Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’appelant a fait l’objet d’une allégation de conduite susceptible de jeter le discrédit sur la GRC au titre de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC. L’appelant, l’entraîneur-chef bénévole pour l’équipe de crosse, aurait échangé des messages textes avec une entraîneuse adjointe de 16 ans (Mme X) pendant plusieurs semaines dans le but d’établir une relation de nature sexuelle avec elle. L’appelant a contesté l’allégation.

Le comité de déontologie (comité) a conclu que l’allégation était fondée et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié de la GRC. L’appelant a interjeté appel de cette décision.

En appel, l’appelant soutient que la décision du comité était inéquitable sur le plan procédural, puisque ce dernier n’a donné aucune explication pour justifier les contradictions importantes dans la preuve. Il ajoute que la décision était manifestement déraisonnable, puisque le comité a commis une erreur en concluant que deux des énoncés détaillés étaient établis; qu’il n’a pas évalué correctement la crédibilité de chacun des témoins et qu’il a imposé une mesure disciplinaire disproportionnée.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour examen. Le CEE recommande le rejet du présent appel et la confirmation de la mesure disciplinaire imposée.

N’ayant relevé aucune erreur manifeste et déterminante dans la décision du comité concernant l’allégation ou la mesure disciplinaire, l’arbitre a retenu la recommandation du CEE. Elle a conclu que la décision du comité était étayée par la preuve au dossier, ne contrevenait pas aux principes d’équité procédurale, n’était pas entachée d’une erreur de droit et n’était pas manifestement déraisonnable. Elle a rejeté l’appel et confirmé la conclusion du comité et la mesure disciplinaire imposée par ce dernier.

Contenu de la décision

Protégé A

Dossier 2021335976 (C-078)

2023 DAD 12

Logo de la Gendarmerie royale du Canada

GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

AFFAIRE INTÉRESSANT

un appel d’une décision du comité de déontologie interjeté au titre du paragraphe 45.11(1) de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 (dans sa version modifiée) et de la

partie 2 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289

ENTRE :

Gendarme Daniel Martin

Matricule no 55176

SIGRH no 000139998

(appelant)

et

Commandant de la Division K

Gendarmerie royale du Canada

(intimé)

(les parties)

DÉCISION D’APPEL MODIFIÉE EN MATIÈRE DE DÉONTOLOGIE

Caroline Drolet

Le 10 novembre 2023

La présente décision a été modifiée uniquement à des fins de protection de la vie privée. La catégorie de sécurité de la décision a également été modifiée.


Table des matières

RÉSUMÉ 4

INTRODUCTION 5

REMARQUE 6

CONTEXTE 7

Allégation 9

Réponse écrite de l’appelant 24

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES 25

DÉCISION DÉFINITIVE ÉCRITE DU COMITÉ 36

APPEL 40

ANALYSE 42

Considérations en appel 42

Équité procédurale 42

Application à l’espèce 43

Erreur de droit 44

Application à l’espèce 45

Caractère manifestement déraisonnable 45

Application à l’espèce 47

Énoncé détaillé 10 47

Observations de l’appelant 48

Observations de l’intimé 49

Conclusions 50

Ordre donné par l’appelant à Mme X de ne jamais en parler à quiconque 50

Ordre donné par l’appelant à Mme X de supprimer les messages textes 51

Conclusion subsidiaire 54

Crédibilité des témoins 55

Observations de l’appelant 55

Observations de l’intimé 55

Conclusions 56

Incohérence sur la question de savoir si Mme X a eu ou non des ennuis avec sa mère 59

Incohérence concernant l’ordre donné par l’appelant à Mme X de supprimer les messages textes 59

Incohérence concernant le fait que Mme X a supprimé les messages textes sur son ancien téléphone, mais pas sur son nouveau téléphone 61

Énoncé détaillé 16 (faciliter et promouvoir une relation sexuelle) 61

Observations de l’appelant 62

Observations de l’intimé 63

Conclusions 63

Conclusion relative à l’allégation 66

Mesure disciplinaire 67

Observations de l’appelant 67

Observations de l’intimé 68

Conclusions 68

DISPOSITIF 72

DIRECTIVES 73

 

RÉSUMÉ

L’appelant a fait l’objet d’une allégation de conduite susceptible de jeter le discrédit sur la GRC au titre de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC. L’appelant, l’entraîneur-chef bénévole pour l’équipe de crosse, aurait échangé des messages textes avec une entraîneuse adjointe de 16 ans (Mme X) pendant plusieurs semaines dans le but d’établir une relation de nature sexuelle avec elle. L’appelant a contesté l’allégation.

Le comité de déontologie (comité) a conclu que l’allégation était fondée et a ordonné à l’appelant de démissionner dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié de la GRC. L’appelant a interjeté appel de cette décision.

En appel, l’appelant soutient que la décision du comité était inéquitable sur le plan procédural, puisque ce dernier n’a donné aucune explication pour justifier les contradictions importantes dans la preuve. Il ajoute que la décision était manifestement déraisonnable, puisque le comité a commis une erreur en concluant que deux des énoncés détaillés étaient établis; qu’il n’a pas évalué correctement la crédibilité de chacun des témoins et qu’il a imposé une mesure disciplinaire disproportionnée.

L’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour examen. Le CEE recommande le rejet du présent appel et la confirmation de la mesure disciplinaire imposée.

N’ayant relevé aucune erreur manifeste et déterminante dans la décision du comité concernant l’allégation ou la mesure disciplinaire, l’arbitre a retenu la recommandation du CEE. Elle a conclu que la décision du comité était étayée par la preuve au dossier, ne contrevenait pas aux principes d’équité procédurale, n’était pas entachée d’une erreur de droit et n’était pas manifestement déraisonnable. Elle a rejeté l’appel et confirmé la conclusion du comité et la mesure disciplinaire imposée par ce dernier.

INTRODUCTION

[1] L’appelant interjette appel de la décision par laquelle le comité de déontologie (comité) de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a conclu que l’appelant s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la GRC, en contravention de l’article 7.1 du code de déontologie de la GRC, une annexe du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281 [code de déontologie], et lui a imposé une mesure disciplinaire lui ordonnant de démissionner dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié de la GRC. L’appelant soutient que la décision a été rendue de façon non conforme aux principes d’équité procédurale, était entachée d’erreurs de droit et était manifestement déraisonnable.

[2] Conformément au paragraphe 45.15(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC 1985, c R-10 (Loi sur la GRC), l’appel a été renvoyé devant le Comité externe d’examen (CEE) de la GRC pour examen. Dans un rapport publié le 14 juin 2023 (CEE, C-2021-041 [C-078]) (rapport), le président du CEE, M. Charles Randall Smith, a recommandé que l’appel soit rejeté.

[3] En vertu du paragraphe 45.16(11) de la Loi sur la GRC, le commissaire peut déléguer son pouvoir de rendre des décisions définitives et exécutoires sur des appels en matière de déontologie, et ce pouvoir m’a été délégué.

[4] Après avoir examiné le dossier, je suis d’avis que l’appelant a qualité pour agir et que l’appel a été présenté dans le délai prévu à l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289. J’ai donc compétence pour trancher le présent appel.

[5] Pour rendre ma décision, j’ai pris en compte l’ensemble du dossier, à savoir les documents dont disposait le comité (documents), les documents d’appel totalisant 254 pages préparés par le Bureau de la coordination des griefs et des appels (BCGA) ainsi que le rapport. Je renvoie aux documents du dossier à l’aide du numéro de page du fichier électronique.

[6] Après un examen minutieux du dossier, je suis d’accord avec le CEE et conclus que l’appelant n’a pas établi, selon la prépondérance des probabilités, que la décision du comité a été rendue de façon non conforme aux principes d’équité procédurale applicables, était entachée d’une erreur de droit ou était manifestement déraisonnable. Je rejette l’appel et confirme la conclusion du comité et la mesure disciplinaire imposée par ce dernier.

REMARQUE

[7] Je souligne que le comité et le CEE ont rendu une ordonnance de non-publication à l’égard de toute information pouvant servir à identifier l’entraîneuse adjointe. Je suis d’accord avec le CEE que rien ne justifie de modifier cette ordonnance à ce stade du processus. Par conséquent, je ferai comme le CEE et désignerai l’entraîneuse adjointe de 16 ans sous le nom de Mme X.

CONTEXTE

[8] Le CEE a résumé le contexte factuel ayant mené à l’audience disciplinaire (rapport, par. 7-13)

[TRADUCTION]

1. Principaux événements

[7] Au milieu de 2019, l’appelant était un gendarme de 40 ans comptant environ 12 ans de service. Il travaillait au sein de l’équipe d’intervention en cas d’urgence de la Division K et vivait avec sa femme et leurs deux enfants. Il était également entraîneur-chef bénévole pour une équipe de crosse [caviardé à des fins de confidentialité][1].

[8] Une connaissance mutuelle a mis l’appelant en contact avec Mme X alors que l’appelant cherchait un entraîneur adjoint de crosse ayant une meilleure compréhension du jeu que lui et ses assistants. À cette époque, Mme X était âgée de 16 ans et vivait avec sa mère en attendant le règlement du litige opposant ses parents pour obtenir sa garde. Elle avait longtemps joué à la crosse, mais ne pouvait pas jouer cette année-là en raison d’une blessure. Elle était ouverte à l’idée d’être entraîneuse. Dès qu’elle s’est jointe à l’équipe, elle s’est rapidement révélée être une entraîneuse adjointe enthousiaste et compétente[2].

[9] L’appelant et Mme X ont rapidement commencé à discuter de sujets ne concernant pas la crosse. Ces discussions ont débuté lorsque l’appelant a réconforté Mme X après que la mère de cette dernière se soit fâchée contre elle après avoir appris qu’elle avait rendu visite en secret à son père en dehors des périodes prévues dans l’accord de garde. L’appelant et Mme X ont ensuite commencé à s’échanger des messages textes, lesquels sont devenus personnels et suggestifs et concernaient rarement la crosse. La mère de Mme X a finalement trouvé plusieurs de leurs messages textes. Par la suite, des officiels locaux de crosse ont obtenu accès à certains de leurs messages textes[3]. Ensuite :

· la mère de Mme X a déposé une plainte officielle auprès de la GRC, dans laquelle elle alléguait que l’appelant faisait des avances sexuelles à Mme X[4];

· la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a accueilli la demande de la mère de Mme X (déposée au nom de cette dernière) visant à obtenir une ordonnance d’injonction civile contre l’appelant, après que ce dernier ait consenti à une telle ordonnance d’un an sans admettre l’information la sous-tendant[5];

· la GRC a affecté temporairement l’appelant à des fonctions administratives[6];

· l’organisme local de crosse a indéfiniment suspendu l’appelant de ses fonctions d’entraîneur[7].

[10] La GRC a envisagé, puis finalement refusé de lancer une enquête criminelle. L’Équipe d’intervention en cas d’incident grave de l’Alberta a conclu que, bien que l’affaire était « préoccupant[e] », elle ne « relevait pas du champ d’application du Code criminel »[8]. En outre, un fonctionnaire de la GRC a semblé confirmer cette conclusion en déterminant que la conduite du demandeur ne répondait pas aux éléments constitutifs de l’infraction de leurre d’enfants[9].

2. Enquête en matière de déontologie

[11] L’autorité disciplinaire a publié une lettre de mandat dans laquelle elle indiquait qu’elle avait récemment pris connaissance de la conduite reprochée à l’appelant et qu’elle ordonnait la tenue d’une enquête relative au code de déontologie[10]. Cette enquête a été menée par une sergente du Groupe de la responsabilité professionnelle de la Division K. Elle a ensuite rédigé un rapport d’enquête après avoir examiné 44 documents qui y sont joints ou qui se trouvent ailleurs dans le dossier. Ces documents comprennent des déclarations audio et écrites, des messages textes, d’autres correspondances, d’autres rapports, des documents stratégiques, des documents de la cour et l’un des horaires de travail de l’appelant[11]. […]

3. Décision de tenir une audience disciplinaire

[12] Moins d’un an après que l’autorité disciplinaire a pris connaissance de la conduite reprochée à l’appelant, l’intimé a présenté un avis à l’officier désigné en vue de convoquer une audience pour enquêter sur cette conduite. Selon lui, les mesures disciplinaires qu’il pouvait imposer étaient inadéquates compte tenu de la gravité de l’allégation[12]. L’officier désigné a ensuite constitué un comité composé d’une personne[13].

4. Suspension

[13] La GRC a finalement suspendu l’appelant, avec solde[14].

Allégation

[9] Le 13 juillet 2020, l’appelant a reçu signification de l’avis d’audience disciplinaire (avis) exposant les énoncés détaillés de l’allégation ainsi que du dossier d’enquête[15]. Le CEE a résumé les énoncés détaillés de l’allégation dans sa recommandation, que je reproduis ici[16] :

Allégation 1 Entre le 1er avril 2019 et le 28 juin 2019, à [caviardé] ou à proximité de [caviardé] dans la province de l’Alberta, [l’appelant] s’est comporté d’une manière susceptible de jeter le discrédit sur la Gendarmerie, en contravention de l’article 7.1 du [code de déontologie].

Faits

1. Pendant toute la période pertinente, vous étiez un membre de la Gendarmerie royale du Canada (la GRC) affecté à l’équipe d’intervention en cas d’urgence [caviardé] de la Division K [caviardé].

2. Vous étiez un entraîneur-chef bénévole pour [l’organisme local de crosse] pour l’équipe de crosse [caviardé à des fins de confidentialité] de la division [caviardé]. [Mme X] était une entraîneuse adjointe bénévole que vous avez recrutée pour aider l’équipe. En avril 2019, [Mme X] était une jeune fille de 16 ans qui commençait la 11e année à [caviardé]. Vous occupiez une position d’autorité et d’adulte mentor par rapport à [Mme X]. Le 14 août 2019, vous avez fourni une déclaration de résumé de témoignage anticipé dans laquelle vous [décrivez Mme X comme une entraîneuse compétente et expérimentée].

3. Le 2 juillet 2019, [Mme X] a fourni une déclaration [à un enquêteur]. [Mme X] a confirmé qu’elle vous a rencontré par l’intermédiaire [caviardé]. [Mme X] a volontairement échangé avec vous ses coordonnées de téléphone cellulaire pour son rôle d’entraîneuse adjointe : [extrait de la déclaration de témoin de Mme X dans laquelle elle décrit comment elle a rencontré l’appelant].

4. [Mme X] a décrit la façon dont elle a commencé à communiquer avec vous en dehors des fonctions d’entraînement après s’être disputée avec sa mère et vous lui avez envoyé un message texte plus tard ce soir-là pour vérifier si elle allait bien :

« [Mme X] : Tout a donc commencé au milieu de la saison. Euh, je me suis disputée avec ma mère, [une amie de la famille] m’a conduit à l’entraînement, elle savait que j’étais contrariée, je suis entrée dans le vestiaire avec les [caviardé à des fins de confidentialité] et [l’appelant] était là et il a demandé si j’allais bien et j’ai dit non. Nous sommes donc allés dans l’aréna et nous avons discuté et il a dit que, comme si j’avais besoin de quelque chose, que je pouvais lui parler et plus tard ce soir-là, il m’a envoyé un message pour s’assurer que j’allais bien, euh, je, je le connaissais en dehors de la crosse, euh, par le hockey. [Caviardé à des fins de confidentialité] que je gardais euh, j’allais à ses entraînements et je [caviardé] récupérais et [caviardé] déposais et [l’appelant] était son entraîneur et je connaissais donc [l’appelant] en dehors de la crosse. Je le connaissais comme un mentor et comme une personne que j’admirais, et lui, je lui faisais confiance et il a définitivement trahi cette confiance. Euh, il savait que comme ma mère et moi comme nous sommes disputées, c’était assez grave comme elle refusait de me parler. Nous sommes, nous allons bien maintenant évidemment, mais euh, il a proposé que nous allions juste pour un soin des pieds et j’ai pensé que c’était une chose normale que tu ferais avec une personne que tu admires. Je le ferais avec des parents et des personnes de ce genre. Comme vous savez quelqu’un que vous connaissez, puis ça va progressivement pire à compter de ce moment-là. »

5. Vous avez confirmé dans votre déclaration de résumé de témoignage anticipé que vous avez commencé à échanger des messages textes avec [Mme X] à la suite de votre conversation avec elle au sujet des problèmes qu’elle éprouvait avec sa mère :

« À la suite de cette conversation, [Mme X] et moi discutions occasionnellement par messages textes jusqu’à la fin de juin. Ces conversations portaient sur un éventail de sujets, des questions qu’elle posait et des conseils qu’elle demandait en matière de relations à des conversations sur les soins de pieds et à des conversations sur la façon dont elle allait en général. L’intention de toutes ces conversations était de faire en sorte que [Mme X] se sente mieux et de la traiter comme une coentraîneuse. Il n’y avait aucune autre intention. Je l’ai traitée comme n’importe quel autre entraîneur, gestionnaire ou personne avec qui je pourrais entrer en contact et que je pourrais apprendre à connaître. [Mme X] semblait parfois être contrariée et j’essayais de renforcer son ego et sa confiance, comme je le ferais pour n’importe qui d’autre. Je suis une personne extravertie et amicale qui n’a aucun problème pour parler à qui que ce soit sur n’importe quel sujet. »

6. Le 2 juillet 2019, [la mère de Mme X] a fourni une déclaration [à un enquêteur]. Dans sa déclaration, elle a reconnu qu’elle examinait régulièrement les messages textes de [Mme X]. [Extrait de la déclaration de la mère de Mme X dans lequel elle explique qu’il n’était pas rare qu’elle parcoure les messages sur la montre intelligente de Mme X] […]

7. La mère a confirmé qu’elle est à la fois la propriétaire et celle qui paye les factures de tous les appareils technologiques de [Mme X]. Elle a pris des instantanés des messages textes que vous avez envoyés à sa fille immédiatement après les avoir vus. []

8. La mère a déclaré en outre qu’elle avait confronté sa fille au sujet des messages textes le même jour qu’elle les avait découverts :

« [Q] : D’accord. Bon. Alors, quel genre de conversation, comme quand était la première fois que vous avez parlé avec [Mme X] à ce sujet?

[R] : Samedi après-midi, en fin de soirée.

[Q] : D’accord. Donc le jour où vous les avez trouvés.

[R] : Oui.

