Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L Avis d’audience disciplinaire original, daté du 13 décembre 2022, contient quatre allégations de contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC. Il est allégué que le sergent Reid aurait fait des commentaires discourtois à trois membres réguliers et aurait harcelé ou harcelé sexuellement ces mêmes membres.

Avant l’audience disciplinaire, soit le 25 septembre 2023, l’autorité disciplinaire a retiré l’allégation 1. Le sergent Reid a admis les allégations 2, 3 et 4. Le 3 octobre 2023, le Comité de déontologie a conclu que les allégations 2, 3 et 4 étaient fondées.

L’étape des mesures disciplinaires de l’audience s’est tenue le 4 octobre 2023. Le Comité de déontologie a recueilli le témoignage de cinq personnes, y compris du sergent Reid. Le 5 octobre 2023, le Comité de déontologie a ordonné au sergent Reid de démissionner de la GRC dans un délai de 14 jours, faute de quoi il serait congédié.

Contenu de la décision

Protégé A

OGCA 202233832

2023 DAD 13

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10

entre :

le commandant de la Division nationale

(l’autorité disciplinaire)

et

le sergent Craig Reid

Matricule 48991

(le membre visé)

Décision du Comité de déontologie

Louise Morel

17 novembre 2023

Jonathan Hart, représentant de l’autorité disciplinaire

Dan Scott, c.r., représentant du membre visé


table des matières

RÉSUMÉ 4

INTRODUCTION 4

ALLÉGATIONS 5

Résumé des faits établis par le Comité de déontologie 8

Faits communs à toutes les allégations 8

Faits se rapportant à l’allégation 2 9

Faits se rapportant à l’allégation 4 9

Décision sur les allégations 9

Allégation 2 12

Allégation 3 13

Allégation 4 14

MESURES DISCIPLINAIRES 14

Témoignages de vive voix 15

Gendarme R.L. 15

Gendarme D.M. 16

Gendarme J.H. 18

Gendarme K.D.-L. 20

Sergent Reid 23

Principes juridiques applicables 26

Position des parties 27

Autorité disciplinaire 27

Représentant du membre visé 31

Décision relative aux mesures disciplinaires 35

Gamme des mesures disciplinaires 36

Circonstances atténuantes 36

Circonstances aggravantes 38

Analyse 39

CONCLUSION 40

 

RÉSUMÉ

L Avis d’audience disciplinaire original, daté du 13 décembre 2022, contient quatre allégations de contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC. Il est allégué que le sergent Reid aurait fait des commentaires discourtois à trois membres réguliers et aurait harcelé ou harcelé sexuellement ces mêmes membres.

Avant l’audience disciplinaire, soit le 25 septembre 2023, l’autorité disciplinaire a retiré l’allégation 1. Le sergent Reid a admis les allégations 2, 3 et 4. Le 3 octobre 2023, le Comité de déontologie a conclu que les allégations 2, 3 et 4 étaient fondées.

L’étape des mesures disciplinaires de l’audience s’est tenue le 4 octobre 2023. Le Comité de déontologie a recueilli le témoignage de cinq personnes, y compris du sergent Reid. Le 5 octobre 2023, le Comité de déontologie a ordonné au sergent Reid de démissionner de la GRC dans un délai de 14 jours, faute de quoi il serait congédié.

INTRODUCTION

[1] Entre le 27 décembre 2019 et le 14 juin 2021, le sergent Craig Reid aurait fait des commentaires discourtois à trois membres réguliers et aurait harcelé ou harcelé sexuellement ces mêmes membres.

[2] Le 11 octobre 2022, l’autorité disciplinaire a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 13 octobre 2022, j’ai été nommée à titre de Comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[3] L’Avis d’audience disciplinaire original, daté du 13 décembre 2022, contient quatre allégations de contravention à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC.

[4] Le 17 mars 2023, le sergent Craig Reid a fourni sa réponse aux allégations, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Bien que le sergent Reid ait reconnu de nombreux éléments, il a nié les quatre allégations et a fourni des explications additionnelles au sujet de plusieurs éléments.

[5] Le 18 juillet 2023, j’ai fourni la Détermination des faits établis.

[6] L’audience disciplinaire de la présente affaire devait commencer le 3 octobre 2023. Le 25 septembre 2023, le représentant du membre visé a indiqué que le sergent Reid avait l’intention d’admettre les allégations 2, 3 et 4 au début de l’audience disciplinaire. À cette même date, le représentant de l’autorité disciplinaire a fait savoir que l’autorité disciplinaire avait demandé le retrait de l’allégation 1 parce que les témoins concernés par cette allégation refusaient de participer au processus disciplinaire. À la demande de l’autorité disciplinaire, j’ai également apporté une modification mineure à l’élément 9 de l’Avis d’audience disciplinaire et j’ai supprimé l’élément 10 de l’allégation 2.

[7] Le 3 octobre 2023, au début de l’audience disciplinaire, le sergent Reid a admis les trois autres contraventions alléguées à l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC. Le même jour, j’ai rendu ma décision orale concernant les allégations, concluant qu’elles étaient établies toutes les trois.

[8] Le 4 octobre 2023, l’étape des mesures disciplinaires de l’audience a eu lieu. J’ai entendu le témoignage de cinq personnes, y compris du sergent Reid et des victimes de son harcèlement et de son harcèlement sexuel.

[9] Le 5 octobre 2023, j’ai rendu de vive voix ma décision concernant les mesures disciplinaires. J’ai ordonné au sergent Reid de démissionner dans un délai de 14 jours, faute de quoi il serait congédié.

ALLÉGATIONS

[10] Voici les allégations, telles qu’elles sont énoncées dans l’avis d’audience disciplinaire :

Allégation 1

[L’allégation 1 a été retirée le 25 septembre 2023.]

Allégation 2

Entre le 27 décembre 2019 et le 13 janvier 2022, ou vers ces dates, à Spruce Grove (Alberta) ou dans les environs, le sergent Craig Reid a omis de traiter toute personne avec respect et courtoisie et s’est livré au harcèlement sexuel, en contravention de l’article 2.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Énoncés détaillés communs à toutes les allégations :

1. À toutes les dates pertinentes, vous étiez membre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) en poste au Détachement de Parkland, Division D, dans la ville de Spruce Grove en Alberta.

2. C’était un fait connu que [la gendarme K.D.-L.] faisait partie de la communauté LGBTQ+.

Détails de l’allégation 2 :

6. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en l’appelant « scissor sister » (sœur-ciseaux). Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en lui demandant si elle avait essayé la position des ciseaux avec sa partenaire. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en employant le terme « scissor sisters » (sœurs-ciseaux) pour les désigner, elle et sa partenaire. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en employant le terme « scissor sister » (sœur-ciseaux) lorsque vous faisiez référence à elle.

7. Vous avez harcelé gendarme [K.D.-L.] en Vous vous êtes livre sexuellement la gendarme [J.H.] et la les appelant « scissor sisters » (sœurs-ciseaux). au harcèlement sexuel en demandant à la gendarme [J.H.] et à la gendarme [K.D.-L.] si elles « hook up » (couchaient ensemble). Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [J.H.] en lui demandant à quel genre de filles elle s’intéressait.

8. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [J.H.] en lui demandant si, en faisant du vélo, une femme « could get off on the bicycle seat » (peut avoir un orgasme en se frottant sur le siège).

9. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en lui disant qu’elle [éléments radiés le 25 septembre 2023] « cleaned up nice in civilian clothes » (devient sexuellement attirante en tenue civile).

10. [Éléments radiés le 25 septembre 2023.]

11. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en utilisant le terme « scissor sister » (sœur-ciseaux) pour la désigner et en employant l’expression « eating tacos » (manger des tacos) pour désigner sa préférence sexuelle. À de nombreuses reprises, vous avez fait des commentaires à propos du fait que la gendarme [K.D.-L.] « eats tacos » (mange des tacos), ce qui relève du harcèlement sexuel.

12. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en lui disant que « certain female’s excite her and she would probably go down on them » (certaines femmes l’excitent et elle leur ferait probablement un cunnilingus), ou autres propos similaires.

13. Vous avez tenu des propos discriminatoires en déclarant que lorsque les femmes ont leurs règles, cela empeste les toilettes des femmes.

14. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en la questionnant à propos de sa vie sexuelle avec sa conjointe. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en la questionnant sur la position des ciseaux. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en lui demandant comment elle peut savoir qu’elle est homosexuelle si elle n’a jamais eu de relations sexuelles avec un homme.

15. Vous avez harcelé sexuellement la gendarme [K.D.-L.] en faisant des commentaires à propos de « rug munching » (manger du tapis) pendant toute la durée de son affectation au sein de l’équipe de veille.

16. En agissant ainsi, vous avez enfreint l’article 2.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Allégation 3

Entre le 1er décembre 2020 et le 14 juin 2021, ou vers ces dates, à Spruce Grove (Alberta) ou dans les environs, le sergent Craig Reid a omis de traiter toute personne avec respect et courtoisie et s’est livré à la discrimination et au harcèlement, en contravention de l’article 2.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails de l’allégation 3 :

17. Vous avez fait un commentaire discriminatoire au gendarme [D.M.] en lui demandant, tout en montrant du doigt un bouton qu’il avait au front, « are you a packie? » (es-tu Pakistanais?), ou quelque chose de similaire.

