Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’avis d’audience disciplinaire initial contenait trois allégations contre le gendarme Dharmvir Prihar. Les trois allégations relevaient de l’article 7.1 du Code de déontologie (conduite déshonorante). Le comité de déontologie a retiré les allégations 1 et 2 avant l’audience disciplinaire à la demande de l’autorité disciplinaire. L’allégation 3 demeure dans l’avis d’audience disciplinaire modifié. Une audience disciplinaire a commencé le 8 mai 2023. Le comité de déontologie a conclu que l’allégation 3 n’était pas fondée.

Contenu de la décision

Protégé A

(OCGA) 202233804

2023 DAD 16

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’affaire d’une

audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10

Entre :

L’autorité disciplinaire désignée, Division E

Autorité disciplinaire

et

le gendarme Dharmvir Prihar

Numéro de matricule 53469

membre visé

Décision du comité de déontologie

M. Kevin L. Harrison

Le 18 décembre 2023

Mme Janice Calzavara et le sergent d’état-major Jonathan Hart, représentants de l’autorité disciplinaire

Mme Cait Fleck, représentante du membre visé


table des matières

RÉSUMÉ 3

INTRODUCTION 4

QUESTION PRÉLIMINAIRE 5

ALLÉGATIONS 5

CRÉDIBILITÉ ET FIABILITÉ DES TÉMOINS 8

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve 8

Mme A .K. J. 9

Le gendarme Prihar 12

CONTEXTE FACTUEL 13

Contexte factuel général 13

Contexte factuel propre à l’allégation 3 15

DÉCISION RELATIVE À L’ALLÉGATION 16

Actes constituant le comportement allégué 16

Langage menaçant et offensant lors de l’appel téléphonique aux parents de Mme J. K. 21

Appel téléphonique du caporal McDonald 30

Utilisation d’un langage méprisant à d’autres occasions 32

Vidéos choquantes envoyées au beau-frère de Mme J. K. 32

Conclusion sur les actes qui constituent le comportement allégué 33

Les probabilités que le comportement du gendarme Prihar jette le discrédit sur la Gendarmerie 34

Liens suffisants entre le comportement du gendarme Prihar et ses tâches et fonctions afin que la Gendarmerie le discipline 38

CONCLUSION 40

 

RÉSUMÉ

L’avis d’audience disciplinaire initial contenait trois allégations contre le gendarme Dharmvir Prihar. Les trois allégations relevaient de l’article 7.1 du Code de déontologie (conduite déshonorante). Le comité de déontologie a retiré les allégations 1 et 2 avant l’audience disciplinaire à la demande de l’autorité disciplinaire. L’allégation 3 demeure dans l’avis d’audience disciplinaire modifié. Une audience disciplinaire a commencé le 8 mai 2023. Le comité de déontologie a conclu que l’allégation 3 n’était pas fondée.

INTRODUCTION

[1] Le 1er mars 2022, l’autorité disciplinaire a signé un Avis à l’officier désigné pour demander la tenue d’une audience disciplinaire portant sur cette affaire. Le 7 mars 2022, l’officier désigné m’a nommé au comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C., (1985), ch. R-10 [la Loi sur la GRC].

[2] L’autorité disciplinaire a signé l’avis d’audience disciplinaire initial le 21 juillet 2022. Il contenait trois allégations de conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[3] Le 16 mars 2023, à la suite de plusieurs conférences préparatoires, j’ai retiré les allégations 1 et 2 à la demande de l’autorité disciplinaire. Il ne restait que l’allégation 3 de l’avis d’audience disciplinaire initial.

[4] Selon l’allégation 3, le gendarme Prihar aurait téléphoné aux parents de sa conjointe entre le 23 décembre 2019 et le 4 janvier 2020. Il aurait utilisé un langage offensant et menaçant à l’égard de sa conjointe, Mme J. K., et de ses enfants pendant l’appel téléphonique. L’autorité disciplinaire allègue en outre qu’à d’autres occasions non précisées, le gendarme Prihar aurait eu des propos méprisants à l’égard de Mme J. K. et qu’il aurait envoyé une vidéo choquante au beau-frère de Mme J. K, M. A. P. La vidéo montre un homme non identifié en train de violenter publiquement une femme non identifiée. Le gendarme Prihar a prétendument envoyé des vidéos similaires à M. A. P à plus d’une occasion.

[5] Une audience disciplinaire a eu lieu à Surrey, en Colombie-Britannique, du 8 au 12 mai 2023. J’ai entendu la preuve de deux témoins et les observations des parties relativement aux allégations. J’ai conclu que l’allégation 3 n’était pas fondée.

[6] Ci-après se trouve ma décision écrite finale sur l’allégation.

QUESTION PRÉLIMINAIRE

[7] Le 27 janvier 2023, l’autorité disciplinaire a présenté une demande pour permettre à Mme A .K. J. de témoigner par vidéoconférence. Mme A .K. J. était la seule témoin de l’autorité disciplinaire. Elle habite au Royaume-Uni. Le gendarme Prihar s’est opposé à cette demande. Le 1er mai 2023, j’ai autorisé la demande de l’autorité disciplinaire moyennant quatre conditions. Les quatre conditions, qui concernaient le lieu du témoignage de Mme A .K. J. et les exigences relatives aux tests pour le lien de la vidéoconférence, ont été raisonnablement respectées avant la tenue de l’audience disciplinaire.

ALLÉGATIONS

[8] L’avis d’audience disciplinaire initial contenait trois allégations de conduite déshonorante en vertu de l’article 7.1 du Code de déontologie.

[9] L’allégation 1, décrite aux énoncés détaillés 12 à 19, concernait un incident allégué de rapport sexuel non consentant avec Mme J. K. qui serait survenu entre le 5 janvier 2015 et le 31 décembre 2015.

[10] L’allégation 2, décrite aux énoncés détaillés 20 à 31, concernait une présumée agression sexuelle de Mme J. K. qui serait survenue au mois de décembre 2019.

[11] J’ai retiré les allégations 1 et 2 le 16 mars 2023 à la demande de l’autorité disciplinaire. Il ne restait que l’allégation 3 dans l’avis d’audience disciplinaire modifié.

[12] J’ai lu l’avis d’audience disciplinaire modifié au gendarme Prihar au début de l’audience disciplinaire. Toutefois, à la suite d’une discussion entre les parties pendant une pause lors de la première matinée du début de l’audience disciplinaire, j’ai effectué d’autres modifications à l’avis d’audience disciplinaire. Ces modifications comprenaient notamment le retrait de certaines portions des énoncés détaillés 32 et 33. L’avis d’audience disciplinaire nouvellement modifié se lisait comme suit :

Énoncés détaillés communs à toutes les allégations

1. Au moment des faits, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (« GRC ») affecté à la Division E en Colombie-Britannique.

2. Vous occupez actuellement un poste au Groupe des crimes graves du Détachement de la GRC de Surrey.

3. Vous avez épousé avec Mme [J. K.] en 2002.

4. Vous avez deux enfants avec Mme [J. K.] : un garçon nommé [non retenu] et une fille nommée [nom retenu].

5. Vous avez une tante, Mme [S. P.], laquelle vous appelez [« tante »].

6. Votre épouse a une mère nommée [Mme P. D.], un père nommé [M. A. S.], une sœur du milieu nommée Mme [A. K. J.], et une sœur aînée nommée Mme [J. P.].

7. Vous habitez actuellement au [adresse civique retenue], à Langley en Colombie-Britannique. Vous avez déménagé à cet endroit en 2008 ou 2009.

8. Le 5 mars 2021, le Détachement de la GRC de Langley a reçu un appel de Mme [J. K.] en lien avec un incident de violence conjugale en train de se produire à votre résidence. (Dossier no 2021 — [XXXX]).

9. Au moment de cet appel, vous résidiez à l’étage inférieur de la résidence située au [adresse retenue] à Langley, en Colombie-Britannique, pendant que Mme [J. K.] résidait avec les enfants à l’étage supérieur de la résidence.

10. Au cours de cet appel de service, Mme [J. K.] a mentionné que vous aviez menacé ses parents et que vous l’aviez forcée à avoir un rapport sexuel avec elle.

11. Il ne s’agit pas du premier appel de service en lien avec votre relation.

Allégation 3

Entre le 23 décembre 2019 et le 4 janvier 2020, à Langley ou à proximité, dans la province de la Colombie-Britannique, le gendarme Dharmvir Prihar, numéro de matricule 53469, s’est comporté de manière susceptible à jeter le discrédit sur la Gendarmerie, contrairement à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Énoncés détaillés de l’allégation 3 :

32. Entre le 23 décembre 2019 et le 4 janvier 2020, vous vous êtes disputé avec Mme [J. K.].

33. Mme [J. K.] a appelé les services de police.

34. Les policiers sont intervenus à votre résidence ce soir-là. Pour des fins de sécurité, Mme [J. K.] a quitté la résidence ce même soir. Elle a passé la nuit chez son cousin, M. [R. D.].

35. Une fois que les policiers ont quitté les lieux, vous avez appelé les parents de Mme [J. K.], Mme [P. D.] et M. [A. S.].

36. Lors de cet appel, vous avez fait usage d’un langage offensant et menaçant, y compris des jurons, notamment :

a. vous avez dit à Mme [J. K.] qu’elle était idiote;

b. vous avez menacé de tuer Mme [J. K.];

c. vous avez menacé de tuer vos enfants;

d. vous avez menacé de vous tuer;

e. vous avez menacé de « ruiner » Mme [J. K.];

f. vous avez menacé de battre Mme [J. K.] à coups de pied;

g. vous avez menacé de « perdre le contrôle sur elle! », en faisant référence à Mme [J. K.], si les services à l’enfance vous retiraient vos enfants;

h. vous avez menacé d’expulser Mme [J. K.] de la résidence; et

i. vous avez menacé de « détruire la vie » de Mme [J. K.].

