Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’intimée a fait l’objet de trois allégations de conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie aux termes de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L’intimée a déclaré des biens achetés d’une valeur de 600 $ CAN à l’aéroport au Canada à son retour d’un voyage à l’étranger. L’agente L.B. de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a examiné les reçus de l’intimée et a constaté que la valeur des biens achetés s’élevait à 2 279,05 $ CAN. L’intimée a fait plusieurs commentaires inappropriés à l’intention de l’agente L.B. au cours de leur interaction. Le lendemain matin, l’intimée a signalé l’événement à son superviseur de la GRC. Toutefois, elle n’a pas communiqué la valeur des biens qu’elle n’avait pas déclarés. L’intimée a plaidé coupable d’avoir fait de fausses déclarations en contravention à la Loi sur les douanes (L.R.C. [1985], ch. 1 [2e suppl.]) et a obtenu une absolution inconditionnelle.

L’intimée a contesté les trois allégations. Le Comité de déontologie a conclu que les allégations étaient fondées et a imposé une confiscation de la solde de 45 jours, ainsi que d’autres mesures disciplinaires comprenant l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans.

Dans le cadre de l’appel, l’appelant a demandé le congédiement de l’intimée et a avancé que le Comité de déontologie avait : accepté à tort les excuses de l’intimée et les lettres d’appui à titre de facteurs atténuants; sous-estimé le fardeau lié au maintien en poste de l’intimée à la GRC en raison de l’obligation de communication établie dans l’arrêt McNeil; omis de prendre en compte deux facteurs aggravants additionnels.

L’appel a été renvoyé au Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour examen. Celui-ci a statué que le Comité de déontologie n’avait pas commis d’erreur quant à la considération des facteurs atténuants et aggravants et n’avait pas rendu une décision manifestement déraisonnable.

L’arbitre a conclu que la décision du Comité de déontologie était étayée par le dossier et qu’elle n’était pas manifestement déraisonnable. En conclusion, l’appel est rejeté.

Contenu de la décision

Protégé A

No de dossier : 202233558 (C-082)

2023 DAD 15

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

DANS L’AFFAIRE D’UN

appel d’une décision d’un Comité de déontologie au titre du sous-paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. (1985), ch. R-10

ENTRE

Le Commandant de la Division C, autorité disciplinaire

Gendarmerie royale du Canada

(Appelant)

et

Gendarme Judith Nolin

Numéro de matricule 53349

Numéro SIGRH 000146316

(Intimée)

(les parties)

DÉCISION D’APPEL EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

Caroline Drolet, Arbitre

8 novembre 2023

 


TABLE DES MATIÈRES

SOMMAIRE 4

INTRODUCTION 5

CONTEXTE FACTUEL 6

Avis d’audience disciplinaire 8

Motions et demandes de divulgation 12

Réponse écrite de l’intimée à l’avis d’audience disciplinaire 12

PROCÉDURES D’AUDIENCE DISCIPLINAIRE 12

Étape des allégations 12

Étape des mesures disciplinaires 16

APPEL 20

Portée de l’appel 21

Considérations en appel 22

Analyse 23

Équité procédurale 23

Application en l’espèce 24

Erreur de droit 24

Application en l’espèce 24

Manifestement déraisonnable 25

Application en l’espèce 27

A. Était-il manifestement déraisonnable que le Comité de déontologie accepte le témoignage de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires, compte tenu de ses conclusions quant à la crédibilité de celle-ci? 27

i. Était-il manifestement déraisonnable que le Comité de déontologie accepte le témoignage de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires, compte tenu de ses conclusions quant à la crédibilité de celle-ci? 31

ii. La qualification par le Comité de déontologie de la divulgation de l’intimée au cap. S.P. comme étant opportune était-elle manifestement déraisonnable? 34

B. La prise en compte par le Comité de déontologie des excuses de l’intimée était-elle manifestement déraisonnable? 35

i. L’intimée a-t-elle présenté ses excuses à l’agente L.B. et à son superviseur? 37

ii. Les excuses tardives devraient-elles constituer un facteur aggravant? 38

iii. Les excuses tardives devraient-elles constituer un facteur atténuant? 40

C. Le traitement par le Comité de déontologie des lettres d’appui écrites pour l’intimée était-il manifestement déraisonnable? 41

D. L’évaluation par le Comité de déontologie des répercussions liées à l’arrêt McNeil est-elle manifestement déraisonnable? 43

i. L’appelant présente-t-il dans sa demande d’appel de nouveaux renseignements qu’il connaissait ou qu’il aurait pu raisonnablement connaître au moment où la décision a été rendue? 46

ii. Le nouvel élément de preuve présenté par l’intimée concernant les procédures guidant les divulgations relatives à l’arrêt McNeil est-il admissible en appel? 48

iii. L’évaluation par le Comité de déontologie des répercussions liées à l’arrêt McNeil est-elle manifestement déraisonnable? 50

E. Le Comité de déontologie a-t-il commis une erreur en omettant de considérer le racisme comme un facteur aggravant? 53

F. Le Comité de déontologie a-t-il commis une erreur en omettant de considérer la poursuite d’un gain personnel comme un facteur aggravant? 59

DÉCISION 64

DIRECTIVES 64

 

SOMMAIRE

L’intimée a fait l’objet de trois allégations de conduite déshonorante susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie aux termes de l’article 7.1 du Code de déontologie de la Gendarmerie royale du Canada (GRC). L’intimée a déclaré des biens achetés d’une valeur de 600 $ CAN à l’aéroport au Canada à son retour d’un voyage à l’étranger. L’agente L.B. de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a examiné les reçus de l’intimée et a constaté que la valeur des biens achetés s’élevait à 2 279,05 $ CAN. L’intimée a fait plusieurs commentaires inappropriés à l’intention de l’agente L.B. au cours de leur interaction. Le lendemain matin, l’intimée a signalé l’événement à son superviseur de la GRC. Toutefois, elle n’a pas communiqué la valeur des biens qu’elle n’avait pas déclarés. L’intimée a plaidé coupable d’avoir fait de fausses déclarations en contravention à la Loi sur les douanes (L.R.C. [1985], ch. 1 [2e suppl.]) et a obtenu une absolution inconditionnelle.

L’intimée a contesté les trois allégations. Le Comité de déontologie a conclu que les allégations étaient fondées et a imposé une confiscation de la solde de 45 jours, ainsi que d’autres mesures disciplinaires comprenant l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans.

Dans le cadre de l’appel, l’appelant a demandé le congédiement de l’intimée et a avancé que le Comité de déontologie avait : accepté à tort les excuses de l’intimée et les lettres d’appui à titre de facteurs atténuants; sous-estimé le fardeau lié au maintien en poste de l’intimée à la GRC en raison de l’obligation de communication établie dans l’arrêt McNeil; omis de prendre en compte deux facteurs aggravants additionnels.

L’appel a été renvoyé au Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour examen. Celui-ci a statué que le Comité de déontologie n’avait pas commis d’erreur quant à la considération des facteurs atténuants et aggravants et n’avait pas rendu une décision manifestement déraisonnable.

L’arbitre a conclu que la décision du Comité de déontologie était étayée par le dossier et qu’elle n’était pas manifestement déraisonnable. En conclusion, l’appel est rejeté.

INTRODUCTION

[1] L’appelant interjette appel des mesures disciplinaires imposées par le Comité de déontologie de la GRC puisque celui-ci a établi le bien-fondé des trois accusations portées contre l’intimée en contravention à l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC, une annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014) (DORS/2014-281). L’appelant souhaitait obtenir une décision menant au congédiement de l’intimée, mais le Comité de déontologie a plutôt imposé une confiscation de la solde de 45 jours, ainsi que d’autres mesures disciplinaires. L’appelant soutient que les mesures disciplinaires imposées sont manifestement déraisonnables et demande que l’on ordonne à l’intimée de démissionner dans les 14 jours suivants, sans quoi elle serait renvoyée.

[2] Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC], l’appel a été renvoyé devant le CEE de la GRC pour qu’il l’examine. Dans un rapport publié le 26 juillet 2023 (CEE C-2022-011 [C-082]) (le « rapport »), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé que l’appel soit rejeté.

[3] La commissaire a le pouvoir, en vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, de déléguer son pouvoir de rendre des décisions définitives et exécutoires dans le cadre des appels de mesures disciplinaires, et j’ai reçu une telle délégation.

[4] Pour rendre ma décision, j’ai tenu compte des documents présentés au Comité de déontologie (les « documents »), du dossier d’appel de 242 pages préparé par le Bureau de la coordination des griefs et des appels (BCGA) ainsi que du rapport, ci-après appelés collectivement le « dossier ». Je renvoie aux documents du dossier par le numéro de page du fichier électronique.

[5] Après avoir examiné le dossier, je suis convaincue que l’appelant a qualité pour interjeter appel, et que l’appel a été présenté dans les délais prescrits par l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels) (DORS/2014-289) [CC (griefs et appels)]. Ainsi, j’ai le pouvoir de me prononcer sur le présent appel.

[6] Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord avec le CEE et je conclus que l’appelant n’a pas réussi à établir, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du Comité de déontologie a été entachée par une atteinte aux principes relatifs à l’équité procédurale, que la décision est fondée sur une erreur de droit ou qu’elle est manifestement déraisonnable. Je rejette l’appel et confirme les mesures disciplinaires imposées par le Comité de déontologie.

CONTEXTE FACTUEL

[7] Le CEE a résumé ainsi le contexte factuel qui a mené à l’audience disciplinaire.[1]

[Traduction] [4] L’intimée s’est jointe à la GRC en 2006.[2] Le 24 septembre 2019, l’intimée revenait au Canada à un aéroport du territoire de la Division C après un voyage personnel en Floride. L’intimée détenait une carte NEXUS. La carte signifie que son détenteur est un « voyageur digne de confiance » qui peut passer par un poste de déclaration spécial à son retour au Canada pour déclarer les biens achetés à l’étranger.[3] Cependant, le 24 septembre 2019, l’intimée n’a pas pu utiliser un poste NEXUS à son arrivée au Canada, en raison de problèmes techniques.[4] Conséquemment, elle s’est rendue au comptoir de l’ASFC, où elle a déclaré à l’agent de l’ASFC Y.B. des biens achetés à l’étranger d’une valeur totale de 600,00 $ CA. L’agent Y.B. a renvoyé l’intimée à un examen secondaire où l’agente de l’ASFC L.B. (agente L.B.) a tenté d’obtenir plus de détails sur la déclaration de l’intimée.

[5] L’intimée a présenté quatre reçus à l’agente L.B. L’agente L.B. a déterminé, selon le taux de change applicable, que la valeur des biens représentés sur les quatre reçus s’élevait à 1 031,79 $ CA, ce qui dépassait le montant déclaré de 600,00 $ CA. Un examen approfondi des bagages de l’intimée a révélé trois autres reçus d’achats d’une valeur de 1 212,58 $ CA. L’intimée a expliqué à l’agente L.B. que ces reçus étaient pour des cadeaux qu’elle avait reçus, et qu’elle ne savait pas qu’elle devait les déclarer.[5] En fin de compte, la valeur totale des biens inscrits sur les reçus en la possession de l’intimée s’élevait à 2 279,05 $ CA, et non à 600,00 $ CA.

[6] Parce qu’elle avait omis de déclarer le montant total des biens achetés à l’étranger, l’intimée a fait l’objet d’une saisie, a payé une amende d’environ 700 $, et sa carte NEXUS a été saisie.[6]

[7] Selon l’agente L.B., l’intimée a fait plusieurs commentaires étranges et parfois inappropriés au cours de leur interaction, notamment :

· L’intimée a indiqué qu’elle travaillait « dans le domaine de la sécurité nationale pour le gouvernement » et que cela expliquait « pourquoi on l’envoyait à l’examen secondaire ».[7]

· L’intimée a dit qu’elle se sentait constamment harcelée par l’ASFC, [8]qu’elle faisait l’objet de discrimination en tant que femme blanche, et qu’il était bien connu que l’ASFC « ne nous aime pas ». Quand l’agente L.B. a demandé ce qu’elle voulait dire par « nous », l’intimée a répondu « la GRC ».[9]

· L’agente L.B. a expliqué qu’elle pensait que l’intimée comprendrait mieux le rôle de l’agente puisqu’elles travaillent toutes deux dans le domaine de la sécurité. L’intimée a répondu en suggérant à l’agente L.B. « de se concentrer sur les personnes plus susceptibles de faire exploser des avions » et que « certains groupes ethniques sont plus enclins à commettre des crimes ».[10]

· L’intimée a déclaré que le processus était « une vraie farce », surtout après tout ce qu’elle « avait fait pour ce pays ».[11]

· Après avoir attendu que l’agente L.B. remplisse les documents administratifs liés à la saisie, l’intimée a dit : « si je comprends bien, nous avons besoin de 10 minutes pour arrêter un terroriste, mais vous prenez deux heures pour faire une saisie? ». [12]

[8] Le lendemain, l’intimée est retournée au travail. Au début de son quart de travail, elle a raconté certains événements de la veille à son superviseur, le caporal (cap.) S.P. Elle a dit au cap. S.P. qu’elle avait été renvoyée à l’examen secondaire, que des reçus avaient été trouvés dans ses bagages, qu’elle avait payé une amende et que sa carte NEXUS avait été saisie. Le cap. S.P. avait compris qu’elle avait oublié de déclarer « 500 $ ou 600 $ de biens achetés ».[13]

[9] Par la suite, l’intimée a été accusée devant la cour provinciale d’une infraction au sous-paragraphe 153a) de la [Loi sur les douanes (L.R.C. (1985), ch. 1 (2e suppl.) (Loi sur les douanes)] pour avoir donné de fausses indications (procédures liées à la Loi sur les douanes). L’intimée a plaidé coupable à l’accusation et, sur le fondement d’une recommandation conjointe des parties, a obtenu une absolution inconditionnelle le 22 juillet 2021.[14]

2. Procédures disciplinaires

A. Enquête et avis d’audience du Comité de déontologie

[10] Une enquête relative au Code de déontologie concernant les événements du 24 et 25 septembre 2019 a été menée. Des déclarations de l’intimée et de témoins, y compris l’agente L.B. et le cap. S.P. ont été obtenues. Les documents pertinents liés aux événements ont également été obtenus, et un rapport d’enquête a été rédigé.[15]

Avis d’audience disciplinaire

[8] Le 5 juin 2020, le Comité de déontologie a été chargé de statuer sur l’affaire. Le 10 juin 2020, le commandant de la Division C a émis un avis d’audience disciplinaire fondé sur l’enquête et comprenant trois allégations selon lesquelles l’intimée avait enfreint le Code de déontologie. L’intimée a reçu l’avis, ainsi que le dossier d’enquête, le 15 juin 2020. Les allégations et leurs détails sont les suivants :

[Traduction] Allégation no 1 :

Le ou vers le 24 septembre 2019, à Dorval ou à proximité, dans la province de Québec, la gendarme Judith Nolin s’est conduite de façon déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Détails

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la GRC affectée à la Division C, au sein de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale, à Montréal, au Québec.

2. Vous étiez membre du programme NEXUS, un programme à participation volontaire qui est conçu pour accélérer le passage aux frontières canadiennes et américaines pour les voyageurs préautorisés à faible risque.

3. Au cours des 6 années précédant l’incident allégué, vous avez voyagé à l’étranger à au moins 46 reprises.

4. Au moment de l’incident allégué, vous reveniez au Canada via l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau après un voyage personnel de trois semaines en Floride. Vous aviez en votre possession des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ CA que vous aviez achetées aux États-Unis.

5. À votre arrivée à l’aéroport, comme vous n’avez pas pu utiliser le kiosque NEXUS, vous vous êtes présentée au comptoir de services spéciaux. Vous vous êtes rendue au point de contrôle principal où un agent de l’ASFC vous a posé des questions courantes, y compris la valeur en devise canadienne des marchandises achetées à l’étranger. Vous avez déclaré 600 $.

6. Votre carte de déclaration a été codée par l’agent de l’ASFC aux fins de renvoi sélectif. Vous vous êtes présentée au deuxième examen, où vous avez remis à l’agente de l’ASFC [L.B.] [quatre] reçus d’une valeur totalisant environ 1 031,79 $ CA. Pendant l’examen de votre bagage [enregistré], l’agente [L.B.] a trouvé [trois] autres reçus d’une valeur de près de 1 212,58 $ CA, que vous aviez omis de divulguer et de présenter au point de contrôle principal. Vous avez faussement déclaré que les biens étaient des cadeaux que vous aviez reçus.

7. Vous avez omis de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ CA et vous avez fait de fausses déclarations à [deux] agents de l’ASFC, en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes. Par conséquent, vous avez fait l’objet d’une saisie de niveau deux pour la non-déclaration de marchandises importées, vous avez payé une amende et votre carte NEXUS a été saisie.

8. Vos gestes étaient déshonorants.

Allégation no 2 :

Le ou vers le 24 septembre 2019, à Dorval ou à proximité, dans la province de Québec, vous vous êtes conduite de façon déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Détails

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la GRC affectée à la Division C, au sein de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale, à Montréal, au Québec.

2. Vous étiez membre du programme NEXUS, un programme à participation volontaire qui est conçu pour accélérer le passage aux frontières canadiennes et américaines pour les voyageurs préautorisés à faible risque.

3. Au cours des 6 années précédant l’incident allégué, vous avez voyagé à l’étranger à au moins 46 reprises.

4. Au moment de l’incident allégué, vous reveniez au Canada via l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau après un voyage personnel de trois semaines en Floride. Vous aviez en votre possession des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ CA que vous aviez achetées aux États-Unis.

5. À votre arrivée à l’aéroport, comme vous n’avez pas pu utiliser le kiosque NEXUS, vous vous êtes présentée au comptoir de services spéciaux. Vous vous êtes rendue au point de contrôle principal où un agent de l’ASFC vous a posé des questions courantes, y compris la valeur en devise canadienne des marchandises achetées à l’étranger. Vous avez déclaré 600 $.