18. En agissant ainsi, vous avez enfreint l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC.

Allégation 4

Entre le 1er décembre 2020 et le 14 juin 2021, ou vers ces dates, à Spruce Grove (Alberta) ou dans les environs, le sergent Craig Reid a omis de traiter toute personne avec respect et courtoisie et s’est livré au harcèlement, en contravention de l’article 2.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

Détails de l’allégation 4 :

1. Vous avez tenu des propos discriminatoires à l’égard du gendarme [D.M.] en le traitant de « retard » (retardé) à plusieurs reprises. Vous avez fait preuve de discrimination à l’égard du gendarme [D.M.] en employant le terme « retard » (retardé) pour le désigner. Vous avez fait preuve de discrimination à l’égard du gendarme [D.M.] en l’appelant « retarded » (retardé). Vous avez tenu des propos discriminatoires à l’égard du gendarme [D.M.] en le traitant de « special, slow and retarded » (spécial, lent et retardé). Vous avez tenu des propos discriminatoires à l’égard du gendarme [D.M.] en l’appelant « fucking retard » (crisse de retardé) ou en disant qu’il était « fucking retarded » (crissement retardé).

2. Vous avez tenu des propos discourtois à l’égard du gendarme [D.M.] en lui criant ou en déclarant quelque chose du genre « For fucks sake’s [D.M.], I told you to change that fucking phone ring. Change your God damn ring, I’m sick of hearing it, why the fuck are you doing that? » (Tabarnak [D.M.], je t’ai dit de changer ta crisse de sonnerie de téléphone! Change ta crisse de sonnerie, je suis plus capable de l’entendre! Pourquoi tu fais ça, câlisse?)

3. En agissant ainsi, vous avez enfreint l’article 2.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada.

[Traduit tel que reproduit dans la version anglaise.]

Résumé des faits établis par le Comité de déontologie

[11] Le 18 juillet 2023, j’ai présenté aux parties la détermination des faits établis, comme l’exige le chapitre XII.1.11.10.3 du Manuel d’administration, dans laquelle j’exposais les faits incontestés reproduits ci-après.

Faits communs à toutes les allégations

[12] Le sergent Reid est membre régulier de la GRC depuis septembre 2001. À toutes les dates pertinentes, il était affecté au Détachement de Parkland, à la Division D, dans la ville de Spruce Grove en Alberta.

[13] La gendarme K.D.-L. est membre régulière de la GRC et était affectée au Détachement de Parkland en décembre 2019. Elle relevait alors du sergent Reid.

[14] La gendarme J.H. est membre régulière de la GRC et était affectée au Détachement de Parkland au sein de l’équipe de veille 4. Elle ne relevait pas du sergent Reid.

[15] Le gendarme D.M. est membre régulier de la GRC et était affecté au Détachement de Parkland du 8 août 2017 jusqu’à novembre 2021. À toutes les dates pertinentes, il relevait du sergent Reid, qui était son chef de veille au sein de l’équipe de veille 2.

Faits se rapportant à l’allégation 2

[16] Le sergent Reid a employé le terme « scissor sister » (sœur-ciseaux) à de nombreuses reprises pour faire référence à la gendarme K.D.-L. à partir du moment où elle est arrivée au Détachement de Parkland en décembre 2019.

[17] Le sergent Reid a également employé l’expression « eating tacos » (manger des tacos) à de nombreuses reprises.

[18] Le sergent Reid a demandé à la gendarme K.D.-L. comment elle pouvait savoir qu’elle était homosexuelle si elle n’avait jamais eu de relations sexuelles avec un homme.

Faits se rapportant à l’allégation 4

[19] Le sergent Reid a employé le terme « retard » et « retarded » (retardé) à de nombreuses reprises pour faire référence au gendarme D.M.

[20] Le sergent Reid a dit ce qui suit au gendarme D.M. : [TRADUCTION] « Tabarnak [D.M.], je t’ai dit de changer ta crisse de sonnerie de téléphone! Change ta crisse de sonnerie, je suis plus capable de l’entendre! Pourquoi tu fais ça, câlisse? »

Décision sur les allégations

[21] Bien que le Code de déontologie de la GRC s’applique à tous les membres, les attentes en matière de leadership, de direction et d’orientation sont plus grandes à l’égard des officiers brevetés et des sous-officiers supérieurs qu’à l’égard des autres membres.

[22] Le sergent Reid fait l’objet de trois allégations de manquement à l’obligation de traiter chaque personne avec respect et courtoisie, ainsi que de discrimination, de harcèlement et de harcèlement sexuel, en contravention de l’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC.

[23] Même si les allégations décrites dans l’Avis d’audience disciplinaire s’étendent de décembre 2019 à janvier 2022, la preuve présentée à l’audience disciplinaire établit que la majorité des commentaires offensants ont été faits avant la mutation de la gendarme K.D.-L. au Groupe de la police en civil en novembre 2020. Par conséquent, même si la définition de harcèlement a été modifiée le 1er janvier 2021 dans la Partie II du Code canadien du travail, LRC (1985), ch. L-2, aux fins de la présente décision, je me référerai à la définition et aux politiques qui étaient en vigueur avant janvier 2021.

[24] La politique en vigueur au moment des incidents[1], qui reprenait la définition de harcèlement du Comité du Trésor, se lit comme suit :

[…]

2.8. Harcèlement : tout comportement inapproprié et offensant d’une personne à l’égard d’une autre personne dans le milieu de travail, y compris lors d’une activité ou dans un endroit liés au travail et pour lequel la personne savait ou aurait dû savoir qu’il pouvait offenser ou blesser l’autre. Il peut s’agir d’un acte, d’un commentaire ou d’un geste inadmissible qui diminue, rabaisse, humilie ou embarrasse une personne et tout acte d’intimidation ou de menace. Cette définition comprend également le harcèlement au sens de la Loi canadienne sur les droits de la personne (c’est-à-dire fondé sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la déficience et l’état de personne graciée).

2.8.1. le harcèlement correspond normalement à une série d’incidents, mais peut être constitué d’un seul incident grave ayant des conséquences à long terme sur une personne.

2.8.2. le harcèlement comprend le harcèlement sexuel.

[…]

[25] La gravité du harcèlement dépend de divers facteurs[2], notamment :

  • la fréquence du harcèlement;
  • la nature sexuelle du harcèlement;
  • le fait que le harcèlement persiste même lorsque le membre a été avisé de la nature offensante de son comportement;
  • l’effet du harcèlement sur la victime.

[26] De plus, l’absence d’intention de causer préjudice n’exonère pas l’individu de sa culpabilité[3].

[27] L’article 2.1 du Code de déontologie de la GRC indique que « [l]a conduite des membres envers toute personne est empreinte de respect et de courtoisie; ils ne font pas preuve de discrimination ou de harcèlement ».

[28] Le critère permettant d’établir une infraction de « harcèlement ou de harcèlement sexuel » aux termes de l’article 2.1 du Code de déontologie exige que l’autorité disciplinaire établisse les éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes qui constituent le comportement présumé;
  2. l’identité du membre qui aurait commis les actes visés par les allégations;
  3. les actes reprochés traduisent un manque de respect et de courtoisie constituant du harcèlement ou du harcèlement sexuel; en d’autres mots, une personne raisonnable, ayant connaissance de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et des réalités du travail à la GRC en particulier, saurait ou devrait savoir que ses gestes ou ses mots étaient de nature à rabaisser, à dégrader ou à humilier ou pouvaient offenser ou causer préjudice, et, pour des questions concernant la sexualité, que le harcèlement était de nature sexuelle.

[29] Le sergent Reid a admis toutes les allégations et tous les détails qui m’ont été présentés. Ses aveux cadrent avec les faits dont je dispose. Cela dit, je suis quand même tenue d’examiner les éléments de preuve en ce qui concerne chaque allégation et de déterminer si l’allégation est établie ou non, selon la prépondérance des probabilités.

[30] Il est bien établi que les policiers sont tenus de respecter des normes plus élevées que le reste de la population. Les membres de la GRC doivent se conformer au Code de déontologie de la GRC aussi bien quand ils sont en service qu’en dehors du travail. En l’espèce, les actes en question ont eu lieu sur le lieu de travail, tandis que le sergent Reid était en service, en qualité de chef de veille et en position d’autorité par rapport aux membres subalternes qu’il ciblait.

Allégation 2

[31] Le sergent Reid a admis avoir utilisé les expressions « scissor sister » (sœur-ciseaux) et « eating tacos » (manger des tacos) à plusieurs reprises lorsqu’il parlait à la gendarme K.D.-L. ou à son sujet. Pendant toute la durée de l’affectation de la gendarme K.D.-L. au sein de l’équipe de veille 2, il a fait des commentaires comme celui à propos de « rug munching » (manger du tapis), il lui a demandé si elle ferait un cunnilingus à certaines femmes qui l’excitaient et il lui a demandé s’il pourrait avoir des relations sexuelles avec elle et sa conjointe.

[32] Il a également admis avoir traité la gendarme J.H. et la gendarme K.D.-L. de « scissor sisters » (sœurs-ciseaux) et leur avoir demandé si elles couchaient ensemble. Il faisait ainsi référence au fait que les deux gendarmes sont membres de la communauté 2SLGBTQI+.

[33] De plus, le sergent Reid a reconnu avoir harcelé sexuellement la gendarme J.H. en lui demandant si une femme à vélo pouvait avoir un orgasme en se frottant sur le siège.

[34] La gravité du harcèlement sexuel est amplifiée par la fréquence des commentaires, dont la preuve établit qu’il s’agissait d’incidents quotidiens répétés, formulés dans l’aire de travail commune du Détachement, devant les collègues et les pairs de la gendarme K.D.-L. et de la gendarme J.H., s’étendant de la période allant de décembre 2019 à, au moins, novembre 2020, lorsque la gendarme K.D.-L. a été mutée au Groupe de la police en civil.

[35] Les commentaires inappropriés, discourtois, grossiers et sexualisés du sergent Reid, même faits pour plaisanter, démontrent un grave manque de jugement et sont incompatibles avec les devoirs et les responsabilités d’un membre de la GRC, plus particulièrement d’un sous-officier supérieur au sein d’un détachement, tels qu’énoncés à l’article 37 de la Loi sur la GRC, ainsi qu’avec les directives claires de l’ancienne commissaire et du nouveau commissaire quant à la conduite acceptable en milieu de travail.