37. Vous aviez bu ce soir-là et vous étiez intoxiqué.

38. La sœur de Mme [J. K.], Mme [A .K. J.], a entendu ce qui s’est dit au téléphone.

39. Votre tante, Mme [S. P.], écoutait aussi l’appel.

40. Lorsque les policiers ont rappelé plus tard dans la soirée pour vous questionner au sujet de votre appel à Mme [P. D.] et à M. [A. S.], vous avez répondu que vous aviez été allé vous coucher une fois que les policiers avaient quitté votre résidence.

41. Ce n’est pas la première fois que vous avez eu des propos méprisants à l’égard de Mme [J. K.]. Vous avez agi avec agressivité et d’une manière méprisante envers elle, ou avez utilisé des jurons ou un langage offensant lorsque vous vous adressiez à elle, en la traitant notamment de :

a. « vache »;

b. « crisse d’enculée »;

c. « crosseuse »;

d. « salope ingrate »;

e. « crisse d’épaisse »; et

f. « crisse de retardée ».

42. Quelque temps après votre appel à Mme [P. D.] et à M. [A. S.], vous avez envoyé à M. [A. P.], le beau-frère de Mme [J. K.], une vidéo qui montre un homme et une femme en train de se disputer, et l’homme qui tire la femme par les cheveux dans la rue en la frappant. Ce type d’envoi n’était pas nouveau, puisque vous aviez envoyé de nombreuses vidéos à M. [A. P.] qui illustraient de la violence envers les femmes.

43. Vous avez été arrêté pour un chef d’accusation de profération de menaces au titre de l’alinéa 264,1(1)a) du Code criminel, mais en fin de compte, aucune accusation n’a été portée contre vous.

44. Le comportement décrit ci-dessus est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

[13] Il incombe à l’autorité disciplinaire de prouver les allégations selon la prépondérance des probabilités. Ainsi, je dois conclure qu’il est plus probable qu’improbable que le gendarme Prihar ait enfreint une disposition du Code de déontologie. L’autorité disciplinaire s’est acquittée de ce fardeau en présentant des éléments de preuve suffisamment clairs et convaincants.

CRÉDIBILITÉ ET FIABILITÉ DES TÉMOINS

[14] J’ai entendu la preuve de deux témoins lors de l’audience disciplinaire. La sœur du milieu de Mme [J. K.], Mme [A .K. J.], a témoigné au nom de l’autorité disciplinaire. Le gendarme Prihar a témoigné en son propre nom. Pour évaluer la crédibilité des témoins, je commence par énoncer certains des principes juridiques applicables à cette tâche.

Principes juridiques applicables pour déterminer la crédibilité et la fiabilité de la preuve

[15] Pour évaluer la crédibilité des témoins, je dois déterminer si les témoins sont crédibles et si leur témoignage est fiable. Un témoin peut me sembler crédible, mais peu fiable. Je peux aussi accepter une partie, la totalité ou aucun des éléments de preuve apportés par un témoin au sujet d’un fait particulier. Pour évaluer la crédibilité, je dois tenir compte de l’ensemble de la preuve. Je ne peux pas fonder mon évaluation de la preuve apportée par un témoin uniquement sur son comportement. Je dois plutôt déterminer si la preuve apportée par le témoin est conforme à l’interprétation la plus probable des circonstances. La question de savoir si le récit du témoin a une « apparence de vraisemblance » est subjective, mais pour y répondre, il faut prendre en considération l’ensemble de la preuve. Le fait de conclure qu’une partie est crédible peut constituer un résultat concluant sur des questions importantes, car le fait de croire une partie signifiera explicitement ou implicitement que l’autre partie ne me semble pas crédible.

Mme A .K. J.

[16] Mme A .K. J. a témoigné par vidéoconférence depuis le Haut-commissariat du Canada à Londres, en Angleterre. À l’exception de quelques enjeux techniques mineurs avant son témoignage, le lien de la vidéoconférence était clair et sans interruption. Le visage et le haut du corps de Mme A .K. J. étaient visibles tout au long de son témoignage. Ses mains étaient souvent visibles. Je n’éprouvais aucune difficulté à observer ses traits faciaux de même que la plupart des mouvements de ses mains et son langage corporel.

[17] J’ai observé que les avocats n’ont pas eu de difficulté à s’entretenir avec elle, même si l’entretien se déroulait par vidéoconférence. Mme A .K. J. a indiqué parler couramment l’anglais et le pendjabi. La langue n’était pas un obstacle à sa compréhension des questions qui lui étaient posées.

[18] Mme A .K. J. a déclaré avoir rencontré le gendarme Prihar pour la première fois lorsqu’elle visitait le Canada pour une période de 5 mois en 2011. Elle a habité avec le gendarme Prihar et Mme J. K. pendant une partie de cette période. Elle a déclaré que la dernière fois qu’elle l’avait vu était en 2012. C’était en Angleterre, quand le gendarme Prihar et Mme J. K. avaient habité chez elle lors d’une visite de trois semaines. Elle a parlé au téléphone avec le gendarme Prihar seulement quatre ou cinq fois depuis.

[19] Inversement, elle a déclaré dans son témoignage avoir eu des contacts fréquents avec Mme J. K depuis 2012. Elle a déclaré qu’elle communiquait avec Mme J. K. deux ou trois fois par semaine par téléphone ou message texte. Leurs conversations portaient souvent sur la relation de Mme J. K. avec le gendarme Prihar. Elle a aussi déclaré avoir souvent eu des conversations avec d’autres membres de sa famille au sujet de la relation de Mme J. K avec le gendarme Prihar. Elle a reconnu que sa famille était proche.

[20] Mme A .K. J. a admis ne pas apprécier le gendarme Prihar. Elle a aussi admis l’avoir traité de personne détestable et de macho dégoûtant lors de la déclaration qu’elle a donnée à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire. Toutefois, elle a également déclaré à répétition lors de son témoignage que le gendarme Prihar était une bonne personne et qu’elle s’inquiétait pour sa santé mentale et sa consommation d’alcool. Mme A .K. J. a également déclaré à répétition lors de son témoignage qu’elle s’inquiétait de l’état du mariage de Mme J. K. et du gendarme Prihar et qu’elle espérait que la situation s’améliore pour eux.

[21] En ce qui concerne la fiabilité de la preuve apportée par Mme A .K. J., elle a indiqué qu’elle souffrait de troubles de la mémoire en raison du fait qu’elle avait souffert d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Elle a également dit plusieurs fois que le passage du temps avait eu une incidence sur la manière dont elle se souvenait des événements.

[22] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont indiqué que Mme A .K. J. était un témoin crédible. Selon eux, elle était cohérente tout au long de la preuve qu’elle a apportée, en particulier lorsqu’il s’agit de la profération de menaces de la part du gendarme Prihar. Elle était naturellement hésitante à discuter de sujets qui concernaient la dynamique de la famille. En tant que sœur de Mme J. K., elle n’avait rien à gagner sur le plan personnel. Par conséquent, ils ont maintenu que la preuve qu’elle avait apportée à l’égard du gendarme Prihar était équilibrée.

[23] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont suggéré que je fasse preuve d’indulgence relativement à la perte de mémoire causée par l’AVC parce que, peu importe la date proposée par Mme A .K. J., l’AVC est survenu pendant la pandémie de COVID-19, ce qui représente une période de deux ans pendant laquelle de nombreuses personnes peinent à situer des événements dans le temps. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont également reconnu que le passage du temps avait eu une incidence sur la façon dont Mme A .K. J. se souvient des événements.

[24] La représentante du membre visé a suggéré, bien qu’un motif pour mentir soit difficile à prouver, que la dynamique de la situation donnait lieu à la possibilité que Mme A .K. J. ait fabriqué la preuve qu’elle présente. La représentante du membre visé a également soulevé la possibilité de collusion dans la preuve apportée par Mme A .K. J..

[25] La représentante du membre visé a en outre indiqué la présence de plusieurs incohérences et omissions dans la preuve apportée par Mme A .K. J. Les incohérences les plus importantes tournent autour des raisons qu’avait Mme A .K. J. de ne pas fournir de détails au sujet de l’appel téléphonique à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire ou de sa réaction à cet appel. D’autres omissions remarquables portaient sur ce que le gendarme Prihar avait dit pendant l’appel téléphonique en ce qui concerne les menaces présumées envers les membres de la famille et les jurons qu’il aurait proférés.

[26] La représentante du membre visé a suggéré que la preuve apportée en lien avec l’AVC de Mme A .K. J. était un exemple qui démontrait que son témoignage était intéressé. Mme A .K. J. avait de la difficulté à se rappeler précisément à quel moment était survenu l’AVC. Au départ, elle a déclaré sincèrement que l’AVC était survenu vers le milieu de l’année 2020. Toutefois, lorsque la représentante du membre visé a soulevé la possibilité que l’AVC ait eu une incidence sur sa mémoire, selon la représentante du membre visé, elle a commodément déclaré qu’elle avait subi l’AVC après avoir donné sa déclaration à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire en avril 2021.

[27] J’avais plusieurs préoccupations au sujet de la fiabilité et de la crédibilité de Mme A .K. J. La représentante du membre visé a soulevé la plupart d’entre elles lors de ses observations.

[28] Ma première préoccupation était que Mme A .K. J. n’avait eu que des contacts personnels directs limités avec le gendarme Prihar, en dépit qu’il eût été marié à Mme J. K. pendant 21 ans. En outre, le contact personnel direct limité date d’assez longtemps. Pendant cette même période, Mme A .K. J. a souvent communiqué avec Mme J. K et sa famille, moments pendant lesquels ils ont fréquemment discuté de la relation entre Mme J. K et le gendarme Prihar. Par conséquent, j’étais pleinement conscient de la possibilité que le témoignage de Mme A .K. J. soit influencé par des choses que Mme J. K. ou d’autres membres de la famille lui ont rapportées au lieu de refléter ses propres observations et expériences.