[Q] : Plus tard. Bon. Comment cela s’est-il passé?

[R] : Euh, ça s’est bien passé. [Mme X] était très nerveuse, comme lorsque je lui ai dit que j’ai vu les messages, mais un peu soulagée que quelqu’un l’ait découvert parce qu’on lui avait dit de ne rien dire à personne et j’ai réaffirmé avec elle qu’elle n’avait rien fait de mal, qu’elle n’était pas dans le pétrin et qu’il ne pouvait rien lui faire. »

9. Dans sa déclaration, [Mme X] a décrit la façon dont vous transformiez une conversation textuelle Imessage inoffensive avec elle en quelque chose d’inapproprié.

« [R] : Je ne sais pas ce que vous voulez entendre? Comme, euh, la plupart de notre conversation était inappropriée. Je ne lui envoyais un message en premier que si je devais savoir quelque chose à propos d’un entraînement ou d’un match.

[Q] : D’accord.

[R] : Sinon, c’était lui qui communiquait avec moi le premier et cela semblait être une conversation normale et ensuite, cela menait à des choses inappropriées.

[Q] : D’accord et était-ce au moyen d’une app ou de?

[R] Imessage.

[Q] : Imessage, bon. D’autres formes de communication, autre qu’Imessage?

[R] : Euh, rien, les choses inappropriées ne se sont passées que sur Imessage, mais nous avions une discussion de groupe avec tous les entraîneurs et les gestionnaires sur Team Snap et puis, oh euh, Team Snap avec tous les parents et ensuite nous avions une discussion de groupe sur l’application avec tous les entraîneurs et les deux gestionnaires. […]

[Q] : D’accord. Et, lorsque vous dites Imessage c’est, c’est là que…

[R] : Dans un message texte.

[Q] :… l’inapproprié…

[R] : Oui.

[Q] :… c’est, vous voulez dire des messages textes, mais vous deux…

[R] : Oui.

[Q] :… vous aviez des iPhone?

[R] : Mais nous avions tous les deux des Iphones, oui.

[Q] : D’accord. Une autre forme ou application?

[R] : Non, je n’ai pas Instagram ou Snap Chat. »

10. Vous avez ordonné à [Mme X] de ne jamais dire à quiconque que vous communiquiez avec elle et qu’elle devait supprimer tous vos messages texte échangés.

« [R] : Euh, c’est comme si tout avait commencé par simplement allons-y et allons recevoir des soins de pieds. Je pensais simplement que ce serait une chose normale et ensuite il a dit que cela pourrait être inapproprié. Il m’a dit de ne dire à personne que nous échangions des messages textes, qu’il m’envoyait des messages textes. Euh, il a déclaré que cela serait, que cela était une chose inappropriée ou que cela pourrait être perçu comme inapproprié. Il m’a dit de supprimer tous les messages, j’ai toutefois des messages sur mon téléphone, j’ai simplement supprimé les messages précédents, car c’est ce qu’on m’a dit de faire.

[Q] : D’accord.

[R] Euh, il m’a dit de ne le dire à personne et que cela resterait entre lui et moi.

[Q] : D’accord. Alors, comment vous a-t-il dit cela? Était-ce...

[R] : C’était au moyen d’un message texte.

[Q] : D’accord et cela était-il sur son téléphone ou…

[R] : Non, j’ai supprimé ces messages, car c’est ce qu’on m’a dit de faire.

[Q] : D’accord et cela était sur son téléphone ou sur ton vieux téléphone?

[R] : Vieux téléphone. »

11. [Mme X] a également décrit qu’elle souhaitait que les messages textes inappropriés prennent fin et qu’elle ne communiquait avec vous qu’en raison du fait que vous étiez son entraîneur et qu’elle craignait que les messages lui causent des ennuis :

« [R] : Euh, cela était le 9 juin euh, il s’agit de la date à laquelle j’ai eu mon [nouveau] téléphone. Et puis je ne sais pas, j’étais comme je ne sais pas. Je devais lui envoyer un message texte en raison du nouveau téléphone, euh, je n’avais pas installé What’s App, et je n’avais donc pas les plans d’entraînement pour cet entraînement et je devais donc lui envoyer un message et j’en avais besoin et il me les a envoyés. Euh, je portais une paire des Birkenstocks, comme je le fais maintenant et j’avais une ampoule à mon pied et il m’a envoyé un message texte plus tard dans la nuit pour me demander comment allait mon pied. Mmm. Je, comme, je ne veux vraiment rien avoir à voir avec ces conversations. J’étais très évasive en ne disant que “d’accord” ou “oh”. Je n’ai jamais comme, je n’ai jamais dit beaucoup, j’ai juste, je voulais que ce soit fini.

[Q] : Mmm. Hmm.

[R]: Comme je n’aimais pas lui parler parce que je savais que cela mènerait simplement à des choses inappropriées. Je, euh, les laissais comme s’ils n’avaient pas été lus et il m’envoyait simplement un autre message texte, euh, je ne sais pas. Comme, oui, nous avions des conversations parce que je ne voulais pas comme être toute distante parce qu’il était mon entraîneur et j’avais, comme, j’entraînais avec lui et je devais le voir, alors. »

« [R] : […] Euh, la moitié du temps je ne lui réponds simplement pas, car je ne veux pas que la situation aille plus loin. Je ne l’ai jamais dit à personne parce qu’il m’a dit de ne pas le dire, euh, il y a d’autres messages sur mon vieux téléphone qui ont été supprimés parce que c’est ce qu’il m’a dit de faire. »

« [R] : Je n’étais pas, j’étais toujours contrariée lorsqu’il m’envoyait un message texte parce que je savais qu’il mènerait à des choses inappropriées et mes réponses étaient toujours courtes et je me [distanciais] des conversations, comme, je n’envoyais que des émoticônes riantes parce que je ne savais pas quoi d’autre dire, car je ne voulais rien dire qui pourrait le mener à croire que je souhaitais poursuivre la conversation. Je disais soit “d’accord” soit “oui”. Je ne donnais jamais beaucoup de détail dans mes réponses parce que je souhaitais simplement que la conversation prenne fin parce que je savais qu’elle mènerait toujours à des choses inappropriées et j’avais, euh, peur de lui dire d’arrêter parce que je savais qu’il était comme, je, cela n’a rien à voir avec ça, mais comme je savais qu’il était comme un policier et je ne savais pas s’il conserverait ces messages et si cela me causerait des ennuis ou non et je ne, vous savez, je me sentais presque mal à l’aise de lui dire d’arrêter même si je devais parce qu’il savait que ce n’était pas normal. Euh, je ne l’ai jamais dit à personne parce qu’il m’avait dit de ne pas le dire. Il m’a dit […] de supprimer les messages, mais je ne l’ai pas fait, dès que j’ai eu ce nouveau téléphone, je n’en ai supprimé aucun. »

12. Vous saviez parfaitement que [Mme X] était une jeune personne de 16 ans à l’époque où vous lui envoyiez des messages textes et que sa vie personnelle à la maison incluait des parents divorcés : [extrait de la déclaration de témoin de Mme X dans lequel elle indique qu’elle avait dit à l’appelant son âge et le fait que ses parents étaient divorcés].

13. [Sans importance pour l’appel.]

14. Le 1er juillet 2019, vous avez été suspendu de vos fonctions d’entraîneur par [caviardé], le directeur de discipline de [l’organisme local de crosse]. Le 2 juillet 2019, vous avez accusé réception de votre suspension de l’entraînement.

15. Dans votre déclaration de résumé de témoignage anticipé, vous avez adopté une position selon laquelle vous avez participé à un échange de messages textes avec [Mme X] en vue de l’appuyer et de l’aider et vous avez nié que votre communication avec elle avait une quelconque intention sexuelle.

16. Vous avez participé à un échange de messages textes avec [Mme X] dans le but de faciliter et de promouvoir une relation sexuelle avec elle. Vous occupiez une position de confiance et d’autorité par rapport à [Mme X] et il existait un déséquilibre de pouvoir clair entre vous et [Mme X] en tant que jeune personne vulnérable. Vos messages textes avec [Mme X], en dehors des questions concernant l’entraînement de crosse, étaient complètement inutiles et très inappropriés en tant qu’agent de la GRC. Vous avez cherché à dissimuler vos communications textuelles avec [Mme X] en lui demandant de supprimer vos messages textes partagés. Vous tentiez activement de conditionner [Mme X] pour votre propre satisfaction personnelle.

17. Les messages textes énumérés chronologiquement ci-dessous démontrent la nature prédatrice et sexuelle inappropriée de vos communications avec [Mme X]:

a) Le 11 juin 2019, vous avez lancé l’échange de messages textes suivant:

Vous : « Comment va le pied? »

[Mme X] : « Le pied va bien?? Mon ampoule? »

Vous : « Bien, je faisais référence à ton ampoule, oui. LOL »

[…]

Vous : « Occupe-toi de tes beaux pieds! Ne les détruis pas »

[Mme X] : « D’accord. D’accord. J J Je porterai probablement mes nmds demain, je ne sais pas, mais il est censé faire très chaud. »

Vous : « Hmmm. C’est difficile. Je veux que tu puisses les montrer. LOL »

[Mme X] : « J J »

Vous : « Est-ce que j’exagère? »

[Mme X] : « Je sais que c’est une blague, alors »

Vous : « Nous devons aller pour des soins de pieds aussi »

[Mme X] : « 100 %! »

Vous : « Mais je veux choisir les couleurs »

[…]

Vous : « Pas juste!! »

[Mme X] : « D’accord. D’accord. Donc, quelle couleur? »

Vous : « Claire? »

[Mme X] : « Pas amusant »

Vous : « Oh, je veux m’amuser. Fais-moi confiance! »

b) Le 12 juin 2019, après que [Mme X] vous a informée qu’elle avait rompu avec son petit ami, l’échange de messages textes suivant a eu lieu :

[Mme X] : « C’est difficile à expliquer, mais il fait une chose aimante et il a continué à jouer avec mes sentiments et autres. Beaucoup. Je songe à laisser tomber, je ne veux pas de drame et nous sommes encore amis. »

Vous : « Tu es une femme géniale et très attirante [Mme X]. Profites de ta nouvelle liberté d’être célibataire. Restez amis. Sois amie avec tout le monde. Il pourrait revenir. Tu ne sais jamais! »

[Mme X] : « Merci. Je ne veux pas le perdre en tant qu’ami et si je soulève le sujet, cela touchera cette situation, alors je vais laisser tomber. »

Vous : « Exactement. Tu sais. Alors, il n’est pas nécessaire de le confronter à ce sujet. Garde-le dans ta poche arrière. »

[Mme X] : « Exactement, je vais juste laisser tomber. » Vous : « Fille intelligente. Belle journée dehors! »

[Mme X] : « Oui. »

Vous : « LOL. Des conditions météorologiques propices au bikini aujourd’hui aussi. »

[…]

Vous : « Vrai. Es-tu en classe? »

[Mme X] : « Peut-être… »

Vous : « Fack! Je vais arrêter! »

[Mme X] : « Nous regardons juste des fillms J »

Vous : « Quoi? »

[Mme X] : « Un projet y est associé, mais j’ai fini »

Vous : « Je vois pourquoi tu veux bronzer. LOL »

[Mme X] : « LOL, n’importe où ailleurs qu’’ici J »

Vous : « Tu es dangereuse »

[Mme X] : « LOL L’anglais est juste ennuyeux »

Vous : « Je peux penser à d’autres choses à faire aussi. »

c) Le 13 juin 2019, vous avez lancé un échange de messages textes à partir du travail dans lequel vous reconnaissez ouvertement le statut de [Mme X] en tant que jeune personne :

Vous : « Joues-tu au basketball? »

[Mme X] : « J’ai joué jusqu’en 8e année, mais je n’aimais pas ça »

Vous : « Haha »

[Mme X] : « Les filles sont si dramatiques »

Vous : « Oh? »

[Mme X] : « Elles pensent que c’est amusant de tomber dans le drame »

Vous : « Les filles sont les pires. Oui! Surtout au début de l’adolescence »

[…]

[Mme X] : « Les Raptors ont gagné! »

Vous : « Match très amusant à regarder en fait, hein? »

[Mme X] : « OMD, c’était si bon! »

Vous : « Où l’as-tu regardé? J’imagine que tu ne peux pas aller au bar. LOL. »

d) Le 14 juin 2019, vous avez participé à un échange de messages textes avec [Mme X] au sujet de sa journée d’école, suivi d’une référence sexuelle à la partie supérieure de son corps :

Vous : « Haha. Oui. Comment était l’école aujourd’hui? »

[Mme X] : « Meh »

Vous : « Haha. Météo brutale »

[Mme X] : « Ouais, mais j’aime la pluie, alors »

Vous : « Ah oui? Tu es une fille qui aime danser pieds nus sous la pluie? »

[Mme X] : « Ouin J Après le match, je me suis assise dehors sur le pont »

Vous : « Sous la pluie? »

[Mme X] : « Ouais, sous la partie couverte, mais j’ai quand même »

Vous : « T-shirt blanc? Oh. LOL. Merde. »

[Mme X] : « J J »

Vous : « Je ne devrais pas dire ça. Mon erreur »

[Mme X] : « LOL »

Vous : « C’est toutefois difficile de ne pas le fairre »

[Mme X] : émoticône

Vous : « Pas de commentaire? »

[Mme X] : « Je ne sais pas quoi dire? »

Vous : « LOL. Je ne te fais pas peur? »

[Mme X] : « Non? »

Vous : « Ouf, je sais que je marche sur la ligne hors-jeu »

[Mme X] : « LOL. Nous sommes ccorrects J »

Vous : « Tu es docile. »

e) Le 17 juin 2019, vous avez commencé une conversation nocturne avec [Mme X] pendant un voyage de formation liée au travail :

Vous : « Étais-tu au match? »

[Mme X] : « Oui M’sieu »

Vous : « Un match génial? »

[Mme X] : « Oui M’sieu »

Vous : « LOL. L’heure du coucher? Oui M’sieu »

[Mme X] : « Oui M’sieu, J J Mais vais-je me coucher… Non M’sieu »

Vous : « Qu’est-ce que tu fais? »

[Mme X] : « J’étudie les sciences ®® »

Vous : « Ahhh. Avec des amis ou seule? »

[Mme X] : « Seule, je ne parle qu’à comme deux personnes dans ma classe de science, les autres sont bizarres, des drogués ou mon ex, donc »

Vous : « Bahaha. Très bien. Je suis à Lethbridge toute cette semaine. Un peu ennuyant le soir. »

[Mme X] : « Formation? »

Vous : « Ouin. »

[Mme X] : « Amusant »

Vous : « Notre semaine de formation de ceux de la brousse. Elle porte sur toutes les activités rurales »

[Mme X] : « Ohh amusant »

Vous : « Mais je m’amuse plus maintenant émoticônes » *Échange d’émoticônes

Vous : « Je ne peux pas croire que j’ai dit ça »

[Mme X] : « Émoticônes »

Vous : « Devrai-je arrêter et te laisser étudier? »

[Mme X] : Non, j’ai abandonné, je ne sais pas, je vais en faire plus demain alors »

Vous : « Oh, d’accord… »

[Mme X] : « Nous devons bientôt aller pour nos soins de pieds! »

Vous : « Oui! Il faut que je trouve du temps libre bientôt! »

[Mme X] : « Oui »

Vous : « Portais-tu des Birks ce soir? »

[Mme X] : « Oui et tuu l’as raté J »

Vous : « Merde! Est-ce agréable pour toi de savoir que j’aime ça? »

[Mme X] : « C’est une blague ou dis-tu la vérité? »

Vous : « J’ai peur de répondre »

[Mme X] : « Oh? »

Vous : « LOL. Oui. »

[Mme X] : « Lequel? »

Vous : « J’ai peur de répondre. Je ne veux pas te causer des ennuis »

[Mme X] : « Je vais supposer que c’était la vérité J »

Vous : « Est-ce que je te désappointe? »

[Mme X] : « Non? »

Vous : « J’aime tes pieds »

[Mme X] : « LOL, merci »

Vous : « Je ne blague pas. LOL, mais toujours une blague… »

[Mme X] : « LOL »

*Échange d’émoticônes

Vous : « Puis-je poser d’autres questions? »

[Mme X] : « Je suppose »

Vous : « ? »

[Mme X] : « Je suppose »

Vous : « Je ferais mieux de ne pas le faire »

[Mme X] : « D’accord? »

Vous : « Frick »

[Mme X] : « D’accord? »

Vous : « Pose-moi une question »

[Mme X] : « Je vais me coucher je suis tellement fatiguée et j’ai une grosse journée demain. Quand reviens-tu? »

Vous : « Ah. C’est dommage. Mais je comprends. De retour mercredi soir »

[Mme X] : « Donc pas à temps pour le match? »

Vous : « Probablement pas. Mais on verra. Je vais essayer de me dépêcher ce jour-là. »

[Mme X] : « D’accord, bonne nuit Tyler, à plus tard »

Vous : « Hehe. Tyler. J’aime ça. »

[Mme X] : « J bn »

Vous : « Quelle couleur sont-ils? »

[Mme X] : « Bleu »

Vous : « Ah maudite merde je meurs »

[Mme X] : « J bonne nuit »

Vous : « D’accord. D’accord. Fais de beaux rêves »

[Mme X] : « Ouin, toi aussi »

Vous : « J’espère que j’en ferai »

[Mme X] : « À plus tard »

Vous : « Je l’espère »

[Mme X] : « Ne t’inquiète pas »

Vous : « Fack »

f) Le 20 juin 2019, vous avez amorcé une conversation portant sur un examen scolaire :

Vous : « Comment est-il allé? »

[Mme X] : « Meh »

Vous : « Tu as eu un A »

[Mme X] : « Non »

Vous : « Au moins tu portais un beau vernis à ongles »

[Mme X] : « J Mais ça ne me permet pas exactement de réussir l’école »

Vous : « Merde, ça rend mes soirées à la boîte beaucoup mieux »

[Mme X] : « Haha »

Vous : émoticône de visage avec un clin d’œil

g) Le 21 juin 2019, l’échange suivant a eu lieu :

[Mme X] : « J’ai porté mes birks aujourd’hui et j’ai dû marcher de l’école à gen et maintenant mes birks sont trempés »

Vous : « Ahhhhh Et ta chemise? »

[Mme X] : « Je porte un chandail à capuchon »

