuk procède au contrôle routier du véhicule de madame E.F. le 20 octobre 2020, puis envoie à cette dernière une demande d’abonnement à son compte Instagram le 22 octobre 2020, qu’elle a refusée. L’interaction prend alors fin.

[126] Le 31 octobre 2020, le gendarme Shewchuk procède au contrôle routier d’un véhicule dans lequel madame B.B. occupe le siège passager avant et obtient le nom de cette dernière lors d’un échange. Plus tard le soir même, en dehors des heures du travail, le gendarme Shewchuk envoie une demande d’abonnement au compte Instagram de madame B.B, que cette dernière accepte. Une conversation s’ensuit. Après deux brèves conversations, madame B.B. le bloque.

[127] Il ne s’agit pas, à mon sens, d’un comportement répétitif, adopté sur une période prolongée. Je souligne qu’une inconduite peut être répétée sans s’échelonner sur une période prolongée, ce qui, selon les faits établis, n’est toutefois pas le cas en l’espèce.

[128] Selon le représentant de l’autorité disciplinaire, compte tenu de l’attention qu’ont accordée les médias à l’affaire, le comportement du gendarme Shewchuk a nui à la crédibilité et à la réputation de la GRC. Je constate toutefois qu’on ne m’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de cette affirmation.

[129] Malgré l’absence de preuve concernant l’attention médiatique, je tiens à souligner qu’un journaliste de Radio-Canada a assisté aux deux premiers jours de l’audience disciplinaire. En conséquence, je considère l’attention médiatique négative, qui, sans contredit, nuit à la réputation de la Gendarmerie, comme une circonstance aggravante.

[130] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que l’inconduite du gendarme Shewchuk nuit à son travail, ce qui constitue un autre facteur aggravant. Selon le représentant de l’autorité disciplinaire, la population tirera la conclusion que le gendarme Shewchuk a remis un avertissement à madame E.F. plutôt qu’une contravention pour excès de vitesse, car il avait l’intention de communiquer avec elle. En privilégiant ses propres intérêts, le gendarme Shewchuk aurait ainsi nui à son travail. Je constate, une fois de plus, qu’on ne m’a présenté aucun élément de preuve à l’appui de cette conclusion.

Circonstances atténuantes

[131] Les circonstances atténuantes ne justifient ni n’excusent l’infraction, mais, par souci d’équité à l’égard du gendarme Shewchuk, ces facteurs peuvent être pris en considération pour réduire la sévérité de la peine qui s’impose et traiter l’inconduite de manière appropriée.

[132] Tout d’abord, le gendarme Shewchuk a admis l’inconduite et en a assumé la responsabilité.

[133] Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé qu’il y avait peu à admettre, compte tenu de la preuve documentaire existante. Je tiens toutefois à souligner, à l’instar du représentant du membre visé, qu’il devait d’abord s’agir d’une audience contestée de quatre jours, au cours de laquelle madame E.F. et madame B.B. devaient témoigner. Grâce aux aveux du gendarme Shewchuk, il n’était plus nécessaire que les jeunes femmes témoignent ni qu’elles fassent l’objet d’un contre-interrogatoire au cours de l’audience disciplinaire.

[134] Madame E.F. se disait mal à l’aise et effrayée à l’idée de devoir assister à l’audience disciplinaire et de voir le gendarme Shewchuk[20].

[135] Compte tenu de ce qui précède, j’accorde une certaine importance au fait que les jeunes femmes n’aient pas eu à comparaître devant moi ni à faire l’objet d’un contre-interrogatoire au cours de l’audience disciplinaire.

[136] De plus, lors de son témoignage à l’étape des mesures disciplinaires, le gendarme Shewchuk s’est sincèrement excusé auprès des deux plaignantes, a reconnu qu’il les avait offensées et a admis que sa conduite était inappropriée. Il a présenté des excuses sincères et a fait preuve de remords.

[137] J’admets également l’observation du représentant du membre visé selon laquelle les lettres de soutien[21] de collègues, d’amis et de membres de la famille du gendarme Shewchuk témoignent du stress personnel et des problèmes de santé mentale que ce dernier éprouvait au moment de l’inconduite. Les superviseurs actuels et antérieurs du gendarme Shewchuk le décrivent comme un membre motivé, travaillant et efficace, muni d’un bon esprit d’équipe. On dit de lui qu’il est professionnel, courtois et empathique.

[138] Le gendarme Shewchuk a admis avoir fait un usage abusif et inapproprié des plateformes de médias sociaux pour oublier les sentiments d’anxiété, de dépression et d’isolement, exacerbés par les restrictions découlant de la COVID-19, qu’il ressentait à l’époque.