[29] Je suis du même avis que la représentante du membre visé au sujet de l’AVC de Mme A .K. J. Un AVC est un événement mémorable dans la vie d’une personne, car même s’il est mineur, il peut changer une vie. Dans son témoignage, Mme A .K. J. a affirmé que l’AVC avait effectivement changé sa vie. Il serait difficile de ne pas se rappeler avec un certain degré de certitude le moment auquel il est survenu. Le passage du temps constitue une autre préoccupation liée à la crédibilité de la preuve apportée par Mme A .K. J.

[30] Ma préoccupation principale, en ce qui concerne la preuve apportée par Mme A .K. J., réside dans le fait qu’elle ne s’accorde pas avec le reste de la preuve qui m’est présentée. Je ne parle pas seulement de la preuve apportée par le gendarme Prihar, mais aussi de la preuve objective retrouvée dans les rapports policiers et les relevés téléphoniques. Par conséquent, je conclus que la preuve apportée par Mme A .K. J. n’est ni crédible ni fiable. Ma conclusion voulant que sa preuve ne soit ni crédible ni fiable se confirme lorsque je l’examine dans le contexte du premier élément du test pour prouver une conduite déshonorante.

Le gendarme Prihar

[31] L’autorité disciplinaire a remis en question la crédibilité du gendarme Prihar au motif que la preuve qu’il fournissait contredisait celle apportée par Mme A .K. J. Selon l’autorité disciplinaire, le gendarme Prihar a diminué son rôle dans sa relation avec Mme J. K; sa colère et le langage qu’il a utilisé lors de son appel aux parents de Mme J. K.; et son évaluation de Mme J. K. n’était pas équilibrée.

[32] J’ai conclu que le gendarme Prihar était un témoin crédible. De façon générale, il était franc et sincère tout au long de son témoignage. Il était cohérent et a maintenu ses dires lorsque sa preuve était contestée pendant le contre-interrogatoire. Il a reconnu divers aspects de sa conduite tandis qu’il a continué d’en infirmer d’autres de façon catégorique. En dépit de l’absence de notes, sa mémoire des événements était claire et, lorsqu’elle ne l’était pas, il l’a dit aussitôt. Finalement, et surtout, sa preuve s’accorde davantage avec la majorité de la preuve objective, en particulier au sujet de l’appel téléphonique aux parents de Mme J. K.

CONTEXTE FACTUEL

Contexte factuel général

[33] L’avis d’audience disciplinaire contenait 11 énoncés détaillés dans la rubrique « Énoncés détaillés communs à toutes les allégations ». Même si ces énoncés sont restés dans la version finale de l’avis d’audience disciplinaire, je ne conclus pas que les 11 énoncés sont tous pertinents à l’allégation 3. Je commence ma constatation des faits avec les énoncés que je trouve pertinents à l’allégation 3, parce qu’ils fournissent un contexte à cette allégation.

[34] Au moment des faits, le gendarme Prihar était un membre de la GRC. Il travaillait au Groupe des crimes graves du Détachement de Surrey de la Division E, en Colombie-Britannique, entre le 23 décembre 2019 et le 4 janvier 2020, ce qui constitue la période cible de l’allégation 3.

[35] Le gendarme Prihar a épousé Mme J. K. en 2002. Le gendarme a déclaré lors de son témoignage que le mariage avait été arrangé par leurs familles.

[36] Le gendarme Prihar a deux enfants avec Mme J. K., un garçon et une fille.

[37] Le gendarme Prihar et Mme J. K. ont emménagé dans leur résidence actuelle (la résidence familiale) en juin 2009. La résidence familiale est située à Langley, en Colombie-Britannique.

[38] M. A. S. est le père de Mme J. K. et le beau-père du gendarme Prihar.

[39] Mme P. D. est la mère de Mme J. K. et la belle-mère du gendarme Prihar.

[40] Mme A .K. J. est la sœur de Mme J. K. et la belle-sœur du gendarme Prihar.

[41] M. A. S., Mme P. D. et Mme A .K. J. demeurent au Royaume-Uni.

[42] Mme S. P. était la tante du gendarme Prihar. Elle devait se présenter comme témoin pour le gendarme Prihar à l’audience disciplinaire. Malheureusement, elle est décédée le 9 avril 2023.

[43] Pour les fins de l’enquête disciplinaire de la GRC, cette affaire a commencé le 5 mars 2021, lorsque les gendarmes Renee Romain et Parmvir Bhullar du Détachement de la GRC de Langley sont intervenus à la résidence familiale en réponse à l’appel de service de Mme J. K. Le dossier est enregistré sous le numéro 2021-XXXX.

[44] Le 5 mars 2021, le gendarme Prihar vivait à l’étage inférieur de la résidence familiale. Mme J. K. vivait à l’étage supérieur de la résidence familiale avec leurs deux enfants.

[45] Mme J. K. a informé les policiers sur les lieux que le gendarme Prihar avait menacé ses parents et qu’il l’avait agressée sexuellement. La GRC a entrepris une enquête exigée par la loi sur ces deux allégations.

[46] Le 9 avril 2021, la GRC a entrepris une enquête disciplinaire en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada relativement à quatre allégations[1] d’inconduite, y compris sur les questions liées à l’allégation 3.

[47] L’appel de service du 5 mars 2021 n’était pas le premier appel de Mme J. K. à la GRC qui concernait des problèmes familiaux.

[48] Le 8 avril 2021, les policiers de la GRC ont arrêté le gendarme Prihar. Il a été libéré avec une promesse de comparaître qui énumérait les infractions criminelles présumées suivantes : proférer des menaces en vertu de l’alinéa 264.1(1)a) du Code criminel[2], relativement aux menaces qu’il aurait proférées contre M. A. S. et Mme P. D., et agression sexuelle en vertu de l’article 271 du Code criminel. Les parties ont confirmé que le bureau du procureur ne souhaitait pas déposer d’accusation criminelle pour ces infractions.

Contexte factuel propre à l’allégation 3

[49] Les énoncés détaillés 32,33 et 34 stipulent qu’entre le 23 décembre 2019 et le 4 janvier 2020, le gendarme Prihar s’est disputé avec Mme J. K. Mme J. K. a appelé les services de police, et ces derniers sont intervenus à la résidence. Dans un souci de sécurité, Mme J. K. a quitté la résidence et a passé la nuit chez son cousin, M. R. D.

[50] Le rapport de police qui correspond à l’appel de service de Mme J. K. figure dans le dossier. Je conclus les faits suivants de ce rapport :

[51] Mme J. K. a appelé la GRC le 3 janvier 2020 à 21 h 06. Elle a indiqué que son mari, Dharmvir Prihar, avait été verbalement abusif envers elle depuis les deux dernières semaines. Son mari avait bu. Ses deux enfants étaient dans la résidence. Elle voulait que son mari sorte de la résidence. Elle était prête à quitter sa résidence s’il refusait de le faire, mais elle avait besoin de l’aide des services de police. J’ai aussi noté que Mme J. K. a dit au preneur d’appel qu’il y avait une arme de poing de pratique, sans munitions et possiblement rouge, sur la table de cuisine. Cette arme à feu n’a jamais été mentionnée par la suite.

[52] Le caporal Peter McDonald et le gendarme Safiollah Sharar du Détachement de la GRC de Langley se sont rendus sur les lieux. Ils sont arrivés à la résidence familiale à 21 h 22. Les deux membres ont indiqué dans leur rapport que la dispute portait sur des questions financières. Mme J. K. a quitté la résidence familiale de son propre chef. Les deux policiers ont indiqué qu’il s’agissait d’une mesure qui faisait partie du « plan de sécurité ». La preuve n’est pas claire au sujet de l’endroit où est allée Mme J. K. ce soir-là.

[53] Les deux policiers ont déclaré qu’aucune infraction criminelle n’avait été commise à cette occasion.

[54] Les enfants ont choisi de rester à la résidence avec le gendarme Prihar.

[55] Le gendarme Prihar buvait ce soir-là.

[56] Après le départ du caporal McDonald et du gendarme Sharar, le gendarme Prihar a appelé Mme P. D. et M. A. S., les parents de Mme J. K.

[57] À la suite de son appel aux parents de Mme J. K., le gendarme Prihar a reçu un appel de la part du caporal McDonald.

DÉCISION RELATIVE À L’ALLÉGATION

[58] Comme mentionné précédemment, l’allégation 3 concerne l’article 7.1 du Code de déontologie. Afin d’établir une allégation au titre de l’article 7.1 du Code de déontologie, l’autorité disciplinaire doit démontrer chacun des éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. les actes qui constituent le comportement allégué;
  2. l’identité du membre;
  3. si le comportement du membre est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie; et
  4. si le comportement du membre est suffisamment lié à ses devoirs et à ses fonctions pour donner à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[59] Je peux régler le deuxième élément du test sommairement puisque l’identité du gendarme Prihar n’est pas en question dans cette procédure. Les trois éléments du test subsistants requièrent un examen plus approfondi.

Actes constituant le comportement allégué

[60] L’énoncé détaillé 44 de l’avis d’audience disciplinaire se lit comme suit : « Le comportement décrit ci-dessus est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie ». Le « comportement décrit ci-dessus » est précisé dans les énoncés détaillés 32 à 43.