[36] Il ne fait aucun doute que les commentaires du sergent Reid étaient répréhensibles et qu’il aurait raisonnablement dû savoir qu’ils seraient offensants. Le sergent Reid admet maintenant avoir formulé les divers commentaires offensants sur une période d’un an. Il reconnaît que ces commentaires étaient inappropriés, irrespectueux et tout à fait déplacés, en particulier dans son rôle de sergent.

[37] Je conclus qu’une personne raisonnable en société, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et des réalités du travail à la GRC en particulier, saurait ou devrait savoir que de tels mots ou commentaires sont dénigrants, dégradants ou humiliants et susceptibles d’offenser ou de causer un préjudice et, en outre, qu’ils pourraient constituer du harcèlement sexuel.

[38] Par conséquent, l’allégation 2 est fondée selon la prépondérance des probabilités.

Allégation 3

[39] Le sergent Reid a admis avoir demandé au gendarme D.M. s’il était un « packie » en faisant référence à un bouton qu’il avait au front.

[40] Il est incontestable que l’utilisation d’une insulte raciste comme « packie » en faisant référence à toute personne est vulgaire et offensante et qu’une personne raisonnable en société, informée de toutes les circonstances pertinentes, y compris des réalités du travail policier en général et des réalités du travail à la GRC en particulier, saurait ou devrait savoir que de tels mots ou commentaires sont dénigrants, dégradants ou humiliants et susceptibles d’offenser ou de causer un préjudice et, en outre, qu’ils pourraient constituer du harcèlement.

[41] Je conclus donc que l’allégation 3 est fondée selon la prépondérance des probabilités.

Allégation 4

[42] Le sergent Reid admet avoir utilisé les termes « retard » et « retarded » (retardé) en parlant du gendarme D.M. Il affirme toutefois ne pas avoir directement traité le gendarme D.M. de « retardé », mais avoir plutôt utilisé ce terme lorsqu’il parlait de lui avec ses pairs. Le sergent Reid a expliqué que le gendarme D.M. était difficile à gérer et qu’il était « frustré ».

[43] La responsabilité et l’obligation du sergent Reid à l’égard du gendarme D.M. consistaient à l’aider et à l’encadrer pour qu’il devienne un membre plus compétent, plus sûr de lui et plus efficace. Il ne s’agissait pas de le rabaisser, de le dénigrer et de l’embarrasser devant ses pairs.

[44] De plus, il est inapproprié d’utiliser des mots comme « retardé » pour parler à un subordonné ou pour faire référence à ses capacités intellectuelles, peu importe le contexte.

[45] Comme je l’ai indiqué dans le contexte de l’allégation 2, il ne fait aucun doute que les commentaires répétés du sergent Reid étaient répréhensibles et qu’il savait ou aurait dû savoir qu’ils avaient pour effet de rabaisser, de dévaloriser et d’humilier le gendarme D.M.

[46] Par conséquent, je conclus que l’allégation 4 est fondée selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[47] Puisque j’ai conclu que les allégations 2, 3 et 4 sont établies, j’ai l’obligation, aux termes du paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC et conformément au Guide des mesures disciplinaires de la GRC, d’imposer « une mesure juste et équitable selon la gravité de l’infraction, le degré de culpabilité du membre et la présence ou l’absence de circonstances atténuantes ou aggravantes »[4].

[48] De plus, selon le paragraphe 24(2) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, le Comité de déontologie doit imposer « des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie ».

[49] Le 3 octobre 2023 en après-midi, au début de la phase des mesures disciplinaires, j’ai entendu le témoignage de quatre membres, à savoir des gendarmes R.L., D.M., J.H. et K.D.-L. Tous se sont avérés être à la fois des témoins crédibles et fiables et ont livré un témoignage sincère.

[50] Le 4 octobre 2023, le sergent Reid a témoigné en son nom, puis j’ai entendu les observations du représentant de l’autorité disciplinaire et du représentant du membre visé.

Témoignages de vive voix

Gendarme R.L.

[51] La gendarme R.L. a déclaré compter neuf années de service. Avant son arrivée au Détachement de Parkland, elle a travaillé dans trois autres détachements en Alberta. Dans chacune de ses affectations, elle a travaillé aux Services généraux et ce, jusqu’en juin 2021, lorsqu’elle a été mutée à un groupe d’agents en civil au sein du Groupe de réduction de la criminalité du Détachement de Parkland.

[52] Elle a précisé que, de décembre 2019 à mai 2021, elle a travaillé aux Services généraux du Détachement de Parkland et que le sergent Reid a été son superviseur pendant environ un an, à partir de mars 2020.

[53] La gendarme R.L. a décrit le sergent Reid comme une personne directe qui tenait les membres responsables de respecter les normes et qui traitait tout problème de rendement en s’adressant à eux individuellement ou en abordant la question publiquement.

[54] La gendarme R.L. a expliqué que deux ou trois mois après avoir été mutée à l’équipe de veille du sergent Reid, elle a été nommée au poste de caporale sur une base intérimaire. Pendant qu’elle occupait ce poste et après avoir entendu divers commentaires formulés par le sergent Reid à l’endroit de la gendarme K.D.-L., elle a décidé de parler à celle-ci pour déterminer s’il s’agissait d’un problème qui devait être abordé avec le sergent Reid.

[55] La gendarme R.L. a déclaré que la gendarme K.D.-L. lui avait assuré qu’elle et le sergent Reid étaient bons amis et qu’elle n’était pas offusquée par les commentaires de nature sexuelle qu’il lui adressait. En gros, elle en avait ri et avait semblé prendre le tout à la blague[5].

[56] La gendarme R.L. a déclaré qu’elle s’était ensuite adressée au sergent Reid pour discuter des commentaires sexuels déplacés qu’il faisait compte tenu de son grade et de sa position d’autorité au sein de l’équipe de veille. Le sergent Reid a déclaré que lui et la gendarme K.D.-L. étaient bons amis et qu’elle savait qu’il ne faisait que plaisanter[6]. Selon la gendarme R.L., le sergent Reid n’a pas semblé prendre l’affaire au sérieux.

[57] La gendarme R.L. a précisé que les commentaires déplacés du sergent Reid n’ont pas cessé après qu’elle se soit adressée à lui pour le mettre en garde contre les dangers d’agir de la sorte[7].

Gendarme D.M.

[58] Le gendarme D.M. a expliqué qu’il est actuellement affecté au Programme des incidents critiques des Services de protection à Ottawa. À sa sortie de la Division Dépôt, il a d’abord travaillé au Détachement de Stony Plain (Alberta), qui a éventuellement fusionné avec le Détachement de Spruce Grove pour devenir le Détachement de Parkland.

[59] Le gendarme D.M. a déclaré que, peu après l’arrivée du sergent Reid au Détachement de Parkland, il y a eu un remaniement des équipes de veille et qu’il est passé à l’équipe 2, sous le commandement du sergent Reid. Le sergent Reid a été son superviseur pendant environ un an.

[60] Le gendarme D.M. a confirmé que le sergent Reid faisait régulièrement référence à lui en employant les mots « retard », « special », « slow » et « retarded » (retardé, spécial et lent) et qu’il l’avait appelé « fucking retard » (crisse de retardé). Le gendarme D.M. a interprété cela comme voulant dire qu’il était incapable de réfléchir comme les gens normaux, qu’il accusait un retard dans son développement mental et qu’il était moins intelligent et moins compétent que les autres[8].

[61] Le gendarme D.M. a parlé d’une situation où il se trouvait dans l’aire de travail commune lorsque le sergent Reid lui avait demandé : « What, are you a packie now? » (Quoi, t’es Pakistanais maintenant?) parce qu’il avait un bouton sur le front. Il s’est demandé si le sergent Reid essayait d’être drôle, mais il a noté qu’ils n’entretenaient pas le type de camaraderie qui aurait donné au sergent Reid le droit de se moquer de lui. Il avait trouvé le commentaire désobligeant, soutenant que le sergent Reid avait voulu de le ridiculiser en raison d’une imperfection physique. Selon le gendarme D.M., il s’agissait d’un « commentaire totalement non professionnel »[9].

[62] Le gendarme D.M. a déclaré que le sergent Reid sortait de son bureau et lui criait après devant tout le monde dans l’aire principale du bureau. Le sergent Reid préférait faire une démonstration publique devant tout le monde au lieu de l’appeler dans son bureau pour lui parler.

[63] Le gendarme D.M. a affirmé que les commentaires du sergent Reid étaient démoralisants, car il faisait beaucoup d’efforts pour gagner le respect de ses collègues et cela lui donnait l’impression d’être un enfant à problèmes, de ne pas être un bon membre. Cela l’a amené à douter de ses capacités à faire son travail et à avoir des problèmes d’estime de soi.

[64] Le gendarme D.M. a ajouté qu’il en était arrivé à un point tel qu’il avait abordé le sergent Reid dans son bureau pour lui dire qu’il n’appréciait pas les commentaires, qu’ils étaient inappropriés et qu’il voulait qu’il arrête. Le sergent Reid avait répondu qu’il ne faisait que plaisanter, mais qu’il cesserait de le traiter de retardé et de faire des commentaires dénigrants[10].

[65] Le gendarme D.M. a confirmé qu’après avoir confronté le sergent Reid, le comportement avait cessé et le sergent Reid lui parlait désormais de manière plus professionnelle et appropriée.

[66] Le gendarme D.M. a néanmoins déclaré qu’en raison du comportement et des commentaires du sergent Reid, il a encore du mal aujourd’hui à se considérer comme un bon membre. Lorsqu’il commet une erreur, il se considère comme un incompétent et un [TRADUCTION] « bon à rien ». Il a toutefois reconnu que ses doutes diminuent maintenant qu’il a une meilleure hiérarchie de commandement et qu’il commence à reprendre confiance en lui.