6. Votre déclaration a été codée par l’agent de l’ASFC pour un renvoi sélectif.

7. Vous vous êtes ensuite présentée pour le deuxième examen et avez immédiatement dit à l’agente de l’ASFC [L.B.] que vous travailliez au gouvernement dans le domaine de la sécurité nationale et que vous saviez pourquoi vous étiez là. L’agente [L.B.] vous a informé que votre profession n’était pas pertinente parce que toute personne qui entre au Canada fait l’objet d’un contrôle. Vous avez continué de mentionner votre profession pendant l’examen.

8. Vous avez dit à l’agente [L.B.] qu’« ils » n’aimaient pas la GRC, raison pour laquelle vous étiez constamment ciblée et harcelée, et qu’il s’agissait de discrimination envers les Blanches. L’agente [L.B.] a fait une recherche dans votre « historique des passages frontaliers » et a confirmé qu’il s’agissait de votre premier renvoi pour deuxième examen.

9. Vous avez également fait plusieurs commentaires inappropriés à l’agente [L. B.], par exemple :

ne pensent-ils pas qu’ils devraient consacrer plus de temps à des personnes susceptibles de faire exploser des avions; certains groupes sont simplement plus enclins à commettre des crimes; c’est un fait connu que l’ASFC n’aime pas la GRC; j’arrête des gens dans le cadre de mes fonctions, donc il est possible que j’aie des traces de drogue sur moi; pourquoi n’exercez-vous pas votre pouvoir discrétionnaire; pourquoi leur a-t-il fallu autant de temps pour remplir les formalités administratives, alors qu’il leur faut 10 minutes pour arrêter un terroriste; c’est comme ça que ce pays me remercie après tout ce que j’ai fait; c’est une vraie farce.

10. Dans l’ensemble, vos commentaires et votre comportement étaient inacceptables envers l’agente [L. B.], une employée d’un organisme partenaire, et lui ont donné l’impression que vous essayiez de l’intimider.

11. Vos gestes étaient déshonorants.

Allégation no 3 :

Le ou vers le 25 septembre 2019, à Montréal ou à proximité, dans la province de Québec, vous vous êtes conduite de façon déshonorante, en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC.

Détails

1. Pendant toutes les périodes pertinentes, vous étiez membre de la GRC affectée à la Division C, au sein de l’Équipe intégrée de la sécurité nationale, à Montréal, au Québec.

2. Le 24 septembre 2019, en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes, vous avez omis de déclarer des marchandises d’une valeur supérieure à 800 $ CA et vous avez fait de fausses déclarations aux agents de l’ASFC. Par conséquent, vous avez fait l’objet d’une saisie de niveau deux pour la non-déclaration de marchandises importées, vous avez payé une amende et votre carte NEXUS a été saisie.

3. Le 25 septembre 2019, vous êtes revenue au travail après des vacances.

4. Vous avez parlé à votre superviseur, le [cap. S.P.], et vous l’avez informé qu’au cours des jours précédents, à votre retour de voyage au Canada, vous aviez fait l’objet d’un deuxième examen par une agente de l’ASFC. Vous avez expliqué au [cap. S.P.] que vous aviez omis de déclarer des articles que vous aviez achetés et utilisés lors de votre voyage, dont la valeur s’élevait à environ 600 $. Vous lui avez également dit que votre carte NEXUS avait été saisie.

5. Vous avez fourni des renseignements trompeurs à votre superviseur concernant votre deuxième examen et les détails de votre contravention à l’article 12 de la Loi sur les douanes.

6. Vos gestes étaient déshonorants.

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

Motions et demandes de divulgation

[9] L’intimée a présenté plusieurs motions et demandes de divulgation. Le Comité de déontologie a répondu aux demandes de façon appropriée et lesdites demandes ne sont pas soulevées dans le présent appel.

Réponse écrite de l’intimée à l’avis d’audience disciplinaire

[10] Le 6 avril 2021, l’intimée a fourni sa réponse écrite à l’avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014- 291 [CC (déontologie)], dans laquelle elle a nié les trois allégations.[16]

PROCÉDURES D’AUDIENCE DISCIPLINAIRE

Étape des allégations

[11] Le CEE a résumé comme suit l’étape des allégations des procédures de l’audience disciplinaire.[17]

[Traduction] a) Étape des allégations

[14] Le Comité [de déontologie] a entendu la déposition de trois témoins au cours de l’étape des allégations : L’agente L.B., le cap. S.P. et l’intimée.

Agente L.B.

[15] L’agente L.B. a décrit, comme indiqué dans le résumé des faits ci-dessus, comment l’intimée a omis de déclarer le montant total des reçus trouvés en sa possession lors de l’examen secondaire.[18] L’agente L.B. a répété l’explication de l’intimée selon laquelle elle avait oublié certains reçus puisqu’ils étaient pour des cadeaux qu’elle avait reçus; elle a dit à l’intimée qu’elle ne la croyait pas en raison de son statut de membre du programme NEXUS et de son historique de voyages fréquents.[19] L’agente L.B. a trouvé que l’intimée était « sur la défensive » dès le départ et qu’elle était contrariée de faire l’objet d’un examen secondaire. [20]Elle a aussi décrit les commentaires que l’intimée a faits lors de leur interaction. Notamment, l’intimée a déclaré qu’elle « savait pourquoi elle était là », suivi de « c’est parce que je travaille pour le gouvernement »[21], et d’autres références voulant que l’ASFC discrimine les femmes blanches et ne « nous » aime pas, « nous » étant la GRC.[22]

[16] L’agente L.B. a aussi mentionné d’autres commentaires de l’intimée, y compris des remarques sur le fait que les agents devraient passer plus de temps à examiner les personnes « susceptibles de faire exploser des avions », et que « certains groupes ethniques sont plus enclins à commettre des crimes. » L’agente L.B. a été déconcertée par les commentaires et par le fait que l’intimée regardait son insigne nominatif quand elle parlait; elle a expliqué l’incidence que de tels commentaires avaient sur elle, Arabe musulmane vivant dans le « monde postérieur au 11 septembre ».[23] L’agente L.B. a également mentionné que l’intimée avait commenté qu’il « nous faut 10 minutes pour arrêter un terroriste, mais qu’il vous faut deux heures pour effectuer une saisie », après avoir attendu que l’agente L.B. remplisse les documents administratifs requis. L’intimée a aussi exprimé que la procédure était « une vraie farce » après qu’on l’eut informée de la saisie de sa carte NEXUS.[24] En bref, l’agente L.B. a décrit l’intimée comme « très impolie » et agressive.[25] Lors du contre-interrogatoire, l’agente L.B. a admis qu’au cours de leur interaction, l’intimée était « parfois plus déplaisante », surtout après qu’on lui eut dit qu’elle ferait l’objet d’une saisie.[26]

[17] L’agente L.B. a signalé l’incident à son surintendant en précisant ce qui s’était passé et les commentaires faits. Ils ont discuté du niveau de saisie requis selon les circonstances et se sont demandé s’ils devraient signaler l’incident à la GRC.[27]

Intimée

[18] L’intimée a expliqué l’écart entre le montant de 600 $ CA déclaré et la valeur de 700 $ CA représentée sur les reçus en sa possession fournis à l’agente L.B. Certains biens étaient demeurés en Floride ou avaient été remboursés. Elle a ajouté qu’elle avait oublié les objets liés aux trois reçus trouvés dans sa valise. L’intimée a déclaré qu’elle avait dû réarranger ses bagages à l’aéroport en Floride puisque son bagage enregistré était trop lourd. Par conséquent, elle n’avait pas tous ses reçus avec elle. Elle a expliqué qu’elle croyait à tort, à son arrivée, que l’un des objets était un cadeau. L’intimée a affirmé qu’elle ne tentait pas de « cacher quoi que ce soit pour éviter de payer des taxes ou des droits. »[28]

[19] L’intimée a dit qu’elle était extrêmement contrariée le jour de son interaction avec l’agente L.B., notamment car elle avait déjà fait l’objet d’une fouille avant l’embarquement de son vol, en Floride. Elle trouvait étrange qu’elle fasse l’objet d’un autre « renvoi sélectif » la même journée. Bien qu’elle ait admis qu’elle avait fait certains commentaires inappropriés à l’agente L.B., expliquant qu’elle tentait d’alléger la situation, elle a nié avoir mentionné son poste au gouvernement dans le but d’intimider l’agente L.B. Elle essayait plutôt de désamorcer la situation, qu’elle trouvait tendue, et de faire comprendre à l’agente L.B. qu’elle n’avait pas besoin d’être « vigilante ».[29]

[20] L’intimée a témoigné qu’elle est retournée au travail le 25 septembre 2019, vers [7 h]. À ce moment, elle a informé le cap. S.P. que le jour précédent, elle « n’avait pas déclaré » certaines choses, qu’elle avait payé une amende et qu’elle avait perdu sa carte NEXUS. Elle a dit au cap. S.P. qu’elle avait oublié de déclarer des biens.[30]

[21] Lors du contre-interrogatoire, le [représentant de l’autorité disciplinaire (RAD)] a souligné que l’intimée n’avait pas mentionné, dans sa déclaration à l’enquêteur ou dans sa réponse écrite à l’avis, que certains articles étaient restés en Floride ou qu’elle avait remboursé certains des articles liés à ses reçus. Le RAD a aussi remis en question l’explication de l’intimée selon laquelle elle aurait déclaré le montant de 600 $ en dollars américains plutôt qu’en espèces canadiennes. Le RAD a remis en cause la déclaration de l’intimée selon laquelle elle avait oublié les trois reçus qui se trouvaient dans sa valise en mentionnant que, dans sa déclaration à l’enquêteur, elle avait plutôt affirmé qu’elle s’était rendu compte au cours du vol que ses reçus pourraient poser problème.[31]

[22] Quand le RAD a demandé à l’intimée si l’agente L.B. aurait pu se sentir intimidée par son comportement, l’intimée a déclaré qu’elle « ne pouvait pas savoir comment elle se sentait ».[32] Lorsque le RAD a mentionné que l’intimée faisait de nombreuses allusions à sa profession, celle-ci a répondu que l’agente L.B. lui avait demandé à quelques reprises où elle travaillait. [33]L’intimée a également admis au RAD qu’elle ne se rappelait pas si elle avait mentionné le montant exact de biens achetés non déclarés lorsqu’elle avait signalé l’incident au cap. S.P.[34]

(Cap.) S.P.

[23] Le cap. S.P. a raconté la conversation qu’il a eue avec l’intimée le matin du 25 septembre 2019. L’intimée avait expliqué qu’elle avait fait l’objet d’un examen secondaire de l’ASFC, que des reçus avaient été trouvés dans ses bagages, qu’elle avait payé une amende et que sa carte NEXUS avait été saisie. Le cap. S.P. a dit que l’intimée avait indiqué qu’elle avait oublié certains objets achetés et utilisés au cours de son voyage. Il avait compris qu’elle avait « oublié de déclarer 500 $ ou 600 $ de biens achetés ».[35] Il a aussi témoigné que l’intimée lui avait dit qu’elle avait mentionné à une agente de l’ASFC qu’elle faisait sûrement l’objet d’une fouille parce qu’elle est une femme blanche.[36]

[12] Le 1er décembre 2021, le Comité de déontologie a rendu sa décision de vive voix sur les mesures disciplinaires. Le bien-fondé des trois allégations a été établi, et une décision de vive voix sur les mesures disciplinaires a été rendue le 3 décembre 2021. Le Comité de déontologie a rendu sa décision écrite le 19 janvier 2022.

[13] Le CEE a ensuite résumé la décision écrite du Comité de déontologie.[37]

[Traduction] [25] Dans sa décision écrite, le Comité [de déontologie] a conclu que l’agente L.B. était un témoin crédible. Toutefois, le Comité [de déontologie] a exprimé des préoccupations quant à la crédibilité de l’intimée, puisque ses explications concernant l’omission de déclarer tous ses achats contenaient des incohérences. Ces incohérences jettent un doute sur la crédibilité de l’intimée et sur la fiabilité de l’ensemble de la preuve qu’elle a fourni. Le Comité [de déontologie] a également constaté que les réponses de l’intimée étaient parfois évasives.[38]

[26] En ce qui concerne la première allégation, le Comité [de déontologie] a conclu que l’intimée avait faussement déclaré que les objets liés aux trois reçus trouvés dans ses bagages étaient des cadeaux. Le Comité [de déontologie] a également conclu que l’intimée avait omis de déclarer le montant total des biens achetés à l’étranger qui se trouvaient en sa possession. Le Comité [de déontologie] a ensuite appliqué le critère de la conduite déshonorante en soulignant dès le départ que le RAD n’avait pas à prouver que l’intimée avait l’intention de mentir ou de faire de fausses déclarations. Selon le Comité [de déontologie], une personne raisonnable serait outrée d’apprendre que l’intimée, une agente de police, avait omis de déclarer des biens d’une valeur de 1 600,00 $ CAN et avait fait de fausses déclarations à deux agents de l’ASFC.[39]

[27] Le Comité [de déontologie] a expliqué que le bien-fondé de l’allégation no 2 avait également été établi. Le Comité a conclu qu’il était probable que l’intimée ait mentionné à plusieurs reprises sa profession dans le domaine de la sécurité nationale au cours de son interaction avec l’agente L.B. Le Comité [de déontologie] a aussi accepté que l’intimée avait mentionné que l’ASFC n’aimait pas la GRC et qu’elle croyait que les femmes blanches faisaient l’objet de harcèlement et de discrimination. Le Comité [de déontologie] a également admis que l’intimée avait fait les autres commentaires mentionnés dans l’allégation no 2, y compris à propos de personnes et de groupes susceptibles de « faire exploser des avions » et de commettre des crimes, et a souligné l’incidence directe que ses commentaires ont eue sur l’agente L.B. Le Comité [de déontologie] a conclu qu’une personne raisonnable percevrait les commentaires et le comportement de l’intimée comme susceptibles de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.[40]

[28] Le Comité [de déontologie] a conclu que le bien-fondé de la troisième allégation avait été établi. Le Comité a souligné qu’il n’était pas nécessaire de prouver que l’intimée avait l’intention de faire de fausses déclarations au cap. S.P. Le Comité [de déontologie] a également noté que l’intimée avait admis dans son témoignage qu’elle n’avait pas fourni une explication complète de la gravité générale de l’incident au cap. S.P. Le Comité a mentionné que le cap. S.P. aurait pu percevoir l’incident différemment s’il avait été au courant de « tous les détails ». Selon le Comité [de déontologie], une personne raisonnable conclurait que le manque de transparence de l’intimée lors du signalement de l’incident à son superviseur serait susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie.[41]

Étape des mesures disciplinaires

[14] Après avoir établi le bien-fondé des allégations, le Comité de déontologie a entendu la preuve et les observations relatives aux mesures disciplinaires. En fin de compte, le Comité a décidé de ne pas congédier l’intimée.[42]

[Traduction] c) Étape des mesures disciplinaires

Éléments de preuve

[29] Le conseil de l’intimée a déposé un certain nombre d’éléments de preuve à l’examen du Comité [de déontologie] pour la détermination de mesures disciplinaires appropriées : i) rapports médicaux; ii) lettres d’appui de collègues; iii) mentions élogieuses portant sur le travail de l’intimée dans le cadre d’un projet spécial de la Division E; iv) évaluations du rendement de l’intimée; v) lettre écrite par l’intimée dans le cadre de la procédure visée par la Loi sur les douanes.