[61] Le comportement décrit comprenait les éléments suivants :

  1. Lors d’un appel téléphonique aux parents de Mme J. K. à l’intérieur de la période précisée, le gendarme Prihar a employé un langage menaçant et offensant tel que décrit dans l’énoncé détaillé 36.
  2. Lorsque les policiers ont rappelé le gendarme Prihar plus tard dans la soirée pour le questionner au sujet de son appel aux parents de Mme J. K, le gendarme Prihar leur a dit qu’il était allé au lit une fois que les policiers avaient quitté sa résidence.
  3. À d’autres occasions, hormis celle de l’appel téléphonique avec les parents de Mme J. K., le gendarme Prihar a employé un langage méprisant envers Mme J. K. tel que décrit dans l’énoncé détaillé 41.
  4. À un certain temps après l’appel téléphonique aux parents de Mme J. K., le gendarme Prihar a envoyé une vidéo choquante au beau-frère de Mme J. K. qui montrait un homme en train de violenter une femme en public.
  5. À d’autres occasions, le gendarme Prihar a envoyé de nombreuses vidéos au beau-frère de Mme J. K. qui illustraient de la violence envers les femmes.

[62] Je dois décider lequel de ces comportements a été démontré par l’autorité disciplinaire selon la prépondérance des probabilités.

[63] Je dois placer ces comportements en contexte et examiner d’autres faits en lien avec ces comportements pour les comprendre. J’examinerai séparément chacun des comportements que j’ai recueillis de chaque énoncé détaillé.

[64] La prise de décisions concernant ces comportements a été facilitée en grande partie par l’absence de preuve. D’autres décisions ont été plus difficiles à prendre pour cette même raison.

[65] Sur le plan de la preuve, les lacunes les plus flagrantes existent parce que l’autorité disciplinaire n’a pas cité de témoins pouvant apporter de la preuve pertinente. Dans l’ébauche de ma liste de témoins fournie aux parties le 29 mars 2023, et dont j’ai discuté lors d’une conférence préparatoire le 30 mars 2023, j’ai clairement indiqué que Mme J. K., M. A. S., Mme P. D. et M. A. P. pouvaient apporter de la preuve pertinente à l’allégation 3, mais qu’ils n’avaient pas été intégrés à ma liste de témoins parce qu’ils n’avaient pas été cités à témoigner par aucune des parties.

[66] Le paragraphe 18(4) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, exige à un comité de déontologie de fournir une liste de témoins qu’il entendra aux parties, et de leur expliquer ses raisons d’accepter ou de refuser un témoin qui figure sur la liste qu’elles ont soumise. Cela renvoie au fait que les parties doivent respecter le paragraphe 18(2) des Consignes du commissaire (déontologie) dans chaque procédure disciplinaire.

[67] Je suis certain que l’autorité disciplinaire avait ses raisons de ne pas chercher à délivrer une sommation à comparaître à Mme J. K., mais je demeure perplexe par cette décision puisque l’autorité disciplinaire avait le fardeau de prouver l’allégation selon la prépondérance des possibilités.

[68] Au début de l’audience disciplinaire, la représentante du membre visé a soulevé des inquiétudes relativement à l’intention de l’autorité disciplinaire de s’appuyer sur plusieurs documents. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont indiqué ces intentions le vendredi précédant le début de l’audience disciplinaire. Même si l’autorité disciplinaire a fourni ces documents à la demande du gendarme Prihar des mois avant l’audience disciplinaire, ils ont été fournis relativement aux allégations 1 et 2. La préoccupation de la représentante du membre visé a fait surface en partie parce que Mme J. K. n’a pas été convoquée à l’audience disciplinaire pour offrir un témoignage à propos des questions traitées dans ces documents.

[69] Même si le comité de déontologie s’est fait octroyer des pouvoirs d’enquête en vertu de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada et des Consignes du commissaire (déontologie), il serait inapproprié qu’il dise à l’une ou l’autre des parties comment présenter leur cause, notamment quels témoins elles devraient convoquer pour en prouver le bien-fondé.

[70] Le paragraphe 23(1) des Consignes du commissaire (déontologie) permet au comité de déontologie de rendre une décision à l’égard des allégations en se fondant uniquement sur les éléments du dossier lorsqu’aucun témoignage n’est entendu. Cela ne permet pas au comité de déontologie de s’appuyer uniquement sur les éléments du dossier, sauf lorsqu’une partie décide de ne pas convoquer un témoin qui aurait été en mesure d’apporter de la preuve pertinente à une allégation et que les déclarations de ce témoin sont incontestées dans le dossier. Lorsque le membre visé remet en question la preuve apportée par un témoin dans sa réponse aux allégations, le membre visé doit avoir l’occasion de tester la preuve de ce témoin en contre-interrogatoire. Il s’agit d’un concept de droit fondamental. Le gendarme Prihar a remis en question la preuve apportée par Mme J. K., M. A. S., Mme P. D. et M. A. P. dans sa réponse aux allégations.

[71] Le gendarme Prihar a également évoqué que plusieurs étapes d’enquête n’ont pas été suivies relativement à l’allégation 3, ou a remis en question la qualité de certaines des étapes d’enquête entreprises, ce qui est devenu pour lui une source considérable de frustration. Les étapes d’enquête visées comprennent notamment :

  1. l’autorité disciplinaire n’a pas obtenu les relevés téléphoniques de la ligne résidentielle, lesquels le gendarme Prihar dit ne pas pouvoir obtenir légalement puisque la ligne est au nom de Mme J. K.;
  2. l’autorité disciplinaire n’a pas obtenu les relevés téléphoniques du cellulaire de Mme A .K. J.;
  3. l’autorité disciplinaire n’a pas questionné les enfants de Mme J. K., en particulier son garçon, relativement à la soirée du 3 janvier 2020;
  4. l’entrevue de M. A. S et de Mme P. D. s’est effectuée conjointement;
  5. la manière informelle dont la déclaration de Mme A .K. J. a été obtenue;
  6. l’autorité disciplinaire n’a pas fait de suivi auprès de Mme A. K. J. après que le gendarme Prihar ait soulevé l’existence possible d’un enregistrement audio de son appel téléphonique à M. A. S et à Mme P. D.

[72] Je suis d’avis que plusieurs des étapes d’enquête susmentionnées, en particulier la première, étaient des étapes d’enquête qu’il aurait été raisonnable d’entreprendre en début d’enquête, en particulier lorsque le gendarme Prihar avait précisément demandé de le faire.

[73] Le rôle d’un enquêteur chargé d’une enquête disciplinaire ne se limite pas à trouver de la preuve pour prouver le bien-fondé des allégations. Son rôle est de mener une enquête impartiale, objective et approfondie afin de recueillir à la fois de la preuve inculpatoire et disculpatoire. Ce rôle est particulièrement important lorsque nous tenons compte de ce qui est en jeu pour le membre visé et l’ensemble de la GRC.

[74] La représentante du membre visé a indiqué que les enquêteurs ont tenté d’obtenir les relevés téléphoniques. Je l’ai noté dans mon résumé de la deuxième conférence préparatoire qui s’est déroulée le 7 décembre 2022. Cette étape d’enquête a été entreprise à la demande expresse du gendarme Prihar. Les relevés téléphoniques n’existaient plus à ce moment. C’est malheureux. Comme la représentante du membre visé l’a indiqué à plusieurs reprises, ces relevés téléphoniques auraient grandement aidé à établir l’heure de l’appel du gendarme Prihar aux parents de Mme J. K.

[75] Je ne suis pas forcément d’accord avec le gendarme Prihar concernant les relevés téléphoniques du téléphone cellulaire de Mme A .K. J., en grande partie parce qu’il serait difficile de les obtenir en pays étranger; toutefois, rien n’empêchait les enquêteurs de lui demander de les fournir de façon volontaire.

[76] Je vais maintenant poursuivre avec mon analyse des comportements décrits dans l’avis d’audience disciplinaire modifié.

Langage menaçant et offensant lors de l’appel téléphonique aux parents de Mme J. K.

[77] L’énoncé détaillé 35 stipule qu’après le départ de la police de la résidence familiale, le gendarme Prihar a appelé M. A. S et Mme P. D., les parents de Mme J. K., qui résident au Royaume-Uni. Bien qu’ils aient tous les deux supposément pris part à l’appel téléphonique, M. A. S et Mme P. D. n’ont pas témoigné à ce sujet.

[78] L’énoncé détaillé 38 stipule que Mme A .K. J. était présente lors de l’appel téléphonique et qu’elle a entendu ce qui s’est dit pendant ce dernier. Mme A .K. J. était la seule témoin de l’autorité disciplinaire. Mme A .K. J. soutient qu’elle était présente lors de l’appel téléphonique et qu’elle a entendu une grande partie de ce qui s’est dit lors de ce dernier. Depuis sa réponse aux allégations jusqu’aux observations de sa représentante à l’égard de l’allégation, le gendarme Prihar a maintenu que : Mme A .K. J. n’était pas présente chez ses parents lors de l’appel téléphonique; elle n’était pas au téléphone pendant l’appel; elle n’a pas entendu ce qui s’est dit lors de l’appel. Ma conclusion sur cet aspect de la cause revêt une grande importance, parce que si je conclus que Mme A .K. J. n’était pas présente lors de l’appel téléphonique comme le suggère le gendarme Prihar, il ne me reste plus que la preuve apportée par le gendarme Prihar relativement à ce qui s’est dit lors de cet appel.

[79] Le gendarme Prihar fonde son affirmation voulant que Mme A .K. J. n’était pas présente lors de l’appel téléphonique sur deux motifs. Premièrement, elle n’a pas signifié sa présence au téléphone lors de l’appel. Deuxièmement, à un certain moment après l’appel téléphonique, Mme A .K. J. l’a menacé en lui disant qu’elle avait enregistré l’appel téléphonique, mais elle n’a pas produit cet enregistrement.