[67] Le gendarme D.M. a affirmé que, sur le plan personnel, il était devenu amer et que son épouse l’avait remarqué. Il a révélé qu’on lui avait diagnostiqué un stress professionnel, en partie lié au harcèlement qu’il avait subi ainsi qu’à des incidents traumatisants auxquels il avait pris part en tant que policier.

[68] Enfin, le gendarme D.M. a confirmé qu’il savait que le sergent Reid avait préparé une lettre d’excuses à son intention, mais qu’il avait refusé de la lire, car cela ne ferait que rouvrir de vieilles blessures et lui causer de l’anxiété. Il essaie de tourner la page et de se créer un avenir meilleur en ce qui concerne sa carrière.

Gendarme J.H.

[69] La gendarme J.H. a déclaré qu’elle avait récemment été transférée à St. Albert (Alberta), après avoir travaillé au Détachement de Parkland pendant environ six ans. Elle s’identifie comme faisant partie de la communauté 2SLGBTQI+ et a indiqué qu’elle est fiancée à sa partenaire, qu’elle fréquente depuis deux ans.

[70] La gendarme J.H. a expliqué qu’elle ne faisait pas partie de l’équipe de veille du sergent Reid au Détachement de Parkland et qu’il n’était pas son superviseur. Cependant, elle était amie avec la gendarme K.D.-L. Lorsqu’elle arrivait au Détachement pour commencer son quart de nuit, la gendarme K.D.-L. terminait son quart de jour et elles en profitaient pour bavarder. Elle a appris à connaître le sergent Reid parce qu’il était le superviseur de la gendarme K.D.-L. Lorsqu’il les voyait bavarder, il venait se joindre à leurs conversations.

[71] La gendarme J.H. a affirmé qu’au début, le sergent Reid était amical, mais que les discussions avaient rapidement pris une tournure plus sexuelle. Il a commencé à les appeler, elle et la gendarme K.D.-L., les « scissor sisters » (sœurs-ciseaux). Interrogée sur le contexte dans lequel ce terme était employé, la gendarme J.H. a répondu que le sergent Reid s’approchait simplement d’elles et lançait quelque chose du genre [TRADUCTION] « Hé, les sœurs-ciseaux! De quoi parlez-vous?[11] ». Il soulevait toujours des sujets dénigrants concernant les pratiques sexuelles des lesbiennes.

[72] La gendarme J.H. a indiqué que le sergent Reid leur avait demandé, à elle et à la gendarme K.D.-L., si elles couchaient ensemble ou si elles se livraient à des actes sexuels ensemble[12].

[73] La gendarme J.H. a avoué ne pas avoir dit au sergent Reid qu’elle était offensée ou ne pas lui avoir demandé de cesser ses commentaires parce qu’elle ne voulait pas créer de problèmes, parce qu’il avait un grade supérieur au sien et parce qu’elle ne voulait pas devenir une cible pour avoir osé s’exprimer.

[74] Lorsqu’on lui a demandé quel impact les commentaires du sergent Reid avaient eu sur elle, la gendarme J.H. a répondu que cela l’avait rendue plus réservée et plus hésitante à révéler son orientation sexuelle. Elle a déclaré que cela l’avait également amenée à ne pas aimer les hommes de la GRC parce que l’organisation est un « monde d’hommes » et que les hommes peuvent faire et dire ce qu’ils veulent aux femmes[13].

[75] La gendarme J.H. a souligné qu’elle n’avait jamais vu le sergent Reid aborder des membres hétérosexuels pour leur demander de quelle manière ils avaient des relations sexuelles, ni avec qui, ou s’ils couchaient ensemble. Dans l’ensemble, elle trouvait ses commentaires et ses questions tout à fait inappropriés.

[76] La gendarme J.H. a admis que les commentaires et le comportement du sergent Reid l’affectent et la fâchent encore aujourd’hui, déclarant qu’elle devrait avoir le droit de révéler son orientation sexuelle et le fait qu’elle est fiancée à une femme sans avoir peur de devenir [TRADUCTION] « la cible d’une personne qui veut en savoir plus sur vous et sur ce que vous faites sexuellement avec votre partenaire[14] ».

[77] La gendarme J.H. a affirmé qu’elle avait commencé à se distancier du sergent Reid lorsqu’elle sentait que ses discussions prenaient une tournure sexuelle. Elle avait simplement cessé de venir parler à la gendarme K.D.-L. au début de ses quarts de nuit.

[78] En résumé, la gendarme J.H. a déclaré qu’elle espérait qu’un jour, les membres de la communauté 2SLGBTQI+ n’auraient plus à craindre de parler de certaines choses ou de voir leurs superviseurs dire « des choses ridicules et inappropriées »[15].

[79] Durant le contre-interrogatoire de la gendarme J.H., le représentant du membre visé lui a demandé si elle souhaitait voir la lettre d’excuses du sergent Reid. Elle a répondu que cela ne l’intéressait pas et que les excuses du sergent Reid étaient sans importance pour elle.

Gendarme K.D.-L.

[80] La gendarme K.D.-L. a déclaré qu’en décembre 2019, alors qu’elle avait dix années de service, elle a été mutée à Spruce Grove (Alberta) aux Services généraux, au sein de l’équipe de veille 2 du Détachement de Parkland. Elle y est restée pendant dix mois, sous la supervision du sergent Reid. En novembre 2020, elle a été mutée de l’équipe de veille 2 à un poste en civil d’examinatrice des cas d’agression sexuelle, qu’elle occupe encore aujourd’hui.

[81] La gendarme K.D.-L. a expliqué qu’à son arrivée au Détachement de Parkland, le sergent Reid l’a rencontrée en privé pour discuter de ce qu’il attendait d’elle. Comme elle avait de l’ancienneté, ils ont discuté de la possibilité qu’elle assume un rôle de superviseur par intérim une fois qu’elle se serait familiarisée avec la région et le Détachement. Elle trouvait que le sergent Reid communiquait bien et qu’il la dirigeait de la bonne manière[16]. Au début, ils avaient une bonne relation de travail et elle ne se souvenait pas d’avoir eu de problèmes avec son style de gestion.

[82] La gendarme K.D.-L. a déclaré que, peu après son arrivée, le sergent Reid s’était désigné lui-même comme sa « sœur-ciseaux ». Elle avait trouvé ce commentaire blessant et désobligeant, avouant que, même si elle était à l’aise avec son orientation sexuelle, elle n’utiliserait jamais ce terme pour désigner une autre lesbienne[17].

[83] La gendarme K.D.-L. s’est souvenue que le sergent Reid les avait également qualifiées, elle et la gendarme J.H., de « scissor sisters » (sœurs-ciseaux) et qu’elle avait trouvé cela à la fois blessant et irrespectueux. Elle a déclaré qu’il les étiquetait, soulignant que le fait qu’elles appartiennent à la communauté 2SLGBTQI+ n’affecte en rien la façon dont elles font leur travail[18].

[84] La gendarme K.D.-L. a confirmé que le fait que le sergent Reid leur ait demandé, à elle et à la gendarme J.H., si elles « couchaient ensemble » était irrespectueux à leur égard ainsi qu’à l’égard de sa partenaire de vie, avec qui elle entretenait une relation à long terme. Elle a déclaré : [TRADUCTION] « Bref, il sous-entendait, parce que nous sommes toutes les deux lesbiennes, qu’il est normal que nous ayons couché ensemble, ou que nous allons coucher ensemble, ou... vous savez, on ne demande pas à tous les hétérosexuels dans une pièce s’ils ont déjà couché ensemble. [...] Le fait qu’il nous ait demandé cela à nous spécifiquement, pour moi, c’était juste malpoli[19]. »

[85] La gendarme K.D.-L. a affirmé que tous les commentaires du sergent Reid, que ce soit « scissor sisters » (sœurs-ciseaux), « eating tacos » (manger des tacos) ou « hooking up » (coucher ensemble, lui laissaient tous la même impression. Les commentaires étaient fréquents et formulés en présence d’autres personnes. Elle en éprouvait de l’embarras et de la honte, et cela l’affecte encore aujourd’hui.

[86] Elle a déclaré qu’elle avait commencé à consulter un psychologue pour des raisons sans lien avec la présente affaire, mais qu’elle en était arrivée au point où elle avait dû lui parler des commentaires du sergent Reid parce que cela l’affectait. Elle a déclaré [TRADUCTION] : « Ça m’empêchait de dormir, j’étais anxieuse ou, vous savez, je ressentais de l’anxiété en allant au travail parce que je me demandais toujours ce qu’il allait dire ce jour-là[20]. »

[87] La gendarme K.D.-L. a reconnu qu’elle n’avait pas dit au sergent Reid que ses commentaires l’affectaient parce qu’elle ne supporte pas bien les conflits. Elle a expliqué que traiter avec des « clients dans la rue » est très différent que de traiter d’affaires personnelles dans le lieu de travail. Elle a déclaré : [TRADUCTION] « Je ne supporte pas bien les conflits. Je ne sais pas comment on pourrait appeler cela, mais je n’ai jamais eu le courage, je suppose, de lui en parler pour moi-même. [...] J’espérais que quelqu’un d’autre le fasse à ma place, et c’est ce qui s’est passé à la fin, et ça a été un soulagement[21]. »

[88] Elle a ajouté qu’elle se sentait mal à l’aise dans les situations conflictuelles et que son mécanisme de défense était l’humour. La gendarme K.D.-L. a admis qu’elle répliquait au sergent Reid sur le même ton que lui. Elle n’avait pas l’impression d’avoir d’autre choix[22].

[89] La gendarme K.D.-L. a raconté qu’elle avait parlé du comportement du sergent Reid à sa partenaire, car elle était frustrée par ces commentaires et par le fait qu’elle n’était pas en mesure de lui dire le fond de sa pensée. Sa partenaire l’a soutenue et a essayé de l’encourager à en parler à quelqu’un, mais elle n’a jamais pu le faire.

