Déontologie

Informations sur la décision

Résumé :

L’Avis d’audience disciplinaire, daté du 22 décembre 2022, contenait trois allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC, chacune en vertu d’un article différent : 7.1, 4.1 et 8.1.
Le 10 juillet 2023, l’autorité disciplinaire a retiré l’allégation de contravention de l’article 7.1 et, le 9 août 2023, elle a retiré l’allégation de contravention de l’article 8.1.
Le 9 août 2023, avant la date de l’audience disciplinaire et sur la base d’un exposé conjoint des faits, le gendarme Kedzierski a admis l’allégation restante, à savoir qu’il avait omis de se présenter au travail, ce qui était contraire à l’article 4.1 du Code de déontologie de la GRC. Les parties ont soumis une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, qui a été acceptée par le Comité de déontologie.
Le Comité de déontologie a estimé que la seule allégation restante était établie selon la prépondérance des probabilités. La mesure disciplinaire suivante a été imposée : une sanction pécuniaire d’une journée de salaire, à déduire de la paye du gendarme Kedzierski.

Contenu de la décision

Protégé A

OGCA 202233821

2024 DAD 1

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GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

dans l’ affaire d’une audience disciplinaire au titre de la

Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC. 1985, ch. R-10

Entre :

le commandant, Division « H »

(Autorité disciplinaire)

et

le gendarme Filip Kedzierski

numéro de matricule 63131

(Membre visé)

Décision du Comité de déontologie

Louise Morel

9 janvier 2024

 

Madame Janice Calzavara, représentante de l’autorité disciplinaire

Monsieur Gordon Campbell, représentant du membre visé



RÉSUMÉ

L’Avis d’audience disciplinaire, daté du 22 décembre 2022, contenait trois allégations de contravention au Code de déontologie de la GRC, chacune en vertu d’un article différent : 7.1, 4.1 et 8.1.

Le 10 juillet 2023, l’autorité disciplinaire a retiré l’allégation de contravention de l’article 7.1 et, le 9 août 2023, elle a retiré l’allégation de contravention de l’article 8.1.

Le 9 août 2023, avant la date de l’audience disciplinaire et sur la base d’un exposé conjoint des faits, le gendarme Kedzierski a admis l’allégation restante, à savoir qu’il avait omis de se présenter au travail, ce qui était contraire à l’article 4.1 du Code de déontologie de la GRC. Les parties ont soumis une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires, qui a été acceptée par le Comité de déontologie.

Le Comité de déontologie a estimé que la seule allégation restante était établie selon la prépondérance des probabilités. La mesure disciplinaire suivante a été imposée : une sanction pécuniaire d’une journée de salaire, à déduire de la paye du gendarme Kedzierski.

INTRODUCTION

[1] Le 2 octobre 2001, le gendarme Filip Kedzierski a assisté à un mariage en Ontario.

[2] Le 3 novembre 2021, le gendarme Kedzierski a appris que le service de police du Grand Sudbury l’accusait d’avoir agressé sexuellement une invitée du mariage auquel il avait assisté en octobre.

[3] Le 4 novembre 2021, le gendarme Kedzierski aurait omis de se présenter au travail sans autorisation afin de traiter l’accusation criminelle susmentionnée.

[4] Le 20 octobre 2022, l’autorité disciplinaire a signé un Avis à l’officier désigné pour demander l’ouverture d’une audience disciplinaire relativement à cette affaire. Le 24 octobre 2022, Mme Christine Sakiris a été nommée membre du Comité de déontologie, conformément au paragraphe 43(1) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, LRC, 1985, ch. R-10 [Loi sur la GRC].

[5] L’Avis d’audience disciplinaire, daté du 22 décembre 2022, contient trois allégations :

  1. conduite déshonorante en contravention de l’article 7.1 du Code de déontologie de la GRC;
  2. défaut de se présenter au travail en contravention de l’article 4.1 du Code de déontologie de la GRC;
  3. défaut de fournir des comptes complets, exacts et en temps opportun concernant l’exécution de ses fonctions, en contravention de l’article 8.1 du Code de déontologie de la GRC.