[30] L’intimée a témoigné devant le Comité [de déontologie] pour exprimer qu’elle « assumait la responsabilité » de ses actes et présenter ses excuses pour son comportement du 24 septembre 2019. L’intimée a mentionné souffrir d’une maladie chronique persistante depuis un accident de voiture en 2013 et qu’elle éprouve de la difficulté à obtenir des soins à la Division C, ce qui lui cause de l’anxiété. Elle a ajouté que ses circonstances « n’excusent pas son comportement à la frontière ce jour-là ». L’intimée a affirmé qu’elle est fière de son travail à la GRC et qu’elle était très émotive parce qu’elle a travaillé fort pour arriver où elle est. Elle a expliqué qu’elle conserve maintenant tous ses reçus, même pour de petits achats. Elle a dit qu’elle était fâchée d’avoir eu une mauvaise journée et d’avoir agi d’une façon qui ne lui ressemble pas; qu’il s’agissait d’une « erreur qui ne se reproduira jamais ».[43]

[31] L’intimée a été contre-interrogée. Le RAD a souligné que l’intimée aurait pu s’excuser et admettre la gravité de ses actes plus tôt dans les procédures. L’intimée a admis que cela était vrai, mais elle a ajouté qu’elle « suivait les conseils du syndicat et des services juridiques ». L’intimée a admis que ses actes avaient pu affecter le travail de l’agente L.B.[44]

Observations

[32] Parmi les observations présentées quant aux mesures disciplinaires appropriées, le RAD souhaitait forcer l’intimée à démissionner, car, selon lui, les conclusions du Comité [de déontologie] concernaient l’intégrité de l’intimée et démontraient un manquement fondamental aux obligations de l’intimée à titre d’agente de police. La RAD a admis que le bon rendement de l’intimée, l’absence de mesures disciplinaires antérieures et, dans une moindre mesure, les lettres d’appui écrites pour l’intimée constituaient des facteurs atténuants. Cependant, selon le RAD, ceux-ci étaient insuffisants pour compenser la gravité de la conduite déshonorante.[45] Le RAD a avancé que l’intimée savait que sa valise contenait d’autres reçus, et qu’elle a du moins été négligente dans la présentation de sa déclaration.[46] Le RAD a souligné les facteurs aggravants, comme la gravité des allégations, les témoignages trompeurs de l’intimée, l’implication d’une organisation partenaire et l’incidence sur l’agente L.B. Le RAD a aussi mentionné que, dans son témoignage à l’enquêteur, l’intimée avait présenté l’incident comme un désagrément au lieu de reconnaître sa responsabilité à l’égard des événements.[47]

[33] Le RAD a également souligné que l’intimée avait contesté l’ensemble des allégations sans assumer la responsabilité de ses actes, et que ses excuses tardives ne constituaient qu’une reconnaissance limitée de sa mauvaise conduite qui « arrive trop tard ».[48] Le RAD a également exprimé que l’intimée deviendrait un lourd fardeau pour la Gendarmerie en raison de l’obligation de divulguer son inconduite conformément à des exigences prévues par l’arrêt McNeil [49] de la Cour suprême du Canada (CSC). [50]

[34] Le conseil de l’intimée a indiqué que de telles circonstances ne justifiaient pas un congédiement. Il a abordé l’argument du RAD selon lequel l’intimée n’a admis sa responsabilité que plus tard en expliquant que les allégations avaient été contestées selon la perspective que l’intention devait être prouvée dans le contexte de l’article 7.1 du Code de déontologie.[51] Il a souligné que, dans sa lettre écrite dans le cadre de la procédure liée à la Loi sur les douanes, l’intimée avait présenté des excuses, même si « elle croyait que la poursuite n’avait pas à prouver l’intention ».[52]

[35] Le conseil de l’intimée a précisé ce qu’il perçoit comme des facteurs atténuants applicables, y compris les lettres d’appui écrites pour l’intimée, son « excellent dossier de rendement », l’absence de mesures disciplinaires antérieures et le fait que l’incident soit, selon lui, isolé. Tous ces éléments démontraient un « excellent potentiel de réadaptation ».[53] L’intimée a également abordé les renseignements médicaux présentés au Comité [de déontologie] qui décrivent les traitements contre la douleur qu’elle reçoit en raison d’un accident de voiture qui a eu lieu dans le cadre de son travail en 2013. Le conseil de l’intimée a suggéré que les effets secondaires sur le plan cognitif de ces traitements peuvent partiellement expliquer le comportement qu’a eu l’intimée le 24 septembre 2019.[54] Il a demandé à obtenir une confiscation de la solde de 60 jours, une réprimande et une directive exigeant à l’intimée d’écrire des lettres d’excuses à l’ASFC, à l’agente L.B. et à ses superviseurs de la GRC.[55]

d) Mesures disciplinaires imposées par le Comité [de déontologie]

[36] Dans sa décision de vive voix, le Comité [de déontologie] a imposé les mesures disciplinaires suivantes : une confiscation de la solde de 45 jours, l’inadmissibilité à toute promotion pour une période de trois ans, la directive de travailler sous surveillance étroite et la directive d’écrire des lettres d’excuses à l’agente L.B. et au cap. S.P.

[37] Dans les motifs écrits expliquant la décision, le Comité [de déontologie] a établi plusieurs facteurs aggravants. Premièrement, l’incident impliquait des agents d’une organisation partenaire : l’ASFC. Deuxièmement, l’agente L.B. a été affectée négativement par son interaction avec l’intimée. L’incident était suffisamment important pour que l’agente L.B. ressente le besoin de signaler le comportement et les commentaires de l’intimée à son superviseur. Troisièmement, l’inconduite contrevenait à une loi fédérale, la Loi sur les douanes, et, quatrièmement, elle mettait en cause un manque d’honnêteté, d’intégrité et de professionnalisme, des manquements fondamentaux aux obligations de l’intimée en tant que membre de la GRC. Cinquièmement, l’intimée devrait maintenant se soumettre aux exigences relatives à l’arrêt McNeil, ce qui crée un fardeau important, mais non intenable, pour la Gendarmerie.[56] Le Comité [de déontologie] a expliqué qu’il ne considérait pas les excuses tardives de l’intimée comme un facteur aggravant, puisque son conseil avait présenté une explication plausible quant à la contestation totale des allégations devant le Comité.[57]

[38] Le Comité [de déontologie] a également établi des facteurs atténuants. Premièrement, à l’audience, l’intimée a présenté des excuses et a montré qu’elle comprenait la gravité de ses actes. Deuxièmement, l’intimée compte 15 ans de service productif au sein de la GRC. « Ses évaluations du rendement sont très favorables » et la décrivent comme une membre dévouée, qui est toujours prête à aider sur demande. Elle manifeste une attitude positive au travail, elle est enthousiaste et motivée. Troisièmement, l’intimée n’a aucun antécédent disciplinaire ou casier judiciaire. Quatrièmement, les lettres d’appui écrites pour l’intimée soulignaient son attitude positive et son travail minutieux, malgré les blessures subies lors de son accident de voiture. Le Comité [de déontologie] n’a pas pris en compte les documents médicaux soumis par l’intimée, puisqu’il n’y avait pas de causalité claire entre les traitements reçus et les allégations.[58]

[39] Le Comité [de déontologie] s’est penché sur le potentiel de réadaptation de l’intimée. Bien qu’on reconnaisse que les efforts de l’ASFC ont été minés, l’intimée n’avait jeté aucun reçu se rapportant aux marchandises non déclarées. Les reçus n’étaient pas cachés non plus dans ses bagages, mais placés sur les articles en question. L’agente L.B. a également admis que son interaction avec l’intimée n’avait pas été « tout à fait désagréable ». Le Comité [de déontologie] a également souligné que l’intimée avait rapidement informé le cap. S.P. de l’incident, et les évaluations de rendement et les lettres d’appui ont permis au comité [de déontologie] de conclure qu’il n’y avait aucune raison de croire qu’un tel incident se reproduirait.[59]

[40] Le Comité [de déontologie] a remarqué que l’intimée avait pris des mesures pour éviter que cela ne se reproduise. Même si l’intimée a d’abord adopté une attitude cavalière concernant le défaut de déclarer la valeur exacte de ses biens, le Comité [de déontologie] était convaincu qu’elle « comprenait maintenant pleinement la gravité de ses actes à titre d’agente de police ». Compte tenu des 15 années « de bon rendement » de l’intimée, le Comité [de déontologie] a perçu l’inconduite comme une unique grave erreur de jugement, et était convaincu qu’elle avait tiré une leçon positive de la situation. La faible probabilité de récidivisme et le potentiel de réadaptation soutenaient l’imposition de mesures disciplinaires graves n’allant pas jusqu’au congédiement.[60]

APPEL

[15] L’appelant a déposé sa déclaration d’appel le 3 février 2022, affirmant que la décision du Comité de déontologie était fondée sur une erreur de droit et qu’elle était manifestement déraisonnable. Plus précisément, l’appelant a indiqué que le Comité de déontologie avait interprété ou appliqué incorrectement les implications découlant de l’arrêt McNeil et s’est réservé le droit d’ajouter de nouveaux motifs d’appel après divulgation adéquate. En guise de réparation, l’appelant demande le congédiement de l’intimée.

[16] Dans ses observations du 27 avril 2022, l’appelant a soulevé les six motifs d’appel suivants, ainsi résumés par le CEE : [61]

[Traduction]

  1. s’il était manifestement déraisonnable que le Comité [de déontologie] accepte le témoignage de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires compte tenu de ses conclusions quant à la crédibilité;

  2. s’il était manifestement déraisonnable que le Comité [de déontologie] tienne compte des excuses de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires;

  3. s’il était manifestement déraisonnable que le Comité [de déontologie] tienne compte des lettres d’appui écrites pour l’intimée comme des circonstances atténuantes;

  4. si l’évaluation des répercussions relatives à l’arrêt McNeil du Comité [de déontologie] était manifestement déraisonnable;

  5. si le Comité [de déontologie] a commis une erreur en omettant de tenir compte des commentaires racistes de l’intimée comme un facteur aggravant; et

  6. si le Comité [de déontologie] a commis une erreur en omettant de tenir compte de la poursuite d’un gain personnel par l’intimée comme un facteur aggravant.

Portée de l’appel

[17] L’intimée avance que plusieurs des motifs d’appel présentés ne devraient pas être pris en compte en raison de la façon dont ils ont été soulevés. Elle soutient que les motifs additionnels ne devraient pas être pris en compte puisque seul un des six motifs présentés dans l’appel a été soulevé dans la déclaration d’appel.[62]

[18] Je suis d’accord avec le CEE que le but de la déclaration d’appel est de déposer l’appel[63] et d’établir de façon concise les « motifs d’appel ». [64]Ainsi, une déclaration d’appel définit la portée de l’appel, établit les paramètres du débat et donne au commissaire (ou à son délégué) le pouvoir d’agir dans l’affaire.

[19] Dans sa déclaration d’appel (et dans l’explication subséquente), l’appelant a défini la portée de son appel quant aux mesures disciplinaires imposées par le Comité de déontologie et a établi les paramètres du débat, c’est-à-dire si la décision était fondée sur une erreur de droit et si elle était manifestement déraisonnable. Puisque le critère du « manifestement déraisonnable » est une norme de contrôle (et non un motif d’examen)[65], il est évident que la portée de l’appel définie par l’appelant comprenait l’examen de toute autre erreur de la décision du Comité de déontologie dans le cadre de cette norme (erreurs de fait ou de fait et de droit).

[20] Bien que l’appelant n’ait soulevé qu’un motif dans sa déclaration d’appel quant aux implications de l’arrêt McNeil, je conclus que ses motifs additionnels présentés à l’étape de la présentation sont compris dans la portée de l’appel et qu’ils portent tous sur des erreurs potentiellement commises par le Comité de déontologie en ce qui concerne l’imposition de mesures disciplinaires n’allant pas jusqu’au congédiement.

[21] De plus, il serait injuste sur le plan procédural d’exiger qu’un appelant présente tous ses motifs à l’étape de la présentation du processus d’appel, avant d’avoir reçu tous les documents pertinents. Pour ces raisons, je tiendrai compte de tous les motifs soulevés par l’appelant.

Considérations en appel

[22] Le rôle de l’arbitre dans l’examen de l’appel d’une décision d’un comité de déontologie est régi par le paragraphe 33(1) des CC (Griefs et appels) :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[23] La politique définie à l’article 5.6.2 du chapitre II.3 « Griefs et appels » (version du 9 juillet 2015) du Manuel d’administration indique que l’arbitre doit tenir compte des documents suivants dans son processus décisionnel :

5.6.2 L’arbitre étudie le formulaire relatif à l’appel; la décision écrite faisant l’objet de l’appel; les documents sur lesquels se fonde la décision, qui auront été fournis par la personne qui a pris la décision; les argumentations; toute autre information soumise par les parties; dans le cas où l’appel a été renvoyé au [CEE], le rapport du [CEE] concernant l’appel.

Analyse

Équité procédurale

[24] Le processus disciplinaire comprenant une audience disciplinaire, tel que décrit dans la Loi sur la GRC, les CC (Déontologie) et le chapitre XII.1 « Déontologie » du Manuel d’administration (version du 28 novembre 2019), permet d’offrir un degré plus élevé d’équité procédurale. Par exemple, le paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC mentionne que la décision du comité de déontologie est consignée par écrit; elle comprend notamment l’exposé de ses conclusions sur les questions de fait essentielles à la décision, les motifs de la décision et l’énoncé, le cas échéant, de la mesure disciplinaire imposée en vertu du paragraphe 45(4).

[25] Dans le même ordre d’idée, le régime d’appel en matière de déontologie énoncé dans la Loi sur la GRC et les CC (Griefs et appels) fournit un degré élevé d’équité procédurale.[66] L’équité procédurale est expliquée dans l’article 1.4 du Guide national – Procédures d’appel et consiste en :

le droit de se faire entendre;

le droit à une décision rendue par un arbitre impartial;

le droit à une décision de la personne saisie du grief;

le droit de connaître les motifs de la décision.

[26] Il n’y a pas lieu de faire preuve de retenue dans le contrôle des questions d’équité procédurale. puisque, ultimement, je dois m’assurer que le processus était juste, compte tenu de toutes les circonstances.[67] Si ce n’est pas le cas, la décision est annulée, sauf dans de rares cas où on conclut que le résultat est inévitable, même si l’erreur est corrigée.[68]

Application en l’espèce

[27] L’appelant ne soulève pas de questions concernant l’équité procédurale au cours des processus disciplinaires ou d’appel. Tout enjeu en matière d’équité procédurale soulevé par l’intimée quant aux motifs d’appel de l’appelant sera abordé plus tard dans ma décision. Conséquemment, il n’y a pas de question d’équité procédurale en suspens et je conclus que la décision du Comité de déontologie n’a pas enfreint les principes d’équité procédurale.

Erreur de droit

[28] Une erreur de droit s’entend généralement de l’application d’une exigence juridique incorrecte ou l’omission de tenir compte d’un élément essentiel d’un critère juridique.[69] Pour la prouver, il faut démontrer que le décideur s’est fié à une loi ou à une norme juridique incorrecte lors de la prise de décision.

Application en l’espèce

[29] Bien que l’appelant ait indiqué dans sa déclaration d’appel qu’il juge que la décision se fonde sur une erreur de droit, il n’a pas soulevé cette question comme un motif d’appel dans ses observations. L’appelant a plutôt présenté des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit. En conséquence, je conclus que la décision du Comité de déontologie n’était pas fondée sur une erreur de droit. Ainsi, j’examinerai les six motifs de l’appelant selon la norme du « manifestement déraisonnable ».

Manifestement déraisonnable

[30] Le paragraphe 33(1) des CC (Griefs et appels) exige que le commissaire examine les allégations d’erreurs de fait ou de fait et de droit en examinant si la décision en appel était « manifestement déraisonnable ». L’expression « manifestement déraisonnable » est équivalente à la norme du caractère manifestement déraisonnable de la common law.[70] Il faut donc faire preuve d’une grande retenue à l’égard de la décision du Comité de déontologie en ce qui concerne l’application de la norme du manifestement déraisonnable.[71]

[31] En somme, une décision est manifestement déraisonnable si « le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal », en d’autres mots, si « l’on ne peut contester », qu’il est « tout à fait évident » qu’elle est incorrecte.[72] La décision manifestement déraisonnable doit être « clairement irrationnelle », « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir ».[73] Dans le contexte de la norme du manifestement déraisonnable, il ne suffit pas de démontrer que les raisons fournies sont insuffisantes.[74] L’appelant doit non seulement montrer que le Comité de déontologie a commis une erreur, mais également que cela a mené à une décision qui n’aurait pas été prise sans cette erreur.

[32] De plus, lorsqu’il faut tenir compte de la norme du manifestement déraisonnable dans le contexte de mesures disciplinaires, le paragraphe 36.2e) de la Loi sur la GRC mentionne que l’un des objectifs du régime de déontologie est de prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives. Selon le paragraphe 24(2) des CC (Déontologie), le comité de déontologie impose des mesures disciplinaires proportionnées à la nature et aux circonstances de la contravention au Code de déontologie.

[33] La CSC détaille également la retenue requise dans le contexte de l’examen de mesures disciplinaires : [75]

[43] [...]Je reconnais que la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant peut justifier l’intervention d’une cour d’appel, et lui permettre d’évaluer la justesse de la peine et d’y substituer la peine qu’elle estime appropriée. Cependant, je suis d’avis que ce ne sont pas toutes les erreurs de ce genre, quel que soit leur impact sur le raisonnement du premier juge, qui autorisent une cour d’appel à intervenir. L’application d’une règle aussi stricte risquerait de miner la discrétion accordée au juge de première instance. […]

[44] À mon avis, la présence d’une erreur de principe, l’omission de tenir compte d’un facteur pertinent ou encore la considération erronée d’un facteur aggravant ou atténuant ne justifiera l’intervention d’une cour d’appel que lorsqu’il appert du jugement de première instance qu’une telle erreur a eu une incidence sur la détermination de la peine.

[34] Par conséquent, les questions de fait ou de fait et de droit du présent appel exigent une grande retenue, et seule la présence d’une erreur manifeste et déterminante permettrait de conclure que la décision prise par le Comité de déontologie était manifestement déraisonnable.

[35] De plus, bien que je comprenne que je dois appliquer la norme du manifestement déraisonnable, je crois que les instructions tirées de l’arrêt Vavilov fournissent une orientation utile quant à la façon d’évaluer le caractère raisonnable d’une décision. Je dois donc me pencher sur le raisonnement du décideur, ainsi que sur le résultat.[76] Pour ce faire, je dois accorder une attention particulière aux raisons fournies par le Comité de déontologie et tenter de comprendre comment ce dernier est arrivé à ses conclusions.[77] De plus, lors de l’examen du caractère raisonnable de la décision prise par le Comité de déontologie, je dois examiner les raisons écrites de façon « globale et contextuelle », dans le contexte, y compris le dossier de la preuve et les observations soumises, le tout « en tenant dûment compte du régime administratif ».[78] Les motifs écrits ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection.[79] Je dois également veiller à appliquer rigoureusement la norme du raisonnable, car la décision administrative pourrait avoir une incidence importante sur la personne.[80] Il faut aussi se souvenir que « le principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées veut que le décideur explique pourquoi sa décision reflète le mieux l’intention du législateur, malgré les conséquences particulièrement graves pour l’individu concerné. »[81]

Application en l’espèce

A. Était-il manifestement déraisonnable que le Comité de déontologie accepte le témoignage de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires, compte tenu de ses conclusions quant à la crédibilité de celle-ci?

[36] L’appelant affirme que les conclusions du Comité de déontologie quant à la crédibilité de l’intimée ne sont pas cohérentes. L’appelant se sert de ces conclusions pour montrer que les remords exprimés tardivement par l’intimée étaient intéressés. Le CEE a résumé les arguments des deux parties comme suit : [82]

[Traduction] [61] L’appelant avance d’abord que le Comité [de déontologie] a conclu, après avoir établi le bien-fondé des allégations, que les explications de l’intimée quant à son comportement n’étaient pas plausibles, qu’elle était évasive, et que son témoignage contenait de nombreuses incohérences. L’appelant aborde ensuite l’étape des mesures disciplinaires, au cours de laquelle le Comité [de déontologie] a accepté le témoignage de l’intimée dans le cadre de l’évaluation du potentiel de réadaptation. Selon l’appelant, le fait que le Comité [de déontologie] a accepté le témoignage de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires ne concorde pas avec les conclusions formulées à l’étape des allégations.