[90] La gendarme K.D.-L. a résumé de façon concise cette année-là en déclarant que les commentaires étaient quotidiens et fréquents. Elle a déclaré : [TRADUCTION] « Tous ces commentaires avaient le même impact, en ce sens que je me sentais étiquetée; ça m’embarrassait d’être appelée ainsi devant mes collègues, parce qu’il va sans dire que [« rug munching » (mangeuse de tapis)], c’est désobligeant et que ce n’est tout simplement pas une belle façon de décrire ou de désigner une lesbienne[23]. »

[91] Lors du contre-interrogatoire, le représentant du membre visé a demandé à la gendarme K.D.-L. si elle souhaitait voir la lettre d’excuses que le sergent Reid avait rédigée. Elle a répondu que cela ne l’intéressait pas, car cela ne voulait plus rien dire pour elle à présent.

Sergent Reid

[92] Le sergent Reid a témoigné en son propre nom. Il a commencé son témoignage en disant avoir 22 années de service, dont la plupart ont été passées à divers endroits en Saskatchewan. En août 2018, il a été muté au Détachement de Parkland en tant que chef de veille, poste qu’il a occupé jusqu’en février 2021. Il a ensuite été muté latéralement au sein du Détachement pour devenir sergent responsable de la Section de la police en civil.

[93] Le sergent Reid a déclaré que la gendarme K.D.-L. avait été mutée au Détachement de Parkland en décembre 2019, intégrant l’équipe de veille 2 sous son commandement. Compte tenu de son expérience, il la considérait comme un membre solide qui pourrait devenir l’un des caporaux intérimaires de son équipe. Elle a fait partie de l’équipe de veille 2 jusqu’à ce qu’elle obtienne le poste d’examinatrice des cas d’agression sexuelle, en novembre 2020.

[94] Le sergent Reid a déclaré que, lorsque la gendarme K.D.-L. travaillait pour lui, ils avaient une relation amicale et se parlaient très souvent au travail. Il a déclaré qu’ils étaient [TRADUCTION] « cordiaux l’un envers l’autre, en général. Il n’y a jamais eu, à ma connaissance, de conflits entre nous[24]. »

[95] Le sergent Reid a expliqué qu’il essayait de tisser des liens avec tous les membres de son équipe et que faire des plaisanteries était l’un des moyens qu’il employait pour le faire. Il a déclaré qu’il blaguait avec la gendarme K.D.-L. et que [TRADUCTION] « c’est honteux la façon dont je lui ai parlé, ou la façon dont nous avons parlé. C’est carrément embarrassant. J’ai beaucoup de mal à digérer son témoignage d’hier[25]. »

[96] Le sergent Reid a reconnu que la manière dont il avait choisi de « tisser des liens » avec ses subordonnés était tout à fait inappropriée et qu’il aurait dû le savoir.

[97] Interrogé sur les commentaires qu’il aurait faits à la gendarme J.H., le sergent Reid a déclaré qu’il ne se souvenait pas les avoir faits, mais qu’il croyait le témoignage de la gendarme et qu’il ne pouvait pas contester avoir fait ces commentaires. Encore une fois, il a reconnu que c’était répréhensible et qu’il n’aurait pas dû parler de la sorte[26].

[98] Le sergent Reid a déclaré que le gendarme D.M. faisait aussi partie de l’équipe de veille 2. Il a indiqué que leurs relations étaient tendues parce que, sur le plan opérationnel, le gendarme D.M. avait besoin d’aide. Il a reconnu que sa façon de gérer la situation n’avait pas été appropriée et qu’il avait laissé sa frustration prendre le dessus[27].

[99] Le sergent Reid a affirmé ne pas se souvenir d’avoir traité le gendarme D.M. de « retard » (retardé) lorsqu’il lui parlait directement, mais se souvenir d’avoir employé ce mot à son sujet. Cependant, il a reconnu que même cela, ce n’était pas approprié[28].

[100] Le sergent Reid a avoué que le gendarme D.M. l’avait confronté au sujet de la manière dont il lui parlait devant les autres et lui avait demandé de lui parler en privé s’il avait des problèmes. Le sergent Reid a déclaré qu’à partir de ce moment-là, il avait cessé de faire des commentaires désobligeants au gendarme D.M. devant ses collègues et que leur relation s’était améliorée[29].

[101] Le représentant du membre visé a ensuite questionné le sergent Reid au sujet du témoignage de la gendarme R.L. Le sergent Reid a dit se souvenir que la gendarme R.L. était venue lui parler et qu’elle avait compris que la gendarme K.D.-L. et lui ne faisaient que plaisanter, mais qu’elle lui avait demandé si c’était approprié de sa part. Il se souvenait d’avoir répondu qu’ils étaient amis.

[102] Le sergent Reid a dit ne pas se souvenir du moment exact où il avait eu cette discussion avec la gendarme R.L., mais il pensait avoir changé sa façon de parler à la gendarme K.D.-L. ainsi que sa façon de « plaisanter » à partir de ce moment-là[30].

[103] Le sergent Reid a déclaré avoir été renvoyé chez lui le 28 mai 2021 lorsque l’inspecteur L. l’a informé qu’une plainte de harcèlement avait été déposée contre lui, et avoir été suspendu en janvier 2022. Depuis sa suspension, il a relu le Code de déontologie et la politique en matière de harcèlement; il a déclaré qu’il s’engageait à être un modèle positif à l’avenir.

[104] Le sergent Reid a dit être sincèrement désolé de ce qu’il avait fait aux gendarmes K.D.-L., J.H. et D.M. Il a reconnu qu’il avait failli à ses obligations envers eux et envers le Détachement de Parkland[31].

[105] Durant le contre-interrogatoire, le sergent Reid a reconnu avoir suivi de la formation sur le harcèlement et la gestion dès 2005 et aussi récemment qu’en février 2019.

[106] De plus, le sergent Reid a maintenu se souvenir seulement d’avoir utilisé l’expression « scissor sister » (sœur-ciseaux) lorsqu’il parlait à la gendarme K.D.-L., mais pas les autres expressions. Cependant, il a ajouté qu’il ne contestait pas avoir parlé de la sorte puisque tous les témoins affirmaient qu’il l’avait fait.

[107] Le sergent Reid a également réaffirmé qu’il ne se souvenait pas d’avoir traité le gendarme D.M. de « retard » (retardé) ou de « fucking retard » (crisse de retardé) devant lui, mais seulement de l’avoir appelé ainsi devant ses pairs, dans l’aire de travail commune[32].

[108] Par ailleurs, il a déclaré ne pas se souvenir d’avoir utilisé le terme « packie », mais, là encore, si tous les témoins se souvenaient qu’il l’a fait, il n’avait aucune raison de le contester[33].

[109] À la fin du témoignage du sergent Reid, le Comité de déontologie lui a demandé si la raison pour laquelle il ne se souvenait d’aucun des termes offensants qu’il avait utilisés, à l’exception de « scissor sister » (sœur-ciseaux), était que c’était tout simplement sa façon normale d’agir et de parler aux membres du Détachement, à l’époque. Le sergent Reid n’a pas pu répondre sauf pour dire que [TRADUCTION] « cela s’est passé il y a longtemps »[34].

Principes juridiques applicables

[110] Dans leurs observations concernant les mesures disciplinaires, les parties ont fait reference au Rapport de Ceyssens et de Childs[35], dans lequel les auteurs dégagent cinq principes sur lesquels repose le processus d’établissement de mesures disciplinaires appropriées.

[111] Le premier principe formulé dans ce rapport est le suivant : « Une mesure disciplinaire doit pleinement obéir aux objectifs du processus d’examen des plaintes et des sanctions disciplinaires contre la police »[36]. De plus, dans le cadre de la détermination d’une sanction appropriée, ces objectifs sont [TRADUCTION] « l’intérêt du public, l’intérêt de la GRC en tant qu’employeur, l’intérêt du membre visé à être traité équitablement et, enfin, l’intérêt des personnes touchées par l’inconduite en question[37] » (en l’espèce, les trois plaignants/membres subalternes ciblés).

[112] L’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC fait référence au deuxième principe fondamental recensé dans le Rapport de Ceyssens et de Childs, selon lequel les mesures correctives doivent prévaloir, s’il y a lieu.

[113] Le troisième principe fondamental est la présomption voulant qu’il faille imposer la mesure la moins sévère possible, mais cette présomption sera réfutée dans les cas où l’intérêt du public ou d’autres facteurs précis doivent prévaloir.

[114] Le quatrième principe fondamental, selon la définition de la Cour suprême du Canada et des cours d’appel, prévoit qu’une norme plus rigoureuse s’applique à la conduite des policiers[38].

[115] Enfin, selon le Rapport de Ceyssens et de Childs, le cinquième principe fondamental se rapporte à la proportionnalité, ou à la parité, des sanctions[39]. Cela exige que le comité de déontologie « relève les considérations pertinentes relatives à la proportionnalité », « examine si chacune de ces considérations est soit atténuante soit aggravante soit neutre » et, enfin, « trouve un juste équilibre entre elles ou les pondère ».

[116] Le Guide des mesures disciplinaires, bien qu’il ne soit pas normatif, vise à promouvoir la parité des sanctions. Il s’agit néanmoins d’un « guide » qui doit être lu dans le contexte des normes sociétales changeantes, telles qu’établies par la jurisprudence ou les lois et politiques applicables.

[117] Par ailleurs, bien que je ne sois pas liée par les décisions de déontologie antérieures, celles-ci peuvent fournir des indications concernant les sanctions appropriées pour une catégorie particulière de comportement.

Position des parties

Autorité disciplinaire

[118] Le représentant de l’autorité disciplinaire a réitéré que l’autorité disciplinaire cherche à obtenir que le sergent Reid démissionne de la GRC, faute de quoi il sera congédié.