Vous : « Super photo mentale! »

h) Le 23 juin 2019, l’échange suivant a eu lieu :

Vous : « As-tu séché les Birks »

[Mme X] : « Un peu J J »

Vous : « Ils sont horribles sous la pluie. Comme marcher avec deux seaux d’eau sur tes pieds »

[Mme X] : « Je les enlève habituellement et je marche nus pieds »

Vous : émoticône de visage qui bave

Vous : « Le bleu est agréable »

[Mme X] : « Le vernis à ongles? »

Vous : « Oui! »

[Mme X] : « LOL les pieds sont sur le point d’être détruits dans le champ »

Vous : « Ahhh. Nous ferions mieux d’en prendre soin alors »

[Mme X] : « J J Je vais essayer, je n’ai eu aucune chance l’année dernière, mes chevilles très cicatrisées Merde »

Vous : « Il faudra peut-être quelques soins de pieds! »

[Mme X] : « Je pense que je le ferai J »

Vous : « Puis-je choisir la couleur? »

[Mme X] : « Peut-être »

Vous : « Merveilleux! »

[Mme X] : « De quelle couleur penses-tu, parce que les bleus vont bien avec mon bronzage »

Vous : « Oui. Soit un bleu plu vif ou même un bleu clair »

[Mme X] : « D’accord. D’accord. »

Vous : « Tu l’aimerais, je regarde les couleurs maintenant. J Qu’en est-il du blanc? »

[Mme X] : « Non, ils vont devenir gris vite J, dans des crampons pendant tout l’été et lorsque je ne porte pas des crampons, je porte des birks et mes orteils se saliissent rapidement J »

Vous : « Le gris est bien aussi! »

[Mme X] : « Non, beaucoup trop fondamental Littéralement, toutes les filles qui sont les plus ennuyantes et pensent qu’elles sont les meilleures portent du jaune »

Vous : « Ouin? Je ne sais pas ce genre de choses. LOL »

[Mme X] : « Je le constate J J c’est correct, je peux t’enseigner »

Vous : « Je suis prêt à apprendre! Je veux juste voir tes pieds avec la couleur parfaite. »

i) Le 28 juin 2019, vous avez observé [Mme X] en personne et [puis] vous avez amorcé la conversation suivante :

Vous : « Ralentis! »

[Mme X] : « ?? »

Vous : « Je t’ai vu courir au coin de la rue [caviardé] »

[Mme X] : « Ohh, ha ha Il fallait que ma mère signe une feuille de papier [caviardé] »

Vous : « Ahhh. LOL. »

[Mme X] : « Oui, mais il n’était même pas là, alors »

Vous : « Merde! Tu viens au match aujourd’hui? »

[Mme X] : « Oui M’sieu, je serais là toute la fin de semaine! »

Vous : « super! »

[Mme X] : « Ouais et toi? »

Vous : « Seulement cet après-midi »

[Mme X] : « Je suis déçue »

Vous : « Portais-tu un chandail qui montre ton ventre? »

[Mme X] : « Chandail court, ouais, mais je ne croyais pas que je quittais la maison et je n’avais pas le temps de me changer »

Vous : « Il avait l’air super! »

j) Aussi le 28 juin 2019, vous avez commencé la conversation nocturne suivante avec [Mme X] :

Vous : « Comment va ta nuit? »

[Mme X] : « Meh, l’équipe de [caviardé] vient de perdre à [caviardé], c’est donc nul »

Vous : « [caviardé]? »

[Mme X] : « Il est mon meilleur ami »

Vous : « Oh, merde, je suis désolé »

[Mme X] : « Meh, ils ont mal joué alors »

Vous : « Ça arrive »

[Mme X] : « Ouin »

Vous : « Sors-tu ce soir? »

[Mme X] : « Non, encore à l’aréna avec [caviardé] »

Vous : « [caviardé]? »

[Mme X] : « Ouais »

Vous : « Amusant »

[Mme X] : « Oui »

Vous : « Fais-tu du bénévolat comme [caviardé]? »

[Mme X] : « Non, je suis seulement restée pour regarder son match et je l’ai aidée »

Vous : « Ahhh, tu es une grande aide »

[Mme X] : « Ouais »

Vous : « LOL »

[Mme X] : « Je suis prête à me coucher »

Vous : « Eh bien, c’est là que j’en suis »

[Mme X] : « LOL chanceux, je manque tellement de sommeil »

Vous : « J’aimerais pouvoir t’aider à cet égard »

[Mme X] : « J’ai choisi de rester réveillée pour parler à des gens et de ne pas dormir »

Vous : « LOL Bien… c’est les vacances d’été »

[Mme X] : « Vrai vrai »

Vous : « C’est difficile de t’envoyer des messages textes. LOL »

[Mme X] : « pourquoi? »

Vous : « Je mords ma langue »

[Mme X] : « D’accord »

Vous : « LOL. Tu comprends ce que je veux dire? »

[Mme X] : « Non, c’est probablement mieux comme ça J »

Vous : « Eh bien »

[Mme X] : « Je suis tellement fatiguée »

Vous : « Va te coucher! »

[Mme X] : « Je ne peux pas, je suis encore ici »

Vous : « Tu as probablement besoin d’un massage de pieds »

[Mme X] : « LOL »

[Sic dans l’ensemble des extraits]

[15] Peu après avoir signifié l’avis à l’appelant, la GRC lui a communiqué les documents au soutien de l’allégation, y compris le rapport d’enquête et ses annexes[17].

Réponse écrite de l’appelant

[10] Le 15 septembre 2020, l’appelant a présenté une réponse écrite à l’allégation[18]. Il a reconnu que son comportement contrevenait à l’article 7.1 du code de déontologie, mais a insisté sur le fait qu’un congédiement serait une mesure disciplinaire trop sévère dans les circonstances. Le CEE a résumé ainsi les observations écrites de l’appelant[19] :

[TRADUCTION]

[16] […] Il a expliqué :

· qu’il était un père de famille et avait une longue et admirable expérience au service de la GRC et de la communauté;

· qu’il n’avait jamais eu d’intention prédatrice, sexuelle, de conditionnement ou autre mauvaise intention à l’égard de Mme X;

· que son comportement inapproprié se limitait à l’échange de messages textes avec Mme X;

· qu’il ne s’était pas rendu compte que ses échanges de messages textes avec Mme X la rendaient mal à l’aise;

· qu’il regrettait son comportement et qu’il souhaitait présenter ses sincères excuses à Mme X et à sa mère;

· que cet incident était la seule tache à ses dossiers d’employé et de bénévole par ailleurs impeccables;

· que son comportement n’était pas aussi grave que celui d’autres membres dans certaines affaires disciplinaires comparables, où le congédiement avait tout de même été jugé injustifié.

[17] L’appelant a répondu précisément aux énoncés détaillés de l’allégation comme suit :

· Il souscrivait de manière générale aux énoncés détaillés 1, 2, 3, 4, 5, 12, 14 et 15;

· Il n’avait pas directement connaissance des énoncés détaillés 6, 7 et 8;

· Il ne souscrivait pas aux énoncés détaillés 9, 10, 11, 13 et 16;

· Il ne souscrivait pas à l’énoncé détaillé 17 concernant la nature « prédatrice » de ses messages textes.

[18] L’appelant a joint des copies d’un grand nombre de ses évaluations de rendement. Essentiellement, il en ressortait qu’il était un membre travailleur, compétent et fiable qui faisait preuve de leadership.

PROCÉDURES DISCIPLINAIRES

[11] L’audience s’est tenue du 12 au 16 juillet 2021. L’appelant, Mme X et la mère de cette dernière ont témoigné. Le CEE a résumé les aspects pertinents de l’audience portant sur l’allégation[20]:

[TRADUCTION]

B. Preuve relative à l’allégation

Représentant de l’autorité disciplinaire

[20] Les deux témoins du représentant de l’autorité disciplinaire étaient Mme X et la mère de cette dernière.

Mère de Mme X

[21] À l’interrogatoire principal, la mère de Mme X a soulevé deux points importants.

[22] Premièrement, la mère de Mme X a indiqué qu’elle avait confronté Mme X après avoir découvert des messages textes entre l’appelant et Mme X qui étaient « très inappropriés et de nature sexuelle à l’égard de [Mme X] »[21]. La mère de Mme X s’est souvenue que Mme X lui avait dit qu’elle avait été incapable de dire quoi que ce soit au sujet des messages textes, puisque l’appelant lui avait demandé de les supprimer et de ne jamais en parler à quiconque[22].

[23] Deuxièmement, selon la mère de Mme X, le comportement de l’appelant a eu de profondes répercussions sur elle et Mme X, surtout parce qu’il était un membre de la GRC occupant une position de confiance [sic dans l’ensemble des extraits][23]:

C’est très, très déchirant pour moi et [Mme X]. Je n’aurais jamais imaginé qu’un agent de la GRC puisse profiter d’un enfant mineur.

Nous avons souffert – j’ai souffert d’anxiété. Je m’en veux de ne pas avoir pu protéger ma fille, de ne pas avoir fait en sorte qu’elle se sente capable de venir me parler.

J’ai toujours dit à mes filles : « Faites toujours confiance à la police. Faites toujours confiance à vos professeurs. Faites toujours confiance aux personnes qui sont en mesure de vous protéger. » Cette confiance nous a été enlevée de la pire façon qui soit.

[Mme X] a fait des crises d’angoisse. Elle fait des crises de panique. Elle avait tellement peur quand tout cela a commencé qu’elle a dormi avec moi pendant plus de deux mois.

Elle ne peut pas sortir toute seule. Elle n’a aucune confiance en elle. Elle fait des crises de panique lorsque des hommes étranges la regardent à cause de certains des messages qui lui ont été envoyés.

Alors qu’elle avait des B, elle est maintenant en échec et a réussi de justesse à obtenir son diplôme d’études secondaires. Elle a redoublé sa 12e année.

Comme c’est un entraîneur qui lui a fait vivre cette situation, son rêve d’aller aux États-Unis pour jouer à la crosse s’est brisé. Son amour de ce sport, qui était son sport favori, s’est éteint.

Elle n’est plus l’enfant affectueuse et confiante que j’avais. Elle est perdue. Elle a mal. Son intimité a été violée. Et je m’en veux de ne pas l’avoir protégée, qu’elle ait reçu des messages qu’un enfant ne devrait jamais recevoir d’un adulte, et encore moins d’un entraîneur qui était là pour la protéger, qui était là pour s’occuper d’elle, un agent de la GRC qui est – qui a prêté serment de protéger les enfants, de protéger les gens. Et il a violé son intimité de la pire manière qui soit.

[24] En contre-interrogatoire, la mère de Mme X a souligné qu’elle n’avait pas été fâchée contre Mme X d’avoir caché les messages textes. Elle a déclaré qu’elle croyait Mme X lorsque cette dernière lui avait expliqué que l’appelant lui avait demandé de supprimer les messages textes, et ce, même si Mme X l’avait tout récemment trompée en rendant visite en secret à son père. La mère de Mme X a précisé qu’elles avaient surmonté cet incident et qu’elles avaient rebâti leur confiance après que la mère de Mme X lui a assuré qu’elle pouvait rendre visite à son père[24].

Mme X

[25] À l’interrogatoire principal, Mme X a parlé de ses communications avec l’appelant.

[26] Mme X a déclaré qu’au début, elle considérait l’appelant comme un « mentor » et un leader qui était « là pour elle »[25]. Elle a expliqué qu’à un certain moment, alors qu’elle pleurait après s’être disputée avec sa mère, l’appelant l’avait réconfortée, lui avait donné un câlin et lui avait dit qu’elle pouvait lui faire confiance et lui parler de n’importe quoi[26]. Elle s’est souvenue qu’elle et l’appelant avaient commencé à s’envoyer des messages textes peu de temps après[27].

[27] Mme X a dit que les messages textes que l’appelant lui envoyait étaient « normaux au début », mais qu’ils étaient devenus « bizarres ». Elle a expliqué que, bien qu’elle n’en ait pas été tout à fait consciente à l’époque, bon nombre des messages textes de l’appelant étaient suggestifs sur le plan sexuel et la rendaient mal à l’aise[28]. Elle a présenté les observations suivantes concernant les messages textes :

· L’appelant initiait habituellement leurs conversations par messages textes plus tard le soir, y compris les soirs d’école, souvent lorsqu’elle était seule et qu’elle se préparait à se coucher ou qu’elle était déjà au lit[29];

· L’appelant lui posait souvent des questions sur ses pieds et ses orteils ou il réorientait leurs conversations en ce sens et, à deux reprises, il lui a envoyé des émoticônes de visage qui bave pendant une conversation à ce sujet[30];

· L’appelant a fait des commentaires non sollicités qui semblaient faire référence à des parties intimes de son corps, notamment des commentaires concernant le port d’un bikini, d’un t-shirt blanc mouillé et d’un chandail court[31];

· L’appelant a fait des commentaires non sollicités qui semblaient de nature sexuelle laissant entendre qu’il voulait s’amuser, qu’il s’ennuyait la nuit, qu’il était au lit et qu’il aurait aimé l’aider à s’endormir[32];

· L’appelant indiquait régulièrement qu’il savait que ses commentaires pouvaient être inappropriés[33];

· Elle n’a jamais dit à l’appelant qu’il la mettait mal à l’aise, puisqu’il était un policier qui détenait une autorité importante et qu’elle ne voulait pas risquer de le contrarier[34];

· Elle répondait plutôt avec des émoticônes, ou ne répondait rien du tout, pour essayer de mettre un terme aux conversations[35];

· Elle vivait dans la crainte de l’appelant, souffrait de troubles du sommeil et faisait des crises de panique[36].

[28] Mme X a affirmé que l’appelant lui avait dit de supprimer tous leurs messages textes et de ne jamais en parler à quiconque afin qu’ils n’aient pas d’ennuis. Mme X a déclaré qu’elle avait supprimé leurs messages textes jusqu’au 9 juin 2019, date à laquelle elle avait obtenu un nouveau téléphone. Elle a également souligné qu’elle n’avait parlé à personne des messages textes jusqu’à ce que sa mère les découvre. Par la suite, Mme X et sa mère ont discuté des messages textes avec des amis de confiance, des officiels de la communauté de crosse et la GRC[37].

[29] En contre-interrogatoire, Mme X a reconnu ce qui suit :

· Certaines de ses discussions par messages textes avec l’appelant portaient sur des sujets anodins et courants tels que le hockey, le basketball, le camping, les sorties au lac, l’école, les examens et la météo[38];

· Elle n’a jamais demandé à l’appelant d’arrêter de lui parler de sujets qui la rendaient mal à l’aise, de sorte que l’appelant a peut-être cru qu’elle était à l’aise d’échanger des messages textes sur ces sujets[39];

· Bien que l’appelant et elle aient parfois vaguement échangé des messages textes sur l’idée d’aller ensemble recevoir des soins de pieds, ils ne l’ont jamais fait, ni même établi un plan précis pour le faire[40];

· L’appelant ne lui a pas envoyé ou demandé de photos, ne s’est pas comporté de manière inappropriée lors de leur seul appel téléphonique, n’a pas tenté de communiquer avec elle sur les médias sociaux ou n’a pas essayé de la voir dans un contexte social[41]. Il se peut que certains des messages textes qu’elle jugeait inappropriés étaient censés être, selon l’appelant, des commentaires innocents, amicaux et même, dans certains cas, flatteurs[42].

[30] Cependant, Mme X a contesté l’affirmation du représentation légal selon laquelle elle avait menti à sa mère au sujet des raisons pour lesquelles elle avait dissimulé les messages textes. Mme X a admis qu’elle avait auparavant caché à sa mère qu’elle avait rendu visite à son père, que cette visite avait contrarié sa mère et qu’elle ne voulait pas contrarier à nouveau sa mère. Cependant, Mme X a insisté sur le fait qu’elle avait été honnête lorsqu’elle avait expliqué à sa mère que l’appelant lui avait dit de supprimer leurs messages textes et de garder pour elle leurs échanges[43]. Selon Mme X, cette explication ne l’avait tout de même pas aidée. Mme X a expliqué que, comme elle est une personne qui cherche à plaire aux autres et qui se reproche les mauvaises choses, elle a supposé que ce qui s’était passé était sa faute et que sa mère était fâchée contre elle[44].

[31] Mme X a convenu que sa décision d’arrêter de supprimer les messages textes après avoir reçu son nouveau téléphone le 9 juin 2019 avait marqué un « changement radical dans [son] comportement »[45]. Elle a expliqué qu’à ce moment-là, elle ne croyait plus devoir supprimer les messages textes, étant donné qu’elle s’était réconciliée avec sa mère après avoir rendu visite en secret à son père et qu’elle ne pensait pas que sa mère ou quelqu’un d’autre regarderait son téléphone[46].

Représentant légal

[32] Le seul témoin du représentant légal était l’appelant. À l’interrogatoire principal, il a traité de quatre questions.

[33] Premièrement, l’appelant s’est exprimé sur la question de savoir pourquoi les messages textes antérieurs échangés entre lui et Mme X n’étaient pas accessibles. L’appelant s’est souvenu qu’il avait lui aussi obtenu un nouveau téléphone en juin 2019 et qu’il avait supprimé beaucoup de messages textes sur son ancien téléphone avant d’en transférer le contenu sur son nouveau téléphone[47]. Il a ensuite contesté l’idée qu’il avait ordonné à Mme X de supprimer leurs messages textes[48] :

Q : Il est allégué que, dans ces messages textes qui n’ont pas été produits dans le cadre de la présente instance, vous avez ordonné à [Mme X] de supprimer ces messages textes ou de supprimer la conversation et de ne les montrer à personne, parce qu’ils pourraient être considérés comme inappropriés.

Comment répondez-vous à cette allégation?

R : Je ne me souviens pas d’avoir déjà dit cela. Je ne crois pas du tout que ce soit vrai.

[34] Deuxièmement, l’appelant a parlé de son but lorsqu’il a commencé à échanger des messages textes avec Mme X et de la façon dont il voyait leurs échanges en rétrospective. Il a insisté sur le fait que son intention était de stimuler la confiance de Mme X et de la traiter comme une entraîneuse adjointe, et ce, de façon cordiale, amusante, drôle, intéressante, encourageante et aidante[49]. Avec le recul, il a reconnu que certaines de leurs discussions étaient inappropriées et inutiles, et que d’autres frôlaient la limite de l’acceptable[50]. Il a finalement déclaré que les deux « flirtai[en]t » dans leurs interactions, mais a reconnu que ce qu’il avait fait était mal[51].