[80] En ce qui concerne le fait que Mme A .K. J. n’a pas indiqué sa présence lors de l’appel, elle a déclaré ne pas avoir été présente pour la durée entière de l’appel. Il était très tôt le matin. M. A. S. était déjà levé. M. A. S. et Mme P. D. se lèvent entre 3 h et 4 h chaque matin pour méditer. Elle dormait dans une chambre à l’étage supérieur. Des voix fortes l’ont réveillée, et non l’appel téléphonique. Elle est restée allongée dans son lit pendant quelques minutes avant de réaliser que le gendarme Prihar avait téléphoné. C’est quelque chose qu’il faisait souvent. La voix forte était celle de son père agité qui parlait avec le gendarme Prihar au téléphone dans la salle de séjour à l’étage inférieur de la maison, laquelle, semble-t-il, n’est pas très grande. Elle est descendue et a écouté le reste de l’appel téléphonique que l’on pouvait entendre sur le haut-parleur du téléphone. Elle a encouragé ses parents à ne rien dire et à laisser le gendarme Prihar dire ce qu’il voulait. Elle leur a donné ce conseil en grande partie parce qu’elle avait déterminé que le gendarme Prihar était intoxiqué.

[81] L’énoncé détaillé 39 stipule que la tante du gendarme Prihar, Mme S. P., écoutait également l’appel téléphonique. Aucun des témoins n’a mentionné sa présence lors de cet appel dans leur déclaration. C’était probablement en raison du fait qu’elle n’avait pas non plus signifié sa présence lors de l’appel.

[82] Le gendarme Prihar a expliqué de quelle manière Mme S. P. est parvenue à entendre l’appel téléphonique et la raison pour laquelle elle n’aurait pas été en mesure de signifier sa présence pendant ce dernier. Néanmoins, la position du gendarme Prihar à l’égard de cet aspect est à double tranchant.

[83] Selon moi, le seul fait que Mme A .K. J. n’ait pas signifié sa présence lors de l’appel téléphonique n’est pas une preuve suffisante qu’elle n’y était pas. Toutefois, la considération de cet élément avec l’ensemble de la preuve soulève la possibilité qu’elle n’était pas présente comme elle le déclare.

[84] En ce qui concerne la menace de Mme A .K. J. relativement à l’enregistrement audio de l’appel téléphonique, le gendarme Prihar allègue que si Mme A .K. J. était présente lors de l’appel, elle saurait qu’il n’a pas proféré de menaces contre quiconque pendant celui-ci.

[85] Mme A .K. J. a expliqué que l’enregistrement audio était un mensonge. Lors de son témoignage, elle a déclaré qu’il n’y avait jamais eu d’enregistrement audio. Le fait d’affirmer qu’elle possédait un enregistrement de l’appel téléphonique était une ruse pour faire avouer au gendarme Prihar les choses qu’il avait dites lors de celui-ci.

[86] Lors de ses observations, la représentante du membre visé a soulevé le fait que Mme A .K. J. est devenue inconfortable et évasive lorsqu’elle parlait de l’enregistrement téléphonique, particulièrement lorsqu’il lui a été demandé d’où provenait l’idée de menacer le gendarme Prihar avec l’enregistrement téléphonique. La représentante du membre visé est allée plus loin en suggérant que la preuve de Mme A .K. J. à ce sujet était intéressée et trompeuse.

[87] Le gendarme Prihar a donné son point de vue au sujet de cette portion de son affirmation. Il a affirmé que la première fois que l’existence d’un enregistrement téléphonique a été évoquée était par Mme J. K. lors d’une séance de méditation familiale le 4 janvier 2020. Un ami de la famille lui avait demandé de participer à cette rencontre. Pendant cette rencontre, il a demandé à Mme J. K. de produire cet enregistrement. Elle a dit que Mme A .K. J. l’avait en sa possession. Il a insisté pour obtenir une copie de l’enregistrement téléphonique depuis ce temps L’enregistrement téléphonique n’a jamais été produit en dépit du fait que les enquêteurs de la GRC en connaissaient l’existence présumée. Lorsqu’il a parlé avec Mme A .K. J. au sujet de l’enregistrement, elle a affirmé posséder l’enregistrement audio, mais elle n’a jamais mentionné qu’elle avait entendu l’appel téléphonique parce qu’elle n’était pas présente pendant ce dernier. Le gendarme Prihar croit que de le confronter en lui signifiant sa présence lors de l’appel téléphonique aurait été l’approche la plus logique. Cela m’apparaît également sensé.

[88] Selon moi, seule la ruse de « l’enregistrement audio » n’est pas une preuve suffisante pour réfuter sa présence lors de l’appel téléphonique. Toutefois, la considération de cet élément avec l’ensemble de la preuve et la manière dont Mme A .K. J. a témoigné à ce sujet soulèvent des motifs raisonnables de croire qu’elle n’était pas présente lors de l’appel téléphonique comme elle l’affirme.

[89] Cela m’emmène à l’enjeu concernant le moment de l’appel, ce qui représente ma préoccupation la plus importante en ce qui concerne la preuve de Mme A .K. J.

[90] Les énoncés détaillés indiquent que l’appel téléphonique du gendarme Prihar aux parents de Mme J. K. est survenu immédiatement après le départ des policiers de la résidence familiale à la suite de l’appel de service de Mme J. K. Mme A .K. J. soutient que l’appel téléphonique est survenu le 23 décembre 2019 alors qu’elle visitait ses parents pour la fin de semaine afin de célébrer Noël.

[91] Les représentants de l’autorité disciplinaire s’entendent pour dire que la preuve n’appuie pas la survenue de l’appel téléphonique le 23 décembre 2019, mais plutôt le 3 janvier 2020. Ils ont déclaré que le temps des Fêtes correspond à la période de l’allégation; par conséquent, la mémoire de Mme A .K. J., en ce qui concerne la date, ne devrait pas me préoccuper. Je ne suis pas en accord avec cette dernière affirmation. De toute évidence, si Mme A .K. J. n’était pas chez ses parents lorsque le gendarme Prihar a lancé l’appel téléphonique, elle n’aurait pas pu entendre ce que le gendarme Prihar avait dit lors de ce dernier. Par conséquent, tout ce qu’elle a affirmé dans sa déclaration à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire et tout ce qu’elle a apporté comme preuve lors de l’audience disciplinaire provenait de quelqu’un d’autre. De témoigner qu’elle a entendu directement l’appel téléphonique, si ce n’est pas vrai, relève du mensonge. Elle ne peut pas agir comme témoin par procuration pour ses parents.

[92] Comme mentionné, la représentante du membre visé a soulevé des inquiétudes au sujet de la possibilité de collusion relativement à la preuve apportée par Mme A .K. J. en raison de la proximité des liens entre les membres de sa famille et des écarts entre l’incident et sa déclaration à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire. Mme A .K. J. a eu amplement l’occasion, par ses nombreux contacts avec Mme J. K. et d’autres membres de sa famille, d’acquérir suffisamment de renseignements au sujet de l’appel téléphonique pour fournir une déclaration convaincante à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire, particulièrement lorsque l’enquêteur n’a pas assidûment questionné en détail ce qui s’était dit lors de cet appel.

[93] Lors d’un examen plus attentif, Mme A .K. J. était incapable de fournir des détails précis concernant ce qui avait été dit lors de cet appel téléphonique. La preuve qu’elle a apportée en ce qui concerne la menace du gendarme Prihar de tuer Mme J. K. était vague. Comme la représentante du membre visé l’a souligné, Mme A .K. J. a seulement fait référence aux menaces du gendarme Prihar de se tuer et de tuer ses enfants en réponse à une question suggestive. La représentante du membre visé a également mentionné que Mme A .K. J. était seulement en mesure de parler d’autres aspects de la conversation téléphonique après avoir été exposée à une liste de questions précises lors du contre-interrogatoire. En ce qui concerne les jurons dont aurait fait usage le gendarme Prihar, Mme A .K. J. a simplement dit qu’il blasphémait.

[94] L’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire n’a pas précisé les dates auxquelles Mme A .K. J. a visité ses parents à l’occasion de Noël, et les représentants de l’autorité disciplinaire n’ont pas recueilli de preuve à ce sujet non plus. Elle a affirmé avoir visité ses parents pendant la fin de semaine pour célébrer Noël. Je comprends de cette affirmation qu’elle était là pour quelques jours seulement. L’écart entre les dates est de 10 jours au total.

[95] Le moment de l’appel téléphonique du gendarme Prihar à M. A. S. et à Mme P. D. est directement lié au départ des policiers à la suite de leur intervention lors de l’appel de service. Le seul appel de service provenant de Mme J. K. pendant la période précisée dans l’allégation est survenu le 3 janvier 2020. Lors de son témoignage, le gendarme Prihar a déclaré que c’était la première fois que des policiers intervenaient au foyer familial en réponse à un appel de service de Mme J. K.

[96] Le caporal McDonald et le gendarme Sharar indiquent clairement dans leurs rapports qu’ils sont intervenus à la résidence familiale le 3 janvier 2020.

[97] Le rapport complémentaire du caporal McDonald[3] indique que Mme J. K. a appelé la Station de transmissions opérationnelles à 00 h 13 le 4 janvier 2020 pour rapporter que le gendarme Prihar avait fait un appel au « Royaume-Uni et qu’il avait parlé de façon agressive à sa famille. » La transcription de l’appel téléphonique comprend plus de détails. L’appel téléphonique de Mme J. K. au caporal McDonald a été fait plus d’une heure après l’heure la plus tardive possible à laquelle l’appel téléphonique du gendarme Prihar aux parents de Mme J. K. aurait pris fin. Les renseignements fournis par Mme J. K. au caporal McDonald, qu’elle semble avoir obtenu de ses parents, sont remplis d’imprécisions.

[98] Finalement, le gendarme Prihar a fourni une explication au sujet des relevés de son téléphone cellulaire qu’il a fournis dans sa réponse aux allégations.