[6] Cet Avis d’audience disciplinaire a été signifié au gendarme Kedzierski le 27 janvier 2023, en même temps que la trousse d’enquête.

[7] Le 17 mars 2023, une première conférence préparatoire a eu lieu avec les représentants des parties. L’objectif principal de cette conférence était d’examiner la demande du représentant du membre visé pour une enquête et une divulgation plus poussées. Le représentant du membre visé a affirmé que les renseignements demandés étaient essentiels à la préparation de la réponse du gendarme Kedzierski aux allégations. Le Comité de déontologie a souscrit à certaines des demandes de divulgation et d’enquête supplémentaires; par conséquent, le Groupe de la responsabilité professionnelle a reçu diverses directives.

[8] Les 14 et 27 avril 2023, une deuxième et une troisième conférences préparatoires à l’audience ont eu lieu au cours desquelles le Comité de déontologie a demandé à la représentante de l’autorité disciplinaire de fournir au représentant du membre visé les coordonnées de divers témoins afin qu’ils puissent être réinterrogés.

[9] Le 4 mai 2023, j’ai été désigné pour constituer le nouveau Comité de déontologie dans cette affaire. Conformément à l’article 45 de la Loi sur la GRC, je dois décider si les allégations sont établies selon la prépondérance des probabilités. En d’autres termes, je dois déterminer s’il est plus probable qu’improbable que le gendarme Kedzierski ait contrevenu au Code de déontologie de la GRC. Si je conclus qu’une ou plusieurs des allégations sont fondées, je dois imposer des mesures disciplinaires.

[10] Le 15 juin 2023, le gendarme Kedzierski a fourni sa réponse partielle à l’Avis d’audience disciplinaire, conformément au paragraphe 15(3) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291. Il a nié les allégations.

[11] Le 10 juillet 2023, j’ai tenu une quatrième conférence préparatoire à l’audience au cours de laquelle la représentante de l’autorité disciplinaire m’a informé que l’autorité disciplinaire demandait le retrait de l’allégation 1 (article 7.1 du Code de déontologie de la GRC) car le plaignant ne souhaitait pas participer à la procédure. J’ai accepté cette demande et retiré l’allégation. La représentante de l’autorité disciplinaire a également indiqué que l’autorité disciplinaire ne demandait plus le congédiement du gendarme Kedzierski et que les parties travaillaient à trouver une solution.

[12] Le 14 juillet 2023, la cinquième et dernière conférence préparatoire à l’audience dans cette affaire a eu lieu. Les parties ont indiqué qu’elles étaient parvenues à une résolution et qu’elles avaient l’intention de présenter un exposé conjoint des faits et une proposition conjointe sur les mesures disciplinaires. L’audience disciplinaire devait se tenir virtuellement le 21 août 2023.

[13] Au début de l’audience, en se fondant sur l’exposé conjoint des faits, le gendarme Kedzierski a admis l’allégation restante d’avoir omis de se présenter au travail le 4 novembre 2021.

[14] J’ai rendu la décision de vive voix sur l’allégation le 21 août 2023, dans laquelle j’ai accepté l’aveu du gendarme Kedzierski et conclu que l’allégation était établie selon la prépondérance des probabilités.

[15] Les parties ont conjointement proposé la confiscation d’une journée de salaire. J’ai accepté la proposition conjointe, estimant qu’il n’était pas contraire à l’intérêt public de le faire. Ma décision orale sur les mesures disciplinaires a été rendue le 21 août 2023. La présente décision écrite intègre et approfondit ma décision rendue de vive voix.

ALLÉGATIONS

[16] Les allégations énoncées dans l’Avis d’audience disciplinaire se lisent comme suit :

[Traduction]

Allégation 1

[L’allégation 1 a été retirée le 10 juillet 2023.]