[119] Le représentant de l’autorité disciplinaire s’est d’abord penché sur le témoignage des gendarmes R.L., K.D.-L., J.H. et D.M. Il a fait valoir que les quatre témoins étaient sérieux, équilibrés et crédibles; je suis d’accord.

[120] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir qu’un thème commun ressortait de la déposition de tous les témoins, à savoir la perception selon laquelle la direction de la GRC ne soutenait pas les employés subordonnés et que la culture à la GRC, celle du « club des vieux copains », ne changerait jamais. Il a soutenu que cela devrait être une considération clé dans mon analyse de la sanction appropriée.

[121] Il a noté que, même si la gendarme R.L. pensait que rien ne changerait, elle était quand même allée voir le sergent Reid lorsqu’elle occupait par intérim le poste de caporal pour lui faire part de ses préoccupations quant aux commentaires déplacés qu’il faisait à la gendarme K.D.-L. Lorsqu’on lui a demandé si sa discussion avec le sergent Reid avait changé la façon dont il agissait ou parlait, elle a déclaré que cela n’avait eu aucun effet sur son comportement.

[122] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que le sergent Reid avait reçu de la GRC tous les outils nécessaires pour devenir un gestionnaire efficace et respectueux. Il a expliqué qu’il a suivi le cours de sensibilisation au Code canadien du travail en 2005, le cours Milieu de travail respectueux en 2014 et de nouveau en 2019, le Programme de perfectionnement des gestionnaires en 2019 et, enfin, le cours Violence en milieu de travail en 2020.

[123] Malgré toute la formation reçue, le sergent Reid n’a pas mis en application ce qu’il avait appris. Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que cela démontrait que le sergent Reid n’avait pas de potentiel de réadaptation. On lui a donné les outils nécessaires pour devenir un gestionnaire efficace, mais il a choisi d’ignorer ce qu’il a appris.

[124] Le représentant de l’autorité disciplinaire a attiré mon attention sur le Rapport de Ceyssens et de Childs et sur le fait que celui-ci fait valoir que les femmes au sein de la GRC ont été exposées de manière disproportionnée au harcèlement et au harcèlement sexuel. Il a fait ressortir le passage suivant du Rapport[40] :

Une inconduite qui touche des personnes vulnérables ou des membres de communautés qui sont traditionnellement exposées de façon disproportionnée au harcèlement, au harcèlement sexuel ou à la discrimination doit être considérée comme particulièrement aggravante. Au cours des dernières décennies, cette analyse à la GRC s’est surtout concentrée sur les femmes […]. Cependant, étant donné que la GRC accroît la diversité de ses membres au-delà de sa cohorte traditionnelle et qu’elle sert des communautés de plus en plus diversifiées, ce facteur doit être élargi pour inclure les membres d’autres communautés. […] Par conséquent, toute évaluation de la « gravité » doit comprendre un examen des antécédents d’exposition disproportionnée au harcèlement sexuel, y compris les [personnes] LGBTQ2S+ […].

[125] Le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné le témoignage de la gendarme J.H., qui a affirmé que les actions du sergent Reid avaient affecté non seulement sa confiance dans la GRC, mais aussi dans les hommes au sein de la GRC. Elle a déclaré qu’elle avait commencé à éviter activement le sergent Reid. Les actions du sergent Reid étaient directement contraires à la responsabilité positive qui incombe à la GRC de fournir un lieu de travail sûr à ses employés.

[126] Le représentant de l’autorité disciplinaire a souligné que le sergent Reid avait une grande expérience du travail policier et qu’il était superviseur depuis un certain nombre d’années. Il a fait valoir que cela devait être considéré comme un facteur à la fois aggravant et atténuant. Après 20 années de service, le sergent Reid aurait dû savoir mieux.

[127] Le représentant de l’autorité disciplinaire m’a demandé de tenir compte non seulement de l’intérêt public, mais aussi de l’environnement de travail futur pour tous les employés qui pourraient devoir travailler avec le sergent Reid s’il devait rester membre de la GRC.

[128] En ce qui concerne la gendarme K.D.-L., le représentant de l’autorité disciplinaire a soutenu que le sergent Reid avait profité de leur amitié et exploité leur bonne relation de travail initiale. Il a noté que la gendarme K.D.-L. n’a rien dit, qu’elle était fort capable de composer avec les clients, mais pas avec le sergent Reid. En guise de mécanisme de défense, elle plaisantait parfois à son tour avec le sergent Reid. Toutefois, cela ne signifiait pas qu’elle participait de bon gré. Comme elle l’a dit elle-même, elle n’avait tout simplement pas le courage de le confronter. Elle était embarrassée et offensée, elle se sentait méprisée et anxieuse.

[129] Le représentant de l’autorité disciplinaire s’est demandé si le sergent Reid éprouvait réellement des remords et de la sincérité dans ses excuses. Il a noté que, lorsqu’il a demandé au sergent Reid comment il avait pu faire de tels commentaires même après avoir reçu une formation approfondie, celui-ci avait répondu que, à l’exception de l’expression « scissor sister » (sœur-ciseaux), il ne se souvenait pas d’avoir utilisé les autres expressions. Le représentant de l’autorité disciplinaire a laissé entendre que le sergent Reid avait admis les allégations et s’était excusé simplement dans le but de mettre un terme à la procédure.

[130] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que le fait de demander la démission du sergent Reid n’avait rien de punitif. Il s’agit plutôt d’un moyen de reconnaître que la GRC est en train de changer, qu’elle doit changer, et qu’elle a besoin de sous-officiers qui croient et appuient leurs employés, et non qui agissent comme des intimidateurs ou des harceleurs.

[131] Il a noté que la période ou la persistance du harcèlement constitue un facteur aggravant.

[132] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir un passage de la décision Williams[41], qui énonce ce qui suit : [TRADUCTION] « La réputation de la profession est plus importante que la fortune de l’un quelconque de ses membres. L’adhésion à une profession a bien des avantages, mais cela fait partie du prix à payer. »

[133] Il a souligné que le maintien de la confiance et du respect du public envers les services de police pouvait signifier qu’un policier de haut rang devait être traité plus sévèrement qu’un policier subalterne dans des circonstances similaires[42].

[134] Le représentant de l’autorité disciplinaire a ensuite rappelé l’incidence profonde que le comportement du sergent Reid a eue sur les gendarmes K.D.-L., J.H. et D.M., incidence qui persiste encore aujourd’hui.

[135] Enfin, il a déclaré que les faits de cette affaire et l’inconduite prolongée du sergent Reid touchaient au cœur de la relation de travail entre le sergent Reid et la GRC et que cette relation avait été irrémédiablement brisée.

Représentant du membre visé

[136] Le représentant du membre visé a examiné trois décisions disciplinaires antérieures.

[137] La première a été une décision du comité de déontologie rendue en 2023[43], dans laquelle le membre en question a admis cinq allégations, dont une de conduite déshonorante et quatre d’infractions à l’article 2.1. Il a été reconnu coupable d’avoir agressé une membre régulière et d’avoir fait des commentaires discourtois ou d’avoir harcelé trois membres régulières et une employée de la fonction publique.

[138] Dans cette décision, avant l’audience disciplinaire, les parties avaient présenté une Proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, qui a été acceptée par le comité de déontologie. Les mesures disciplinaires imposées sont les suivantes : a) une sanction pécuniaire de 15 jours de solde; b) la confiscation de 10 jours de congé annuel; c) une mutation; d) la directive de travailler sous surveillance étroite pendant un an; e) la directive de rédiger des lettres d’excuses aux membres et aux employées touchées par son inconduite; et f) la directive de suivre une formation supplémentaire en matière de harcèlement en milieu de travail.

[139] La deuxième décision examinée par le représentant du membre visé est un rapport d’une décision rendue par le commandant de la Division K en mars de cette année[44]. Le représentant du membre visé était aussi son avocat. Le membre en question a été reconnu coupable de harcèlement sexuel à l’égard d’une gendarme dont il était le mentor. Il lui avait fait parvenir plus de 25 vidéos, photos et liens inappropriés, dont de la pornographie et d’autre contenu explicite de nature sexuelle.

[140] Les mesures disciplinaires imposées dans cette affaire ont été les suivantes : une pénalité financière de 25 jours à déduire de la solde du membre (à savoir 16 jours de salaire et 9 jours de vacances). L’autorité disciplinaire avait retenu les circonstances atténuantes suivantes :

  • le membre en question avait des problèmes de santé mentale durant la période où l’inconduite a eu lieu;
  • le membre en question a accepté la responsabilité et reconnu son inconduite;
  • la victime du harcèlement sexuel n’avait pas indiqué que le comportement était importun;
  • l’inconduite a eu lieu principalement lorsque le membre en question n’était pas en service.

[141] Avec tout le respect que je dois à l’autorité disciplinaire dans cette affaire, je ne vois pas en quoi le fait que la victime, une membre subalterne placée sous l’autorité du membre en question, ne se soit pas opposée à l’inconduite constituait une circonstance atténuante.

[142] Enfin, le représentant du membre visé a fourni au comité de déontologie une decision rendue par un arbitre en 2021[45] dans le cadre d’une plainte déposée en vertu du chapitre P-17 de la Police Act, RSA 2000, à l’encontre d’un détective du Service de police d’Edmonton. Dans cette affaire, le membre visé faisait l’objet de trois allégations d’infraction à la politique sur le harcèlement en milieu de travail du service de police d’Edmonton. L’affaire s’est déroulée par le biais d’un exposé conjoint des faits et d’une soumission conjointe sur la pénalité. La mesure disciplinaire imposée a été la confiscation de l’équivalent de 60 heures de solde et l’obligation de suivre un cours sur l’équité entre les sexes.