[99] En dépit de la présence d’appels inexpliqués, comme celui d’une durée de 20 minutes alors que les policiers étaient à la résidence familiale, les relevés appuient le fait que le gendarme Prihar a appelé les parents de Mme J. K. le 3 janvier 2020, peu après le départ des policiers de la résidence familiale, et non le 23 décembre 2019. La preuve n’appuie pas la présence de Mme A .K. J. à la résidence de ses parents le 3 janvier 2020. Les relevés téléphoniques de la ligne terrestre de la résidence familiale auraient été extrêmement utiles pour encore mieux situer la date et l’heure exactes de l’appel téléphonique.

[100] En tenant compte de ces faits et des autres enjeux susmentionnés liés au témoignage de Mme A .K. J., je conclus que la preuve apportée par Mme A .K. J. n’est ni crédible ni fiable. Ainsi, je ne peux pas accepter la preuve qu’elle était présente chez ses parents lors de l’appel téléphonique et qu’elle a entendu ce qui s’est dit lors de celui-ci. Par conséquent, il ne me reste que la preuve apportée par le gendarme Prihar au sujet de ce qui s’est dit lors de l’appel téléphonique.

[101] L’énoncé détaillé 36 stipule que, pendant l’appel à M. A. S. et à Mme P. D., le gendarme Prihar aurait employé un langage offensant et menaçant, il aurait notamment :

  1. dit que Mme J. K. était une idiote;
  2. menacé de tuer Mme J. K.;
  3. menacé de tuer ses enfants;
  4. menacé de se tuer;
  5. menacé de « ruiner » Mme J. K.;
  6. menacé de battre Mme J. K. à coups de pied;
  7. déclaré qu’il allait perdre le contrôle sur Mme J. K. si les services à l’enfance lui enlevaient ses enfants;
  8. menacé d’expulser Mme J. K. de la résidence familiale; et
  9. menacé de détruire la vie de Mme J. K.

[102] Le gendarme Prihar a déclaré qu’après avoir parlé avec sa tante, après le départ des policiers de la résidence familiale, il a décidé que la meilleure façon de traiter la situation était d’appeler les parents de Mme J. K. pour obtenir leur aide dans la gestion des enjeux liés à son mariage. Il trouvait que l’appel de Mme J. K. à la police n’était pas nécessaire et qu’il représentait le début d’un cercle vicieux qu’il voulait enrayer.

[103] Pendant le contre-interrogatoire, le gendarme Prihar a dit qu’il croyait préférable de gérer la situation le plus rapidement possible. Il a reconnu avoir été fâché et devenir frustré lorsque les parents de Mme J. K. semblaient accepter la situation ou en reconnaître la gravité. Il a affirmé que sur une échelle de 1 à 10, sur le plan de la colère, il se situait autour d’un 2 ou d’un 3.

[104] Il a reconnu avoir dit qu’il allait « perdre le contrôle » sur Mme J. K. si les services à l’enfance lui retiraient ses enfants, mais il a mentionné qu’il s’agissait d’une traduction anglaise de ce qu’il avait dit en pendjabi. En pendjabi, il a dit que si les services à l’enfance lui retiraient ses enfants, il serait « furieux ».

[105] Le gendarme Prihar a également avoué avoir dit qu’il allait expulser Mme J. K. de la résidence familiale, mais il a expliqué qu’il ne l’avait pas dit dans le sens de le faire au moyen de violence physique. Il tentait seulement de pousser M. A. S. et Mme P. D à faire quelque chose pour l’aider.

[106] Le gendarme Prihar a nié avoir dit les autres commentaires décrits. Il a expressément nié avoir dit qu’il allait tuer Mme J. K., ses enfants, ou qu’il allait se tuer. Il a nié avoir crié ou fait usage de jurons lors de l’appel. Il a déclaré avoir discuté de l’appel de Mme J. K. à la police; du comportement erratique de Mme J. K.; de leur situation financière, notamment de leurs dettes, et du fait que Mme J. K. était sans emploi.

[107] L’autorité disciplinaire a contesté l’affirmation du gendarme Prihar voulant qu’il se situât à un maximum de 3 sur une échelle de la colère en se fondant sur une liste de raisons que le gendarme Prihar a fournie dans sa preuve, notamment :

  1. la nature de la dette familiale;
  2. le traumatisme subi par sa fille en raison de la présence policière à la résidence familiale;
  3. l’incidence que pourrait avoir une présence policière chez lui sur son emploi;
  4. l’embarras causé par le fait que ses collègues sont au courant de sa vie personnelle; et
  5. le manque d’écoute de la part des parents de Mme J. K. lors de l’appel téléphonique.

[108] Je suis d’accord que la combinaison de ces éléments serait susceptible de mettre une personne très en colère; toutefois, je tiens compte du fait que ni le caporal McDonald ni le gendarme Sharar n’a mentionné dans son rapport que le gendarme Prihar était excessivement fâché. J’ai confiance que ce fait aurait été mentionné s’il avait été observé. La séparation des parties à la suite d’une dispute familiale est une procédure policière normale, qu’il y ait eu de la violence physique ou non. Je constate que la première question qui apparaît dans le rapport « Violence dans les relations » rédigé par le gendarme Sharar est : « Y avait-il un plan de sécurité établi conformément à la politique compte tenu du facteur de risque? »

[109] Je constate aussi que le gendarme Prihar a eu l’occasion de se calmer, de prendre soin de ses enfants et d’obtenir des conseils de sa tante dans la période entre le départ des policiers de la résidence familiale et son appel téléphonique aux parents de Mme J. K.

[110] Pour conclure mon analyse de l’énoncé détaillé 36, je constate les faits suivants :

  1. Je n’ai entendu aucune preuve voulant que la gendarme Prihar ait traité Mme J. K. d’idiote; par conséquent, je conclus que l’énoncé détaillé 36a n’est pas fondé.
  2. Je n’ai pas entendu de preuve crédible voulant que le gendarme Prihar ait menacé de tuer Mme J. K, ses enfants, ou de se tuer; par conséquent, je conclus que les énoncés détaillés 36b, c et d ne sont pas fondés.
  3. Je n’ai pas entendu de preuve voulant que le gendarme Prihar ait dit qu’il allait ruiner la vie de Mme J. K.; par conséquent, je conclus que l’énoncé détaillé 36e n’est pas fondé.
  4. Je n’ai pas entendu de preuve voulant que le gendarme Prihar ait menacé de battre Mme J. K. à coups de pied; par conséquent, je conclus que l’énoncé détaillé 36f n’est pas fondé.
  5. Dans sa réponse aux allégations, le gendarme Prihar a reconnu avoir dit qu’il allait « perdre le contrôle sur Mme J. K. » si les services à l’enfance lui enlevaient ses enfants. Il l’a réaffirmé lors de son témoignage et a expliqué son commentaire de la façon susmentionnée. Compte tenu de son aveu, je conclus que l’énoncé détaillé 36g est fondé.
  6. Dans sa réponse aux allégations, le gendarme Prihar a avoué avoir dit qu’il allait expulser Mme J. K. de la résidence familiale. Il l’a réaffirmé lors de son témoignage et a expliqué son commentaire de la façon susmentionnée. Compte tenu de son aveu, je conclus que l’énoncé détaillé 36h est fondé.
  7. Je n’ai pas entendu de preuve voulant que le gendarme Prihar ait dit qu’il allait détruire la vie de Mme J. K.; par conséquent, je conclus que l’énoncé détaillé 36i n’est pas fondé.

[111] L’énoncé détaillé 37 stipule que le gendarme Prihar était intoxiqué lors de l’appel. Même si j’ai déjà rejeté la preuve apportée par Mme A .K. J. en lien avec l’appel téléphonique du gendarme Prihar, je constate qu’elle a déclaré que le gendarme Prihar était très intoxiqué lorsqu’il a appelé M. A. S. et Mme P. D. Toutefois, sa preuve est contredite par d’autres preuves.

[112] Le gendarme Prihar a reconnu avoir bu « deux whiskys avec du Coke diet » avant l’arrivée des policiers à la résidence familiale. La transcription[4] de l’appel de service indique que Mme J. K. a signalé au preneur d’appel que le gendarme Prihar avait pris trois consommations. Même si c’est le caporal McDonald qui a parlé avec le gendarme Prihar pendant l’appel de service, le gendarme Sharar a écrit dans son rapport que « Prihar avait pris quelques verres, toutefois, il était stable et en mesure de communiquer avec la police sans problème ».

[113] Je ne possède aucune preuve voulant que le gendarme Prihar ait bu davantage pendant la période entre le départ des policiers de la résidence familiale et son appel téléphonique à M. A. S et à Mme P. D. Le gendarme Prihar a nié avoir bu davantage. Même s’il avait consommé de l’alcool, je ne conclus pas qu’il était intoxiqué. Par conséquent, je conclus que l’énoncé détaillé 37 n’est pas fondé.

Appel téléphonique du caporal McDonald

[114] L’énoncé 40 stipule que « lorsque les policiers ont appelé ce soir-là pour questionner le gendarme Prihar relativement à son appel à M. A. S. et à Mme P. D., le gendarme Prihar leur a répondu qu’il était allé se coucher après le départ des policiers de la résidence familiale ». Aucune des parties n’a discuté de cet aspect dans ses observations.

[115] Le caporal McDonald a rédigé un rapport complémentaire pour l’appel de service du 3 janvier 2020. Le rapport figure dans le rapport de l’enquête disciplinaire[5]. Le rapport complémentaire indique qu’il a reçu un appel téléphonique de Mme J. K. peu après minuit le 4 janvier 2020. Le caporal McDonald a indiqué que Mme J. K. l’avait informé de l’appel téléphonique du gendarme Prihar à ses parents ce soir-là et que le gendarme Prihar leur avait parlé de manière « agressive ». Le caporal McDonald ne mentionne pas les menaces présumément proférées par le gendarme Prihar voulant qu’il tue Mme J. K et ses enfants et qu’il se tue.