[35] Troisièmement, l’appelant n’était pas d’accord pour dire que les messages textes échangés entre lui et Mme X étaient de nature sexuelle ou qu’il avait des visées sexuelles. Il a déclaré que leurs messages textes ne contenaient aucune mention de relation sexuelle ni quoi que ce soit d’explicite et qu’ils ne s’étaient jamais échangé de photos ou de vidéos[52]. Selon lui, il était « extrêmement exagéré » d’affirmer qu’il voulait avoir une relation sexuelle avec Mme X en ne se fondant que sur leurs messages textes[53].

[36] Quatrièmement, l’appelant a présenté ses excuses auprès de Mme X, de la mère de cette dernière, du comité et de la GRC. Il a déclaré qu’il ne s’était pas rendu compte à l’époque qu’il bouleversait Mme X. Il a souligné qu’il avait honte de sa conduite, qu’il avait demandé de l’aide professionnelle et qu’il avait apporté des changements importants à sa vie[54].

[37] En contre-interrogatoire, l’appelant a fait les constats et soulevé les points suivants :

· Mme X était une « jeune personne vulnérable » selon les politiques de l’organisme local de crosse, ce qui pouvait être interprété de manière à lui interdire d’avoir des conversations privées avec elle[55];

· Bien que certains messages textes échangés avec Mme X étaient inappropriés et inutiles[56];

· Ils n’étaient pas romantiques, sexuels ou prédateurs et ne dénotaient pas une tentative de conditionner Mme X[57];

· Il ne voyait aucune connotation sexuelle dans les messages textes échangés, puisqu’il n’y était pas question de sexe physique, de position sexuelle ou de pornographie et que ni elle ni lui n’avaient demandé ou envoyé de photos[58];

· Il ne trouvait pas Mme X attirante et n’aimait pas ses pieds. Ses messages textes – qui avaient créé leur propre monde – n’étaient que des plaisanteries censées être drôles et permettre à Mme X d’avoir quelqu’un à qui parler[59];

· Il voulait être gentil avec Mme X et la traiter comme une entraîneuse adjointe, mais il a admis qu’il n’avait jamais parlé avec ses autres entraîneurs adjoints d’aller pour des soins de pieds ensemble et qu’il ne leur avait jamais souhaité de faire « de beaux rêves »[60];

· Il a parfois reçu des messages textes de Mme X qu’il considérait comme étant du flirt, mais il ne lui a jamais dit qu’ils étaient inappropriés et ne lui a jamais demandé d’arrêter de lui en envoyer[61];

· Il n’a pas communiqué avec la mère de Mme X pour l’informer que Mme X avait discuté avec lui de graves problèmes familiaux ou qu’il communiquait régulièrement avec Mme X[62].

[38] L’appelant a répété qu’il ne se souvenait pas d’avoir demandé à Mme X de supprimer leurs messages textes et qu’il ne croyait pas lui avoir fait une telle demande[63].

[12] Par la suite, le CEE a résumé les observations présentées par chaque partie au comité concernant l’allégation[64] :

[TRADUCTION]

Représentant de l’autorité disciplinaire

[39] Le représentant de l’autorité disciplinaire a fait valoir que l’allégation était fondée. Il a déclaré que l’appelant avait progressivement essayé d’utiliser sa relation avec Mme X établie dans le cadre de l’entraînement de crosse ainsi que sa position de confiance à son égard pour la conditionner à des fins sexuelles. Il a expliqué que l’appelant avait établi une relation de confiance avec Mme X grâce à des messages textes qui échappaient à la surveillance de sa mère et qui étaient souvent envoyés plus tard le soir lorsque Mme X était seule, mais qu’elle se sentait en sécurité chez elle. Le représentant de l’autorité disciplinaire a affirmé que l’appelant n’avait pas à utiliser un langage sexuellement explicite dans ses messages pour qu’ils soient de nature sexuelle et que le comité pouvait examiner objectivement l’ensemble des circonstances pour conclure que les messages textes étaient suggestifs sur le plan sexuel. Il a déclaré qu’il n’avait aucune raison de rejeter la position de Mme X selon laquelle l’appelant lui avait dit de supprimer leurs messages textes et de ne rien dire à propos de leurs interactions. Il a ajouté que la position contraire de l’appelant manquait de vraisemblance. Selon le représentant de l’autorité disciplinaire, il ressortait du dossier que l’appelant savait que ce qu’il faisait était mal, mais qu’il n’a cessé que lorsqu’il a été pris la main dans le sac. Le représentant de l’autorité disciplinaire a rappelé le devoir de protéger l’intégrité sexuelle des jeunes[65].

Représentant légal

[40] Le représentant légal a fait valoir que l’allégation n’était pas établie[66] pour deux motifs.

[41] Premièrement, le représentant légal a fait valoir que l’énoncé détaillé 10 de l’allégation (selon lequel l’appelant aurait ordonné à Mme X de supprimer leurs messages textes et de ne jamais dire à quiconque qu’ils communiquaient ensemble) n’était pas établi. Il a avancé que Mme X avait inventé cette idée pour éviter de contrarier sa mère, qui avait récemment appris que Mme X lui avait menti au sujet de la visite qu’elle avait rendue à son père. Le représentant légal a estimé que cette tactique alléguée avait fonctionné : la mère de Mme X a déclaré qu’elle n’était pas fâchée contre cette dernière, car l’appelant avait dit à Mme X de supprimer leurs messages textes et de dissimuler leurs communications. Le représentant légal s’est alors demandé pourquoi Mme X avait soudainement arrêté de supprimer les messages textes après avoir reçu son nouveau téléphone si l’appelant lui avait ordonné de les supprimer. Il a ajouté qu’aucun des messages textes déposés en preuve ne faisait référence à un tel ordre. Il s’est également demandé pourquoi l’appelant aurait explicitement contrôlé son ton dans certains messages textes s’il avait ordonné à Mme X de supprimer ces messages textes et qu’il avait supposé qu’ils le seraient[67].

[42] Deuxièmement, le représentant légal a reconnu que l’appelant s’était comporté de manière inappropriée et qu’il avait enfreint le code de déontologie, mais a affirmé que l’appelant n’avait pas eu l’intention d’établir une relation de nature sexuelle avec Mme X et qu’il n’était pas un prédateur. Il a déclaré que les échanges entre l’appelant et Mme X étaient souvent inoffensifs et qu’ils n’avaient pas dépassé le stade du flirt périodique, même si l’appelant avait eu de réelles occasions de les sexualiser. Le représentant légal a fait remarquer que l’appelant n’avait jamais essayé de voir Mme X dans un contexte social ou de communiquer avec elle autrement que par message texte. Selon lui, les comportements de l’appelant ne se rapprochaient pas de des comportements graves observés dans diverses affaires criminelles de conditionnement, dans lesquelles l’acte répréhensible était particulièrement affirmé et sexuellement explicite. Le représentant légal a soutenu que les actes de l’appelant se rapprochaient davantage du harcèlement que d’une conduite déshonorante et a proposé au comité de reclasser la conduite de l’appelant comme étant du harcèlement[68].

[13] Le 15 juillet 2021, le comité a rendu une décision orale sur l’allégation. Il a conclu que l’appelant avait contrevenu à l’article 7.1 du code de déontologie. Ainsi, l’allégation était fondée[69].

[14] Le lendemain, le comité a tenu une audience d’une demi-journée sur les mesures disciplinaires. Le CEE a ainsi résumé la teneur de cette audience[70] :

[TRADUCTION]

B. Éléments de preuve du représentant légal sur les mesures disciplinaires

[45] L’appelant a principalement raconté son histoire personnelle, présenté ses antécédents professionnels et décrit les répercussions du processus disciplinaire sur lui. Il a souligné l’importance de sa famille et a parlé de sa fierté d’être un membre de la GRC, de faire partie d’une équipe d’intervention en cas d’urgence et d’entraîner des équipes sportives de jeunes. Il a fait remarquer qu’il avait travaillé fort et fait d’importants sacrifices personnels pour la GRC et pour les communautés qu’il avait servies. Il a également souligné que ses évaluations de rendement démontraient son professionnalisme, son éthique de travail et son esprit d’équipe. Il a ajouté qu’il n’avait aucun antécédent disciplinaire ou criminel. Il a affirmé que sa suspension avait nui à sa santé mentale et qu’il prenait des mesures (par exemple consulter une psychologue) pour veiller à ne jamais reproduire son inconduite. Il a présenté ses excuses auprès du comité, de la GRC, de Mme X, de la famille de cette dernière et de sa famille[71].

[46] Le représentant légal a déposé la copie d’une lettre de la psychologue de l’appelant datée du 12 juillet 2021. La psychologue a déclaré qu’elle traitait l’appelant depuis la fin de 2019 « dans l’objectif déclaré de traiter les facteurs de stress situationnels actuels associés à [l’allégation] ». Elle a expliqué que l’appelant lui avait dit qu’il faisait l’objet d’une enquête pour avoir envoyé des messages textes inappropriés à une mineure. Elle a fait remarquer qu’il avait « exprimé des remords » pour son manque de jugement et qu’il en avait « assumé la responsabilité ». Elle a estimé que « rien ne laissait croire que cette situation se reproduira à l’avenir »[72].

C. Observations sur les mesures disciplinaires

[47] Le représentant de l’autorité disciplinaire a demandé au comité d’ordonner à l’appelant de démissionner de la GRC, sans quoi il serait congédié. Il a soutenu que l’appelant avait brisé un lien de confiance essentiel avec la GRC ainsi qu’avec le public en exploitant de façon délibérée et continue Mme X, qu’il savait être une jeune vulnérable à l’égard de laquelle il occupait une position d’autorité. Il a fait valoir que l’appelant avait violé l’intégrité sexuelle et corporelle de Mme X et qu’il lui avait causé un réel préjudice psychologique et émotionnel. Il a insisté sur le fait que ce comportement était intolérable même en l’absence de tout contact physique[73].

[48] Le représentant légal a soutenu qu’un congédiement était injustifié dans la présente affaire. Il a laissé entendre que le congédiement était plutôt approprié dans les cas plus graves, comme ceux impliquant « des activités et des relations sexuelles hautement inappropriées découlant directement des fonctions d’un membre à titre d’agent de la GRC »[74]. Il a également cité deux affaires dans lesquelles les comités n’avaient pas congédié les membres : une où le membre avait eu des relations sexuelles inappropriées avec une personne de 18 ans et l’autre où le membre avait eu des relations sexuelles inappropriées avec un cadet. De plus, le représentant légal a souligné que l’affaire de l’appelant présentait de nombreux facteurs atténuants. Il a précisé que l’appelant avait présenté ses excuses à deux reprises, avait exprimé des remords, se faisait traiter, avait un dossier professionnel solide et exempt de sanction disciplinaire, comptait de nombreuses années de service communautaire, s’était montré coopératif, bénéficiait du soutien de ses supérieurs et présentait très peu de risque de récidive. Le représentant légal a proposé que l’appelant reçoive une réprimande, une pénalité financière équivalant à 20 à 30 jours de solde et possiblement une période d’inadmissibilité à toute promotion[75].

DÉCISION DÉFINITIVE ÉCRITE DU COMITÉ

[15] Le 24 septembre 2021, le comité a rendu sa décision écrite. Il a conclu que l’allégation était fondée et a ordonné à l’appelant de démissionner de la GRC dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié (décision). La décision a été signifiée à l’appelant le 28 septembre 2021.

[16] Le CEE a ainsi résumé la décision écrite du comité[76] :

[TRADUCTION]

[50] Le comité a indiqué que l’issue reposait en grande partie sur la crédibilité des témoins. Il a jugé que Mme X et sa mère étaient des témoins crédibles et que leur témoignage était fiable. Il a également jugé que l’appelant était crédible et que son témoignage était fiable « [p]our la majeure partie »[77]. Il a justifié cette nuance en soulignant qu’à la barre, l’appelant avait fait certaines remarques offensantes envers Mme X, ce qui avait nui à sa crédibilité et affaibli son témoignage selon lequel il voulait être un ami authentique et bienveillant auquel elle pouvait faire confiance[78].

[51] Le comité a fait remarquer que l’essentiel de l’allégation figurait dans les énoncés détaillés 9, 10, 11, 16 et 17, que l’appelant avait nié à divers degrés. Le comité a ensuite tiré les conclusions suivantes concernant ces énoncés détaillés[79] :

· L’énoncé détaillé 9 (l’appelant aurait transformé des messages textes inoffensifs en quelque chose d’inapproprié) a été établi. Selon les éléments de preuve, l’appelant a orienté plusieurs échanges de messages textes vers des sujets inappropriés et inutiles, puis a intensifié et prolongé ces échanges[80].

· L’énoncé détaillé 10 (l’appelant aurait ordonné à Mme X de supprimer leurs messages textes et de ne dire à personne qu’ils communiquaient ensemble) a été établi. Sur ce point, le témoignage de Mme X était cohérent, et le comité l’a privilégié à celui de l’appelant. Le comité n’a pas retenu l’idée selon laquelle Mme X avait menti à sa mère au sujet de cette partie de l’histoire afin d’éviter les ennuis. Il ressortait des éléments de preuve que Mme X n’a jamais informé quiconque de ses discussions avec l’appelant. Mme X a également expliqué qu’elle avait arrêté de supprimer les messages textes après avoir obtenu un nouveau téléphone parce qu’elle travaillait sur sa relation avec sa mère et qu’elles étaient en train de rétablir leur lien de confiance[81].

· L’énoncé détaillé 11 (Mme X aurait souhaité que les messages textes inappropriés prennent fin) a été établi. Selon les éléments de preuve, Mme X amorçait principalement les communications par messages textes pour parler de l’entraînement et tentait souvent de détourner le sujet ou d’ignorer les messages textes inappropriés. Il n’incombait pas à Mme X de dire à l’appelant d’arrêter de lui envoyer des messages textes, compte tenu de son jeune âge et de sa vulnérabilité[82].

· L’énoncé détaillé 16 (l’appelant aurait tenté de conditionner Mme X pour sa propre satisfaction personnelle et lui aurait envoyé des messages textes dans le but d’établir une relation de nature sexuelle) a été établi. L’appelant a adopté un comportement compatible avec le conditionnement dans la mesure où il est devenu l’ami de Mme X, a cultivé sa confiance, a établi un lien émotionnel où elle se sentait à l’aise de se confier à lui et a dirigé leurs messages textes vers des échanges d’ordre sexuel qu’il intensifiait souvent. L’appelant aurait pu mettre un terme à ce comportement, mais il a choisi de ne pas le faire jusqu’à ce qu’il se fasse prendre la main dans le sac. Ce comportement, qui dépassait le simple flirt, ne correspondait pas à celui d’un ami dont l’intention était de traiter Mme X comme une entraîneuse adjointe et de stimuler son ego. L’objectif était d’établir une relation de nature sexuelle, comme en font foi les messages textes de plus en plus sexualisés dans lesquels, par exemple, l’appelant faisait des commentaires non sollicités qui évoquaient les seins de Mme X ou encore informait Mme X qu’il était au lit et qu’il aurait aimé l’aider à s’endormir[83].

· L’énoncé détaillé 17 (les échanges de messages textes entre l’appelant et Mme X étaient supposément inappropriés et de nature prédatrice) a été en partie établi. Les messages textes étaient « de nature sexuelle inappropriée ». Cependant, les éléments de preuve ne permettaient pas de conclure que le comportement de l’appelant était « prédateur »[84].

[52] Le comité a conclu « qu’une personne raisonnable en société », au fait des circonstances pertinentes, y compris les réalités de la police en général et celles de la GRC en particulier, considérerait que la conduite de l’appelant à l’égard de Mme X est susceptible de jeter le discrédit sur la GRC. Le comité a jugé que la conduite de l’appelant était suffisamment liée à son travail pour que la GRC ait une raison légitime d’imposer des mesures disciplinaires. Il a souligné que les policiers doivent toujours protéger les jeunes et s’assurer qu’ils se sentent en sécurité[85].

[53] En ce qui concerne les mesures disciplinaires appropriées, le comité a appliqué l’analyse à trois volets suivante, puis a ordonné à l’appelant de démissionner de la GRC, sans quoi il serait congédié.

[54] Premièrement, le comité a conclu que la conduite de l’appelant – qui constituait une inconduite sexuelle et non du harcèlement – commandait un éventail de mesures disciplinaires allant d’une pénalité financière équivalant à 20 à 30 jours de solde à un congédiement. Le comité a jugé que certaines des décisions du comité de déontologie de la GRC invoquées par les parties concernant les mesures disciplinaires appropriées ne revêtaient qu’une valeur limitée, puisque les mesures disciplinaires ordonnées dans ces décisions découlaient de propositions conjointes. Il a jugé inutiles d’autres décisions qui lui avaient été présentées, principalement parce qu’elles portaient sur des faits différents[86].

[55] Deuxièmement, le comité a énuméré les nombreux facteurs qu’il avait pris en considération pour déterminer une mesure disciplinaire[87]. Il a précisé que les facteurs aggravants étaient que l’appelant :

· savait que Mme X était une jeune personne vulnérable de 16 ans et membre du public;

· a commis un abus de confiance en cherchant à tirer parti de sa position d’autorité qu’il occupait à plusieurs égards par rapport à Mme X;

· a sciemment eu une conduite inappropriée pendant des semaines, jusqu’à ce que sa conduit soit dénoncée;

· a tenté de réduire au minimum la gravité de sa conduite en la décrivant comme étant « tout simplement des plaisanteries »;

· a provoqué un incident qui a eu une incidence psychologique et émotionnelle négative durable sur Mme X et sa mère.

[56] Le comité a ensuite précisé que les facteurs atténuants étaient que l’appelant :

· a présenté ses excuses auprès de Mme X, de sa mère, de la GRC et du comité pour son comportement embarrassant;

· avait environ 13 ans de service productif au sein de la GRC et de bonnes évaluations de rendement;

· n’avait aucun antécédent disciplinaire ou criminel et respectait les conditions de l’ordonnance d’injonction civile;

· bénéficiait du soutien de sa famille, de ses collègues et de ses supérieurs qui étaient présents à l’audience;

· avait une longue histoire de bénévolat auprès des jeunes (le comité a accordé moins de poids à ce facteur compte tenu des faits).