[62] L’appelant a soulevé une autre incohérence. Lorsque le Comité [de déontologie] a expliqué l’établissement du bien-fondé de la troisième allégation (fournir des renseignements trompeurs au cap. S.P.), il a conclu que l’intimée n’avait pas fourni une explication complète de la gravité de l’incident au cap. S.P. Cependant, l’appelant souligne que lors de la discussion concernant le potentiel de réadaptation de l’intimée, le Comité [de déontologie] « perçoit favorablement » le signalement rapide de l’incident au cap. S.P. L’appelant croit que la conclusion est manifestement déraisonnable, puisqu’elle ignore les préoccupations que le Comité [de déontologie] avait exprimées plus tôt quant à l’exhaustivité et à la transparence du signalement.[83]

[63] L’intimée rétorque que l’évaluation de la crédibilité effectuée par le Comité [de déontologie] est une question de fait qui mérite une grande retenue. Le Comité [de déontologie] avait le droit d’accepter ou de refuser des éléments de preuve à sa convenance. Il n’avait pas à accepter ou à rejeter l’ensemble de la preuve d’un témoin.[84]

[37] Dans sa décision écrite, le Comité [de déontologie] a fait les commentaires suivants par rapport à la crédibilité et à la fiabilité de l’intimée.

· En ce qui concerne l’allégation no 1 :

[36] En ce qui concerne [l’intimée], de nombreuses incohérences importantes ont été soulevées dans son témoignage à propos des raisons pour lesquelles elle avait omis de déclarer les articles achetés pendant son voyage en Floride, ce qui a mis en doute sa crédibilité et la fiabilité de l’ensemble de son témoignage. Elle a constamment essayé de justifier le fait d’avoir déclaré des marchandises d’une valeur de 600 $ au lieu de 2 200 $. Les explications fournies tout au long du processus disciplinaire étaient invraisemblables et, dans l’ensemble, manquaient de véracité.

[37] Par exemple, à la frontière, elle a déclaré que les articles étaient des cadeaux. Dans sa déclaration à l’enquêteur désigné en vertu de la loi, elle a expliqué que, compte tenu du montant considérable des articles achetés pendant le voyage, elle avait tout simplement oublié le montant figurant sur les trois autres reçus qui ont été trouvés dans ses bagages enregistrés. Elle a aussi mentionné que les taxes auraient dû être exclues de la valeur déclarée. Dans sa réponse aux allégations, elle a expliqué qu’elle avait déclaré les marchandises en devise américaine plutôt qu’en devise canadienne. À l’audience, elle a mentionné qu’elle n’avait pas déclaré certains articles parce qu’elle les avait laissés en Floride ou qu’elle avait obtenu un remboursement (c.-à-d. l’achat chez Under Armour). Pourtant, comme établi par le [RAD], cette dernière explication n’était pas étayée par la preuve. […]

· En ce qui concerne l’allégation no 2 :

[38] Enfin, j’estime que les réponses de [l’intimée] étaient parfois évasives. Par exemple, elle a eu de la difficulté à reconnaître que les commentaires qu’elle avait faits à l’agente L.B. auraient pu l’intimider. Il ressort clairement de la preuve que l’agente L.B. accomplissait son travail correctement et que les commentaires inappropriés de [l’intimée] ont entraîné une détérioration de leur interaction. […]

· En ce qui concerne l’allégation no 3 :

[95] Bien que je reconnaisse que [l’intimée] a informé le [cap. S.P.] de l’incident dès son retour au travail, elle a admis en contre-interrogatoire qu’elle ne lui avait pas donné d’explication complète de la gravité générale de l’incident. En fait, mon examen de la preuve confirme que la déclaration du [cap. S.P.] présentait des similitudes avec celle fournie par Mme A. B., une collègue de [l’intimée]. Tous deux savaient que sa carte NEXUS avait été saisie et que cela la contrariait. Bien qu’ils n’aient pu confirmer la valeur non déclarée des marchandises importées par [l’intimée], ils savaient qu’il s’agissait de chaussures, d’oreillettes Airpod et d’un bracelet, qu’elle avait portés pendant son voyage. Tous deux croyaient qu’elle avait simplement oublié de déclarer ces marchandises.

[96] Cela expliquerait pourquoi le [cap. S.P.] n’a pu confirmer à l’enquêteur chargé de l’enquête disciplinaire le montant des biens déclarés par [l’intimée] ni comprendre pourquoi elle avait dû payer une amende. De plus, comme l’a déclaré [l’intimée], le [cap. S.P.] ne s’inquiétait pas trop de la situation, car il lui avait dit : [traduction] « Ce n’est pas grave. Ne t’inquiète pas. »

[97] Il ressort clairement du dossier que le [cap. S.P.] aurait pu percevoir l’incident différemment s’il avait été au courant de tous les détails. […]

[38] Dans la section des mesures disciplinaires, le Comité de déontologie a ajouté ce qui suit :

[122] Je considère comme atténuants les faits suivants :

a. À l’audience, [l’intimée] a présenté des excuses et a montré qu’elle comprenait la gravité de ses actes. Elle a également présenté des excuses à l’agente L.B. et à son superviseur pour son comportement inapproprié, qui n’était pas son « plus beau moment », ainsi que pour le fardeau inutile imposé à la Gendarmerie.

[…]

d. Les lettres de références morales fournies par des collègues et des supérieurs confirment que [l’intimée] dispose de leur appui continu. Elle est une employée dévouée qui a maintenu une attitude positive et une capacité à travailler avec diligence même lorsqu’elle a subi des blessures dans un accident de la route alors qu’elle était en service. Ses collègues ont aussi affirmé qu’ils n’hésiteraient pas à travailler à nouveau avec elle et qu’ils saisiraient volontiers cette occasion.

i. Comme l’a cependant signalé le [RAD], les lettres ne précisaient pas si leur auteur était au courant des allégations exactes pesant contre [l’intimée]. À l’audience, cette dernière et son représentant ont tous deux confirmé que tous ceux qui avaient rédigé une lettre avaient été informés du processus disciplinaire en cours contre elle. Par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’un facteur atténuant.

[…]

[126] En examinant la capacité de [l’intimée] à s’adapter et à se réhabiliter, je reconnais que ses fausses déclarations ont miné les efforts d’un autre organisme d’application de la loi dans l’exercice de son mandat. Toutefois, l’agente L.B. a confirmé que [l’intimée] n’avait jeté aucun reçu se rapportant aux marchandises non déclarées. Les reçus n’étaient pas cachés non plus dans ses bagages, mais placés sur les articles en question. L’agente L.B. a également admis que son interaction avec [l’intimée] n’avait pas été tout à fait désagréable.

[127] Quant à son manque de transparence au moment d’informer son superviseur de l’incident, il n’y a rien au dossier qui démontre l’existence de contraventions similaires à quelque moment que ce soit dans sa carrière. Il s’agit d’une question personnelle et non opérationnelle. Comme je l’ai indiqué dans ma décision sur les allégations, [l’intimée] a informé son superviseur de l’incident dès son retour au travail le lendemain, soit à 7 h, donc environ 12 heures après l’incident. Ses évaluations de rendement et les lettres de références morales donnent un aperçu de son caractère, ce qui me permet de conclure que je n’ai aucune raison de soupçonner qu’elle se comportera de nouveau de la même façon.

[128] Dans sa lettre d’excuses de mai 2021, qu’elle a déposée à l’instance criminelle, [l’intimée] [traduction] « s’est efforcée de prendre toutes les mesures possibles pour s’assurer qu’un tel incident ne se reproduise jamais ». À l’audience disciplinaire, elle a témoigné que depuis l’incident, elle se rend toujours en Floride pour visiter son partenaire, mais qu’elle fait maintenant preuve d’extrême diligence, car elle conserve le moindre reçu des articles achetés, même de petits articles de toilette.

[129] Même si [l’intimée] a d’abord adopté une attitude cavalière concernant le défaut de déclarer, à son retour au Canada, la valeur exacte des biens achetés pendant son voyage, je suis convaincue qu’elle comprend maintenant pleinement la gravité de ses actes. […]

[39] J’aborderai séparément les deux arguments de l’appelant portant sur la crédibilité : 1) la décision du Comité de déontologie d’accepter le témoignage de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires était manifestement déraisonnable puisque le Comité avait conclu plus tôt que l’intimée manquait de crédibilité; 2) il était manifestement déraisonnable de percevoir le signalement « rapide » de l’incident au cap. S.P. comme une preuve en faveur du potentiel de réadaptation puisque le signalement était inexact et incomplet.

i. Était-il manifestement déraisonnable que le Comité de déontologie accepte le témoignage de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires, compte tenu de ses conclusions quant à la crédibilité de celle-ci?

[40] Puisque le Comité de déontologie avait déterminé que l’intimée n’était pas crédible, l’appelant croit qu’il n’aurait pas dû décider qu’elle était maintenant crédible sans preuve indépendante à l’appui.

[41] Je suis d’accord avec le CEE; les conclusions du Comité de déontologie lors de l’étape des mesures disciplinaires n’étaient pas incompatibles avec les conclusions présentées à l’étape des allégations.[85]

[42] Le Comité de déontologie devait tenir compte de l’ensemble de la preuve lors de son évaluation de la crédibilité des parties.[86] La CSC indique qu’en première instance, le juge « ne doit pas considérer le témoignage du demandeur en vase clos ». Il doit plutôt « examiner l’ensemble de la preuve pour déterminer l’incidence des contradictions sur les questions de crédibilité touchant au cœur du litige ».

[43] Comme le CEE, je conclus que le Comité de déontologie n’avait pas à effectuer une analyse distincte du témoignage de l’intimée à l’étape des mesures disciplinaires. La décision du Comité de déontologie reconnaît l’incohérence de la preuve en ce qui concerne la crédibilité de l’intimée. Le Comité a fait référence à l’arrêt McDougall pour expliquer qu’il avait tenu compte « de l’ensemble de la preuve pour évaluer l’incidence des incohérences qu’elle contenait et des questions au cœur du litige ».[87] De plus, la CSC mentionne ce qui suit dans l’arrêt McDougall : [88]

[70] […] Lorsque le juge du procès est conscient des contradictions, mais qu’il arrive quand même à la conclusion que le témoin était digne de foi, sauf erreur manifeste et dominante, rien ne justifie l’intervention de la cour d’appel.

[44] En d’autres mots, rien n’empêchait le Comité de déontologie de trouver crédible le témoignage de l’intimée à l’étape des mesures disciplinaires après avoir décidé autrement lors de l’étape des allégations. Le degré élevé de retenue exigé justifiait que le Comité de déontologie montre qu’il était conscient des contradictions du témoignage de l’intimée, mais qu’il concluait néanmoins que l’intimée comprenait la gravité de ses actes.

[45] Comme le CEE l’a remarqué, le Comité de déontologie peut accepter une partie de la déposition d’un témoin tout en en écartant d’autres parties. [89]Une importance différente peut être accordée à différentes parties de la preuve d’un témoin.[90]

[46] Le CEE a ensuite énuméré les motifs présentés par le Comité de déontologie pour expliquer que l’intimée comprenait maintenant la gravité de ses actes. Je suis d’accord que les indices sont suffisants pour appuyer la conclusion du Comité de déontologie selon laquelle l’intimée a tiré une leçon de la situation, même s’il a déterminé que certaines parties de la preuve démontraient un manque de crédibilité.[91]

  • [Traduction] Le Comité [de déontologie] a conclu que l’intimée avait présenté des excuses, démontré qu’elle comprenait la gravité de ses actes et admis que son comportement inapproprié n’était pas son « plus beau moment ». Ces conclusions concordent avec la déclaration officielle de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires.[92]
  • Le Comité [de déontologie] a déterminé que l’intimée avait pris des mesures dans le but d’éviter un nouvel incident lié au défaut de déclarer des biens. Cela est étayé par la déclaration officielle de l’intimée, ainsi que par la lettre de 2021 présentée lors de la procédure liée à la Loi sur les douanes (lettre de mai 2021). Dans cette lettre, l’intimée a indiqué qu’elle « s’assurerait de prendre toutes les mesures possibles pour éviter qu’une telle situation ne se reproduise ».[93]

[47] Plus particulièrement, l’appelant a contesté le fait que le Comité de déontologie accepte la déclaration de l’intimée lors de l’étape des mesures disciplinaires selon laquelle elle conserve maintenant tous ses reçus, puisqu’il n’y avait aucune preuve à l’appui.[94] Je souligne que l’intimée a fait cette déclaration sous serment, et personne n’a remis en cause l’absence de preuve lors du contre-interrogatoire.[95]

[Traduction] Je dois admettre que la situation à la frontière n’était pas mon meilleur moment. J’assume TOUTE la responsabilité de mes actes. Évidemment, je suis vraiment désolée de mon comportement de ce jour-là.

Je comprends aussi que mon état mental et affectif n’était pas optimal ce jour- là, mais cela n’excuse pas mon comportement.

Je ne veux pas qu’un tel événement se reproduise. Je fais maintenant très attention. Je suis revenue au Canada plusieurs fois par après et j’ai gardé tous mes reçus, même pour de petits articles de toilette, des cure-dents ou d’autres petits objets.

Je suis désolée d’avoir causé un malaise à l’agente à la frontière ce jour-là. Et je suis désolée que mon comportement ait imposé un fardeau à la GRC.

[48] Le Comité de déontologie avait le droit de tirer ses propres conclusions quant à la véracité de la déclaration, surtout après avoir démontré qu’il était conscient des contradictions du témoignage de l’intimée et de son attitude cavalière concernant le défaut de déclarer la valeur totale des biens.[96] En l’absence d’une erreur évidente et déterminante, je ne crois pas nécessaire d’intervenir et de présenter mes propres conclusions quant à la crédibilité de la déclaration de l’intimée selon laquelle elle conserve maintenant tous les reçus de ses dépenses de voyage.

[49] Ultimement, je conclus que la conclusion du Comité de déontologie selon laquelle l’intimée comprend maintenant la gravité de ses actes n’était pas manifestement déraisonnable, même si certains autres aspects du témoignage de l’intimée manquaient de crédibilité.

ii. La qualification par le Comité de déontologie de la divulgation de l’intimée au cap. S.P. comme étant opportune était-elle manifestement déraisonnable?

[50] L’appelant croit qu’en disant que l’intimée a effectivement « informé [le cap. S.P.] de l’incident dès son retour au travail le lendemain », le Comité de déontologie ignore délibérément ses conclusions antérieures selon lesquelles l’intimée n’avait pas fourni une explication complète de la gravité de l’incident lorsqu’elle l’a signalé au cap. S.P. pour la première fois. Le commentaire en question se trouve au paragraphe 127 de la décision du Comité de déontologie.[97]

[51] Je suis d’accord avec le CEE; il n’était pas manifestement déraisonnable du Comité de déontologie de mentionner le signalement opportun de l’incident à son superviseur dans le contexte du potentiel de réadaptation de l’intimée.[98] En effet, le Comité de déontologie a reconnu, dans le même paragraphe, le manque de transparence de la part de l’intimée en ce qui concerne le signalement de l’incident au cap. S.P. Il est évident que le Comité de déontologie était conscient des préoccupations soulevées par l’appelant. Je ne crois pas qu’il est incohérent de la part du Comité de déontologie, en ce qui concerne l’allégation no 3, de remarquer que l’intimée avait signalé l’incident rapidement, quoiqu’elle n’ait pas été entièrement transparente.

[52] En ce qui concerne la présente question, je souscris au raisonnement du CEE et je comprends pourquoi le Comité de déontologie a accepté de considérer le signalement rapide, bien qu’incomplet, de l’intimée comme un facteur positif du potentiel de réadaptation.[99]

[Traduction] [80] De plus, le commentaire a été fait dans le contexte de l’évaluation du potentiel de réadaptation. C’est dans ce contexte que le Comité [de déontologie] a souligné que le cap. S.P. avait été informé « de l’incident » assez rapidement, et que les évaluations du rendement et les lettres de références morales de l’intimée présentaient « un aperçu » du caractère de l’intimée. Cela a permis au Comité [de déontologie] de conclure qu’il n’y avait « aucune raison de croire que l’intimée agirait de la sorte à l’avenir ». Dans le cadre de l’évaluation du potentiel de réadaptation, lorsqu’il existe suffisamment de facteurs atténuants, il est approprié de « permettre à un agent de police de se racheter et de montrer que son inconduite n’était qu’une erreur dans un parcours solide ».[100] Encore une fois, les motifs du Comité [de déontologie] démontrent que le Comité était conscient de l’entièreté de la preuve. Le Comité [de déontologie] avait le droit, en ce qui concerne les facteurs de potentiel de réadaptation, de souligner la divulgation rapide, mais incomplète, au cap. S.P.

[53] En bref, la qualification par le Comité de déontologie du comportement de l’intimée quant à la présente question n’était pas manifestement déraisonnable.

B. La prise en compte par le Comité de déontologie des excuses de l’intimée était-elle manifestement déraisonnable?

[54] Le CEE a résumé les arguments des deux parties comme suit : [101]

[Traduction] [86] L’appelant conteste la conclusion du Comité [de déontologie] selon laquelle l’intimée a présenté des excuses sincères pour son comportement. Il juge la conclusion manifestement déraisonnable puisque l’intimée n’a présenté ses excuses qu’après l’établissement du bien-fondé des allégations, pour éviter d’être congédiée.

[87] L’appelant remet également en question l’explication du Comité [de déontologie] quant aux raisons de ne pas considérer les excuses tardives de l’intimée comme un facteur aggravant. L’intimée a admis à maintes reprises qu’elle aurait pu présenter ses excuses plus tôt et, selon l’appelant, le RAD avait perçu ces excuses tardives comme un facteur aggravant lors de l’audience. Selon l’appelant, le Comité [de déontologie] aurait aussi dû les percevoir comme un facteur aggravant.