[116] Le caporal McDonald s’est engagé à téléphoner au gendarme Prihar afin de lui demander de ne plus téléphoner aux parents de Mme J. K. Il a respecté son engagement et a téléphoné au gendarme Prihar. Il a déclaré qu’il semblait avoir réveillé le gendarme Prihar. Le caporal McDonald ne précise pas ce qu’il a demandé au gendarme Prihar, mais il indique que le gendarme Prihar lui a dit qu’il était allé se coucher après le départ des policiers de la résidence familiale. Le caporal McDonald n’a pas été cité à témoigner afin de clarifier le contenu de son rapport complémentaire.

[117] Le gendarme Prihar a déclaré lors de son témoignage qu’après le départ des policiers de la résidence familiale, il avait calmé les enfants et les avait mis au lit. Il a ensuite appelé sa tante, Mme S. P., pour obtenir des conseils. Il a appelé les parents de Mme J. K., puis a rappelé Mme S. P. Après ces appels téléphoniques, il est allé se coucher avec les enfants.

[118] Il a aussi déclaré dans son témoignage que le caporal McDonald lui avait demandé s’il avait appelé les parents de Mme J. K. et s’il les avait menacés. Il a répondu « non ». Il a déclaré que puisqu’il avait été tiré de son sommeil et qu’il ne s’attendait pas à recevoir un appel de la police, il avait de la difficulté à comprendre ce qui se passait.

[119] Par souci d’équité envers le gendarme Prihar, dans l’éventualité où le caporal McDonald lui a demandé « s’il avait appelé les parents de Mme J. K. et les avait menacés? », il s’agit d’une double question. Si la réponse « non » du gendarme Prihar était pour les deux aspects de la question, ou un déni d’avoir fait l’appel téléphonique, alors la réponse « non » était trompeuse; toutefois, si la réponse « non » concernait l’aspect des menaces, alors selon son point de vue, la réponse était vraie.

[120] Néanmoins, l’autorité disciplinaire n’a démontré ni ce que le caporal McDonald avait demandé au gendarme Prihar ni la réponse du gendarme Prihar à la question qui lui avait été posée. Au-delà du fait que le caporal McDonald a appelé le gendarme Prihar après l’appel téléphonique de ce dernier aux parents de Mme J. K., je conclus que l’énoncé détaillé 40 n’est pas fondé selon la prépondérance des probabilités.

Utilisation d’un langage méprisant à d’autres occasions

[121] L’énoncé détaillé 41 stipule que le gendarme Prihar agissait de manière agressive envers Mme J. K. et qu’il avait employé un langage méprisant envers Mme J. K. à d’autres occasions. Ce présumé langage méprisant est précisé dans une liste descriptive de six jurons.

[122] Le gendarme Prihar a reconnu avoir employé un langage insultant et méprisant à l’égard de Mme J. K. à certains moments pendant leur mariage. Il a reconnu qu’il avait probablement fait certains des commentaires décrits à Mme J. K. à certains moments de leur mariage, mais qu’il avait besoin d’un certain contexte pour l’affirmer.

[123] Dans la période visée par l’allégation, le gendarme Prihar a déclaré dans son témoignage que Mme J. K. avait quitté la résidence familiale avec leurs enfants à la suite d’une dispute survenue la veille de Noël. Ils sont restés chez son père pendant environ une semaine. Même s’il a peut-être parlé avec son fils, il n’a pas parlé directement avec Mme J. K. pendant cette période. Les communications entre le gendarme Prihar et Mme J. K. étaient limitées pendant la période pertinente.

[124] En dépit du fait que l’énoncé détaillé 41 est trop large et vague en ce qui concerne le moment où les commentaires présumés auraient été faits, Mme J. K. n’a pas été citée à témoigner.

[125] Je n’ai pas entendu de preuve directe de la part de l’autorité disciplinaire relativement à cet énoncé détaillé. L’autorité disciplinaire n’a pas démontré que le gendarme Prihar a dit les commentaires décrits pendant la période précisée, ou à d’autres occasions; par conséquent, je ne peux pas conclure que l’énoncé 41 est fondé.

Vidéos choquantes envoyées au beau-frère de Mme J. K.

[126] L’énoncé détaillé 42 comporte deux parties. La première partie stipule qu’un certain temps après l’appel téléphonique aux parents de Mme J. K., le gendarme Prihar a envoyé une vidéo montrant « un homme et une femme qui se disputent, avec un homme qui tire la femme par les cheveux dans la rue et la frappe ».

[127] Dans sa réponse aux allégations, le gendarme Prihar a reconnu avoir envoyé la vidéo à M. A. P. Il l’a réaffirmé lors de son témoignage. Je me pencherai davantage sur la preuve entourant la vidéo choquante lorsque j’examinerai la possibilité que les actions du gendarme Prihar aient jeté le discrédit sur la Gendarmerie.

[128] L’autorité disciplinaire n’a pas présenté de preuve pour appuyer le fait que la vidéo avait été envoyée, ou qu’elle avait été envoyée dans la période visée par l’allégation. Néanmoins, en me basant uniquement sur l’aveu du gendarme Prihar, je conclus que cette partie de l’énoncé détaillé 42 est fondée.

[129] La deuxième partie de l’énoncé détaillé 42 stipule que le gendarme Prihar aurait envoyé de nombreuses vidéos illustrant de la violence envers les femmes à M. A. P. Je n’ai pas entendu de preuve en ce qui concerne cette partie de l’énoncé détaillé; par conséquent, je conclus que cette partie de l’énoncé détaillé n’est pas fondée.

Conclusion sur les actes qui constituent le comportement allégué

[130] En résumé, j’ai conclu que les actes suivants sont fondés selon la prépondérance des probabilités :

  1. Le 3 janvier 2020, le gendarme Prihar a appelé les parents de Mme J. K. après le départ des policiers de la résidence familiale. Lors de cet appel téléphonique, le gendarme Prihar a dit :
    1. que si les services à l’enfance lui retiraient ses enfants, il allait « perdre le contrôle sur [Mme J. K.] » ou des mots portant le même sens en pendjabi;
    2. qu’il allait expulser Mme J. K. de la résidence familiale.
  2. Le gendarme Prihar a envoyé la vidéo choquante à M. A. P.

[131] Je peux maintenant poursuivre avec le troisième élément du test, lequel vise à déterminer si la conduite du gendarme Prihar est déshonorante, ou si elle est susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

Les probabilités que le comportement du gendarme Prihar jette le discrédit sur la Gendarmerie

[132] Le test pour déterminer si la conduite d’un membre est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie est bien établi : est-ce que n’importe quelle personne raisonnable, informée de tous les faits de cette affaire, y compris des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier, trouverait la conduite déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie?

[133] Le représentant de l’autorité disciplinaire a indiqué avec raison que le Code de déontologie s’applique aux membres de la GRC à la fois lorsqu’ils sont en devoir et lorsqu’ils ne le sont pas. Ils ont également déclaré à juste titre que les policiers sont assujettis à des normes de conduite plus élevées que le grand public.

[134] Citant le paragraphe 27 de la décision du comité de déontologie dans Elek,[6] les représentants de l’autorité disciplinaire ont également souligné que la GRC reconnaît les importantes répercussions sociétales et les graves risques que présente la violence conjugale. Comme le comité de déontologie l’a écrit dans Elek, « en tant qu’organisation responsable de l’intervention efficace contre la violence familiale », la GRC ne tolérera pas de violence conjugale perpétrée par ses membres.

[135] Je commence mon analyse des énoncés détaillés fondés, relativement aux commentaires faits par le gendarme Prihar pendant son appel téléphonique aux parents de Mme J. K., avec certains faits contextuels.

[136] En dépit du fait que le mariage a été arrangé par leur famille, le gendarme Prihar et Mme J. K. se sont épousés de plein gré. Le mariage du gendarme Prihar n’était pas heureux depuis le tout début. Il était houleux et marqué de disputes fréquentes, dont certaines ont poussé Mme J. K. à appeler la police. Les disputes, bien que vives par moments, étaient verbales. Comme la représentante du membre visé l’a indiqué, les disputes n’étaient pas à sens unique. Elles étaient mutuelles.

[137] La dispute du 3 janvier 2020 ayant abouti à l’appel à la police avait été déclenchée par l’état des finances familiales. Les rapports policiers du caporal McDonald et du gendarme Sharar le confirment. Les rapports de police indiquent également qu’il n’y avait pas d’instigateur principal ce jour-là.

[138] Le gendarme Prihar a indiqué qu’à un certain moment, lui-même et Mme J. K. avaient parlé de faire l’achat d’un condominium pour générer du revenu. Mme J. K. avait la responsabilité exclusive des finances familiales. Le gendarme Prihar n’était pas impliqué. Il n’avait pas connaissance de l’état de leurs finances. Au début du mois de décembre 2019, il a vérifié leurs finances afin de déterminer de quelle façon ils pouvaient financer le condominium, ce qu’il a fait avec l’aide de Mme J. K. Il a appris qu’ils étaient endettés de façon importante et qu’ils n’avaient aucune capacité de remboursement. La dette est devenue une source de tension dans leur mariage.

[139] Une personne raisonnable conviendrait que pour le gendarme Prihar, seul cet élément constituerait une raison d’être en colère; toutefois, comme les représentants de l’autorité disciplinaire l’ont mentionné précédemment, le gendarme Prihar avait d’autres raisons d’être en colère relativement à l’appel de Mme J. K. aux services de police.

[140] La représentante du membre visé a ajouté que le gendarme Prihar avait déclaré lors de son témoignage qu’il trouvait que l’appel de Mme J. K. aux services de police n’était pas nécessaire et qu’il avait potentiellement entraîné involontairement d’autres conséquences, comme l’implication des services à l’enfance.