[57] Troisièmement, le comité a expliqué pourquoi l’ordre de démissionner était une mesure disciplinaire adaptée. Il a expliqué que le comportement de l’appelant touchait au cœur de la relation d’emploi et concernait les attentes du public à l’égard des policiers dans leurs rapports avec les personnes vulnérables. Il a déclaré que la nécessité de protéger les jeunes, qui utilisent les technologies à des fins sociales, était une valeur sacrée de la société canadienne. Il a accordé peu de poids à la lettre de la psychologue de l’appelant, puisqu’il s’agissait davantage d’une lettre de soutien que d’un rapport d’expert et qu’elle ne contenait aucune preuve d’un problème médical susceptible d’expliquer l’inconduite. Il a ajouté que l’appelant avait minimisé ses actes en rejetant la responsabilité sur Mme X et en insistant sur le fait que leurs messages textes étaient sujets à interprétation. Selon le comité, cela témoignait d’un manque d’introspection et suscitait des doutes quant à savoir si l’appelant avait appris de ses erreurs. Le comité a conclu que les facteurs atténuants ne justifiaient pas la clémence et qu’il était nécessaire d’employer la dissuasion. Il a conclu que l’appelant avait porté atteinte aux valeurs de respect, d’intégrité et de professionnalisme de la GRC, qu’il avait renié ses obligations en tant que membre de la GRC et qu’il avait irrémédiablement abusé de la confiance du public[88].

APPEL

[17] L’appelant a déposé sa déclaration d’appel le 12 octobre 2021[89], dans laquelle il avait initialement avancé plus de vingt arguments, dont l’iniquité procédurale généralisée, des erreurs de droit, des erreurs mixtes de fait et de droit, ainsi que diverses autres erreurs.

[18] Le 30 novembre 2021, l’appelant a déposé ses observations écrites aux fins du présent appel, dans lesquelles il a soulevé les principaux motifs d’appel suivants :

[TRADUCTION]

a. Les motifs de la décision ne confirmaient aucunement l’existence de contradictions dans les principaux éléments de preuve ou ne précisaient pas la manière dont ces éléments de preuve contradictoires avaient été conciliés, ce qui constitue un manquement à l’équité procédurale ou, à titre subsidiaire, ils étaient insuffisants et manifestement déraisonnables;

b. Des conclusions de fait importantes étaient contraires à la preuve, fondées sur une interprétation erronée de la preuve et étaient manifestement déraisonnables;

c. Les mesures disciplinaires imposées étaient manifestement déraisonnables, puisqu’elles découlaient des erreurs susmentionnées;

d. La décision déplaçait le fardeau de la preuve sur [l’appelant].

[19] Le 20 décembre 2021, l’intimé a présenté ses observations écrites.

[20] Le 5 janvier 2022, l’appelant a déposé sa réplique, dans laquelle il a de nouveau soulevé des questions d’équité procédurale du fait que, dans sa décision, le comité n’avait pas expliqué comment il avait concilié les contradictions et les éléments de preuve contradictoires.

[21] Compte tenu des arguments de l’appelant relatifs à l’équité procédurale, je me prononcerai à ce sujet. Je suis d’accord avec le CEE que les autres arguments de l’appelant peuvent être regroupés sous les questions suivantes[90] :

[TRADUCTION]

[58] L’appelant a interjeté appel dans le cadre duquel le représentant légal avait initialement avancé plus de vingt arguments, dont l’iniquité procédurale généralisée, des erreurs de droit, des erreurs mixtes de fait et de droit, ainsi que diverses autres erreurs[91]. En appel, le représentant légal a par la suite présenté des observations, qui semblaient résumer l’appel aux quatre positions suivantes, qu’il croit être en quelque sorte liées[92] :

a) le comité a commis une erreur en concluant que l’énoncé détaillé 10 de l’allégation était établi;

b) le comité n’a pas évalué correctement la crédibilité des témoins qui ont témoigné devant lui;

c) le comité a commis une erreur en concluant que l’appelant voulait avoir une relation sexuelle;

d) le comité a décidé d’imposer une mesure disciplinaire qui était déraisonnable dans les circonstances.

[59] L’appelant demande à l’arbitre de dernier niveau d’accueillir son appel, et de corriger certaines conclusions du comité ou d’ordonner une nouvelle audience. Il demande également l’annulation ou la modification de la mesure disciplinaire[93].

[22] Le CEE a déclaré qu’il n’examinerait pas davantage les arguments initiaux, non liés, inexpliqués, peu élaborés et/ou non étayés que l’appelant avait soulevés avant la présentation de ses observations en appel, car un tel examen nécessiterait d’importantes conjectures. Je souscris à cette façon de procéder.

ANALYSE

Considérations en appel

[23] Dans l’examen de l’appel d’une décision rendue dans une affaire disciplinaire, le rôle de l’arbitre est régi par le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels), qui est ainsi libellé :

33(1) Lorsqu’il rend une décision sur la disposition d’un appel, le commissaire évalue si la décision qui fait l’objet de l’appel contrevient aux principes d’équité procédurale, est entachée d’une erreur de droit ou est manifestement déraisonnable.

[24] L’article 5.7.2 du chapitre II.3 « Griefs et appels » du Manuel d’administration (version du 9 juillet 2015) prévoit que l’arbitre doit tenir compte des documents suivants dans son processus décisionnel :

5.7.2. L’arbitre étudie le formulaire relatif à l’appel; la décision écrite faisant l’objet de l’appel; les documents sur lesquels se fonde la décision, qui auront été fournis par la personne qui a pris la décision; les observations et toute autre information soumise par les parties; dans le cas où l’appel a été renvoyé au [CEE], le rapport du [CEE] concernant l’appel.

Équité procédurale

[25] Le processus disciplinaire comportant une audience disciplinaire établi dans la Loi sur la GRC, les Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291, et le chapitre XII.1 « Déontologie » du Manuel d’administration prévoit un niveau plus élevé d’équité procédurale. Il convient de souligner que le paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC dispose que la décision du comité de déontologie est consignée par écrit et qu’elle comprend notamment l’exposé de ses conclusions sur les questions de fait essentielles à la décision, les motifs de la décision et l’énoncé, le cas échéant, de la mesure disciplinaire imposée en vertu du paragraphe (4).

[26] Le régime d’appel établi dans la Loi sur la GRC et les Consignes du commissaire (griefs et appels) exige également un niveau élevé d’équité procédurale[94]. Il est expliqué à la section 1.4 du Guide national – Procédures relatives aux appels et comprend les éléments suivants :

[TRADUCTION]

Le droit d’être informé des questions qui seront tranchées et de se voir accorder une juste possibilité de présenter ses arguments sur ces questions;

Le droit à une décision rendue par un décideur impartial;

Le droit à une décision rendue par la personne qui procède à l’audition de l’affaire;

Le droit de connaître les motifs de la décision rendue.

[27] J’examinerai les questions d’équité procédurale sans faire preuve de déférence, puisqu’en fin de compte, je dois m’assurer que la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances[95]. Si ce n’est pas le cas, la décision peut être annulée, sauf dans de rares cas où l’issue est inévitable même si la violation devait être rectifiée[96].

Application à l’espèce

[28] L’appelant soutient que le comité a manqué à son obligation d’équité procédurale en n’expliquant pas dans ses motifs les importantes contradictions et incohérences dans les principaux éléments de preuve, notamment entre le témoignage de Mme X et celui de sa mère, ainsi qu’en ne fournissant aucun motif concernant la demande faite par l’appelant à Mme X de supprimer les messages textes et l’évaluation de la crédibilité effectuée par le comité.

[29] Je ne peux conclure que la décision du comité est inéquitable sur le plan procédural. L’appelant était préoccupé par les prétendues incohérences ou contradictions entre le témoignage de Mme X et celui de sa mère, notamment sur la question de savoir si Mme X avait réellement évité les ennuis avec sa mère après lui avoir dit que l’appelant lui avait demandé de supprimer les messages textes, ce qui ne constituait pas une question de fait essentielle à la décision, conformément au paragraphe 45(3) de la Loi sur la GRC. En effet, la réaction de sa mère n’a pas d’incidence sur la raison pour laquelle Mme X aurait menti et ne constituait donc pas une question de fait que devait trancher le comité.

[30] L’appelant a reconnu que, dans sa décision, le comité avait effectivement examiné les questions clés ou les arguments principaux concernant la demande que l’appelant aurait faite à Mme X de supprimer les messages textes (appel, p. 68) et l’évaluation de la crédibilité des témoins (appel, p. 74), mais il soutient que le comité a commis des erreurs en le faisant.

[31] Par conséquent, je suis d’accord avec le CEE pour dire que les arguments de l’appelant ne concernent pas le défaut de fournir des motifs, mais plutôt le caractère suffisant des motifs fournis, ce qui se rapporte à la décision du comité sur le fond et commande un contrôle selon la norme de la décision manifestement déraisonnable[97].

[32] Pour ces motifs, je conclus que la décision du comité ne contrevenait pas aux principes d’équité procédurale.

Erreur de droit

[33] Une erreur de droit est habituellement décrite comme l’application d’une norme juridique incorrecte ou l’omission de tenir compte d’un élément essentiel d’un critère juridique[98]. Il faut prouver que le décideur s’est appuyé sur une loi ou une norme juridique incorrecte pour rendre sa décision.

Application à l’espèce

[34] Dans ses observations, l’appelant n’a pas expressément soutenu que la décision du comité était entachée d’une erreur de droit. Comme je l’ai déjà mentionné, j’estime que la plupart des arguments de l’appelant ne se rapportent pas à une erreur de droit à proprement parler, mais plutôt à des questions mixtes de fait et de droit que j’examinerai dans la prochaine section.

[35] Bien que les parties n’aient pas soulevé ce point, j’estime que le fait pour le comité d’avoir cité l’alinéa 45(4)a) au lieu de l’alinéa 45(4)b) de la Loi sur la GRC pour ordonner à l’appelant de démissionner de la GRC était une erreur d’écriture et non une erreur de droit, puisque l’intention du comité, comme il l’a indiqué dans son résumé, n’était pas de congédier l’appelant, mais bien de lui ordonner de démissionner de la GRC dans les quatorze jours, sans quoi il serait congédié.

[36] Par conséquent, je conclus qu’aucune erreur de droit n’a été commise.

Caractère manifestement déraisonnable

[37] Le paragraphe 33(1) des Consignes du commissaire (griefs et appels) exige qu’en appel, l’arbitre de dernier niveau réponde aux allégations d’erreurs de fait ou d’erreurs mixtes de fait et de droit en évaluant si la décision qui fait l’objet de l’appel était « manifestement déraisonnable ». L’expression « manifestement déraisonnable » (« clearly unreasonable ») correspond à la norme de common law de la décision manifestement déraisonnable (« patent unreasonableness »)[99]. Par conséquent, il convient de faire preuve d’une grande déférence envers le comité dans l’application de la norme de la décision manifestement déraisonnable[100].

[38] Essentiellement, une décision est manifestement déraisonnable si le « défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal » ou, en d’autres termes, s’il est « tout à fait éviden[t] » que la décision est erronée[101]. La décision doit être « clairement irrationnelle », « de toute évidence non conforme à la raison » ou « à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir »[102]. Selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, il ne suffit pas de simplement démontrer que les motifs fournis sont insuffisants[103]. L’appelant doit non seulement établir que le comité a commis une erreur, mais également que cette erreur a été déterminante pour parvenir à une décision qui n’aurait pas été envisageable sans cette erreur.

[39] Enfin, l’appelant doit prouver non seulement que le comité a commis une erreur, mais aussi que cette erreur est telle que je n’ai d’autre choix que d’annuler la décision. Par conséquent, mon intervention ne sera justifiée que si le comité a commis une erreur manifeste et déterminante. Je dois donc faire preuve d’une grande retenue à l’égard de la décision du comité.

[40] Par ailleurs, je comprends que je dois appliquer la norme de la décision manifestement déraisonnable. Cependant, j’estime que les enseignements tirés de l’arrêt Vavilov sur la manière d’examiner le caractère raisonnable d’une décision sont utiles. Dans mon examen du caractère raisonnable de la décision, je dois m’intéresser à la fois au raisonnement suivi et au résultat de la décision[104]. Ce faisant, je dois accorder une attention respectueuse aux motifs fournis par le comité et chercher à comprendre comment il est parvenu à sa conclusion[105]. De plus, dans mon examen du caractère raisonnable du résultat auquel est arrivé le comité, je dois examiner « de façon globale et contextuelle » les motifs écrits eu égard à l’ensemble du contexte, y compris au dossier de preuve et aux observations présentées, et « en tenant dûment compte du régime administratif »[106]. Ces motifs écrits ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection[107]. En outre, je dois garder à l’esprit que la norme de la décision raisonnable doit être appliquée rigoureusement lorsque l’incidence de la décision administrative sur l’individu est majeure[108]. De plus, « [s]elon le principe de la justification adaptée aux questions et préoccupations soulevées, lorsque la décision a des répercussions sévères sur les droits et intérêts de l’individu visé, les motifs fournis à ce dernier doivent refléter ces enjeux »[109].

Application à l’espèce

Énoncé détaillé 10

[41] L’énoncé détaillé 10 est le suivant : « Vous avez ordonné à [Mme X] de ne jamais dire à quiconque que vous communiquiez avec elle et que [Mme X] devait supprimer tous vos messages textes échangés. »

[42] Dans sa décision concernant l’énoncé détaillé 10, le comité indique ce qui suit :

[46] L’énoncé détaillé 10 allègue que le gendarme Martin a ordonné à Mme [X] de ne jamais dire à qui que ce soit qu’ils communiquaient et de supprimer tous les messages textes échangés. Le gendarme Martin a nié ce fait. Le membre visé a proposé à l’audience disciplinaire l’idée que Mme [X] avait inventé cette partie de l’histoire afin d’éviter d’avoir plus d’ennuis avec sa mère, qui l’avait prise en train de mentir quelques semaines auparavant lorsqu’elle avait visité son père à l’insu de sa mère. Je ne suis pas du même avis. En fait, les éléments de preuve indiquent que Mme [X] n’a jamais informé quiconque des messages, même pas sa meilleure amie, ce qui est conforme à sa déclaration et à son témoignage à l’audience disciplinaire.

[47] En ce qui concerne la suppression des messages, tel qu’il a été indiqué par le représentant du membre visé, je reconnais qu’il y a eu un [TRADUCTION] « changement radical dans le comportement » de Mme [X] lorsqu’elle utilisait l’iPhone 6 (appelé l’ancien téléphone) et l’iPhone 8, le nouveau téléphone qu’elle a obtenu le 9 juin 2019. Lorsqu’elle utilisait l’ancien téléphone, elle supprimait tous les messages textes échangés avec le gendarme Martin avant d’aller se coucher. Une pratique qu’elle a arrêtée après avoir reçu son nouveau iPhone 8. Mme [X] a expliqué qu’elle n’avait plus de raison de supprimer les messages, car elle travaillait sur la relation avec sa mère et elles tentaient d’être dignes de confiance l’une envers l’autre. Les éléments de preuve indiquent également que Mme [X] avait présenté volontairement son ancien iPhone 6 à la GRC en vue de tenter de récupérer les anciens messages, ce qui ne pouvait malheureusement pas être effectué.

[48] Le gendarme Martin a témoigné en disant qu’il ne pouvait pas produire les messages puisqu’il les a supprimés de son ancien iPhone à la fin du mois de juin, lorsqu’il l’a remplacé par un nouveau. Dans l’ensemble, la version de Mme [X] des événements est cohérente et je privilégie son témoignage à celui du gendarme Martin sur ce point. Par conséquent, je conclus qu’il est plus probable que le contraire que le gendarme Martin lui a dit de supprimer les messages. Ainsi, l’énoncé détaillé 10 est fondé.

Observations de l’appelant

[43] Je suis d’accord avec le CEE pour dire que les arguments de l’appelant concernant ce motif d’appel sont difficiles à comprendre. Cela étant dit, j’estime que le CEE a correctement résumé les observations présentées en appel[110] :

[TRADUCTION]

[63] […] Il précise que le comité n’a pas pris acte des fondements de sa position selon laquelle Mme X avait menti à sa mère au sujet de la demande qu’elle aurait reçu de supprimer les messages textes[111], qu’il ne les a pas analysés et qu’il n’a fourni aucun motif justifiant leur rejet.

[64] Deuxièmement, le représentant légal affirme que la décision était « manifestement déraisonnable »[112], car le comité a commis des erreurs déterminantes en concluant que l’énoncé détaillé 10 de l’allégation était fondé. Le comité aurait :

· « carrément rejeté » la position du représentant légal en concluant que Mme [X] avait caché les messages textes à tout le monde[113];

· retenu, sans justification, l’explication peu convaincante donnée par Mme [X] pour avoir soudainement arrêté de supprimer les messages textes, et ce, sans préciser comment il était parvenu à concilier le témoignage incohérent et troublant de Mme [X][114];

· imposé le fardeau de la preuve sur l’appelant en lui reprochant de ne pas avoir fourni les messages textes manquants[115].

[65] Selon le représentant légal, ces éléments démontrent que le comité a basé sa conclusion selon laquelle l’énoncé détaillé 10 était fondé sur « des conclusions injustes ayant entraîné une inversion du fardeau de la preuve, des conclusions inexpliquées et une interprétation erronée des éléments de preuve sur des questions clés »[116].

Observations de l’intimé

[44] L’intimé défend les conclusions du comité en ce qui concerne l’énoncé détaillé 10. Il soutient que la première partie de cet énoncé détaillé (l’ordre de ne jamais en parler à quiconque) et la conclusion du comité au paragraphe 46 de sa décision selon laquelle l’énoncé détaillé était fondé n’ont essentiellement pas été contestées pendant l’audience et dans le cadre du présent appel. Il fait valoir que l’appelant a dénaturé le témoignage de Mme X sur les raisons pour lesquelles elle avait arrêté de supprimer les messages textes et soutient que Mme X a fourni une explication raisonnable. L’intimé conteste l’affirmation de l’appelant selon laquelle le comité lui a reproché de ne pas avoir fourni les messages textes manquants et a souligné que le comité avait simplement fait remarquer que personne n’avait été en mesure de les produire. Par conséquent, il devait procéder à une évaluation de la crédibilité de chacune des parties[117].