[88] Finalement, l’appelant affirme que le Comité [de déontologie] a commis une erreur en concluant que l’intimée avait présenté des excuses à l’agent L.B. et à son superviseur, car la conclusion n’est pas étayée par la preuve.[102]

[89] L’intimée ne croit pas que ses excuses tardives devraient constituer un facteur aggravant. Elle souligne que le Comité [de déontologie] ne les a pas perçues comme un facteur aggravant, comme l’appelant le suggère. En fait, la question soulevée devant le Comité [de déontologie] visait à savoir si les excuses auraient dû constituer un facteur atténuant. Il s’agit d’une décision hautement discrétionnaire qui ne devrait pas être soulevée en appel.[103]

[55] Dans sa décision écrite, aux paragraphes 116 à 122, le Comité de déontologie a indiqué ce qui suit à l’égard des excuses de l’intimée :

[116] Bien que [l’intimée] ait attendu après la confirmation des allégations pour admettre son inconduite et s’excuser pleinement, je n’estime pas qu’il s’agisse d’un facteur aggravant pour les raisons suivantes. En mai 2021, [l’intimée] a présenté, dans le cadre de l’instance criminelle, une lettre d’excuses où elle a admis ne pas avoir déclaré plusieurs articles achetés lors de son voyage en Floride. Elle a affirmé l’avoir fait de manière entièrement involontaire. En fin de compte, l’incident a été très pénible pour elle tant sur le plan mental que physique, et elle s’efforce de prendre toutes les mesures nécessaires pour éviter qu’il se reproduise. Cette lettre a mené au dépôt d’observations conjointes dans lesquelles [l’intimée] a plaidé coupable d’avoir fait de fausses déclarations à des agents de l’ASFC en contravention de l’article 12 de la Loi sur les douanes. Conséquemment, [l’intimée] a reçu une absolution inconditionnelle.

[117] Comme l’a indiqué le [RAD], il est regrettable que cette lettre ait été admise en preuve par [l’intimée] seulement après que les trois allégations ont été jugées fondées. Si elle avait admis l’inconduite à la première occasion, cela aurait pu à tout le moins écourter la présente instance disciplinaire.

[118] En réponse, le représentant de la membre visée a expliqué qu’il croyait comprendre que pour que le Comité de déontologie puisse confirmer les allégations d’inconduite en contravention de l’article 7.1 du [Code de déontologie], l’autorité disciplinaire devait prouver que [l’intimée] avait l’intention de tromper et de fournir une fausse déclaration. Faute d’intention de sa part, [l’intimée] a adopté une approche, à la suite de diverses consultations avec ses anciens avocats, qui a mené à la décision de contester les allégations.

[…]

[121] Je conviens avec le [RAD] que l’obtention d’une copie de la lettre d’excuses de [l’intimée] plus tôt dans le processus aurait été dans l’intérêt des deux parties. Néanmoins, je conclus que le représentant de la membre visée a fourni une explication plausible quant à la raison pour laquelle celle-ci a pleinement contesté les allégations à l’audience. Dans ces circonstances particulières, je ne considère pas qu’il s’agisse d’un facteur aggravant.

Facteurs atténuants

[122] Je considère comme atténuants les faits suivants :

a. À l’audience, [l’intimée] a présenté des excuses et a montré qu’elle comprenait la gravité de ses actes. Elle a également présenté des excuses à l’agente L.B. et à son superviseur pour son comportement inapproprié, qui n’était pas son « plus beau moment », ainsi que pour le fardeau inutile imposé à la Gendarmerie.

[…]

[56] J’aborderai séparément les arguments de l’appelant en ce qui concerne les excuses, c’est- à-dire que le Comité de déontologie a commis une erreur : i) en concluant que l’intimée s’était excusée à l’agente L.B. et à son superviseur; ii) en ne considérant pas les excuses tardives comme un facteur aggravant; iii) considérant les excuses tardives comme un facteur atténuant.

i. L’intimée a-t-elle présenté ses excuses à l’agente L.B. et à son superviseur?

[57] Je suis d’accord avec le CEE qu’il n’était pas manifestement déraisonnable pour le Comité de déontologie de conclure que l’intimée avait « présenté ses excuses à l’agente L.B. et à son superviseur pour son comportement inapproprié ».[104]

[58] Comme mentionné plus haut, les conclusions relatives à la crédibilité et aux faits du Comité de déontologie exigent une grande retenue quant à la norme du manifestement déraisonnable. Lorsque le juge du procès s’appuie sur quelque élément de preuve pour tirer une conclusion, la cour d’appel peut difficilement conclure à l’existence d’une erreur manifeste et dominante.[105]

[59] Au cours de l’étape des mesures disciplinaires, l’intimée s’est adressée au Comité de déontologie pour dire ce qui suit :

[Traduction] [...] Je suis également désolée d’avoir causé un malaise aux agents à la frontière ce jour-là. […][106]

[60] Le Comité de déontologie a inféré que les mots « agents à la frontière » désignaient l’agente L.B. et son superviseur. Des preuves appuient l’inférence du Comité de déontologie puisque l’agente L.B. était l’agente de l’ASFC qui a principalement interagi avec l’intimée ce jour- là, et celle-ci a affirmé qu’elle avait signalé l’incident à son surintendant de l’ASFC.[107] Conséquemment, la conclusion de fait du Comité de déontologie était appuyée par la preuve, et je n’interviendrai pas.

ii. Les excuses tardives devraient-elles constituer un facteur aggravant?

[61] Comme le CEE, je crois que les excuses tardives de l’intimée ne devraient pas constituer un facteur aggravant.[108] L’intimée a expliqué pourquoi elle ne s’était pas immédiatement excusée et avait plutôt défendu son comportement, car elle croyait qu’elle n’avait pas enfreint l’article 7.1 du Code de déontologie en raison de l’absence d’intention.[109] Lors du contre-interrogatoire, l’intimée a expliqué qu’elle avait reçu des conseils juridiques voulant qu’elle n’assume pas la responsabilité de ses actes.[110] Dans les observations relatives aux mesures disciplinaires, le conseil de l’intimée a expliqué pourquoi celle-ci avait contesté les allégations. Le conseil avait cru pouvoir contester les allégations en se fondant sur l’absence d’intention.[111] Le Comité de déontologie a accepté l’explication et a indiqué qu’il ne tiendrait pas compte des excuses tardives comme un facteur aggravant.

[62] Lors de l’étape des mesures disciplinaires de l’audience, le RAD a reconnu dans ses observations qu’un membre peut se prévaloir de ses droits procéduraux sans qu’il s’agisse d’un facteur aggravant. Toutefois, le RAD a également souligné que cela diffère d’un membre qui assume immédiatement l’entière responsabilité. Le RAD a indiqué que [traduction] « si l’appelante s’était excusée immédiatement à l’aéroport et avait payé l’amende, nous ne serions pas ici aujourd’hui ».[112] Je comprends de l’observation du RAD qu’il demandait au Comité de déontologie de ne pas accorder beaucoup de poids aux excuses tardives de l’intimée.

[63] Cependant, dans les observations de l’appel[113], l’appelant avance maintenant que le Comité de déontologie aurait dû traiter les excuses tardives de l’intimée comme un facteur aggravant.

[Traduction] […] Le Comité [de déontologie] a accepté l’explication et a refusé de considérer les excuses tardives comme un facteur aggravant. Nous avançons que le Comité [de déontologie] a commis une erreur de principe en tentant d’atténuer les conséquences des conseils que l’intimée a dit avoir reçus. Peu importe la nature de ces conseils, l’intimée était l’unique responsable de ses actes et de son comportement. Elle était responsable de sa situation et elle aurait pu s’excuser n’importe quand, mais elle a décidé de ne pas le faire. En fait, comme il a été le cas lors des procédures criminelles, elle a décidé de présenter ses excuses au moment où elle croyait qu’elle pourrait en tirer avantage, c’est-à-dire au cours du processus disciplinaire, après l’établissement du bien-fondé des allégations, dans le but d’éviter le congédiement. Le Comité [de déontologie] aurait dû considérer les excuses tardives comme un facteur aggravant. […]

[64] La situation rappelle une affaire de la Cour d’appel de l’Ontario, où le juge a dit : [114]

[Traduction] […] Un docteur a le droit de nier des allégations portées contre lui et de demander au Collège de prouver le bien-fondé de ces allégations. S’il décide de confirmer les allégations, cela peut être pris en compte dans le contexte de l’imposition de la peine, mais le fait de nier ne devrait jamais servir à alourdir une peine appropriée. […]

[65] Contrairement aux déclarations de l’appelant, l’intimée avait le droit de se défendre sans que cela la pénalise. Ainsi, je ne crois pas que le Comité de déontologie a commis une erreur en ne considérant pas les excuses tardives comme un facteur aggravant.

[66] Je conclus que le Comité de déontologie a traité la lettre de mai 2021 de façon appropriée. Dans cette lettre, l’intimée a admis qu’elle avait omis de déclarer la valeur totale de ses biens en soulignant que cela était [traduction] « totalement involontaire ».[115] Cela concorde avec les explications fournies par l’intimée quant à la contestation des allégations relatives au Code de déontologie, mais non celles relatives à la procédure liée à la Loi sur les douanes. [116]

[67] En bref, le Comité de déontologie n’a pas traité le contenu de la lettre de mai 2021 de façon manifestement déraisonnable. Le Comité de déontologie a montré qu’il était conscient des lacunes de la preuve présentée par l’intimée, y compris son attitude cavalière et son manque de transparence. Puisque le Comité de déontologie était conscient de ces lacunes lors de l’étape des allégations, il est évident qu’il en a tenu compte dans le cadre de la détermination de mesures disciplinaires appropriées.

iii. Les excuses tardives devraient-elles constituer un facteur atténuant?

[68] Je suis d’accord que le Comité de déontologie avait le droit de considérer les excuses tardives comme un facteur atténuant, peu importe lorsque les remords ont été exprimés. Après tout, il faut accorder une grande retenue au Comité de déontologie en ce qui concerne la détermination de mesures disciplinaires, et les excuses font partie des nombreux facteurs à prendre en compte. Le CEE a noté avec raison qu’il y avait amplement de preuves appuyant la conclusion du Comité de déontologie selon laquelle les excuses de l’intimée étaient sincères.[117]

[Traduction] [100] À la lumière de ce témoignage, il était loisible au Comité [de déontologie] de conclure que l’intimée s’était excusée et avait montré qu’elle appréciait la gravité de ses actes, qu’elle avait pris des mesures pour éviter qu’un tel événement ne se reproduise et qu’elle comprenait maintenant pleinement la gravité de ses actes. Le Comité [de déontologie] était le mieux placé pour évaluer à quel point l’intimée était consciente de son inconduite et comprenait comment éviter que cela ne se reproduise. Le Comité [de déontologie] a déterminé que l’intimée avait « d’abord adopté une attitude cavalière », mais qu’elle « comprend maintenant pleinement la gravité de ses actes », ce qui montre que le Comité était conscient de l’entièreté de la preuve lors de l’évaluation de la sincérité de l’intimée au cours de l’étape des mesures disciplinaires. Je ne peux pas apprécier à nouveau cette preuve ni remplacer les inférences du Comité [de déontologie] par les miennes si j’adoptais un point de vue différent.

C. Le traitement par le Comité de déontologie des lettres d’appui écrites pour l’intimée était-il manifestement déraisonnable?

[69] L’appelant s’oppose à la conclusion du Comité de déontologie selon laquelle les lettres d’appui écrites pour l’intimée constituaient un facteur atténuant. L’appelant souligne qu’on ne sait pas si les auteurs étaient au courant de l’entièreté de la conduite reprochée à l’intimée au moment de la rédaction des lettres. Selon l’appelant :[118]

[Traduction] Dans son témoignage lors de l’étape des mesures disciplinaires, l’intimée a indiqué que tous les membres qui avaient fourni des lettres de références morales savaient qu’elle faisait l’objet d’une enquête « relative au Code de déontologie », sans plus. L’avocat de l’intimée a répété l’explication dans ses conclusions lors de l’étape des mesures disciplinaires. L’appelant a ajouté que l’intimée avait dit que « tous les auteurs auraient pu fournir des renseignements sur l’étendue du processus disciplinaire si on leur posait la question ». En fait, l’intimée n’a jamais dit cela dans son témoignage. [Références omises]

[70] Par ailleurs, l’intimée affirme que je ne devrais pas modifier la décision du Comité de déontologie d’accepter les lettres comme un facteur atténuant.

[71] Dans sa décision écrite, au paragraphe 122, le Comité de déontologie a indiqué ce qui suit à l’égard des excuses de l’intimée :

Facteurs atténuants

[122] Je considère comme atténuants les faits suivants :

[…]

d. Les lettres de références morales fournies par des collègues et des supérieurs confirment que [l’intimée] dispose de leur appui continu. Elle est une employée dévouée qui a maintenu une attitude positive et une capacité à travailler avec diligence même lorsqu’elle a subi des blessures dans un accident de la route alors qu’elle était en service. Ses collègues ont aussi affirmé qu’ils n’hésiteraient pas à travailler à nouveau avec elle et qu’ils saisiraient volontiers cette occasion.

i. Comme l’a cependant signalé le [RAD], les lettres ne précisaient pas si leur auteur était au courant des allégations exactes pesant contre [l’intimée]. À l’audience, [l’intimée] et son représentant ont tous deux confirmé que tous ceux qui avaient rédigé une lettre avaient été informés du processus disciplinaire en cours contre elle. Par conséquent, j’estime qu’il s’agit d’un facteur atténuant. [Gras ajouté]

[72] Comme le CEE, je conclus que le Comité de déontologie n’a pas commis d’erreur susceptible de contrôle en acceptant les lettres comme un facteur atténuant.

[73] Il est inscrit au paragraphe 24(1) des CC (Déontologie) qu’afin de déterminer les mesures disciplinaires appropriées à imposer, le comité de déontologie peut examiner tout élément soumis par les parties et entend leurs observations verbales et témoins, y compris ceux figurant à la liste visée au paragraphe 18(1) des CC (Déontologie).

[74] Le Comité de déontologie a accepté le témoignage de l’intimée (qui n’a pas fait l’objet de contre-interrogatoire de la part du RAD) affirmant que tous les membres qui avaient écrit des lettres étaient au courant qu’elle faisait l’objet d’une enquête relative au Code de déontologie.

[75] En ce qui concerne l’observation du représentant de la membre visée, qui avait affirmé que [traduction] « tous les auteurs auraient pu fournir des renseignements sur l’étendue du processus disciplinaire visant [l’intimée] si on leur posait la question », aucune indication ne permet de déterminer si le Comité de déontologie a accepté cette observation comme preuve. Les motifs du Comité de déontologie, en gras dans le texte, montrent que la seule preuve acceptée était que les référents étaient au courant du processus disciplinaire en cours contre l’intimée, et non qu’ils en connaissaient l’ampleur.

[76] Conséquemment, même si le Comité de déontologie était conscient des préoccupations du RAD, il a décidé d’accepter les lettres comme un facteur atténuant, malgré l’incertitude quant à la compréhension que les membres avaient de l’étendue du processus disciplinaire contre l’intimée.

[77] En appel, mon rôle n’est pas d’apprécier de nouveau la preuve de l’intimée par rapport à la question [119] ni de modifier les conclusions en raison d’une preuve insuffisante,[120] surtout puisque les motifs du Comité de déontologie démontrent qu’il était conscient de l’entièreté de la preuve lors de la détermination des mesures disciplinaires. La conclusion du Comité de déontologie selon laquelle les lettres, ainsi que les évaluations du rendement, donnaient un aperçu de l’intimée dans le contexte de l’évaluation de son potentiel de réadaptation est étayée par la preuve et n’est pas manifestement déraisonnable.

D. L’évaluation par le Comité de déontologie des répercussions liées à l’arrêt McNeil est-elle manifestement déraisonnable?

[78] Le CEE a résumé les points de vue des parties sur les répercussions liées à l’obligation de communication prévue par l’arrêt McNeil, y compris la présentation de nouvelles preuves, comme suit : [121]

[Traduction] [114] L’appelant souligne les conclusions du Comité [de déontologie] concernant le manque d’honnêteté et d’intégrité de l’intimée, particulièrement en lien avec les allégations 1 et 3. Bien que le Comité [de déontologie] ait adéquatement pris en compte les implications liées à l’arrêt McNeil, l’appelant croit que le Comité a commis une erreur en concluant que le maintien en poste de l’intimée comme membre n’imposerait pas un fardeau intenable à la Gendarmerie. Si je comprends bien le point de vue de l’appelant, il croit que la conclusion du Comité [de déontologie] à ce sujet est manifestement déraisonnable.

[115] L’appelant cite la jurisprudence qui affirme que les valeurs d’honnêteté et d’intégrité sont au cœur de la profession de policier et qu’à la lumière de l’obligation de communication établie par l’arrêt McNeil, il est difficile d’imaginer les tâches qu’un agent de police pourrait effectuer s’il perd ces valeurs.[122]

[116] L’intimée note dans ses arguments relatifs à l’arrêt McNeil présentés au Comité [de déontologie] que le RAD a dit que l’intimée serait un fardeau important, mais non intenable. L’intimée ajoute que l’appelant n’a cité aucune raison juridique pour laquelle les exigences relatives à l’arrêt McNeil seraient imposées et n’a pas expliqué comment l’évaluation du Comité [de déontologie] d’un fardeau important, mais pas intenable, pour la Gendarmerie est manifestement déraisonnable. L’intimée présume que des centaines de membres de la GRC sont toujours en service même s’ils doivent composer avec des exigences relatives à l’arrêt McNeil.[123]

[117] Dans sa présentation d’appel, l’intimée a soumis un chapitre du Guide du Service des poursuites pénales du Canada (nouvel élément de preuve) en notant que le ministère de la Justice et la GRC avaient créé une procédure de divulgation dans le but de gérer les exigences liées à l’arrêt McNeil.[124] L’appelant conteste l’admissibilité du nouvel élément de preuve lors de l’appel.[125]

[79] Le CEE a refusé d’évaluer le nouvel élément de preuve présenté par l’intimée durant l’appel (puisque l’intimée n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable pour la présentation de la preuve) et a ensuite abordé l’argument de l’appelant pour enfin conclure que l’évaluation des exigences relatives à l’arrêt McNeil du Comité de déontologie n’était pas manifestement déraisonnable.