[143] Le représentant du membre visé en l’espèce a fait valoir que, lorsqu’il s’agit de questions de harcèlement sexuel, le spectre est large, les incidents d’agression sexuelle ou d’attouchements se situant à l’extrémité la plus grave du spectre, tandis que les commentaires mineurs formulés une seule fois se situent à l’extrémité la moins grave.

[144] Il a insisté sur le fait que toute personne doit être autorisée à assumer la responsabilité de ses graves erreurs de jugement et à présenter des excuses, tout en continuant à faire partie de l’organisation. Selon lui, dans le cas contraire, l’approche en matière d’inconduite est simplement punitive et ne permet pas aux membres visés d’apprendre de leurs erreurs et de s’améliorer.

[145] En outre, il a fait valoir que si la GRC, en tant qu’organisation, ne peut pas accepter que le sergent Reid reconnaisse sans réserve ce qu’il a fait et présente des excuses complètes, elle ferme la porte à tout membre désireux de faire amende honorable et de démontrer qu’il est capable de réadaptation.

[146] Le représentant du membre visé a déclaré que le témoignage du gendarme D.M. est la preuve que le sergent Reid a un solide potentiel de réadaptation, étant donné qu’il a changé de manière, de ton et d’approche avec le gendarme D.M. après avoir été informé que sa façon de lui parler ou de parler de lui était dégradante, embarrassante et offensante.

[147] Tout en reconnaissant que la jurisprudence indique clairement qu’il n’est pas permis de jeter la faute sur la victime pour ne pas avoir signalé un comportement inapproprié, le représentant du membre visé a fait valoir qu’il fallait faire une distinction dans le cas de la gendarme K.D.-L., qui n’a pas exprimé ses objections aux commentaires sexuels offensants et grossiers du sergent Reid lorsque la gendarme R.L. avait abordé la question avec elle. Il a souligné que tous les membres avaient l’obligation positive de signaler les cas de harcèlement potentiels.

[148] Le représentant du membre visé a fait remarquer que, selon le dossier dont je suis saisie, de nombreux membres du détachement étaient d’avis que les échanges inappropriés entre le sergent Reid et la gendarme K.D.-L. étaient [TRADUCTION] « consensuels » entre un superviseur et une subalterne, malgré le déséquilibre des pouvoirs. En outre, il a affirmé que les échanges inappropriés [TRADUCTION] « ne semblaient pas être malveillants ».

[149] Pour reprendre les termes du représentant du membre visé, il me faut prendre en considération l’ensemble des éléments de preuve et la possibilité qui a été manifestement donnée à la gendarme K.D.-L. de s’exprimer si elle était préoccupée par les commentaires et le comportement du sergent Reid[46].

[150] Le représentant du membre visé m’a demandé de conclure que si la gendarme K.D.-L. avait dit quelque chose à la gendarme R.L., il aurait été possible d’aborder l’inconduite du sergent Reid à ce moment-là.

[151] Il a noté que la direction du Détachement de Parkland a agi de manière appropriée lorsqu’elle a appris l’existence de la plainte contre le sergent Reid en mai 2021, puisque l’inspecteur M.L. a immédiatement renvoyé le sergent Reid chez lui.

[152] En ce qui concerne l’imposition de mesures disciplinaires appropriées, le représentant du membre visé a mis l’accent sur les principes fondamentaux 2 et 3, c’est-à-dire le principe selon lequel les mesures correctives et réparatrices devraient prévaloir, le cas échéant, et la présomption voulant qu’il faille imposer la mesure la moins sévère possible.

[153] Il a fait ressortir les circonstances aggravantes suivantes :

  • l’une des allégations établies est une allégation de harcèlement sexuel;
  • le membre visé en l’espèce est un sergent en position de leadership;
  • l’inconduite n’est pas un incident isolé; le harcèlement s’est poursuivi sur une longue période.

[154] Les circonstances atténuantes proposées par le représentant du membre visé sont les suivantes :

  • le sergent Reid a assumé la responsabilité de ses actes;
  • le sergent Reid a reconnu l’inconduite, ce qui a permis d’éviter la tenue d’une audience contestée en bonne et due forme;
  • le sergent Reid a présenté des excuses complètes et éprouve des remords;
  • le sergent Reid a de bons états de service;
  • le sergent Reid a une lettre d’appui de son supérieur hiérarchique, l’inspecteur K.M.;
  • le sergent Reid a un bon potentiel de réadaptation, et la probabilité que son comportement se répète est minime.

[155] Le représentant du membre visé a fait valoir qu’il n’existe aucune décision ni aucun précédent d’un comité de déontologie dans les cas où le membre visé s’est excusé et a accepté sa responsabilité, et où la mesure disciplinaire imposée a été le congédiement.

[156] En guise de mesures disciplinaires proposées, le représentant du membre visé a fait valoir qu’une rétrogradation au grade de caporal, voire de gendarme, serait appropriée. Il a noté que l’inspecteur K.M. était d’avis que le sergent Reid avait encore une valeur ajoutée importante pour l’organisation en tant que sous-officier. Enfin, à titre de mesures disciplinaires supplémentaires, il a proposé une mutation dans un autre détachement qui n’obligerait pas le sergent Reid à déménager sa résidence personnelle, compte tenu du fait que sa conjointe est également une membre active.

Décision relative aux mesures disciplinaires

[157] Je commencerai mon analyse en énonçant la gamme de mesures appropriées, puis j’examinerai les considérations pertinentes atténuantes, aggravantes et neutres. Enfin, j’expliquerai brièvement la façon dont j’ai soupesé ces facteurs en tenant compte des intérêts du public, de la GRC, du membre visé et des plaignants pour parvenir à ma décision.

Gamme des mesures disciplinaires

[158] En ce qui concerne la gamme appropriée des mesures disciplinaires, j’ai pris en considération les arguments avancés par les avocats ainsi que les cas présentés pour étayer leur position. J’estime que la gamme appropriée dans ce cas-ci, qui comporte du harcèlement sexuel et du harcèlement sur une période d’un an et demi, comprend une pénalité financière équivalant à 45 jours de solde ou plus ainsi que d’autres mesures disciplinaires, y compris la rétrogradation, l’ordre de démissionner ou le congédiement.

Circonstances atténuantes

[159] Je note que les circonstances atténuantes ne constituent pas une justification ou une excuse pour l’inconduite; mais, par souci d’équité envers le membre visé, elles peuvent être prises en considération pour réduire la sévérité de la sanction imposée afin de traiter l’inconduite de manière appropriée.

[160] Le sergent Reid n’avait jamais fait l’objet de mesures disciplinaires auparavant et n’a jamais reçu de fiches de rendement négatives ni de commentaires négatifs dans les évaluations de rendement qui m’ont été soumises. Au contraire, et comme le prouve la lettre de recommandation de son supérieur (l’inspecteur K.M.), il est considéré comme expérimenté, bien formé et doté d’une solide éthique de travail.

[161] Le représentant du membre visé a fait valoir que le fait que le sergent Reid assume la responsabilité de ses actes, qu’il ait admis les allégations et reconnu son inconduite constitue une circonstance atténuante. Je note qu’il s’agit là de faits; cependant, je note également que le sergent Reid ne l’a pas fait à la première occasion, mais plutôt une semaine avant le début de l’audience disciplinaire. Néanmoins, j’accepte l’argument selon lequel il s’agit d’une circonstance atténuante.

[162] Le sergent Reid a écrit trois lettres d’excuses aux victimes de son harcèlement, qui ont été produites comme éléments de preuve. Le représentant du membre visé a fait valoir que ces lettres étaient éloquentes, qu’elles traduisaient un degré de maturité de la part du sergent Reid et qu’elles démontraient l’existence de remords. Le représentant de l’autorité disciplinaire, quant à lui, a mis en doute l’authenticité des excuses. Je note également qu’aucun des trois membres touchés par l’inconduite du sergent Reid n’était disposé à recevoir ces excuses.

[163] Je reconnais que les lettres d’excuses représentent un facteur atténuant et une reconnaissance du fait que son comportement était totalement inacceptable.

[164] Le sergent Reid bénéficie également du soutien de son supérieur hiérarchique, comme en témoigne la lettre de recommandation de l’inspecteur K.M.. Cela constitue une circonstance atténuante, même si je ne lui ai accordé qu’un poids minime compte tenu de la gravité de l’inconduite, qui s’est produite pendant les heures de travail et qui contredit l’affirmation selon laquelle le sergent Reid est un « bon » sous-officier.

[165] Le représentant du membre visé a fait valoir comme facteur atténuant additionnel le fait que le sergent Reid démontre un bon potentiel de réadaptation et qu’il y a très peu de chances qu’il agisse à nouveau de la sorte à l’avenir. Il s’est appuyé sur le fait qu’après avoir été confronté par le gendarme D.M., le sergent Reid a changé sa façon d’agir envers lui.

[166] Sur ce point, je note que la gendarme R.L., qui avait fait part au sergent Reid de ses préoccupations concernant ses commentaires inappropriés et sexualisés, a déclaré durant son témoignage que le comportement du sergent Reid n’avait pas changé après leur discussion. Je reconnais que le sergent Reid a déclaré qu’il avait modifié son comportement; cependant, si cela est vrai, il faut se demander pourquoi, en mai 2021, soit quelque temps après la discussion de la gendarme R.L. avec le gendarme R.L., des membres subalternes du Détachement de Parkland ont ressenti le besoin de s’adresser à l’inspecteur M.L. pour dénoncer le comportement.

[167] J’accepte le témoignage de la gendarme R.L. selon lequel, après son intervention, le sergent Reid n’a pas modifié son comportement. Par conséquent, je ne considère pas que le sergent Reid a démontré un bon potentiel de réadaptation.

[168] Enfin, cela dit, le fait que le sergent Reid reconnaisse qu’il a failli à son rôle et à ses responsabilités de sergent et que ses commentaires étaient tout à fait déplacés, inappropriés et offensants me porte à croire qu’il y a une probabilité minimale de récidive. Il s’agit-là d’une circonstance atténuante.