Conclusions

[45] Je partage l’avis du CEE : la conclusion du comité concernant l’énoncé détaillé 10 n’est pas manifestement déraisonnable[118]. Étant donné que l’énoncé détaillé 10 comprend deux comportements ou actes différents, je les examinerai séparément.

Ordre donné par l’appelant à Mme X de ne jamais en parler à quiconque

[46] Le comité s’appuie sur la preuve au dossier pour conclure que la première partie de l’énoncé détaillé 10 est fondée. Plus précisément, la preuve produite sur cette partie est constituée de la déclaration de Mme X au cours de l’enquête (rapport d’enquête, p. 35), du témoignage de Mme X pendant l’audience (transcription du 12 juillet 2021, commençant à la p. 75, 252) et de la réponse de l’appelant (réponse 15(3) de l’appelant, p. 37) et de son témoignage pendant l’audience (transcription du 13 juillet 2021, commençant à la p. 132).

[47] Essentiellement, selon la preuve de Mme X, l’appelant lui avait dit de supprimer les messages textes et de n’en parler à personne, car cela pourrait leur causer des ennuis. Bien que l’appelant ait nié l’énoncé détaillé 10, sa preuve concernant la première partie de cet énoncé détaillé était neutre et ne contredisait pas celle de Mme X. En effet, son témoignage est le suivant : « Je ne me souviens pas de lui avoir demandé de faire cela et je ne crois pas que cela se soit produit », et ses réponses de suivi lors du contre-interrogatoire étaient axées sur la deuxième partie de cet énoncé détaillé (demander à Mme X de supprimer les messages textes).

[48] Compte tenu de ce qui précède, j’estime qu’il n’y avait aucun élément de preuve contradictoire à concilier par le comité. De plus, le comité a accordé du poids au fait que Mme X a fait ce qu’on lui aurait dit de faire. Il a conclu que « les éléments de preuve indiquent que Mme [X] n’a jamais informé qui que ce soit des messages, même pas sa meilleure amie, ce qui est conforme à sa déclaration [de témoin] et à son témoignage à l’audience disciplinaire ».

[49] Par conséquent, la conclusion du comité concernant cette partie de l’énoncé détaillé 10 était fondée sur des éléments de preuve clairs, concluants et convaincants, et les motifs du comité sur cette question étaient suffisants et n’étaient pas manifestement déraisonnables.

Ordre donné par l’appelant à Mme X de supprimer les messages textes

[50] En ce qui a trait à la deuxième partie de l’énoncé détaillé 10, j’estime que la conclusion du comité est également étayée par la preuve au dossier.

[51] Plus précisément, la preuve produite sur cette partie est constituée de la déclaration de Mme X au cours de l’enquête (rapport d’enquête, p. 35), du témoignage de Mme X pendant l’audience (transcription du 12 juillet 2021, commençant à la p. 75, 257), de la réponse de l’appelant (réponse 15(3) de l’appelant, p. 37) et de son témoignage pendant l’audience (essentiellement qu’il ne se souvenait pas de lui avoir demandé de faire cela et qu’il ne croyait pas que cela s’était produit) (transcription du 13 juillet 2021, commençant à la p. 135).

[52] Comme je l’ai déjà indiqué, selon la preuve de Mme X, l’appelant lui avait dit de supprimer les messages textes et de n’en parler à personne, car cela pourrait leur causer des ennuis. Après avoir examiné attentivement les éléments de preuve, j’estime que la preuve de l’appelant concernant cette partie de l’énoncé contredisait bel et bien celle de Mme X. Bien que je sois d’accord avec le CEE que la majeure partie du témoignage de l’appelant n’était pas aussi tranchée que celui de Mme X, il a bel et bien déclaré ce qui suit : « Je ne lui ai pas dit de faire cela » (transcription du 13 juillet 2021, p. 138).

[53] Toutefois, contrairement à ce qu’affirme l’appelant et comme je l’expliquerai, j’estime que, dans ses motifs, le comité a correctement concilié et examiné ces éléments de preuve contradictoires.

[54] Tout d’abord, le comité a démontré qu’il était conscient de ces éléments de preuve contradictoires en prenant acte de la position de l’appelant, à savoir que Mme X avait inventé l’histoire selon laquelle il lui avait demandé de supprimer les messages textes afin d’éviter d’avoir des ennuis avec sa mère, qui l’avait auparavant prise en train de mentir sur le fait qu’elle avait rendu visite à son père à son insu et sans sa permission[119].

[55] Le comité a également reconnu qu’il y avait eu un changement radical dans le comportement de Mme X lorsqu’elle avait commencé à utiliser son nouveau téléphone. Cependant, le comité a jugé que la version des événements de Mme X était cohérente et a privilégié son témoignage à celui de l’appelant[120]. À l’instar du CEE, je ne vois pas exactement en quoi la preuve de Mme X était véritablement contradictoire et je conviens qu’il n’était pas déraisonnable de la part du comité de privilégier les souvenirs inébranlables de Mme X à ceux, plus équivoques, de l’appelant et de s’appuyer sur les souvenirs de Mme X pour éclairer son analyse de l’énoncé détaillé 10.

[56] Par conséquent, et contrairement à ce que soutient l’appelant, j’estime que la présente affaire se distingue de l’arrêt Walton c. Alberta (Securities Commission), 2014 ABCA 273, puisque le comité n’a pas tiré cette conclusion de fait en l’absence de toute preuve ou sur la base de simples conjectures. En fait, je conclus que la conclusion du comité sur cet énoncé détaillé était fondée sur des éléments de preuve clairs, concluants et convaincants.

[57] De plus, je rejette l’argument de l’appelant selon lequel le comité a inversé le fardeau de la preuve en exigeant qu’il produise les messages textes supprimés pour prouver son innocence[121]. Comme il l’a indiqué dans sa décision, le comité était manifestement au courant que l’autorité disciplinaire devait établir, selon la prépondérance des probabilités, les actes qui constituaient la conduite alléguée (appel, p. 27). Je considère que, dans ses commentaires aux paragraphes 47 et 48, le comité ne procède pas à une inversion du fardeau de la preuve, mais résume plutôt les témoignages livrés par les parties à l’audience et la preuve obtenue sur ce sujet[122]. Sans ces messages textes, il n’existait aucune preuve documentaire permettant d’établir que l’appelant aurait demandé à Mme X de supprimer les messages textes. Le comité devait donc examiner d’autres éléments de preuve pour déterminer si la demande avait bel et bien été faite, y compris procéder à l’évaluation de la crédibilité des témoins.

[58] Bien que les conclusions du comité concernant l’énoncé détaillé 10 auraient pu être plus détaillées sur les raisons pour lesquelles il a privilégié la preuve de Mme X à celle de l’appelant sur ce point, je conclus que le fondement de la décision ressort clairement du dossier[123], comme je l’ai indiqué précédemment, mais aussi de la suite des motifs portant sur la crédibilité et la fiabilité du témoignage de l’appelant (appel, p. 35, par. 74 à 77).

[59] En effet, contrairement à ce que laisse entendre l’appelant, la situation en l’espèce se distingue de celle dans l’affaire Law Society of Upper Canada c. G.N., 2005 ONLSAP 0001, où le comité d’audience n’a pas expliqué pourquoi il n’avait pas cru le membre dans son examen de la preuve contradictoire liée aux questions importantes. En l’espèce, les paragraphes 74 à 77, lus en corrélation avec les paragraphes 47 et 48, exposent clairement[124] pourquoi le comité a privilégié la preuve de Mme X à celle de l’appelant.

[60] De plus, il importe de rappeler que « les motifs écrits fournis par un organisme administratif ne doivent pas être jugés au regard d’une norme de perfection »[125] et que, selon la norme de la décision manifestement déraisonnable, il ne suffit pas de simplement démontrer que les motifs fournis sont insuffisants. Dans la prochaine section, je préciserai davantage l’évaluation de la crédibilité des parties.

[61] En conséquence, la conclusion du comité concernant cette partie de l’énoncé détaillé 10 était fondée sur des éléments de preuve clairs, concluants et convaincants, et les motifs du comité sur cette question étaient suffisants et n’étaient pas manifestement déraisonnables.

Conclusion subsidiaire

[62] Si j’ai tort de confirmer la conclusion du comité selon laquelle l’appelant a demandé à Mme X de supprimer les messages textes, en vertu de l’alinéa 45.16(1)b) de la Loi sur la GRC, je conclurais tout de même que l’appelant a contrevenu à l’article cité dans l’allégation et j’imposerais la même mesure disciplinaire.

[63] L’appelant accorde beaucoup de poids à l’énoncé détaillé 10 et affirme que l’erreur qu’aurait commise le comité [TRADUCTION] « a entaché l’ensemble de la décision » :

[TRADUCTION]

Les erreurs susmentionnées ont eu une incidence importante sur la décision et la mesure disciplinaire par la suite imposée, car elles ont conduit aux conclusions selon lesquelles [l’appelant] avait demandé à [Mme X] de supprimer les messages textes et qu’il avait eu l’intention d’établir une relation de nature sexuelle avec elle, ce qui a entaché l’ensemble de la décision […].

[64] En réalité, plusieurs autres considérations étaient en jeu :

[116] 1) [L]a nature sexuelle des messages textes envoyés en privé, à l’aide d’une plateforme de médias sociaux et pendant une période prolongée; 2) l’état vulnérable de [Mme X] étant donné son jeune âge et la façon dont [l’appelant] a cherché à dissimuler les communications textuelles en lui demandant de les supprimer; enfin 3) l’intention sexuelle [de l’appelant] de cultiver la relation afin de poursuivre une relation avec [Mme X] pendant qu’il occupait une position de confiance et d’autorité.

[65] Que l’appelant ait demandé ou non à Mme X de supprimer les messages textes, il a tout de même entretenu une relation privée basée sur des insinuations sexuelles, résultant d’un déséquilibre de pouvoir, avec une jeune fille de seize ans dans le but de faciliter et de promouvoir une relation sexuelle avec elle. Dans le processus disciplinaire de la GRC, il est bien établi qu’il n’est pas nécessaire de démontrer tous les énoncés détaillés pour prouver une violation au code de déontologie.

[66] En résumé, je conclus que le comité n’a pas commis une erreur susceptible de contrôle en concluant que l’appelant avait demandé à Mme X de supprimer les messages textes en cause. À titre subsidiaire, je ne considérerais pas l’erreur théorique comme étant suffisante pour rendre manifestement déraisonnables la décision elle-même et la mesure disciplinaire en découlant.

Crédibilité des témoins

Observations de l’appelant

[67] L’appelant soutient que le comité n’a pas évalué correctement la crédibilité des témoins qui ont comparu devant lui[126] :

[TRADUCTION]

La procédure pour examiner les questions de crédibilité et de fiabilité est résumée dans la décision concernant le gendarme Jordan Irvine. Le type d’analyse auquel on peut s’attendre est décrit dans la décision concernant le gendarme Steve Morrison. En l’espèce, dans sa décision, le comité s’est écarté de l’analyse appropriée. Il a procédé à un examen nettement inégal des témoignages : absence totale d’examen pour [la mère de Mme X], absence d’examen des principales questions et incohérences pour [Mme X], et examen approfondi pour [l’appelant], et ce, malgré les nombreux signaux d’alarme évidents dans les témoignages de [Mme X et de sa mère].

[68] L’appelant conteste la manière dont le comité décrit le témoignage de Mme X comme étant « cohérent ». Il affirme plutôt que la description du comité est [TRADUCTION] « absurde » compte tenu des incohérences qu’il n’a pas examinées relativement à l’énoncé détaillé 10 et à d’autres « questions clés »[127].

Observations de l’intimé

[69] L’intimé réfute la thèse de l’appelant au motif qu’elle est mal élaborée et inexacte. Il fait remarquer que l’appelant n’a fourni aucun exemple précis des prétendues incohérences relevées dans le témoignage de Mme X. De plus, comme aucune véritable conclusion quant à la crédibilité n’était en litige (autre que le désaccord sur la question de savoir si l’appelant avait ordonné la suppression des messages textes), l’appelant soutient que la responsabilité du comité était de déterminer [TRADUCTION] « comment interpréter objectivement » les messages textes en cause, et non de décider quel témoignage privilégier[128].

Conclusions

[70] Je suis d’accord avec le CEE que ce motif d’appel est sans fondement[129]. Le CEE a résumé les principes et la jurisprudence qui régissent la manière dont un comité doit évaluer la crédibilité[130] :

[TRADUCTION]

· un comité doit évaluer le témoignage d’une personne en tenant compte de la situation de la personne, notamment de son comportement, de sa relation avec les parties et de sa capacité à communiquer (Wallace c. Davis[131]; MacDermid c. Rice[132]);

· un comité doit également déterminer si le témoignage est « compatible avec celui qu’une personne sensée et informée, selon la prépondérance des probabilités, reconnaîtrait d’emblée comme un témoignage raisonnable, compte tenu de la situation et des circonstances » (Faryna c. Chorny[133]);

· une décision quant à la crédibilité doit être fondée sur une preuve claire et convaincante et doit être dûment expliquée dans les motifs.

[71] J’estime que le comité a respecté ces principes dans son évaluation de la crédibilité et que le CEE a bien résumé l’approche adoptée par le comité à cet égard[134] :

[TRADUCTION]

[90] Pour commencer, le comité a expliqué que la preuve à l’appui des conclusions quant à la crédibilité « doit toujours être claire et convaincante pour satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités »[135].

[91] Le comité a également indiqué qu’il avait tenu compte de la « totalité des éléments de preuve » ainsi que de la capacité des témoins à se souvenir des détails relatifs aux événements clés quelques années après qu’ils ont eu lieu[136].

[92] Le comité a ensuite décrit Mme X comme un témoin crédible et fiable. Il a souligné qu’à la barre, elle lui avait semblé claire, franche et équilibrée et en a donné des exemples :[137]

En ce qui concerne Mme [X], je conclus qu’elle était un témoin éloquent et franc. Elle était équilibrée lorsqu’elle s’exprimait et n’a pas cherché à faire planer une ombre négative à l’égard [de l’appelant]. Elle était franche et son témoignage était cohérent, tant pendant son témoignage que dans ses déclarations figurant au dossier. Elle n’a pas tenté d’embellir ses réponses ni de les perfectionner au fil du temps. Par exemple, elle a admis qu’elle n’avait jamais rencontré [l’appelant] en privé, qu’elle ne l’avait appelé qu’une seule fois pour l’entraînement de la crosse et qu’elle n’avait jamais informé quiconque des messages textes. Je conclus que son témoignage était crédible et fiable.

[93] Le comité a ensuite décrit l’appelant comme un témoin crédible dont le témoignage était fiable « [p]our la majeure partie »[138]. Il a développé cette description dans son examen de l’énoncé détaillé 16 (tentative alléguée de conditionner Mme X pour sa propre satisfaction personnelle et envoi de messages textes dans le but d’établir une relation de nature sexuelle). Le comité a précisé qu’à la barre, l’appelant avait fait des déclarations offensantes envers Mme X, et que celles-ci avaient mis en doute sa crédibilité et affaiblit la preuve qu’il voulait être un ami sincère et bienveillant auquel Mme X pouvait faire confiance[139] :

Toutefois, en contre-interrogatoire à l’audience disciplinaire, il a soutenu qu’il [TRADUCTION] « n’aimait pas réellement ses pieds » ou [TRADUCTION] « ne voulait même pas être seul avec elle ». Lorsqu’il a été interrogé davantage, il a expliqué que ses messages textes ne comportaient [TRADUCTION] « aucune intention ». Il a affirmé que les messages textes [TRADUCTION] « créent en quelque sorte leur propre monde. […] il ne s’agissait que de plaisanteries. Vous savez, j’ai essayé d’être un peu drôle et vous savez, ça lui donnait quelqu’un à qui parler. » En fin de compte, je conclus que les nombreuses déclarations de ce genre faites pendant l’audience disciplinaire étaient offensantes et irrespectueuses envers [Mme X], qui a été amenée à croire, pendant environ six semaines, qu’il était un ami authentique et bienveillant auquel elle pouvait faire confiance. De telles déclarations mettent en doute non seulement sa crédibilité et la fiabilité de ses éléments de preuve, mais également ses véritables intentions quant à leur relation.

[94] Je conclus de cet extrait que, comparativement au témoignage de Mme X, le comité a considéré l’ensemble du témoignage de l’appelant comme étant un peu moins « compatible avec celui qu’une personne sensée et informée, selon la prépondérance des probabilités, reconnaîtrait d’emblée comme un témoignage raisonnable, compte tenu de la situation et des circonstances »[140].

[95] Je ne vois rien de déraisonnable ou de problématique dans les évaluations ci-dessus.

[72] Tout comme le CEE, je reconnais que les motifs qui ont amené le comité à juger crédible la mère de Mme X étaient quelque peu [TRADUCTION] « sommaires »[141]. Néanmoins, le caractère succinct des motifs ne permettait pas de conclure à l’existence d’une quelconque erreur susceptible de contrôle. Le comité s’est appuyé sur la mère de Mme X pour[142] :

[TRADUCTION]

[96] […] démontrer qu’elle était profondément inquiète pour Mme X et que le comportement de l’appelant avait eu une incidence psychologique et émotionnelle durable sur elle et Mme X[143].

[73] L’appelant n’a pas contesté ces conclusions, de sorte que la crédibilité de la mère n’est pas déterminante.

[74] Enfin, l’appelant conteste l’évaluation de la crédibilité effectuée par le comité concernant d’autres [TRADUCTION] « questions clés ». Cependant, il ne fait référence qu’à une seule question, à savoir les conclusions du comité concernant l’énoncé détaillé 10. Comme je l’ai déjà expliqué, le fait que Mme X ait eu ou non des ennuis avec sa mère n’était pas important et ne constituait pas une question clé pour que la décision soit traitée dans les motifs du comité. Toutefois, compte tenu des observations des parties concernant les possibles incohérences à ce sujet, j’examinerai cette question en même temps que les autres incohérences alléguées.

Incohérence sur la question de savoir si Mme X a eu ou non des ennuis avec sa mère

[75] Dans leurs observations, les parties ont fait référence à la règle énoncée dans la décision Browne c. Dunn. Habituellement, selon cette règle, il est attendu qu’un témoin aura l’occasion de s’exprimer sur une version contradictoire des faits sur une question centrale ou des questions importantes (le témoignage contradictoire du témoin lui-même ou de quelqu’un d’autre) que l’autre partie soulèvera plus tard dans son témoignage.