[80] Ultimement, je suis d’accord avec la conclusion du CEE en ce qui concerne l’évaluation par le Comité de déontologie des exigences relatives à l’arrêt McNeil; toutefois, je crois qu’il faut soulever une autre question : l’appelant présente-t-il de nouveaux renseignements dans l’appel? Conséquemment, je me pencherai sur les trois questions suivantes dans mon examen :

  1. L’appelant présente-t-il dans sa demande d’appel de nouveaux renseignements qu’il connaissait ou qu’il aurait pu raisonnablement connaître au moment où la décision a été rendue?
  2. La nouvelle preuve présentée par l’intimée concernant les procédures guidant les divulgations relatives à l’arrêt McNeil est-elle admissible dans l’appel?
  3. L’évaluation par le Comité de déontologie des répercussions liées à l’arrêt McNeil est- elle manifestement déraisonnable?

[81] Lors de l’examen de ces trois questions, je constate les éléments suivants dans les lois et politiques pertinentes :

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada

[…]

45.11 (1) Tout membre dont la conduite fait l’objet d’une décision du Comité de déontologie ou l’autorité disciplinaire qui a convoqué l’audience relative à cette décision peut, dans les délais prévus aux règles, faire appel de la décision devant le commissaire :

a) soit en ce qui concerne la conclusion selon laquelle est établie ou non, selon le cas, une contravention alléguée à une disposition du code de déontologie;

b) soit en ce qui concerne toute mesure disciplinaire imposée après la conclusion visée à l’alinéa a).

[…]

Moyens d’appel

(4) Le commissaire entend tout appel, quel qu’en soit le motif.

[…]

CC (Griefs et appels)

25 (1) Le bureau de la coordination des griefs et des appels de la Gendarmerie (BCGA) accorde à l’appelant la possibilité de déposer des observations écrites et d’autres documents à l’appui de son appel.

Restriction

(2) L’appelant ne peut :

a) déposer un document qui n’a pas été fourni à l’auteur de la décision qui fait l’objet de l’appel si le document était à la disposition de l’appelant au moment où la décision a été rendue.

b) inclure dans ses observations écrites tout nouveau renseignement qui était connu ou aurait pu raisonnablement être connu de l’appelant au moment où la décision a été rendue.

[…]

Réponse aux observations – appel d’une décision d’un Comité de déontologie

28 Si la décision en appel émane d’un Comité de déontologie, l’intimé peut déposer au BCGA sa réponse écrite aux observations de l’appelant, et ce dernier peut déposer au BCGA une réplique écrite.

[…]

Preuve

32 Le commissaire qui étudie un appel ou toute question s’y rattachant peut accepter tout élément de preuve produit par les parties.

[…] [Gras ajouté]

i. L’appelant présente-t-il dans sa demande d’appel de nouveaux renseignements qu’il connaissait ou qu’il aurait pu raisonnablement connaître au moment où la décision a été rendue?

[82] Pour répondre à cette question, il faut examiner les observations présentées lors de l’audience disciplinaire.

[83] Dans ses observations de l’étape des mesures disciplinaires, le RAD a demandé au Comité de déontologie de prendre note de l’incidence que l’inconduite de l’intimée aurait en pratique, compte tenu de sa spécialisation dans le domaine policier. Plus précisément, le RAD a observé ce qui suit[126] quant aux répercussions relatives à l’arrêt McNeil :

[Traduction] Cela signifie qu’on ne lui confiera pas de tâches policières importantes et qu’il faudra gérer les risques connexes. Et qu’est-ce que cela représente pour la Gendarmerie? Nous avons investi dans une employée qui avait un énorme potentiel, et c’est extrêmement décevant de ne pas pouvoir utiliser un tel atout en raison du risque que cela représente dans le cadre d’enquêtes importantes.

Et, bien sûr, la Gendarmerie devra prendre des mesures en conséquence. Nous investissons des ressources, du temps, des efforts et du travail humain, si je peux le décrire ainsi, dans la réalisation du mandat de la GRC. Et maintenant nous devons – nous devrons – gérer la situation, et elle est responsable de cette situation, d’ailleurs. Il s’agit donc d’un fardeau important. Et je sais que dans des décisions antérieures, il a été reconnu qu’il ne s’agissait pas d’un fardeau si peu important qu’il était impossible de le gérer; or, à mon avis, ce n’est pas le cas dans la présente affaire. [Gras ajouté]

[84] L’intimée n’a pas présenté d’observation sur les répercussions relatives à l’arrêt McNeil à l’étape des mesures disciplinaires.

[85] La majorité des arguments du RAD à ce sujet portaient sur le « fardeau important » pour la Gendarmerie. Même dans la dernière phrase de son observation sur la question (en gras), si l’on ignore la double négation, il suggère que le cas de l’intimée ne constitue pas un fardeau intenable pour la Gendarmerie. L’interprétation semble contredire l’argument présenté par l’appelant dans sa déclaration d’appel, mais l’appelant a confirmé le dossier et n’a pas mentionné de préoccupations par rapport à la transcription.

[86] Le fait que le maintien en poste de l’intimée imposerait un fardeau intenable à la Gendarmerie était connu ou aurait pu raisonnablement être connu de l’appelant depuis, au moins, le jour où le bien-fondé des allégations portant sur un manque d’honnêteté et d’intégrité a été établi par le Comité de déontologie, soit le 1er décembre 2021. En conséquence, la question du « fardeau intenable » aurait pu être soulevée (ou du moins expliquée sans équivoque) lors de l’étape des mesures disciplinaires. Donc, cette question était connue avant la décision relative aux mesures disciplinaires du Comité de déontologie.

[87] Maintenant, dans l’appel, l’appelant avance que le Comité de déontologie a commis une erreur en concluant que le maintien en poste de l’intimée comme membre n’imposerait pas un fardeau intenable à la Gendarmerie. Il a été abordé à l’audience que l’enjeu relatif à l’arrêt McNeil engendrerait un fardeau important, mais il n’a pas été mentionné qu’il s’agirait d’un fardeau intenable. Ce sont de nouveaux renseignements présentés à l’appel. Comme indiqué plus haut, cela est directement interdit par le sous-paragraphe 25(2)b) des CC (Griefs et appels).

[88] L’appelant affirme qu’il aurait dû pouvoir présenter ses arguments, car ceux-ci sont fondés sur la preuve présentée au Comité de déontologie. Toutefois, la CSC indique : [127]

[…] Quoi qu’il en soit, la Cour d’appel a fait erreur en refusant d’examiner les arguments de l’appelant parce qu’ils n’ont pas été soulevés au procès. La règle générale est qu’un appelant ne peut soulever un point qui n’a pas été plaidé ou débattu au procès, sauf si toute la preuve pertinente figure au dossier : John Sopinka et Mark A. Gelowitz, The Conduct of an Appeal (1993), à la p. 51. […]

[89] Je ne suis pas d’accord avec l’appelant puisque le dossier ne contient pas tous les éléments de preuve pertinents. La question de savoir si l’inconduite de l’intimée a créé un fardeau qui serait intenable pour la Gendarmerie dépend des faits. Aucune preuve n’a été présentée au début du procès quant au manque de possibilités d’emploi dans la Gendarmerie pour l’intimée en particulier ou à la question de savoir si le cas de l’intimée engendrerait un fardeau intenable pour la GRC. De plus, l’intimée n’a pas pu présenter d’éléments de preuve relatifs à la question du fardeau intenable.

[90] Selon mes observations, je conclus que l’appelant a présenté dans sa demande d’appel des nouveaux renseignements qui étaient connus ou aurait pu raisonnablement être connus de l’appelant au moment où la décision a été rendue. En conclusion, la loi et la jurisprudence m’empêchent d’examiner ces renseignements.

ii. Le nouvel élément de preuve présenté par l’intimée concernant les procédures guidant les divulgations relatives à l’arrêt McNeil est-il admissible en appel?

[91] L’intimée note, dans ses arguments relatifs à l’arrêt McNeil présentés au Comité de déontologie, que le RAD a dit que l’intimée serait un fardeau important, mais non intenable. L’intimée a présenté le chapitre 2.12 « La divulgation de renseignements sur l’inconduite d’un agent – R c McNeil » Le document du Service des poursuites pénales du Canada (SPPC) n’a pas été fourni au Comité de déontologie, mais il est daté du 4 avril 2018 et semble provenir du site Web du SPPC. Dans sa réplique, l’appelant conteste l’admissibilité du document du SPPC.

[92] Le CEE a conclu que le document du SPPC n’était pas admissible après avoir consulté le critère régissant l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve de la CSC[128] et a souligné que de nouveaux éléments de preuve peuvent être présentés à l’appel quand : [129]i) la déposition n’aurait pas pu être produite au procès (diligence raisonnable); ii) elle est pertinente, en ce sens qu’elle porte sur une question décisive ou potentiellement décisive; iii) elle est plausible; iv) si l’on y ajoute foi, on peut raisonnablement penser qu’avec les autres éléments de preuve produits au procès, elle aurait influé sur le résultat. Il est également mentionné que le critère est motivé par un souci primordial pour l’intérêt de la justice. [130]Le CEE a conclu que le premier critère interdit de tenir compte de la nouvelle preuve présentée à l’appel puisque l’intimée n’avait pas fait preuve de diligence raisonnable quant à la présentation d’un nouvel élément de preuve.

[93] Je reconnais que, généralement, seuls les documents présentés au décideur (dans ce cas, le Comité de déontologie) sont admissibles à l’appel. Cependant, l’intimée a présenté le nouvel élément de preuve en réponse aux nouveaux renseignements (qu’il s’agissait d’un fardeau intenable pour la Gendarmerie) présentés de façon inadéquate par l’appelant dans l’appel. Bien que le document du SPPC ait été publié avant l’audience disciplinaire, l’intimée n’aurait pas pu raisonnablement avoir soumis la preuve à l’audience (diligence raisonnable) puisque l’appelant n’avait pas soulevé la question du fardeau intenable à l’audience.

[94] Bref, l’article 32 des CC (Griefs et appels) me permet de décider d’accepter tout élément de preuve présenté par une partie dans le cadre de l’examen d’un appel ou de toute question soulevée dans le contexte d’un appel.

[95] Après avoir examiné le document du SPPC, je ne suis pas convaincue qu’il s’agisse d’un « élément de preuve ». Le document du SPPC ne fournit pas d’information directement pertinente à la situation de l’intimée et présente plutôt un aperçu des principes directeurs que tous les procureurs fédéraux doivent suivre lors de l’application des obligations relatives à l’arrêt McNeil. Contrairement à l’affirmation de l’intimée selon laquelle l’arrêt McNeil n’a rien à voir avec les mesures disciplinaires imposées à des agents de police, l’inconduite de policiers peut avoir une incidence sur des procès. Je constate que le document du SPPC, ainsi que l’arrêt McNeil en soi, présentent des contraintes contextuelles et légales pertinentes que le Comité de déontologie doit prendre en compte dans l’exercice de ses pouvoirs délégués lors de l’évaluation de l’incidence relative à l’arrêt McNeil[131] visant à déterminer les mesures disciplinaires applicables dans la présente affaire. Conséquemment, je conclus que le document du SPPC peut m’aider dans mon examen du caractère raisonnable de la décision du Comité de déontologie et qu’il est donc admissible.

[96] Compte tenu de l’incertitude quant aux observations des parties en ce qui concerne l’arrêt McNeil, je conclus que d’accepter de considérer les nouveaux renseignements de l’appelant et le nouvel élément de preuve de l’intimée ne causerait pas d’injustice aux parties et permettrait de clore définitivement la question dans le but d’obtenir un résultat équitable. Conformément à l’article 32 des CC (Griefs et appels), je tiendrai compte des deux éléments dans mon examen de l’évaluation par le Comité de déontologie des répercussions relatives à l’arrêt McNeil dans la prochaine section.

iii. L’évaluation par le Comité de déontologie des répercussions liées à l’arrêt McNeil est-elle manifestement déraisonnable?

[97] Dans le document du SPPC, on présente des situations dans lesquelles une décision relative à l’arrêt McNeil pourrait avoir une incidence sur les agents de police.[132]

Les obligations de divulgation s’appliquent à tous les membres policiers et civils du corps policier ou de l’organisme d’enquête, comme des traducteurs, des analystes de laboratoire médico-légal et des agents de surveillance électronique ainsi que les employés civils ayant joué plus qu’un rôle accessoire durant l’enquête. La procédure énoncée dans O’Connor ne s’applique plus aux renseignements concernant des actes d’inconduite grave par des policiers qui peuvent être assignés à témoigner ou qui ont participé à l’enquête relative à l’accusé lorsque l’inconduite en question est « liée à l’enquête relative à l’accusé » ou « quand il est raisonnable de penser qu’elle risque d’avoir des répercussions sur la poursuite engagée contre l’accusé »; ce type de renseignements est dorénavant assujetti au régime de communication qui incombe à la partie principale établie dans Stinchcombe. Par conséquent, la police doit fournir au ministère public tout renseignement concernant l’inconduite d’un policier, dans l’un ou l’autre de ces deux cas, sans qu’il soit nécessaire d’en faire la demande.

La [CSC] a reconnu qu’il se peut que certains policiers aient joué un rôle mineur ou périphérique dans l’enquête. Une certaine latitude est accordée au ministère public lorsque celui-ci doit établir si l’inconduite en question a un lien apparent avec la crédibilité ou la fiabilité du témoignage du policier. La [CSC] affirme aussi que ce ne sont pas tous les actes ou toutes les allégations d’inconduite qui doivent être communiqués à la défense à titre de communication de la preuve par la partie principale, par exemple, des renseignements sur des mesures disciplinaires imposées pour retard au travail. Il n’est pas nécessaire de communiquer au ministère public des renseignements similaires de nature disciplinaire liés au fait que le policier ne prend pas soin de sa santé, qu’il a une tenue vestimentaire inappropriée et un aspect débraillé sur sa personne, ses vêtements ou l’équipement lorsqu’il est en devoir.

Il incombe au ministère public d’examiner les renseignements sur l’inconduite reprochée afin d’établir ce qui devrait être communiqué à l’accusé.7

Notes de bas de page

[…]

7 Il est extrêmement difficile d’établir au début d’une affaire quelles questions pourront surgir au cours d’une poursuite – tout particulièrement celle de savoir si l’agent a eu un rôle périphérique ou si l’inconduite a un lien avec sa crédibilité ou la fiabilité de son témoignage. Nous sommes donc d’avis que la police ne devrait pas examiner la pertinence des documents; cette décision devrait être prise par le ministère public dans le cadre de l’obligation continue qu’il a de fournir une divulgation complète à l’accusé.

[Gras ajouté]

[98] Le Comité de déontologie a bien reconnu ce type de situation dans ses constatations relatives aux répercussions de l’arrêt McNeil [133] :

Facteurs aggravants

[…]

d) L’inconduite comporte un manque d’honnêteté, d’intégrité et de professionnalisme de la part de [l’intimée], ce qui constitue des manquements sérieux à ses obligations en tant qu’agente de police et aux valeurs fondamentales de la GRC.

e) Selon les implications de la décision McNeil, [l’intimée] sera désormais tenue par la loi de divulguer son inconduite à l’avocat de la Couronne dans toutes les affaires où elle sera appelée à témoigner. Cela pourrait nuire à sa capacité de témoigner dans des instances criminelles ou d’être affectée à un autre poste à la suite d’une mutation, d’un déploiement et d’une promotion, ce qui créerait un fardeau administratif important, mais non intenable, pour la GRC. [Gras ajouté]

[99] Les motifs du Comité de déontologie montrent que, comme avancé par le RAD, le Comité a pris connaissance d’office des questions pertinentes et a bien examiné les répercussions relatives à l’arrêt McNeil sur les procès en indiquant que « [l’intimée] sera désormais tenue par la loi de divulguer son inconduite à l’avocat de la Couronne dans toutes les affaires où elle sera appelée à témoigner. Cela pourrait nuire à sa capacité de témoigner dans des instances criminelles […] [Gras ajouté] De plus, dans ses motifs, le Comité de déontologie a également pris connaissance du fait que les répercussions relatives à l’arrêt McNeil pourraient aussi influer sur « la capacité de [l’intimée] d’être affectée à un autre poste à la suite d’une mutation, d’un déploiement et d’une promotion, ce qui créerait un fardeau administratif important, mais non intenable, pour la GRC ».

[100] Cela dit, les motifs du Comité de déontologie démontrent que celui-ci n’était pas prêt à prendre connaissance d’office que l’inconduite de l’intimée causerait un fardeau intenable pour la Gendarmerie.

[101] La CSC a expliqué le concept de la « connaissance d’office » et a déclaré : [134]

La connaissance d’office dispense de la nécessité de prouver des faits qui ne prêtent manifestement pas à controverse ou qui sont à l’abri de toute contestation de la part de personnes raisonnables. Les faits admis d’office ne sont pas prouvés par voie de témoignage sous serment. Ils ne sont pas non plus vérifiés par contre-interrogatoire. Conséquemment, le critère d’application de la connaissance d’office est strict : un tribunal peut à juste titre prendre connaissance d’office de deux types de faits : (1) les faits qui sont notoires ou généralement admis au point de ne pas être l’objet de débats entre des personnes raisonnables; (2) ceux dont l’existence peut être démontrée immédiatement et fidèlement en ayant recours à des sources facilement accessibles dont l’exactitude est incontestable. […]. [Gras ajouté]

[102] La question de savoir si l’inconduite de l’intimée impose un fardeau intenable à la Gendarmerie dépend des faits. Dans les affaires antérieures similaires, le congédiement n’est pas si populaire ou généralement accepté pour ne pas faire l’objet de débats dans toutes les affaires portant sur un manque d’honnêteté et d’intégrité.[135] Ainsi, le fardeau de la preuve incombait à l’appelant. Aucun élément de preuve n’a été présenté au début du procès quant au manque de possibilités d’emploi dans la Gendarmerie pour l’intimée en particulier. La demande d’appel de l’appelant fondée sur le fait que la situation de l’intimée imposerait un fardeau intenable à la GRC est largement conjecturale.