Circonstances aggravantes

[169] Je souligne que les circonstances aggravantes sont les circonstances liées à la commission de l’inconduite qui augmentent la culpabilité ou la gravité ou qui ajoutent aux conséquences préjudiciables. En l’espèce, j’en ai cerné plusieurs.

[170] Tout d’abord, il faut souligner la gravité de l’inconduite. Le sergent Reid a 22 années de service et a reçu une formation approfondie entre 2005 et 2020 sur la création et le maintien d’un lieu de travail respectueux. Comme l’a indiqué le représentant de l’autorité disciplinaire, le sergent Reid a reçu tous les outils nécessaires pour devenir un gestionnaire efficace et respectueux; pourtant, il n’a pas mis cette formation en pratique. Il est inconcevable qu’il n’ait pas réalisé que ses commentaires grossiers et sexualisés étaient inappropriés sur le lieu de travail.

[171] Je note aussi qu’en ce qui concerne le harcèlement sexuel, le comportement fautif visait deux subordonnées qui font partie de la communauté 2SLGBTQI+. Cela ajoute à la gravité de l’inconduite.

[172] Une autre circonstance aggravante est le fait que le comportement et les commentaires du sergent Reid à l’égard des gendarmes K.D.-L., J.H. et D.M. démontraient un manque total de respect.

[173] En outre, le sergent Reid était un sous-officier supérieur, avec 20 années de service au moment des faits. Il était en position d’autorité et aurait dû être un modèle pour ses subordonnés, donnant le ton pour ce qui était approprié dans le lieu de travail à la GRC. En d’autres mots, il aurait dû faire preuve de plus de discernement.

[174] Je souscris aux observations formulées dans la décision Williams[47] soumis par le représentant de l’autorité disciplinaire : le grade et l’ancienneté s’accompagnent de responsabilités. Le maintien de la confiance et du respect du public envers les services de police signifie que les officiers supérieurs et les sous-officiers doivent faire face à des conséquences plus strictes ou plus sévères que les policiers subalternes dans des circonstances similaires.

[175] Le fait que le comportement se soit produit sur une longue période, de manière répétée et presque quotidienne, selon le dossier et les dépositions de tous les témoins, constitue également une circonstance aggravante.

[176] La circonstance aggravante la plus importante dans cette affaire est l’impact psychologique et émotionnel durable que l’inconduite a eu sur les trois gendarmes subalternes, à savoir les gendarmes K.D.-L., J.H. et D.M.

Analyse

[177] La dissuasion est particulièrement importante en l’espèce, non seulement comme avertissement pour les autres membres, mais aussi comme moyen d’assurer qu’un tel comportement déplacé et inacceptable ne se répétera pas. Le besoin de dissuasion spécifique prend davantage d’importance lorsque le contrevenant est une personne en position de confiance et d’autorité, comme c’était le cas en l’espèce.

[178] Bien que certaines circonstances atténuantes aient été acceptées, je conclus qu’elles ne sont pas assez fortes pour contrer la gravité de l’inconduite, par exemple pour réduire la sanction ultime que je juge nécessaire, compte tenu de la nature sexuelle de l’inconduite dans certains cas et le déséquilibre des pouvoirs entre le sergent Reid et les gendarmes subalternes qui relevaient de lui.

[179] Je trouve inconcevable et difficile à croire que le sergent Reid « ne se souvienne pas » d’avoir régulièrement utilisé des expressions comme « rug munching » (manger du tapis), « eating tacos » (manger des tacos ), etc. sur une période prolongée d’au moins un an.

[180] En outre, le sergent Reid a reçu toute la formation disponible pour veiller à ce qu’il soit en mesure de favoriser un lieu de travail respectueux et sûr; et pourtant, il n’a pas été en mesure de s’acquitter correctement de ses responsabilités.

[181] Je reconnais qu’il existe une présomption selon laquelle il convient d’imposer la mesure la moins sévère possible, mais cette présomption est réfutée dans les cas où l’intérêt public doit prévaloir. En l’espèce, j’estime que cette présomption est réfutée.

[182] Le public serait horrifié de découvrir que des sous-officiers supérieurs de la GRC, à qui l’on a confié des responsabilités de gestion de détachements et de policiers subalternes à l’échelle du pays, continuent de traiter les personnes et de leur parler d’une manière aussi inappropriée dans leur lieu de travail.

[183] Il n’y a aucune excuse, de nos jours, pour tolérer ce type de comportement dans un lieu de travail, et encore moins dans un détachement policier chargé de servir une communauté diversifiée avec respect et tolérance et sans jugement préconçu ou croyances basées sur cette diversité.

[184] L’inconduite du sergent Reid est grave et touche au cœur de la relation employeur-employé et des attentes du public à l’égard des policiers dans leurs relations avec les membres de communautés diversifiées. Son inconduite enfreint et compromet tous les efforts déployés par la GRC pour garantir à ses employés un environnement sûr, sécurisé et exempt de harcèlement.

[185] Il ne peut plus y avoir de tolérance ou d’acceptation à l’égard de ce type d’inconduite, qui brise la confiance des employés envers leur employeur, la GRC.

[186] J’estime que, par son inconduite, le sergent Reid a contrevenu à plusieurs des valeurs fondamentales de la Gendarmerie. Ses actions constituent une violation fondamentale de la confiance du public et un renoncement à ses obligations en tant que membre de la GRC.

[187] Étant donné la nature des allégations établies, je ne peux tout simplement pas justifier le maintien du sergent Reid à titre de membre de la GRC.

CONCLUSION

[188] Après avoir conclu que les allégations ont été établies conformément à l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la GRC, j’ordonne au sergent Reid de démissionner de la Gendarmerie dans un délai de 14 jours, faute de quoi il sera congédié.

[189] L’une ou l’autre des parties peut interjeter appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans le délai de prescription prévu au paragraphe 45.11 de la Loi sur la GRC et conformément aux règles énoncées dans les Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

17 novembre 2023

Louise Morel

Comité de déontologie de la GRC

 

Date

 



[1] Manuel d’administration, chapitre XII.8., « Enquêtes et règlement des plaintes de harcèlement » (version du 7 mai 2018).

[2] Guide des mesures disciplinaires, novembre 2014, à la page 14.

[3] Foerderer v Nova Chemicals Corporation, 2007 ABQB 349 (CanLII); Calgary (City) and CUPE, Local 709 (Schmaltz), Re, 2017 CarswellAlta 308.

[4] Guide des mesures disciplinaires, à la page 3.

[5] Transcription du 3 octobre 2023, de la page 76, ligne 24, à la page 77, ligne 13.

[6] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 78, lignes 22 à 25.

[7] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 81, lignes 21 à 23.

[8] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 101, lignes 7 à 16.

[9] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 114, lignes 3 à 25.

[10] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 106, lignes 11 à 23.

[11] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 145, lignes 1 à 10.

[12] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 150, lignes 4 à 8.

[13] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 148, lignes 4 à 11.

[14] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 148, lignes 18 à 23.

[15] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 157, lignes 8 à 11.

[16] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 172, lignes 4 à 12.

[17] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 174, lignes 3 à 7.

[18] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 174, lignes 19 à 25.

[19] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 175, lignes 7 à 18.

[20] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 177, lignes 5 à 11.

[21] Transcription du 3 octobre 2023, de la page 177, ligne 23, à la page 178, ligne 4.

[22] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 177, lignes 10 à 14.

[23] Transcription du 3 octobre 2023, à la page 180, lignes 8 à 14.

[24] Transcription du 4 octobre 2023, de la page 9, ligne 24, à la page 10, ligne 1.

[25] Transcription du 4 octobre 2023, à la page 10, lignes 18 à 21.

[26] Transcription du 4 octobre 2023, de la page 10, ligne 25, à la page 11, ligne 3.

[27] Transcription du 4 octobre 2023, à la page 13, lignes 3 à 7.

[28] Transcription du 4 octobre 2023, à la page 22, lignes 3 à 8.

[29] Transcription du 4 octobre 2023, de la page 12, ligne 21, à la page 14, ligne 12.

[30] Transcription du 4 octobre 2023, à la page 18, lignes 18 à 23.

[31] Transcription du 4 octobre 2023, de la page 26, ligne 22, à la page 27, ligne 2.

[32] Transcription du 4 octobre 2023, à la page 44, lignes 3 à 15.

[33] Transcription du 4 octobre 2023, à la page 47, lignes 1 à 4.

[34] Transcription du 4 octobre 2023, de la page 65, ligne 14, à la page 66, ligne 10.

[35] Ceyssens, Paul et Childs, Scott. Phase I – Rapport final concernant les mesures disciplinaires et l’imposition de mesures disciplinaires en cas d’inconduite à caractère sexuel au titre de la partie IV de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, 24 février 2022 (Rapport de Ceyssens et de Childs).

[36] Rapport de Ceyssens et de Childs, page 21, au paragraphe 4.1.

[37] Commandant de la Division K et Gendarme Ryan Deroche, 2022 DARD 13, paragraphe 82.

[38] Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2008 SCC 48, aux paragraphes 33 et 86.

[39] Rapport de Ceyssens et de Childs, à la page 27, paragraphe 7.1.

[40] Rapport de Ceyssens et de Childs, à la page 37, paragraphe 11.12.

[42] Williams, au paragraphe 71.

[43] Autorité disciplinaire de niveau III désignée, Division E et gendarme Corey Flodell, 2023 DAD 05.

[44] Caporal [S.K.], matricule 53719, OGCA 202233642, 28 mars 2023.

[45] In the Matter of a Complaint against Reg. No. 2357, Det. Shane Faulkner under the Police Act, RSA 2000, c P-17, 8 juillet 2021.

[46] Transcription du 4 octobre 2023, de la page 119, ligne 5, à la page 120, ligne 3.

[47] Williams, au paragraphe 71.

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