[76] En l’espèce, le représentant légal de l’appelant a bel et bien mentionné à Mme X qu’elle avait contredit le témoignage de sa mère lorsqu’elle avait déclaré que sa mère était fâchée contre elle (transcription du 12 juillet 2021, p. 258) et lui a donné l’occasion de répondre. Quoi qu’il en soit, Mme X a soutenu catégoriquement qu’elle n’avait pas menti et que sa mère était fâchée (en fait, [TRADUCTION] « elle était encore fâchée ») contre elle. Je conclus que la règle énoncée dans la décision Browne c. Dunn n’a pas été enfreinte.

Incohérence concernant l’ordre donné par l’appelant à Mme X de supprimer les messages textes

[77] Selon la preuve de Mme X, cette dernière avait supprimé les messages textes comme le lui avait ordonné l’appelant, car, selon lui, ils pourraient avoir des ennuis (transcription du 12 juillet 2021, p. 75). Dans ses observations, l’appelant tente d’affirmer qu’il ressort de la preuve de Mme X qu’elle avait supprimé les messages textes uniquement afin d’obéir à l’appelant et non parce que sa mère vérifiait ses messages textes.

[78] Sur cette question, je suis d’accord avec l’intimé que le représentant légal n’a mentionné à Mme X aucune autre déclaration incohérente qu’elle aurait faite antérieurement. Cela s’explique aisément par le fait que Mme X n’en avait fait aucune autre à ce sujet.

[79] En effet, comme l’a souligné l’intimé, dans son témoignage, Mme X n’a jamais répondu à la question de savoir si elle avait supprimé les messages textes uniquement parce que l’appelant le lui avait ordonné, et on ne lui a pas posé la question en contre-interrogatoire. En réplique, l’appelant explique que, puisque Mme X n’a jamais donné d’autre explication, l’avocat de la défense n’avait aucune raison ni obligation de poser des questions supplémentaires concernant une raison unique. De plus, l’appelant indique qu’il s’agissait d’un simple argument fondé sur le témoignage. J’en comprends que l’appelant n’essayait pas d’attaquer la crédibilité de Mme X ou d’aller à l’encontre de la règle énoncée dans la décision Browne c. Dunn.

[80] Finalement, comme Mme X n’avait fait aucune déclaration incohérente antérieure à ce sujet que le comité devait concilier, le témoignage de Mme X demeurait inchangé : l’appelant lui avait demandé de supprimer les messages textes. Pour reprendre ses propres mots, il ne s’agissait pas d’un mensonge et [TRADUCTION] « c’était carrément la vérité » (transcription du 12 juillet 2021, p. 257).

[81] En outre, à mon avis, le fait que Mme X ait fait la déclaration suivante : [TRADUCTION] « Nous tentions d’être dignes de confiance l’une envers l’autre [en parlant de sa mère et d’elle], je n’avais aucune raison de les supprimer » (transcription du 12 juillet 2021, p. 252) ne venait pas contredire sa version antérieure. Mme X a prononcé cette phrase alors qu’elle parlait de sa relation avec sa mère et non de celle avec l’appelant. Autrement dit, Mme X estimait qu’en ce qui concernait sa mère, elle n’avait aucune raison de supprimer les messages textes, car sa mère lui faisait désormais confiance et ne vérifiait plus son téléphone.

[82] Comme le comité l’a souligné dans ses motifs, l’issue de la présente affaire reposait en grande partie sur la crédibilité des témoins, surtout pour l’énoncé détaillé 10. La seule version contradictoire sur ce point étant celle de l’appelant, le comité a réglé à juste titre la question en évaluant la crédibilité des parties.

Incohérence concernant le fait que Mme X a supprimé les messages textes sur son ancien téléphone, mais pas sur son nouveau téléphone

[83] L’appelant a décrit le fait que Mme X effaçait les messages textes sur son ancien téléphone, mais pas sur son nouveau téléphone comme un élément de preuve incohérent ou contradictoire.

[84] Cependant, il ne s’agissait pas d’une incohérence ou d’une contradiction dans la version des faits antérieure de Mme X, mais peut-être dans son comportement antérieur. Comme le comité l’a souligné à juste titre dans ses motifs, il s’agissait en fait d’un « changement radical dans le comportement » de Mme X pour lequel cette dernière a fourni une explication. Comme il n’y avait aucun élément de preuve contradictoire à concilier, je conclus que les motifs du comité étaient suffisants.

[85] Ainsi, l’évaluation de la crédibilité par le comité était non seulement justifiable, mais également justifiée dans ses motifs.

[86] Par conséquent, ce motif d’appel est rejeté.

Énoncé détaillé 16 (faciliter et promouvoir une relation sexuelle)

[87] L’énoncé détaillé 16 est le suivant :

Vous avez participé à un échange de messages textes avec Mme [X] dans le but de faciliter et de promouvoir une relation sexuelle avec elle. Vous occupiez une position de confiance et d’autorité par rapport à Mme [X] et il existait un déséquilibre de pouvoir clair entre vous et Mme [X] en tant que jeune personne vulnérable. Vos messages textes avec Mme [X], en dehors des questions concernant l’entraînement de crosse, étaient complètement inutiles et très inappropriés en tant qu’agent de la GRC. Vous avez cherché à dissimuler vos communications textuelles avec Mme [X] en lui demandant de supprimer vos messages textes partagés. Vous tentiez activement de conditionner Mme [X] pour votre propre satisfaction personnelle.

Observations de l’appelant

[88] L’appelant soutient que le comité a commis une erreur en se fondant exclusivement sur les messages textes inappropriés entre lui et Mme X et en excluant leurs autres interactions, plus inoffensives[144] :

[TRADUCTION]

Au paragraphe 78, le comité a conclu que [l’appelant] voulait promouvoir une relation sexuelle avec [Mme X]. Le comité a tiré cette conclusion en examinant presque uniquement certains messages textes, sans tenir compte des nombreuses autres interactions qu’il avait eues avec [Mme X] pendant cette période et qui étaient toutes appropriées.

[89] De plus, l’appelant a reproché au comité de ne pas avoir « expliqué comment il avait pu établir l’intention ultime en analysant uniquement [les messages textes troublants échangés entre lui et Mme X] »[145].

[90] Le CEE a ainsi résumé l’argument de l’appelant[146] :

[TRADUCTION]

[99] […] [L]’appelant et Mme X avaient eu des contacts réguliers lors d’événements liés à la crosse, mais aucune de ces interactions n’était inappropriée. Il ajoute qu’ils n’ont eu aucun échange douteux en personne ou au téléphone, ni aucune interaction privée par vidéo, Snapchat ou Instagram. Il fait valoir que le comité aurait dû tenir compte de ces circonstances dans son analyse[147].

Observations de l’intimé

[91] L’intimé soutient que les messages textes en cause démontrent clairement la nature sexuelle de la communication et souscrit à la conclusion du comité selon laquelle l’appelant avait eu l’intention d’établir une relation de nature sexuelle avec Mme X[148].

Conclusions

[92] Je partage l’avis du CEE. La conclusion du comité selon laquelle l’appelant avait l’intention d’établir une relation de nature sexuelle avec Mme X (énoncé détaillé 16) est bien étayée par la preuve[149].

[93] Premièrement, à l’instar du CEE, je rejette la proposition selon laquelle le comité n’a pas tenu compte des interactions inoffensives qu’ont eues l’appelant et Mme X. Ces interactions étaient bien consignées dans le dossier et, dans sa décision, le comité mentionne expressément le fait qu’au début, la relation entre l’appelant et Mme X était platonique et conforme à la position initiale de l’appelant selon laquelle il ne lui a envoyé des messages qu’afin de l’appuyer et de l’aider (décision, par. 66). Le CEE a relevé les cas suivants où le comité a examiné ces interactions[150] :

[TRADUCTION]

[103] […] En fait, tout au long de sa décision, le comité a montré qu’il était conscient de l’évolution et des nuances de la relation en cause. Il a indiqué qu’au début, la relation était platonique et que l’appelant avait bel et bien essayé à un certain moment d’appuyer et d’aider Mme X, à la fois par messages textes et en personne[151]. Il a également fait observer qu’ils échangeaient parfois de façon inoffensive sur les matchs et les entraînements de crosse, notamment au téléphone[152]. Il a également reconnu que plusieurs de leurs messages textes étaient « normaux », surtout au début[153]. De plus, il a pris acte du fait que l’appelant a nié que les messages textes en cause démontraient des visées sexuelles[154].

[94] Le CEE a ensuite bien résumé le mode d’analyse défendable appliqué par le comité pour conclure que l’énoncé détaillé 16 est fondé[155] :

[TRADUCTION]

[104] […] Le comité a expliqué que l’appelant :

· a entretenu par messages textes une relation secrète et non liée à la crosse avec Mme X[156];

· a envoyé à Mme X des messages textes qui sont devenus de plus en plus répréhensibles, sexualisés et flagrants au fil du temps[157];

· a souvent « test[é] les limites » de ce que Mme X pouvait tolérer, puis attendait sa réponse[158];

· a reconnu dans certains de ses messages textes que ce qu’il disait pouvait être considéré comme inapproprié[159];

· a été obligé d’arrêter ce qui se passait, mais ne l’a fait que lorsqu’il a été pris la main dans le sac[160];

· a avoué dans son témoignage que nombre de ses messages textes étaient inutiles et inappropriés[161].

[105] Le comité a fondé ce raisonnement sur les transcriptions et les messages textes dont il disposait[162] et s’est appuyé plus particulièrement sur deux communications textuelles extrêmement troublantes. Premièrement, il a souligné l’échange de messages textes daté du 14 juin 2019, tel qu’il est reproduit à l’énoncé détaillé 17d), où l’appelant a semblé faire référence aux seins de Mme X en faisant une remarque à caractère sexuel au sujet d’un t-shirt blanc mouillé. L’appelant a ensuite écrit : « Je ne devrais pas dire ça. Mon erreur. », « C’est toutefois difficile de ne pas le faire », « Pas de commentaire? » et « LOL. Je ne te fais pas peur? », tandis que Mme X a répondu avec des émoticônes et de façon réticente. Mme X a déclaré par la suite qu’elle n’avait pas protesté en raison de la position d’autorité de l’appelant et de sa capacité à lui causer des ennuis[163]. Deuxièmement, le comité a renvoyé à un échange de messages textes daté du 28 juin 2019, tel qu’il est reproduit à l’énoncé détaillé 17j), qui, selon lui, indiquait une « progression claire de l’intention sexuelle [de l’appelant] »[164]. Lors de cette conversation nocturne, Mme X a fait savoir à l’appelant qu’elle était prête à se coucher, ce à quoi l’appelant a répondu qu’il était au lit, qu’il aimerait pouvoir l’« aider [à dormir] », que « [c]’est difficile de t’envoyer des messages textes » et que « [j]e mords ma langue »[165].

[106] Compte tenu de cette preuve, de l’histoire de l’appelant et de son expérience à titre de policier, le comité a conclu que l’appelant a envoyé des messages textes à Mme X pour établir une relation de nature sexuelle avec elle[166]:

Même si [l’appelant] a nié catégoriquement toute intention d’inciter [Mme X] à avoir une relation sexuelle, je ne suis vraiment pas convaincue qu’il flirtait ou s’amusait simplement, tel qu’il l’a fait valoir. De plus, je ne comprends pas pourquoi un homme de 40 ans, un père, un mari, un membre de la GRC formé qui possède une vaste expertise en entraînement auprès des jeunes participerait à des conversations progressivement plus sexualisées avec une personne de 16 ans. Je conclus qu’il a sciemment participé à un échange de messages textes avec [Mme X] dans le but d’assouvir sa propre satisfaction sexuelle et de faciliter ou de faire progresser un genre quelconque de relation sexuelle avec elle.

[95] Il ressort du dossier une progression claire et une sexualisation manifeste des conversations de l’appelant avec Mme X au fil du temps. L’énoncé détaillé 16 fait état de l’objectif de l’appelant d’établir une relation de nature sexuelle et de tenter de conditionner Mme X pour sa propre satisfaction personnelle. Après avoir examiné les messages textes en cause et constaté l’absence d’efforts de la part de l’appelant pour mettre fin à la relation de [TRADUCTION] « flirt » de plus en plus sexualisée, le comité était en droit de conclure que cet énoncé détaillé était fondé. En fait, même l’appelant a parfois admis que les messages textes pouvaient sembler être de nature sexuelle[167]. Dans sa décision, le comité mentionne également le fait que c’est la mère de Mme X, et non l’appelant, qui a mis un terme à cette série d’événements.

[96] Par conséquent, je conclus que les inférences du comité (que l’appelant a participé à un échange de messages textes avec Mme X dans le but d’assouvir sa propre satisfaction sexuelle et de faciliter ou de promouvoir une relation sexuelle avec elle) sont fondées sur des faits (la nature sexuelle des messages textes) qui ont été prouvés ou admis (l’appelant a admis avoir envoyé des messages textes qui pouvaient avoir une connotation sexuelle) et constituaient une conclusion logique découlant de la preuve dont il disposait. En fait, à l’instar de l’intimé, je suis d’avis qu’il serait irrationnel de conclure autrement. Je juge que la conclusion du comité sur cet énoncé détaillé était fondée sur des éléments de preuve clairs, concluants et convaincants.

[97] Je ne relève aucun vice apparent dans les motifs pour lesquels le comité a conclu que l’énoncé détaillé 16 est fondé. Au contraire, je conclus que, dans ses motifs, le comité a appliqué un mode d’analyse clair et défendable à la suite d’un examen attentif de la preuve et que sa décision n’est pas manifestement déraisonnable.

[98] Par conséquent, ce motif d’appel est rejeté.

Conclusion relative à l’allégation

[99] Étant donné que les conclusions du comité concernant les énoncés détaillés n’étaient pas manifestement déraisonnables, je juge que la conclusion du comité selon laquelle l’allégation de contravention à l’article 7.1 du code de déontologie était établie n’était pas manifestement déraisonnable. Je confirme la conclusion du comité et rejette l’appel interjeté à l’encontre de l’allégation établie. Je vais maintenant examiner le caractère raisonnable de la mesure disciplinaire imposée.

Mesure disciplinaire

[100] Dans le cadre de l’examen des mesures disciplinaires selon la norme de la décision manifestement déraisonnable et lorsque des motifs sont fournis, il convient de faire preuve d’une grande déférence envers l’arbitre.

[101] De plus, selon l’alinéa 36.2e) de la Loi sur la GRC, le régime disciplinaire a notamment pour objet de prévoir des mesures disciplinaires adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions aux dispositions du code de déontologie et, s’il y a lieu, des mesures éducatives et correctives plutôt que punitives.

Observations de l’appelant

[102] Le CEE a résumé les observations de l’appelant quant aux raisons pour lesquelles la mesure disciplinaire imposée était manifestement déraisonnable[168] :

[TRADUCTION]

[111] Premièrement, dans les observations en appel, le représentant légal revient sur ce qu’il qualifie d’« erreurs » commises par le comité lorsqu’il a conclu que l’appelant avait demandé à Mme X de supprimer leurs messages textes et qu’il avait l’intention d’établir une relation de nature sexuelle avec elle. Si je comprends bien, le représentant légal soutient que ces conclusions erronées ont conduit le comité à commettre les trois autres erreurs suivantes lorsqu’il a choisi la mesure disciplinaire[169] :

a) Le comité s’est demandé si l’appelant avait été honnête avec sa psychologue, ce qui l’a amené à ne pas considérer la lettre de la psychologue comme un facteur atténuant, mais plutôt comme un élément de preuve préjudiciable;

b) Le comité a conclu que l’appelant avait renié certaines des valeurs de la GRC de l’époque;

c) Le comité a conclu que la gravité de l’inconduite l’emportait sur les facteurs atténuants.

[112] Deuxièmement, à l’annexe A de la déclaration d’appel, le représentant légal soulève quatre autres questions concernant l’analyse des mesures disciplinaires et la mesure disciplinaire choisie par le comité. Il estime que le comité[170] :

· a mal déterminé l’éventail des mesures disciplinaires appropriées, compte tenu de l’inconduite de l’appelant;

· n’a pas énoncé et pris en considération tous les facteurs atténuants qui s’appliquaient à l’appelant;

· n’a pas accordé le poids approprié aux facteurs atténuants et aggravants;

· a confondu et mal appliqué le critère permettant de déterminer si une démission ou un congédiement était approprié.

Observations de l’intimé

[103] L’intimé est d’accord avec le comité, qui a ordonné à l’appelant de démissionner de la GRC, sans quoi il serait congédié. Il considère que l’appelant a présenté des observations limitées et fragmentées, n’a cité aucune jurisprudence et n’a donné aucune explication pour justifier en quoi le comité aurait dû en décider autrement[171].

Conclusions

[104] Je partage l’avis du CEE. La position de l’appelant est sans fondement[172]. Comme je l’ai déjà exposé, j’estime que les conclusions du comité concernant les énoncés détaillés n’étaient pas manifestement déraisonnables, de sorte qu’elles ne remettent pas en question la mesure disciplinaire elle-même.

[105] De plus, je souscris à l’analyse faite par le CEE des erreurs qu’aurait commises le comité dans sa détermination de la mesure disciplinaire appropriée[173] :

[TRADUCTION]

a) Le comité a examiné de façon adéquate l’élément de preuve fourni par la psychologue de l’appelant. Il ne s’est pas demandé si l’appelant avait été honnête avec elle. Il a plutôt fait remarquer que l’autorité disciplinaire ne voulait pas qu’il admette en preuve la lettre de la psychologue, car elle ignorait si la psychologue était au courant de toutes les circonstances. Le comité a indiqué qu’il avait admis la lettre en preuve, mais qu’il lui avait accordé peu de poids, puisqu’il ne s’agissait pas d’un véritable rapport d’expert et qu’elle ne donnait pas de justification médicale à l’inconduite[174].

b) Le représentant légal n’explique pas par ailleurs et il n’apparaît pas clairement en quoi le comité a commis une erreur en concluant que l’appelant avait renié les valeurs de professionnalisme, de respect et d’intégrité de la GRC. La manière dont l’appelant a traité Mme X allait manifestement à l’encontre de ces valeurs, suivant lesquelles les membres de la GRC doivent adopter un comportement éthique, consciencieux et fondé sur des principes.

c) Le représentant légal ne précise pas par ailleurs en quoi le comité a commis une erreur en concluant que la gravité des actes de l’appelant l’emportait sur les facteurs atténuants. Dans la prochaine partie de la présente analyse (directement ci-dessous), j’examinerai certaines des questions plus précises soulevées par le représentant légal concernant l’analyse des mesures disciplinaires effectuée par le comité, y compris son prétendu traitement erroné des facteurs atténuants.