[139] Dans leurs lettres de soutien présentées au comité de déontologie, le superviseur actuel du gendarme Shewchuk, un ami et ses parents ont tous attesté l’avoir vu souffrir d’anxiété et de dépression; ils savaient également qu’il avait demandé l’aide d’un intervenant, qu’il voit toujours. J’en conclus que le gendarme Shewchuk peut se réadapter.

[140] Je constate que le gendarme Shewchuk a déclaré avoir pris part à une première séance d’aide psychologique peu après l’enquête sur l’inconduite en l’espèce, pour aborder les problèmes de santé mentale et le stress personnel qu’il éprouvait à ce moment. Comme l’a souligné le représentant de l’autorité disciplinaire, le comité de déontologie n’a reçu aucun « rapport » en ce sens. En conséquence, je ne peux attribuer qu’une faible importance à ce facteur; je conviens toutefois que les proches du gendarme Shewchuk ont affirmé l’avoir vu aux prises avec des difficultés émotionnelles.

[141] Selon moi, l’inconduite du gendarme Shewchuk, bien qu’elle se soit échelonnée sur une période d’onze jours, constitue un incident unique ou isolé. À la lumière du stress personnel et des problèmes de santé mentale qu’éprouvait le gendarme Shewchuk durant cette période et du nombre d’incidents critiques dans lesquels il a été impliqué, sans bénéficier par la suite de séances de verbalisation et de counseling, je conclus que son inconduite représente un manque de jugement momentané.

Conclusion sur les mesures disciplinaires

[142] Comme l’a souligné le représentant de l’autorité disciplinaire, l’intérêt public revêt une grande importance en l’espèce. Les pouvoirs étendus accordés aux policiers font nécessairement de leur inconduite une question d’intérêt public. Cela dit, j’estime que les membre du public comprennent qu’en tant qu’humains, les policiers commettront parfois des erreurs.

[143] Comme l’a fait valoir un arbitre[22]:

[TRADUCTION]

[L]e public et les employeurs de la police s’attendent à juste titre à ce que les policiers respectent des normes très élevées. Cependant, ces attentes rendent le travail de la police en soi stressant. Ce stress n’excuse en rien un comportement aberrant, mais il justifie de faire preuve d’une certaine mesure d’humanité lorsqu’il s’agit d’établir si une faute humaine constitue un motif pour mettre fin à une carrière.

[144] Après avoir examiné le dossier dont je dispose, la nature de l’inconduite, les facteurs de proportionnalité et la jurisprudence présentée par les parties, j’estime qu’un congédiement n’est pas justifié dans le cas présent. Les facteurs atténuants, plus particulièrement la sincérité des remords dont a fait preuve le gendarme Shewchuk, les efforts qu’il a déployés pour mieux comprendre l’inconduite et traiter sa dépression et son anxiété dans le cadre de séances d’aide psychologique, ainsi que la reconnaissance de la responsabilité de ses actes permettent de justifier l’imposition d’une sanction éducative et réparatrice, qui réponde aux objectifs de dissuasion individuelle et générale.

[145] Compte tenu de ce qui précède, j’impose, en vertu du paragraphe 5(1) des CC (déontologie), les mesures disciplinaires générales qui suivent :

  1. une pénalité financière équivalant à quarante-cinq jours de travail à déduire de la solde du gendarme Shewchuk, en vertu de l’alinéa 5(1)j) des CC (déontologie);
  2. l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans à compter de la date de ma décision écrite, en vertu de l’alinéa 5(1)b) des CC (déontologie);
  3. la mutation à un autre lieu de travail à la discrétion du commandant de la Division D, en vertu de l’alinéa 5(1)g) des CC (déontologie).

[146] Toute mesure provisoire en place doit être résolue en temps opportun, conformément à l’alinéa 23(1)b) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada, 2014, DORS/2014-281.

[147] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de la présente décision en déposant une déclaration d’appel auprès de la commissaire dans les quatorze jours suivant la signification de la présente décision au gendarme Shewchuk, conformément à l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

Le 31 mai 2023

Louise Morel

Comité de déontologie

 

Ottawa (Ontario)

ANNEXE A – JURISPRUDENCE PRÉSENTÉE PAR LES PARTIES

Jurisprudence présentée par le représentant de l’autorité disciplinaire

Armstrong v Peel Regional Police Services, 2003 CanLII 37924.

Fraternité des policiers et policières de Saint-Jean-sur-le-Richelieu inc. c. St. Jean-sur-le-Richelieu (Ville de), 2016 QCCA 1086.