[103] Dans la présente affaire, le Comité de déontologie a conclu que les gestes de l’intimée démontrent une erreur de jugement grave unique plutôt qu’un comportement révélant un défaut de caractère irrémédiable.[136] Par conséquent, le Comité dispose d’un vaste pouvoir discrétionnaire pour déterminer les répercussions qu’une obligation de communication établie par l’arrêt McNeil pourrait avoir sur l’intimée et la GRC. En l’absence de preuve du contraire, le Comité de déontologie n’a pas commis d’erreur dans sa détermination que les nouvelles obligations de communication de l’intimée, issues de son manque d’honnêteté et d’intégrité, n’imposeraient pas un fardeau intenable à la GRC.

E. Le Comité de déontologie a-t-il commis une erreur en omettant de considérer le racisme comme un facteur aggravant?

[104] L’appelant avance que le Comité de déontologie a commis une erreur en ne tenant pas compte des commentaires racistes que l’intimée a faits à l’agente de l’ASFC comme un facteur aggravant indépendant. L’appelant a fait référence précisément aux comportements et commentaires de l’intimée et de l’agente L.B. suivants :

a) L’intimée, mécontente de l’inspection de ses bagages a demandé à l’agente : [traduction] « Ne penses-tu pas que vous devriez consacrer plus de temps aux personnes susceptibles de faire exploser des avions? »[137] et, en fixant l’insigne nominatif de l’agente de l’ASFC, elle a ajouté : [traduction] « certains groupes ethniques sont plus enclins à commettre des crimes ».[138]

b) L’agente L.B. de l’ASFC s’est décrite comme [traduction] « une Arabe musulmane qui vit à l’époque postérieure au 11 septembre ». Selon son expérience, elle croit que les commentaires n’étaient pas aléatoires et la visaient directement.[139]

[105] L’intimée avance que le RAD n’a jamais soulevé la question des commentaires racistes comme un facteur aggravant à l’audience. Conséquemment, elle affirme que l’appelant ne peut pas maintenant, en appel, déclarer que le Comité de déontologie a commis une erreur par rapport à cette question alors que le RAD n’a jamais demandé de conclusions à ce sujet lors de l’audience. L’intimée ajoute que le Comité de déontologie a formulé une conclusion globale en ce qui concerne tous les aspects négatifs de l’interaction entre l’intimée et l’agente de l’ASFC. Elle note qu’il n’y a aucune raison de croire que le Comité de déontologie a ignoré ou écarté des éléments de preuve présentés par l’agente de l’ASFC, et que le Comité de déontologie n’était pas tenu de créer diverses sous-catégories de facteurs aggravants, surtout compte tenu du fait que le RAD n’en a pas fait la demande à l’audience.

[106] Les passages pertinents de l’allégation no 2 se trouvent dans les points 9 à 11 :

9. Vous avez également fait plusieurs commentaires inappropriés à l’agente [L.B], par exemple : ne pensent-ils pas qu’ils devraient consacrer plus de temps à des personnes susceptibles de faire exploser des avions; certains groupes sont simplement plus enclins à commettre des crimes; c’est un fait connu que l’ASFC n’aime pas la GRC; j’arrête des gens dans le cadre de mes fonctions, donc il est possible que j’aie des traces de drogue sur moi; pourquoi n’exercez-vous pas votre pouvoir discrétionnaire; pourquoi leur a-t-il fallu autant de temps pour remplir les formalités administratives, alors qu’il leur faut 10 minutes pour arrêter un terroriste; c’est comme ça que ce pays me remercie après tout ce que j’ai fait; c’est une vraie farce.

10. Dans l’ensemble, vos commentaires et votre comportement étaient inacceptables envers l’agente [L.B.], une employée d’un organisme partenaire, et lui ont donné l’impression que vous essayiez de l’intimider.

11. Vos gestes étaient déshonorants.

[107] Les passages pertinents de la décision du Comité de déontologie quant à l’allégation no 2 sont les suivants :

[...] Il est allégué au point 9 que [l’intimée] a fait plusieurs commentaires inappropriés à l’agente L.B., certains qu’elle a admis et d’autres qu’elle a niés. [L’intimée] a admis avoir fait les commentaires suivants :

Dossier d’enquête, page 161.

a) « Certains groupes sont tout simplement plus enclins à commettre des crimes. »

b) « C’est un fait connu que l’ASFC n’aime pas la GRC. »

c) « J’arrête des gens dans le cadre de mes fonctions, alors [il est] possible que j’aie des traces de drogue sur moi. »

d) « Pourquoi n’exercez-vous pas votre pouvoir discrétionnaire? »

[84] Dans sa réponse à cette allégation, [l’intimée] a nié avoir affirmé ce qui suit :

a) « Ne pensent-ils pas qu’ils devraient consacrer plus de temps aux personnes plus susceptibles de faire exploser des avions. »

b) Pourquoi faut-il autant de temps pour remplir les formalités administratives, alors qu’il « leur » faut 10 minutes pour arrêter un terroriste? »

c) « C’est comme ça que ce pays me remercie après tout ce que j’ai fait. »

d) « C’est une vraie farce. »

[85] Lors de son témoignage à l’audience, [l’intimée] a admis que son langage était impoli lorsqu’elle parlait à l’agente L.B. et qu’il était inapproprié dans les circonstances. En outre, en contre-interrogatoire, [l’intimée] a admis avoir dit que l’incident était une « vraie farce » en quittant le secteur des douanes.

[86] Comme mentionné à propos de l’allégation no 1, je ne peux accepter l’argument du représentant de la membre visée selon lequel cette dernière s’est comportée de cette façon avec l’agente L.B. en raison de son état psychologique au moment de l’incident. Encore une fois, il n’y a aucune preuve au dossier qui démontre un lien de causalité entre l’incident et son comportement. En fait, le dossier montre que [l’intimée] s’exprimait ainsi la plupart du temps. Une collègue de travail l’a décrite comme une personne qui : « [TRADUCTION] dit tout haut ce qu’elle pense; même si parfois ce n’est pas correct; elle s’emporte facilement ».

[87] En examinant sa déclaration après mise en garde présentée à l’enquêteur désigné en vertu de la loi, qui est aussi membre de la GRC, j’ai remarqué que [l’intimée] avait utilisé le mot « fuck » à au moins 47 reprises. Elle a aussi mentionné que les femmes en uniforme ont mauvais caractère. Je peux comprendre que [l’intimée] a peut-être essayé de minimiser la situation lorsqu’elle parlait à l’un de ses pairs, mais, en fin de compte, ses commentaires et son langage étaient entièrement inacceptables, manquaient de professionnalisme et nuisaient à sa crédibilité. De plus, j’estime qu’elle a totalement manqué de respect à l’égard des femmes du domaine de l’application de la loi qui, comme elle, portent un uniforme. Par conséquent, le point 9 est fondé.

[88] Il est allégué au point 10 que les commentaires généraux et le comportement de [l’intimée] étaient inappropriés et qu’ils ont donné à penser à l’agente L.B. que [l’intimée] essayait de l’intimider. Par exemple, lorsque [l’intimée] a dit à l’agente L.B. que l’ASFC devrait consacrer plus de temps aux personnes susceptibles de faire exploser des avions et que certains groupes étaient tout simplement plus enclins à commettre des crimes, ces commentaires l’ont offusquée. Dans son témoignage à l’audience, l’agente L.B. a expliqué [traduction] qu’« elle est une Arabe musulmane qui vit à l’époque postérieure au 11 septembre. » [...] « Je savais à ce moment-là que notre échange avait pris un ton un peu plus personnel et que [cette] attaque n’avait certainement pas été faite au hasard ». Par conséquent, le point 10 est également fondé.

[89] En vertu de l’article 37 de la Loi sur la GRC, [l’intimée] a le devoir de se conduire en tout temps d’une façon courtoise, respectueuse et honorable. Cette disposition s’applique qu’elle soit en service ou non. Par conséquent, je conclus qu’une personne raisonnable, informée de toutes les circonstances pertinentes, serait d’avis que les commentaires et le comportement de [l’intimée] pourraient jeter le discrédit sur la Gendarmerie. Le lien à l’emploi a été établi et l’allégation no 2 est fondée.

[…]

Facteurs aggravants

[115] Je considère comme aggravant le fait que :

[…]

b. L’agente L.B. a été affectée négativement par son interaction avec [l’intimée]. Elle qualifie l’incident de remarquable au cours de sa carrière de huit ans. L’incident était suffisamment important pour qu’à sa suite, elle demande conseil à son superviseur pour déterminer si le comportement et les commentaires de [l’intimée] devraient être signalés à son employeur.

[…]

[108] Je suis d’accord avec le CEE que je peux tenir compte de l’argument de l’appelant. Comme mentionné plus haut, le régime législatif de la GRC applicable aux appels en matière de déontologie fournit le cadre juridique requis pour déterminer l’admissibilité d’un nouvel argument en appel sans avoir recours aux critères établis dans la common law.

[109] Encore une fois, l’article 25 des CC (Griefs et appels) détermine les seules restrictions qui s’appliquent aux éléments que l’appelant peut déposer en appel. Dans le présent cas, l’appelant avance que le Comité de déontologie a commis une erreur en ne tenant pas compte des commentaires racistes que l’intimée a dits à l’agente de l’ASFC comme un facteur aggravant indépendant.

[110] Je conclus que la question des « commentaires racistes » n’est pas une nouvelle information en appel. Les commentaires et comportements soulignés par l’appelant dans sa demande d’appel sont les mêmes que ceux présentés à l’audience. En outre, le mot « raciste » a été mentionné directement deux fois lors de l’étape des allégations de l’audience disciplinaire : L’agent L.B. a témoigné de la [traduction] « connotation visiblement négative » des commentaires de l’intimée[140], et l’intimée a répondu que ses commentaires n’étaient pas pertinents puisqu’elle n’est pas raciste.[141] Comme l’appelant n’inclut pas dans ses observations de nouveaux renseignements qui n’étaient pas présentés au Comité de déontologie, rien ne m’empêche de tenir compte de l’argument dans le présent appel.

[111] Je n’accepte pas l’argument de l’appelant selon lequel le Comité de déontologie a ignoré l’élément important de racisme. Bien que le Comité de déontologie n’emploie pas directement le mot « raciste » dans sa décision, l’exemple cité au point 10 (« lorsque [l’intimée] a dit à l’agente L.B. que l’ASFC devrait consacrer plus de temps aux personnes susceptibles de faire exploser des avions et que certains groupes étaient tout simplement plus enclins à commettre des crimes »), ainsi que l’ajout de la description de l’agente L.B. qui se définit comme une « Arabe musulmane qui vit à l’époque postérieure au 11 septembre » montrent que le Comité de déontologie était conscient de la question du racisme présentée et a abordé significativement les commentaires racistes de l’intimée dans sa décision.

[112] De plus, je conclus que le Comité de déontologie n’a pas commis d’erreur en ne tenant pas compte des commentaires racistes que l’intimée a faits à l’agente de l’ASFC comme un facteur aggravant indépendant. Pour évaluer le caractère raisonnable de la décision du Comité de déontologie, il faut tenir compte de l’historique et du contexte des procédures connexes, y compris les observations des parties.[142]

[113] Dans la présente affaire, il est indiqué dans l’avis que l’allégation no 2 contient de nombreux types de commentaires et de comportements inappropriés. Il est mentionné que l’intimée a dit à l’agente L.B. qu’elle travaillait pour le gouvernement dans le domaine de la sécurité nationale, et « qu’ils » n’aimaient pas la GRC, ce qui expliquait pourquoi l’intimée était toujours ciblée et harcelée; qu’il s’agissait de discrimination envers les femmes blanches, qu’elle avait fait plusieurs commentaires inappropriés à l’agente L.B. (p. ex. ne pensent-ils pas qu’ils devraient consacrer plus de temps aux personnes qui sont plus susceptibles de faire exploser des avions; certains groupes sont tout simplement plus enclins à commettre des crimes; c’est un fait connu que l’ASFC n’aime pas la GRC; j’arrête des gens dans le cadre de mes fonctions, donc il est possible que j’aie des traces de drogue sur moi; pourquoi n’exercez-vous pas votre pouvoir discrétionnaire; pourquoi leur a-t-il fallu autant de temps pour remplir les formalités administratives, alors qu’il leur faut 10 minutes pour arrêter un terroriste; c’est comme ça que ce pays me remercie après tout ce que j’ai fait; c’est une vraie farce) et il est indiqué que, dans l’ensemble, les commentaires et le comportement de l’intimée envers l’agente L.B., une employée d’un organisme partenaire, étaient inappropriés et lui ont donné l’impression que l’intimée essayait de l’intimider.

[114] De plus, dans ses observations portant sur les mesures disciplinaires, le RAD n’a pas mentionné les commentaires racistes de l’intimée comme un facteur aggravant.

[115] En somme, dans sa décision, le Comité de déontologie a abordé la plupart des facteurs mentionnés par l’appelant dans ses observations en appel. Ainsi, le Comité de déontologie a accordé une importance adéquate aux questions principales soulevées par l’appelant comme étant des facteurs aggravants dans son analyse. Puisque l’appelant a lui-même (par l’intermédiaire du RAD) jugé ces facteurs comme aggravants, son argument en appel voulant que les commentaires racistes soient considérés comme un facteur aggravant indépendant qui aurait dû être abordé par le Comité de déontologie est moins convaincant.

[116] La CSC a souligné qu’il faut que les motifs du décideur administratif « tiennent valablement compte des questions et préoccupations centrales soulevées par les parties », mais ils n’ont pas à répondre « à tous les arguments ou modes possibles d’analyse ».[143] Compte tenu de la façon dont l’appelant a présenté ses observations, je ne peux pas conclure que le Comité de déontologie était manifestement déraisonnable en ne qualifiant pas les commentaires indépendamment comme un facteur aggravant distinct en raison de leur caractère raciste.

F. Le Comité de déontologie a-t-il commis une erreur en omettant de considérer la poursuite d’un gain personnel comme un facteur aggravant?

[117] En appel, l’appelant avance que le Comité de déontologie a omis de considérer la poursuite d’un gain personnel comme un facteur aggravant. Plus précisément, il affirme :

[Traduction] […]

Si l’on met de côté le témoignage de l’intimée sur les allégations, précisément l’allégation no 1 qui porte sur les fausses déclarations faites à la douane, le Comité de déontologie n’avait qu’une conclusion raisonnable à tirer sur la raison motivant les fausses déclarations : l’intimée les a faites pour son gain personnel, dans le but de ne pas payer les taxes des biens non déclarés.

a) Tout au long de son interaction avec l’agente de l’ASFC, l’intimée a mentionné subtilement à maintes reprises qu’elle travaillait dans le domaine de la sécurité nationale ou de l’application de la loi pour le gouvernement.

b) Dans son entrevue avec le [sergent S.B.] des Enquêtes spéciales, l’intimée a admis que, lorsqu’elle passait la frontière entre la Colombie- Britannique et l’État de Washington, les agents de l’ASFC la laissaient remplir les formalités douanières sans question quand elle disait qu’elle travaillait pour la GRC.

Nous avançons que le Comité [de déontologie] a commis une erreur en ne tenant pas compte de la poursuite d’un gain personnel qui a motivé les fausses déclarations de l’intimée à la douane comme un facteur aggravant.

[…]

[118] L’intimée réplique que la poursuite d’un gain personnel n’a pas été exposée comme un facteur aggravant à l’audience. Elle affirme que l’appelant ne peut pas soulever la question maintenant et avancer qu’il était manifestement déraisonnable que le Comité de déontologie n’en ait pas tenu compte. La décision du Comité de déontologie fournie par l’appelant en appel, qui porte sur l’importance de la poursuite d’un gain personnel comme un facteur aggravant, n’a jamais été présentée au Comité de déontologie par le RAD dans le but de soulever la question. Conséquemment, la question des mesures disciplinaires relevait du pouvoir discrétionnaire du Comité de déontologie. L’intimée soutient que l’appelant ne peut pas décider maintenant d’affirmer que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire était manifestement déraisonnable.

[119] En se fondant de nouveau sur l’arrêt Athey[144], l’appelant déclare qu’il peut soulever les nouvelles questions en appel puisqu’elles ne sont pas différentes de ce qui a été présenté au Comité de déontologie sur les plans juridique et factuel. Il ajoute que l’intimée ne subit aucun préjudice, car elle a pu aborder la question lors de la procédure d’appel.