[141] C’est dans ce contexte que le gendarme Prihar a décidé d’appeler les parents de Mme J. K afin d’obtenir leur aide dans cette situation. Lors de son témoignage, il a déclaré que l’appel téléphonique était inconfortable en raison de ses contacts limités avec M. A. S. et Mme P. D.

[142] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont cru que l’autorité disciplinaire avait établi que la conduite du gendarme Prihar était déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la GRC. Cette affirmation s’appuie sur l’hypothèse que les commentaires du gendarme Prihar, lors de l’appel téléphonique avec les parents de Mme J. K., constituent de la violence conjugale, en soulignant que la violence conjugale ne se limite pas à de la violence physique. Les représentants de l’autorité disciplinaire ont appuyé cette affirmation en adoptant la définition de la violence conjugale du ministère de la Justice du Canada, qui inclut notamment la violence physique, l’abus sexuel, l’abus émotionnel, l’abus financier et la négligence.

[143] J’accepte cette définition et je suis d’accord que si j’avais conclu que le gendarme Prihar avait menacé de tuer Mme J. K. et ses enfants et de se tuer, ou qu’il avait menacé de battre Mme J. K. à coups de pied, sa conduite aurait été déshonorante. Mais ce ne sont pas mes conclusions. J’ai conclu que le gendarme Prihar avait fait deux commentaires particuliers lors d’une situation familiale chargée émotionnellement qui entraînait des conséquences importantes pour lui sur le plan personnel. Les deux commentaires se prêtent à diverses interprétations. Ils visaient à exprimer ses inquiétudes aux parents de Mme J. K. et de les avoir de son côté pour l’aider à gérer sa situation familiale. Je ne conclus pas qu’il a fait ces commentaires dans l’intention de menacer ou pour toute autre raison inappropriée.

[144] Je ne conclus pas qu’une personne raisonnable, informée de tous les faits de cette affaire, y compris des réalités policières en général et de celles de la GRC en particulier, jugerait que la conduite du gendarme Prihar est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[145] En ce qui concerne la vidéo choquante envoyée à M. A. P. par le gendarme Prihar, je reconnais que la vidéo est très choquante et troublante. Le gendarme Prihar l’a volontiers reconnu.

[146] Le gendarme Prihar a affirmé lors de son témoignage que la vidéo lui avait été envoyée par quelqu’un d’autre et qu’il n’avait pas effectué de recherche pour la trouver dans le but de la partager.

[147] Le gendarme Prihar a envoyé la vidéo à M. A. P. sans y joindre de commentaire.

[148] Je m’interroge sérieusement au sujet du jugement du gendarme Prihar pour avoir envoyé cette vidéo à quiconque; toutefois, je constate que certains organismes très respectés comme les Mères contre l’alcool au volant (MADD), la Société protectrice des animaux (SPA) et d’autres organismes de bienfaisance utilisent souvent des images choquantes pour fortement attirer l’attention du public sur leurs diverses causes. Je cherche simplement à dire que des images choquantes peuvent être utilisées pour encourager le bien autant que le mal, parce qu’elles constituent une façon efficace d’engager des conservations à propos d’elles.

[149] Encore une fois, je m’interroge sérieusement au sujet du jugement du gendarme Prihar pour avoir envoyé cette vidéo à quiconque. Les membres de la GRC devraient sérieusement réfléchir avant d’obtenir et de distribuer du matériel offensant et choquant provenant de sources ouvertes au public qui pourraient entrer en conflit avec leurs fonctions.

[150] L’autorité disciplinaire n’a pas fourni de raison pour expliquer les actions du gendarme Prihar. Il s’agit de pure spéculation de la part de l’autorité disciplinaire que de dire que la vidéo a été envoyée dans le but de menacer Mme J. K. ou de faire la promotion de la violence envers les femmes, mais il est possible que ce soit le cas, puisque nous n’avons aucune preuve des raisons pour lesquelles le gendarme Prihar a envoyé la vidéo choquante au beau-frère de Mme J. K. Sa raison n’est pas claire. Le gendarme Prihar n’a pas expressément donné de raison et on ne lui a pas demandé de le faire. Afin d’être en mesure de conclure que sa conduite était déshonorante, je devrais imputer une raison aux actions du gendarme Prihar. En dépit du caractère choquant de la vidéo, dans l’absence d’une raison claire derrière son envoi, je ne peux pas conclure que la conduite du gendarme Pirhar est déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.

[151] Compte tenu de ces conclusions, je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas établi ce troisième élément du test pour prouver la conduite déshonorante selon la prépondérance des probabilités.

Liens suffisants entre le comportement du gendarme Prihar et ses tâches et fonctions afin que la Gendarmerie le discipline

[152] Je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas démontré que la conduite du gendarme Prihar était déshonorante ou susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Toutefois, je vais discuter brièvement du quatrième élément du test nécessaire pour prouver la conduite déshonorante dans l’éventualité où je me tromperais dans ma décision de ne pas conclure que sa conduite est déshonorante.

[153] Dans cet élément du test, l’autorité disciplinaire doit établir que la conduite du gendarme Prihar est suffisamment liée à ses tâches et à ses fonctions pour que la GRC ait un intérêt légitime à le discipliner.

[154] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont fondé leurs observations entièrement sur l’hypothèse que je conclurais que le gendarme Prihar avait menacé de tuer Mme J. K. et ses enfants et de se tuer lors de l’appel téléphonique aux parents de Mme J. K. Je n’ai pas tiré cette conclusion, donc leurs observations ne sont pas utiles.

[155] La représentante du membre visé a simplement déclaré que la GRC ne peut pas « fouiner » dans chaque situation maritale tendue d’un de ses membres parce que cela exposerait déraisonnablement ces derniers à des situations dans lesquelles des commentaires irréfléchis faits dans le feu d’une dispute mutuelle pourraient entraîner leur renvoi de la Gendarmerie. Le gendarme Prihar avait des raisons légitimes d’être en colère. Il y avait beaucoup en jeu pour lui. Le gendarme Prihar a téléphoné aux parents de Mme J. K. dans l’effort de régler la situation familiale dysfonctionnelle de manière pacifique.

[156] Je conclus que les commentaires fondés attribuables au gendarme Prihar n’étaient pas menaçants. Il a fait ces commentaires pour exprimer ses inquiétudes et pour convaincre les parents de Mme J. K. de l’aider à réparer ou, à tous le moins, à stabiliser la situation maritale. Il est devenu frustré lorsque les parents de Mme J. K. n’étaient pas « enclins » à participer à la solution pacifique. Ses paroles ont peut-être dépassé ses pensées, mais dans le contexte de la situation dans son ensemble, il a agi de la même façon qu’une personne raisonnable l’aurait fait. Je ne crois pas qu’une personne raisonnable qui se pencherait sur les actions du gendarme Prihar trouverait que ses capacités à exercer ses fonctions de policier seraient compromises dans les circonstances.

[157] En ce qui concerne la vidéo choquante que le gendarme Prihar a envoyée à M. A. P., je suis d’avis que si l’autorité disciplinaire avait démontré que le gendarme Prihar avait envoyé cette vidéo dans le but de menacer Mme J. K. ou de faire la promotion de la violence envers les femmes en général, son comportement aurait été suffisamment lié à ses fonctions pour fournir à la GRC un intérêt légitime à le discipliner. Comme je l’ai souligné à l’article 190 de Dhillon,[7] on attend d’un membre de la GRC qu’il joue un rôle important dans les efforts de la GRC à prévenir et à enquêter sur la violence conjugale, et non de contribuer au problème.

[158] Même si l’envoi d’une vidéo choquante comme celle envoyée par le gendarme Prihar à M. A. P. pourrait faire la promotion de la violence envers les femmes, il n’existe aucune preuve que c’est ce qui est arrivé dans ce cas. Encore une fois, dans l’absence d’une raison claire qui explique l’envoi de la vidéo, je ne peux pas conclure que le fait d’envoyer une vidéo disponible au grand public, mais choquante, sans autres éléments qui pourraient l’expliquer, est suffisamment lié aux tâches et aux fonctions du gendarme Prihar pour fournir à la GRC un intérêt légitime à le discipliner.

[159] Compte tenu de mes conclusions, je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas démontré ce quatrième élément du test pour prouver la conduite déshonorante selon la prépondérance des probabilités.

CONCLUSION

[160] Compte tenu de ce qui précède, je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas démontré l’ensemble des quatre éléments du test pour prouver la conduite déshonorante selon la prépondérance des probabilités. Par conséquent, je conclus que l’autorité disciplinaire n’a pas démontré l’allégation 3, la seule allégation restante dans cette affaire.

[161] La présente décision constitue ma décision écrite, telle que l’exige le paragraphe 45(3) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada. Le paragraphe 25(3) des Consigne du commissaire (déontologie) précise que la décision doit être signifiée aux parties. La décision peut faire l’objet d’un appel auprès du commissaire en déposant une déclaration d’appel dans les 14 jours suivant la signification de la décision (article 45.11 de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada; article 22 des Consignes du commissaire [griefs et appels], DORS/2014-289).

 

 

Le 18 décembre 2023

M. Kevin L. Harrison

Comité de déontologie

 

 

 



[1] La quatrième allégation contenue dans la lettre de mandat n’a pas été retenue dans l’avis d’audience disciplinaire.

[2] Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C — 46 [Code criminel].

[3] Consulter le « cartable Prihar, Avis d’audience disciplinaire (AAD) caviardé » à la page 638 de 748.

[4] Les représentants de l’autorité disciplinaire ont fourni la transcription de l’appel de service par courriel le 5 mai 2023. Il s’agit d’un document d’une page.

[5] Consulter le « cartable Prihar, AAD caviardé » à la page 638 de 748.

[6] Commandant, Division F c. gendarme Elek, 2021 DAD 13 [Elek].

[7] Commandant, Division E c. Sergent Dhillon, 2019 DARD 13 [Dhillon].

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