Calgary (City) v Canadian Union of Public Employees Local 37, 2019 ABCA 388.

Commandant de la Division E et gendarme Andrew Scott Hedderson, 2018 DARD 19.

Commandant de la Division K et gendarme Daniel Martin, 2021 DARD 23.

Gendarme Brian Eden et commandant de la Division E, 2021 CAD 19 (décision d’appel en matière de déontologie).

Edmonton (Police Service) v Furlong, 2013 ABCA 121.

PIPSC and CEP, Local 3011 (Haniff) Re, 2013 ONSC 2725, 2013 CarswellOnt 6341.

L’autorité disciplinaire de la Division D c. le gendarme Jason Kitzul, volume 5 (transcription).

R. c. Prince, [1986] 2 CanLII 40 (CSC).

Commandant de la Division E et gendarme Curtis Rasmussen, 2018 DARD 14.

Jurisprudence présentée par le représentant du membre visé

Commandant de la Division K et gendarme D. Greenlaw, 2019 DARD 22.

College of Physicians & Surgeons of Ontario v Lambert, 1992 CanLII 7679 (ONSC).

Dr. Bryan Dicken Discipline Report, 2016 CanLII 98638.

Kienapple c. R., 1974 CanLII 14 (CSC).

Commandant de la Division J et gendarme Jonathan Cormier, 2016 DARD 2.

Commandant de la Division C et gendarme Kane von Kramer Oré, 2020 DAD 4.



[1] Terme sans équivalent exact en français. Des précisions figurent à la page 11.

[2] Commandant de la Division J c. le gendarme Jonathan Cormier, 2016 DARD 2 [Cormier], paragraphe 29.

[3] Kienapple c. R., [1975] 1 RCS 729 [Kienapple].

[4] Commandant de la Division E et gendarme Curtis Rasmussen, 2018 DARD 14 [Rasmussen].

[5] R. c. Prince, [1986] 2 RCS 480 [Prince].

[6] Déclaration de la victime (madame B.B.), datée du 9 novembre 2022.

[7] Guide des mesures disciplinaires, novembre 2014, page 3.

[8] CEYSSENS, Paul et CHILDS, Scott, Phase I – Rapport final concernant les mesures disciplinaires et l’imposition de mesures disciplinaires en cas d’inconduite à caractère sexuel au titre de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, daté du 24 février 2022 [Rapport de Ceyssens et de Childs].

[9] Rapport de Ceyssens et de Childs, page 21, paragraphe 4.1.

[10] Commandant de la Division K et gendarme Ryan Deroche, 2022 DAD 13, paragraphe 82.

[11] Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29, paragraphe 53.

[12] Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2008 CSC 48, paragraphe 80.

[13] Rapport de Ceyssens et de Childs, page 27, paragraphe 7.1.

[14] Une liste exhaustive de la jurisprudence présentée par les deux conseils figure à l’annexe A.

[15] Black’s Law Dictionary, « Aggravation Definition & Meaning – Black’s Law Dictionary », The Law Dictionary, 4 novembre 2011, en ligne [https://thelawdictionary.org/aggravation/#:~:text=AGGRAVATION%20Definition%20%26%20Legal%20Meaning&text=Any%20circumstance%20attending%20the%20commission,the%20crime%20or%20tort%20itself.].

[16] Déclaration de la victime (madame B.B.), datée du 9 novembre 2022.

[17] Commandant de la Division K et gendarme Daniel Martin, 2021 DAD 23.

[18] Commandant de la Division E et gendarme Brian Eden, 2021 DAD 19 (C-045).

[19] Fraternité des policiers et policières de Saint-Jean-sur-Richelieu Inc. c St-Jean-sur-Richelieu (Ville de), 2016 QCCA 1086.

[20] Déclaration de la victime (madame E.F.), datée du 9 novembre 2022.

[21] Six lettres ont été présentées au comité de déontologie : 1) une lettre du gendarme R.A. de la GRC, datée du 24 novembre 2022; 2) une lettre du gendarme U.L. de la GRC, datée du 26 novembre 2022; 3) une lettre du gendarme D.T. de la GRC, datée du 28 novembre 2022; 4) une lettre du gendarme Z.M.T. de la GRC, datée du 13 novembre 2022; 5) une lettre de madame M.M., non datée; et 6) une lettre de D.S. et de S.S., datée du 14 novembre 2022.

[22] Canadian National Railway Company and Canadian National Railways Police Association, 2012 CanLII 97614 (CA LA).

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