[106] Enfin, je rejette les arguments avancés par l’appelant dans l’annexe A de la déclaration d’appel pour contester la méthodologie employée par le comité pour déterminer la mesure disciplinaire appropriée.

[107] La GRC et le CEE utilisent depuis longtemps un processus à trois volets pour établir les mesures disciplinaires appropriées :

  • Déterminer l’éventail des sanctions appropriées, compte tenu de la gravité du comportement;
  • Déterminer s’il existe des facteurs atténuants ou aggravants;
  • Choisir la sanction qui est la plus adaptée à la gravité de l’inconduite et qui tient compte du lien entre l’inconduite et les exigences de la profession policière.

[108] Un comité n’est pas tenu de renvoyer à chaque étape à titre de critère de contrôle de faits, mais doit plutôt démontrer qu’il a tenu compte de chacun de ces éléments essentiels. Ce processus est également prévu aux articles 7.2.1.7.3., 9.2.1.6 et 9.2.1.7 du chapitre XII.1 « Déontologie » du Manuel d’administration (version du 22 janvier 2019) et dans le Guide des mesures disciplinaires de 2014.

[109] J’estime que le comité connaissait ses obligations et qu’il les a remplies de manière adéquate. De plus, je souscris à l’évaluation faite par le CEE des erreurs qu’aurait commises le comité dans la mise en œuvre de ce processus[175] :

[TRADUCTION]

[120] Premièrement, le représentant légal soutient que le comité « [a] mal déterminé l’éventail des mesures disciplinaires appropriées »[176], mais il n’explique pas, et il n’apparaît pas clairement, en quoi le comité a mal fait cette détermination. Le comité a souligné que la conduite déshonorante de l’appelant ne relevait pas d’une catégorie particulière énumérée dans le Guide des mesures disciplinaires de la GRC (Guide)[177]. Toutefois, il a jugé que l’éventail des mesures disciplinaires appropriées pour cette inconduite allait d’une pénalité financière équivalant à 20 à 30 jours de solde à un congédiement[178]. Cet éventail ne pose pas de problème. Il inclut les mesures disciplinaires que chaque partie a proposées au comité[179] et reflète l’éventail des mesures disciplinaires pour les différents types d’inconduite sexuelle énumérés dans le Guide[180]. Dans la mesure où le représentant légal pourrait encore considérer le comportement de l’appelant comme du harcèlement (un point de vue que ni le comité ni moi-même ne partageons)[181], je souligne que l’éventail des mesures disciplinaires pour ce comportement inclut également le congédiement si le comportement est de nature sexuelle et/ou persistante[182].

[121] Deuxièmement, bien que le représentant légal allègue que le comité n’a pas énuméré et pris en considération tous les facteurs atténuants qui s’appliquaient à l’appelant[183], il n’indique pas quels facteurs ont été, selon lui, écartés. Autant que je sache, le représentant légal a invoqué un facteur atténuant à l’audience portant sur les mesures disciplinaires, que le comité n’a pas retenu et n’a pas semblé examiner dans sa décision, à savoir que l’appelant avait coopéré durant la procédure disciplinaire et la procédure ayant mené à l’ordonnance d’injonction civile[184]. À mon avis, le fait que le comité n’ait pas énuméré ce facteur comme un facteur atténuant n’a aucune incidence sur le caractère raisonnable de sa décision d’ordonner la démission ou le congédiement de l’appelant. Comme je l’indiquerai plus loin, le comité a expliqué en détail pourquoi cette mesure disciplinaire était nécessaire en l’espèce, malgré la présence de nombreux facteurs atténuants.

[122] Troisièmement, bien que le représentant légal affirme que le comité n’a pas accordé le poids approprié aux facteurs atténuants et aggravants, il ne conteste précisément que la manière dont le comité a traité la lettre de sa psychologue, laquelle aurait dû, selon lui, recevoir plus de poids[185]. Je ne suis pas de cet avis. Je le répète, le comité a expliqué qu’il avait accordé peu de poids à la lettre, puisqu’il ne s’agissait pas d’un véritable rapport d’expert et qu’elle ne donnait pas de justification médicale à la conduite de l’appelant[186]. Cette conclusion tient compte de la preuve. J’ajouterai que l’appelant n’a précisément contesté aucun des facteurs aggravants énumérés par le comité.

[123] Quatrièmement, je ne suis pas certain de ce que le représentant légal veut dire lorsqu’il soutient que le comité a commis une erreur en « [i]nterprétant et en appliquant mal le critère visant à déterminer si le congédiement (ou l’ordre de démissionner) était approprié »[187]. Le représentant légal n’identifie pas de critère obligatoire à appliquer en appel, et je n’en connais pas non plus. Il revient peut-être sur des points qu’il a soulevés à l’audience, alors qu’il a fait valoir que les mesures disciplinaires doivent être « proportionnelles en nature et correspondre aux circonstances de la contravention particulière » et que le congédiement doit constituer un « dernier recours »[188]. Cela correspond généralement au troisième volet du processus mentionné ci-dessus pour déterminer une mesure disciplinaire. Le comité a satisfait à ce volet du processus en expliquant que l’ordre de démissionner qu’il avait donné à l’appelant, sans quoi il serait congédié, était adapté aux circonstances, et que son maintien en poste à la GRC était injustifié étant donné[189] :

· que son inconduite touchait au cœur même de sa relation de travail avec la GRC;

· que son inconduite trahissait les attentes du public à l’égard des policiers dans leurs rapports avec les personnes vulnérables;

· qu’il est essentiel que la police protège les jeunes, qui utilisent les technologies à des fins sociales;

· qu’il n’y avait aucune preuve d’un problème médical susceptible d’expliquer son inconduite;

· qu’il avait fait preuve d’un manque d’introspection et qu’il n’était pas clair s’il avait appris de ses erreurs;

· il avait renié ses obligations en tant que membre de la GRC et avait irrémédiablement abusé de la confiance du public;

· que les facteurs atténuants ne l’emportaient pas sur la gravité de l’inconduite.

[110] Finalement, le comité a conclu que l’appelant avait renoncé à sa responsabilité de protéger les jeunes et les membres vulnérables de notre société. Rien de ce qu’a présenté l’appelant ne mène à une autre conclusion. Compte tenu de la grande déférence dont je dois faire preuve à l’égard du comité, je ne vois aucune raison impérieuse de modifier la mesure disciplinaire imposée.

DISPOSITIF

[111] En vertu des alinéas 45.16(1)a) et (3)a) de la Loi sur la GRC, je rejette l’appel et confirme la conclusion du comité et la mesure disciplinaire imposée par ce dernier.

DIRECTIVES

[112] Le BCGA doit signifier une copie de la présente décision aux parties.

[113] Je rappelle aux personnes qui ont reçu une copie de la présente décision qu’elles sont tenues de traiter les présents renseignements de manière appropriée et conformément aux politiques et à la législation applicables en matière de traitement des renseignements personnels.

[114] Si l’appelant n’est pas satisfait de ma décision, il peut s’adresser à la Cour fédérale en application de l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7.

 

 

Le 10 novembre 2023

Caroline Drolet

Arbitre de dernier niveau

 

Date

 



[1] Transcription, volume 2, p. 3-6, 9-10; déclaration de témoin de Mme X, p. 9.

[2] Déclaration de résumé de témoignage anticipé de l’appelant, p. 1.

[3] Rapport d’enquête, annexes C, G à J, L à Q, U (p. 5), V; affidavit de la mère de Mme X.

[4] Rapport d’enquête, annexe C; sommaire de l’incident daté du 30 juin 2019.

[5] Rapport d’enquête, annexes FF, GG.

[6] Ordonnance de réaffectation temporaire; Courriel de [la mère de Mme X] à [Mme A], daté du 20 août 2019.

[7] Rapport d’enquête, annexe X; annexe AA, p. 4.

[8] Rapport d’enquête, annexe A.

[9] Rapport d’enquête, annexe KK.

[10] Rapport d’enquête, annexe B.

[11] Rapport d’enquête et annexes A à RR.

[12] Avis à l’officier désigné.

[13] Constitution du comité de déontologie.

[14] Transcription, jour 5, p. 23; Décision, par. 24.

[15] Avis d’audience disciplinaire, p. 1-13.

[16] Rapport, par. 14-15.

[17] Courriel envoyé le 27 juillet 2020 par l’avocat de l’appelant au greffier du comité.

[18] Réponse écrite datée du 15 septembre 2020, y compris la lettre et les évaluations de rendement jointes.

[19] Rapport, par. 16-18.

[20] Rapport, par. 20-43.

[21] Transcription, volume 1, p. 23.

[22] Transcription, volume 1, p. 28.

[23] Transcription, volume 1, p. 31-32.

[24] Transcription, volume 1, p. 53, 58-59.

[25] Transcription, volume 1, p. 67-68.

[26] Transcription, volume 1, p. 68, 76.

[27] Transcription, volume 1, p. 69, 71-72.

[28] Transcription, volume 1, p. 78-79.

[29] Transcription, volume 1, p. 79-80, 93, 116, 122, 146.

[30] Transcription, volume 1, p. 96-97, 101-103, 127-128, 130, 133-134, 137-143, 149.

[31] Transcription, volume 1, p. 108,110, 117-119, 121, 135-136, 144-145.

[32] Transcription, volume 1, p. 103-104, 122-123, 146-148.

[33] Transcription, volume 1, p. 119-120, 125-127, 148.

[34] Transcription, volume 1, p. 100, 107, 118-120, 131-132, 134, 147, 150.

[35] Transcription, volume 1, p. 101, 104, 124, 132, 143.

[36] Transcription, volume 1, p. 150-151.

[37] Transcription, volume 1, p. 72-74, 81-85, 151.

[38] Transcription, volume 1, p. 173-175.

[39] Transcription, volume 1, p. 176-177, 203-205.

[40] Transcription, volume 1, p. 181-184, 210, 242-243.

[41] Transcription, volume 1, p. 182, 188, 243-245.

[42] Transcription, volume 1, p. 191, 198-199, 213-214.

[43] Transcription, volume 1, p. 224-254.

[44] Transcription, volume 1, p. 254-256.

[45] Transcription, volume 1, p. 237.

[46] Transcription, volume 1, p. 246-247.

[47] Transcription, volume 2, p. 27-28.

[48] Transcription, volume 2, p. 31-32.

[49] Transcription, volume 2, p. 32, 39, 41-42, 54, 57-58, 62, 65, 69.

[50] Transcription, volume 2, p. 32, 38, 42, 45-46, 48-49, 51-55, 57, 62, 67-69, 82, 86.

[51] Transcription, volume 2, p. 50, 86.

[52] Transcription, volume 2, p. 75, 82-83.

[53] Transcription, volume 2, p. 33.

[54] Transcription, volume 2, p. 35, 69, 87.

[55] Transcription, volume 2, p. 105-114.

[56] Transcription, volume 2, p. 94-97, 114, 124-127, 132-133, 148-149, 161,171, 180-186, 190-193, 201.

[57] Transcription, volume 2, p. 117, 145-146, 153, 155, 161, 164, 165, 168-171, 179, 184, 188, 201-202.

[58] Transcription, volume 2, p. 95, 97, 143, 171.

[59] Transcription, volume 2, p. 125, 150, 180.

[60] Transcription, volume 2, p. 115, 148-151, 160, 184.

[61] Transcription, volume 2, p. 177-178, 195.

[62] Transcription, volume 2, p. 130-131.

[63] Transcription, volume 2, p. 132.

[64] Rapport, par. 39-42.

[65] Transcription, volume 3, p. 3-34, 72-74.

[66] Transcription, volume 3, p. 34-71.

[67] Transcription, volume 3, p. 37-48.

[68] Transcription, volume 3, p. 49-71.

[69] Transcription, volume 4, p. 2-22.

[70] Rapport, par. 45-48.

[71] Transcription, volume 5, p. 7-26.

[72] Lettre de la psychologue de l’appelant datée du 12 juillet 2021.

[73] Transcription, volume 5, p. 31-44.

[74] Transcription, volume 5, p. 50.

[75] Transcription, volume 5, p. 44-76.

[76] Rapport, par. 50-57.

[77] Décision, par. 26-30.

[78] Décision, par. 76.

[79] Décision, par. 41-88.

[80] Décision, par. 41-45.

[81] Décision, par. 46-48.

[82] Décision, par. 49-52.

[83] Décision, par. 58-79.

[84]Décision, par. 80-81.

[85] Décision, par. 86-88.

[86] Décision, par. 91-104.

[87] Décision, par. 105-106.

[88] Décision, par. 107-121.

[89] Appel, p. 3-5.

[90] Rapport, par. 58-59.

[91] Déclaration d’appel et annexe A.

[92] Observations de l’appelant en appel.

[93] Déclaration d’appel.

[94] Smith c. Canada (Procureur général), 2019 CF 770, par. 40.

[95] Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Khosa, 2009 CSC 12, par. 43. Voir aussi Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c. Canada (Procureur général), 2018 CAF 69, par. 54-55; Gulia c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 106, par. 9; Davidson c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 226, par. 14.

[96] Mobil Oil Canada Ltd. c. Office Canada-Terre-Neuve des hydrocarbures extracôtiers, [1994] 1 RCS 202, p. 228.

[97] Rapport, par. 73.

[98] Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, par. 36.

[99] Smith c. Canada (Procureur général), 2021 CAF 73, par. 56; Kalkat c. Canada (Procureur général), 2017 CF 794, par. 62.

[100] Vavilov, par. 34-35.

[101] Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 RCS 748, par. 57.

[102] Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, 2003 CSC 20, par. 52.

[103] Speckling c. British Columbia (Workers' Compensation Board), 2005 BCCA 80, par. 37.

[104] Vavilov, par. 83.

[105] Vavilov, par. 91, 127-128.

[106] Vavilov, par. 94, 97, 103 et 123.

[107] Vavilov, par. 91-92.

[108] Vavilov, par. 133.

[109] Vavilov, par. 133; Mason c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21, par. 76.

[110] Rapport, par. 63-65.

[111] Observations de l’appelant en appel, par. 19; Réplique de l’appelant, par. 1.a.

[112] Observations de l’appelant en appel, par. 32.

[113] Observations de l’appelant en appel, par. 20-21.

[114] Observations de l’appelant en appel, par. 2, 22-30, 33.

[115] Observations de l’appelant en appel, par. 31.

[116] Observations de l’appelant en appel, par. 32; Réplique de l’appelant, par. 1.a. à 1.e.

[117] Observations de l’intimé en appel, par. 6-18.

[118] Rapport, par. 97.

[119] Décision, par. 46.

[120] Décision, par. 48.

[121] Observations de l’appelant en appel, par. 31.

[122] Transcription, volume 2, p. 28.

[123] Vavilov, par. 103; Burlacu c. Canada (Procureur général), 2022 CAF 197, par. 4, 6 (Burlacu).

[124] Law Society of Upper Canada c. G.N., 2005 ONLSAP 0001, par. 111.

[125] Vavilov, par. 91-92.

[126] Observations de l’appelant en appel, par. 17, 34-35.

[127] Observations de l’appelant en appel, par. 35.

[128] Observations de l’intimé en appel, par. 19-20.

[129] Rapport, par. 87.

[130] Rapport, par. 88.

[131] (1926), 31 OWN 202.

[132] (1939), R. de Jur. 208.

[133] [1952] 2 DLR 354 (Chorny), p. 357.

[134] Rapport, par. 90-95.

[135] Décision, par. 27.

[136] Décision, par. 26.

[137] Décision, par. 29.

[138] Décision, par. 30.

[139] Décision, par. 76.

[140] Chorny, p. 357.

[141] Observations de l’appelant en appel; Transcription, volume 2, p. 75, 82-83.

[142] Rapport, par. 96.

[143] Décision, par. 28, 105.

[144] Observations de l’appelant en appel, par. 36.

[145] Rapport, par. 99.

[146] Rapport, par. 99.

[147] Observations de l’appelant en appel, par. 36; Réplique de l’appelant, par. 1.f.

[148] Observations de l’intimé en appel, par. 21-23.

[149] Rapport, par. 102.

[150] Rapport, par. 103.

[151] Décision, par. 12, 14, 40, 66.

[152] Décision, par. 42.

[153] Décision, par. 66.

[154] Décision, par. 72.

[155] Rapport, par. 104.

[156] Décision, par. 65.

[157] Décision, par. 66, 73.

[158] Décision, par. 74.

[159] Décision, par. 69, 71.

[160] Décision, par. 74, 77.

[161] Décision, par. 58, 72, 77.

[162] Décision, par. 58-79.

[163] Décision, par. 67-70.

[164] Décision, par. 71.

[165] Décision, par. 71.

[166] Décision, par. 78.

[167] Transcription du 13 juillet 2012, p. 173.

[168] Rapport, par. 111-112.

[169] Observations de l’appelant en appel, par. 37; Réplique de l’appelant, par. 1.g et 1.h.

[170] Annexe A de la déclaration d’appel, p. 2.

[171] Observations de l’intimé en appel, par. 24-30, 32.

[172] Rapport, par. 117.

[173] Rapport, par. 118.

[174] Décision, par. 109-110.

[175] Rapport, par. 120-123.

[176] Annexe A de la déclaration d’appel, p. 2.

[177] Décision, par. 91.

[178] Décision, par. 94.

[179] Avis d’audience disciplinaire; Transcription, volume 5, p. 76.

[180] Guide, p. 56-60.

[181] Transcription, volume 3, p. 67-69.

[182] Guide, p. 13-15.

[183] Annexe A de la déclaration d’appel, p. 2.

[184] Décision, par. 106, 109-110; Transcription, volume 5, p. 69.

[185] Annexe A de la déclaration d’appel, p. 2.; Observations de l’appelant en appel, par. 37.

[186] Décision, par. 109-110.

[187] Annexe A de la déclaration d’appel, p. 2.

[188] Transcription, volume 5, p. 47-49.

[189] Décision, par. 107-121.

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