[120] Le CEE a résumé comme suit les conclusions du Comité de déontologie sur la présumée poursuite d’un gain personnel de l’intimée : [145]

[Traduction] [147] Comme mentionné plus haut dans le présent rapport, le Comité [de déontologie] a établi le bien-fondé de l’allégation no 1 et a soulevé des préoccupations concernant la crédibilité de l’intimée puisque ses explications quant à son omission de déclarer la totalité de ses achats contenaient des incohérences. Le Comité de déontologie a exprimé ces préoccupations dans sa décision de vive voix confirmant le bien-fondé des allégations.[146] Cependant, dans sa décision de vive voix, le Comité [de déontologie] a accepté le point de vue du RAD selon lequel il n’était pas nécessaire de prouver une intention d’induire en erreur ou de faire une fausse déclaration pour établir le bien-fondé de l’allégation.[147] Dans les motifs exposés de vive voix expliquant pourquoi la conduite était déshonorante, le Comité [de déontologie] a noté que l’acte de faire une fausse déclaration à des agents de l’ASFC consternerait une personne raisonnable. Le Comité [de déontologie] n’a pas conclu que l’intimée avait intentionnellement induit l’agente L.B. en erreur dans le but d’éviter de payer des droits.[148]

[121] Le CEE se fonde sur ses recommandations antérieures dans d’autres affaires pour avancer que l’utilisation de l’expression large « tout nouveau renseignement » au sous-paragraphe 25(2)b) des CC (Griefs et appels) vise à interdire, en appel, l’inclusion de nouvelles questions qui auraient pu être présentées au décideur original. Le CEE a ajouté ce qui suit :

[Traduction] [156] Le sous-paragraphe 25(2)b) présente la règle générale, constamment reconnue dans la jurisprudence, selon laquelle on ne peut soulever de nouvelles questions en appel. Le raisonnement derrière cette règle est qu’il est « injuste de présenter sans avis un nouvel argument à une partie à une audience d’appel lorsqu’on aurait pu soumettre des éléments de preuve pendant le procès si on avait su que l’argument serait soulevé en appel ».[149] Les cours d’appel sont généralement réticentes à entendre de nouveaux moyens, parce qu’elles sont privées de l’éclairage du tribunal de première instance.[150] Cependant, la règle générale est « limitative, mais pas inflexible ».[151] Il incombe à l’appelant de persuader l’organe d’appel qu’il a présenté tous les faits requis pour aborder la question, comme si elle avait été soulevée lors du procès. En fin de compte, la décision d’accepter un nouvel argument est discrétionnaire et guidée par la conciliation des intérêts de la justice, puisque cela touche toutes les parties.[152] Il faut tenir compte de l’équité envers toutes les parties dans cette décision.[153] Le maintien du caractère définitif des procédures de première instance est également une considération importante, tant dans le contexte criminel[154] que civil.[155]

[122] Après avoir examiné la question, le CEE a conclu que les nouveaux éléments de preuve étaient inadmissibles pour les raisons suivantes : le dossier est insuffisant pour les aborder adéquatement; la probabilité de réussite est incertaine; aucune explication n’a été fournie quant à la raison pour laquelle la question n’a pas été soulevée devant le Comité de déontologie.

[123] Comme le CEE, je conclus que l’argument n’a pas été adéquatement présenté au Comité de déontologie. En conséquence, je conclus que je ne peux pas tenir compte de cet argument dans le cadre de l’appel.

[124] Après examen des procédures de la présente affaire, je remarque dès le début que la poursuite d’un gain personnel comme motivation de l’inconduite de l’intimée n’a pas été mentionnée dans l’avis et ses points.

[125] Cela dit, la notion de poursuite d’un gain personnel a tout de même été explorée à l’étape des allégations de l’audience disciplinaire. En réponse à une question du RAD, l’agente L.B. a émis des hypothèses quant aux raisons de l’inconduite de l’intimée (entre autres, pour éviter de payer des droits ou des taxes).[156] En outre, dans son témoignage principal, l’intimée a dit explicitement qu’elle ne cherchait pas à éviter de payer des taxes ou des droits.[157] La question n’a pas fait l’objet d’un contre-interrogatoire.

[126] Durant la présentation des observations de l’étape des allégations, le RAD n’a pas abordé la notion de poursuite d’un gain personnel, mais le représentant de la membre visée a indiqué dans son observation présentée au Comité de déontologie que l’intimée n’avait pas de raison ou de motif de mentir.[158] Dans sa réplique, le RAD a expliqué que les raisons motivant l’inconduite font partie des facteurs à prendre en compte pour déterminer ce qui est plus aggravant.[159] Cela dit, lors de la présentation des observations de l’étape des mesures disciplinaires, le RAD n’a pas mentionné la poursuite d’un gain personnel de l’intimée comme un facteur aggravant.

[127] Étant donné que le RAD avait dit expressément que les raisons expliquant l’inconduite faisaient partie des facteurs à prendre en compte pour déterminer ce qui est plus aggravant, il paraît intentionnel qu’il ait décidé de ne pas aborder la poursuite d’un gain personnel comme un facteur aggravant.

[128] Fait intéressant, la Cour fédérale[160] a déjà indiqué que si le commissaire se fondait, dans sa décision sur la sanction, sur une preuve non pertinente quant à une question importante en litige, et dont il n’avait donc pas été saisi, cela constituait une erreur de droit et un manquement à l’équité procédurale. Selon l’avis et les plaidoyers présentés à l’audience, je conclus que la poursuite d’un gain personnel n’a jamais été abordée à titre de question substantielle dans l’affaire de l’intimée.

[129] Néanmoins, la preuve montre que le concept de la poursuite d’un gain personnel a été envisagé ou exploré, dans une certaine mesure, par les parties lors de l’audience disciplinaire, mais il n’a jamais été soulevé comme un fait substantiel ou un facteur aggravant devant le Comité de déontologie.

[130] Conséquemment, je suis d’accord avec le CEE et l’intimée que l’appelant tentait de présenter de « nouveaux renseignements » sous la forme d’un nouvel argument qui était connu ou qui aurait pu raisonnablement avoir été connu de l’appelant au moment où la décision a été rendue. Comme mentionné préalablement, la présentation de nouveaux arguments en appel est interdite par le sous-paragraphe 25(2)b) des CC (Griefs et appels).

[131] Toutefois, l’article 32 des CC (Griefs et appels) offre au commissaire (ou à son délégué) une certaine souplesse en ce qui concerne l’acception de nouveaux éléments de preuve lors de l’étude d’un appel ou de toute question qui s’y rattache. Pour les raisons suivantes, je conclus que je ne devrais pas exercer mon pouvoir discrétionnaire dans le cas présent.

[132] Premièrement, les deux actes précis que l’appelant soulève pour expliquer que le Comité de déontologie a commis une erreur en ne tenant pas compte de la poursuite d’un gain personnel par l’intimée ont en fait été abordés lorsque le Comité de déontologie a examiné l’allégation no 2 (commentaires et comportement inappropriés) [161]et non pas lors de l’examen de l’allégation no 1 (manque d’honnêteté et d’intégrité) ou de l’allégation no 3 (manque de transparence).

[133] Deuxièmement, comme indiqué plus haut, après avoir examiné le résultat obtenu par le Comité de déontologie, je dois me pencher sur les motifs écrits en tenant compte du contexte complet, y compris la preuve et les observations des parties. Au cours du procès, le RAD a décidé, peut-être pour de bonnes raisons, de ne pas soulever la poursuite d’un gain personnel comme un facteur aggravant. Dans le présent appel, l’appelant n’a pas expliqué pourquoi il a présenté un nouvel argument. Contrairement aux déclarations de l’appelant, je ne crois pas que la notion de poursuite d’un gain personnel avait été suffisamment présentée au Comité de déontologie, sauf de façon spéculative. Je conclus que l’intimée subirait un préjudice si je tenais compte de cet argument en appel, puisque cela permettrait à l’appelant de plaider à nouveau sa cause.

[134] Conséquemment, je ne tiendrai pas compte de l’argument.

DÉCISION

[135] En vertu du sous-paragraphe 45.16(3)a) de la Loi sur la GRC, l’appel est rejeté et les mesures disciplinaires imposées par le Comité sont confirmées.

DIRECTIVES

[136] Le BCGA doit fournir une copie de la présente décision aux parties.

[137] Les personnes qui reçoivent une copie de la présente décision sont tenues de manipuler les renseignements de façon adéquate et conforme aux politiques et lois applicables régissant le traitement des renseignements personnels.

 

 

8 novembre 2023

Caroline Drolet

Arbitre

 

Date

 



[1] Rapport, paragraphes 4 à 10.

[2] Transcription, volume 1, page 96.

[3] Transcription, volume 1, pages 45 à 47.

[4] Transcription, volume 1, pages 139 et 140.

[5] Transcription, volume 1, pages 29 à 36.

[6] Décision du Comité de déontologie, paragraphe 26.

[7] Transcription, volume 1, pages 16 et 17.

[8] Transcription, volume 1, pages 20 et 21.

[9] Transcription, volume 1, pages 27 et 28.

[10] Transcription, volume 1, pages 39 à 41.

[11] Transcription, volume 1, page 58.

[12] Transcription, volume 1, pages 55 et 56.

[13] Transcription, volume 1, pages 82 à 84.

[14] Transcription, procédure liée à la Loi sur les douanes, pages 2 à 13.

[15] Partie IV du rapport d’enquête, pages 1 à 29.

[16] Réponse de la membre visée au titre du paragraphe 15(3).

[17] Rapport, paragraphes 14 à 23.

[18] Transcription, volume 1, pages 29 à 36.

[19] Transcription, volume 1, pages 36 et 37.

[20] Transcription, volume 1, pages 19 et 20.

[21] Transcription, volume 1, pages 15 et 16.

[22] Transcription, volume 1, pages 27 et 28.

[23] Transcription, volume 1, pages 39 à 41.

[24] Transcription, volume 1, pages 56 et 58.

[25] Transcription, volume 1, page 60.

[26] Transcription, volume 1, pages 73 et 74.

[27] Transcription, volume 1, pages 52 et 53.

[28] Transcription, volume 1, pages 100 à 106, 110, 111 et 116.

[29] Transcription, volume 1, pages 107 à 109.

[30] Transcription, volume 1, pages 112 et 113.

[31] Transcription, volume 1, pages 127 à 143, 145 et 146.

[32] Transcription, volume 1, page 147.

[33] Transcription, volume 1, page 150.

[34] Transcription, volume 1, pages 147 et 148.

[35] Transcription, volume 1, pages 82 à 84.

[36] Transcription, volume 1, pages 82 à 86.

[37] Rapport, paragraphes 25 à 28.

[38] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 34, 36 à 38.

[39] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 46 à 75.

[40] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 76 à 89.

[41] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 90 à 99.

[42] Rapport, paragraphes 29 à 40.

[43] Transcription, volume 3, pages 26 à 30.

[44] Transcription, volume 3, pages 32 à 39.

[45] Transcription, volume 3, pages 41 à 43.

[46] Transcription, volume 3, pages 48 et 49.

[47] Transcription, volume 3, pages 43 à 45.

[48] Transcription, volume 3, pages 45 à 47, 52 à 55, 58.

[49] R. c. McNeil, 2009 CSC 3, [McNeil]

[50] Transcription, volume 3, pages 47 et 48.

[51] Transcription, volume 3, pages 59 et 60.

[52] Transcription, volume 3, page 62.

[53] Transcription, volume 3, pages 60 à 64.

[54] Transcription, volume 3, pages 64 à 67.

[55] Transcription, volume 3, pages 74 et 75.

[56] Décision du Comité de déontologie, paragraphe 115.

[57] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 116 à 121.

[58] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 122 et 123.

[59] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 126 et 127.

[60] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 128 à 130.

[61] Rapport, paragraphe 42.

[62] Dossier d’appel, pages 123 et 124.

[63] Guide national – Procédures d’appel, article 4.1.

[64] Guide national – Procédures d’appel, article 32; CC (Griefs et appels), article 22; Manuel d’administration, Chapitre II.3 « Griefs et appels » (version du 9 juillet 2015), article 5.2.3.3.

[65] Smith c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 73, paragraphe 44.

[66] Smith c. Canada (Procureur général), 2019 CF 770, paragraphe 40.

[67] Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, paragraphe 43. Également, Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, paragraphes 54 et 55; Gulia c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 106, paragraphe 9; et Davidson c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 226, paragraphe 14.

[68] Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada─Terre‑Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 R.C.S. 202, page 228.

[69] Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, paragraphe 36.

[70] Smith c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 73, paragraphe 56; Kalkat c. Canada (Procureur général), 2017 CF 794, paragraphe 62.

[71] Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], paragraphes 34 et 35.

[72] Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, paragraphe 57.

[73] Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, paragraphe 52.

[74] Speckling v British Columbia (Workers’ Compensation Board), 2005 BCCA 80 [Speckling], paragraphe 37.

[75] R. c. Lacasse, 2015 CSC 64, paragraphes 43 et 44.

[76] Vavilov, paragraphe 83.

[77] Vavilov, paragraphes 91, 127 et 128.

[78] Vavilov, paragraphes 94, 97, 103 et 123.

[79] Vavilov, paragraphes 91 et 92.

[80] Vavilov, paragraphe 133.

[81] Vavilov, paragraphe 133; Mason c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21, paragraphe 76.

[82] Rapport, paragraphes 61 à 63.

[83] Dossier d’appel, pages 79 et 80.

[84] Dossier d’appel, page 123.

[85] Rapport, paragraphe 65.

[86] F. H. c. McDougall, 2008 CSC 53 [McDougall], paragraphe 58.

[87] Décision du Comité de déontologie, paragraphe 33.

[88] Arrêt McDougall, paragraphe 70.

[89] R. c. R.E.M., 2008 CSC 51, paragraphe 65.

[90] R. v Howe, 2005 CanLII 253 (ON CA), paragraphe 44; Novak Estate (Re), 2008 NSSC 283 paragraphe 37.

[91] Rapport, paragraphe 73.

[92] Transcription, volume 3, pages 26 à 30.

[93] Transcription, volume 3, page 26; Éléments de preuve de l’audience disciplinaire – Lettre de l’intimée de mai 2021.

[94] Dossier d’appel, page 80.

[95] Transcription, volume 3, pages 26 et 33 à 39.

[96] Décision du Comité de déontologie, paragraphes 128 et 129.

[97] Cité à la page 38 de la présente décision.

[98] Rapport, paragraphe 77.

[99] Rapport, paragraphe 80.

[100] Ontario (Provincial Police) v. Favretto, 2004 CanLII 34173 (ON CA) (autorisation d’appel rejetée par la CSC le 28 avril 2005), paragraphes 38 et 56.

[101] Rapport, paragraphes 86 à 90.

[102] Dossier d’appel, pages 80 à 82, 223 et 224.

[103] Dossier d’appel, pages 125 et 126.

[104] Rapport, paragraphe 90.

[105] McDougall, paragraphe 70.

[106] Transcription, volume 3, page 26.

[107] Transcription, volume 1, pages 52 et 53.

[108] Rapport, paragraphe 92.

[109] Rapport, paragraphe 93.

[110] Transcription, volume 3, page 36.

[111] Transcription, volume 3, pages 59 et 60.

[112] Transcription, volume 3, page 46.

[113] Dossier d’appel, page 82.

[114] College of Physicians and Surgeons of Ontario v. Gillen, 1993 CanLII 8641 (ON CA), également cité dans l’affaire de la Cour d’appel fédérale Green c. Canada (Treasury Board) 2000 CanLII 15129 (CAF), paragraphe 23.

[115] Documents Éléments de preuve de l’audience disciplinaire – Lettre de l’intimée de mai 2021.

[116] Transcription, volume 3, page 62.

[117] Rapport, paragraphe 100.

[118] Rapport, paragraphe 105.

[119] Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Appeal Tribunal) c. Fraser Health Authority, 2016 CSC 25 (arrêt Fraser Health) paragraphe 30.

[120] Speckling, paragraphe 37.

[121] Rapport, paragraphes 114 à 117.

[122] Dossier d’appel, pages 83 et 84.

[123] Dossier d’appel, pages 127 et 128.

[124] Dossier d’appel, pages 128, 206 à 213.

[125] Dossier d’appel, page 223.

[126] Transcription, volume 3, page 51.

[127] Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458 [Athey], paragraphe 51.

[128] Palmer c. la Reine [1980] 1 R.C.S. 759, page 775.

[129] Rapport, paragraphe 35.

[130] Barendregt c. Grebliunas, 2022 CSC 22, paragraphe 29.

[131] Vavilov, paragraphe 90.

[132] Dossier d’appel, pages 207 et 208.

[133] Décision du Comité de déontologie, paragraphe 115.

[134] R. c. Find, 2001 CSC 32 (CanLII), [2001] 1 RCS 863, paragraphe 48.

[135] Décision d’appel en matière de déontologie – Clarke – GRC 2016-335279 (C-027), paragraphe 91; Décision d’appel en matière de déontologie – Cormier – GRC 2016-33572 (C-017), paragraphes 38, 82, 83, 84. Voir également Costa v Toronto Police Service, 2017 ONCPC 14, paragraphe 72.

[136] Décision du Comité de déontologie, paragraphe 130.

[137] Transcription, volume 1, page 42.

[138] Transcription, volume 1, page 43.

[139] Transcription, volume 1, page 43.

[140] Transcription, volume 1, pages 44 et 60.

[141] Transcription, volume 1, page 126.

[142] Vavilov, paragraphes 94 à 96, 127 et 128.

[143] Vavilov, paragraphes 127 et 128.

[144] Athey, paragraphe 51.

[145] Rapport, paragraphes 147 et 148.

[146] Transcription, volume 3, page 5.

[147] Transcription, volume 3, page 2.

[148] Transcription, volume 3, page 13.

[149] Kaiman v Graham, 2009 ONCA 77 (CanLII) [Kaiman], paragraphe 18.

[150] R. c. J.F., 2022 CSC 17 [R. c. J.F.], paragraphe 40.

[151] R. v Reid, 2016 ONCA 524 (CanLII), paragraphe 38.

[152] Kaiman, paragraphe 8; Voir aussi la décision de dernier niveau de la GRC 2016-335193 (C-058), paragraphe 75.

[153] R. c. J.F., paragraphe 41.

[154] R. v Tello, 2023 ONCA 335 (CanLII), paragraphe 70.

[155] Kaiman, paragraphe 24; 7550111 Canada Inc. v Charles, 2020 ONCA 386 (CanLII), paragraphe 14.

[156] Transcription, volume 1, page 67.

[157] Transcription, volume 1, page 113.

[158] Transcription, volume 2, page 50.

[159] Transcription, volume 2, page 76.

[160] McBain c. Canada (Procureur général), 2016 CF 829, paragraphe 58, conclusions appuyées par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. McBain, 2017 CAF 204.

[161] Dossier d’appel, page 27; Décision du Comité de déontologie, paragraphes 79 et 80.

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.