Allégation 2

Le 4 novembre 2021 ou vers cette date, à Halifax ou aux alentours, dans la province de la Nouvelle-Écosse, le gendarme Filip Kedzierski a omis de se présenter au travail, en contravention de l’article 4.1 du Code de déontologie de la GRC.

Allégation 3

[L’allégation 3 a été retirée le 9 août 2023.]

Détails communs à toutes les allégations :

1 Durant toute la période pertinente, vous étiez membre de la GRC affecté à la Division « H », en Nouvelle-Écosse.

2 Vous avez été arrêté et accusé au criminel d’avoir contrevenu à l’article 271 du Code criminel, Agression sexuelle, relativement à votre comportement le 2 octobre 2021 ou vers cette date.

3 L’accusation criminelle a donné lieu à un engagement de ne pas troubler l’ordre public de 12 mois en vertu de l’article 810 du Code criminel, conclu le 5 août 2022. Vos conditions comprennent l’interdiction d’entrer en contact avec [O.L.] ou [K.D.]. Les accusations criminelles portées contre vous ont été retirées en réponse à votre engagement de ne pas troubler l’ordre public.

Détails communs aux allégations 2 et 3 :

18. Le 3 novembre 2021, vous avez envoyé un message à [sergent] Robert Kellock (« serg. Kellock ») à [18 h 54], pour lui demander s’il était chez lui. Vous avez également envoyé un message à [sergent] Kellock ce soir-là, à [18 h 59], pour lui dire que vous aviez « vraiment besoin de lui parler » et à [19 h 2] pour lui dire que « c’est sérieux ». Vous essayiez d’organiser une rencontre en personne pour une raison que vous « ne pouvez pas dire au téléphone ».

19. À ou vers [20 h 55] ce soir-là, vous avez rencontré [sergent] Kellock au poste d’essence Sobeys à Fall River. Le [sergent] Kellock vous a invité à monter dans le côté passager de son SUV pour parler.

20. Pendant que vous étiez dans son véhicule, vous avez dit à [sergent] Kellock que vous faisiez l’objet d’une enquête pour agression sexuelle par le service de police de Sudbury.

21. Vous vous êtes présenté en personne au service de police de Sudbury, au 190, rue Bardy, à Sudbury, en Ontario, le 4 novembre 2021, entre 11 h 36 et 12 h 36 (HNE). Votre présence avait pour but d’être arrêté pour agression sexuelle.

22. Vous êtes resté au poste de police de Sudbury jusqu’à au moins 12 h 39 (HNE).

23. Vous avez envoyé un message texte à [sergent] Kellock indiquant que vous étiez en Ontario le 4 novembre 2021, vers [13 h 39].

Détails de l’allégation 2 :

24. Le 3 novembre 2021, le sergent-détective Jeff Lock [(sgt/d. Lock)] du service de police de Sudbury vous a appelé pour vous informer que vous alliez être accusé d’agression sexuelle et qu’un mandat d’arrestation allait être délivré contre vous.

25. En réponse à ces renseignements, vous avez demandé si vous pouviez « tout simplement vous en occuper ». Le sgt/d. Lock a dit que vous pouviez venir vous en occuper. Vous avez dit que vous prendriez « le prochain vol disponible ». Le sgt/d. Lock a répondu : « D’accord. Euh tch tch, je suis là jusqu’à… six heures demain. Et puis je suis là tout le week- end, de 13 heures à minuit. Je pense donc que […] minuit le dimanche ». Le sgt/d. Lock a précisé qu’il « vous appellera demain lorsqu’il reviendra pour voir quelles dispositions vous avez prises ».

26. Plus tard le 3 novembre 2021, alors que vous étiez dans le véhicule de [sergent] Kellock et que vous lui parliez des accusations, [sergent] Kellock vous a demandé si vous alliez vous rendre en Ontario pour « régler l’affaire ». Vous avez répondu que vous alliez y aller le plus tôt possible. Vous n’avez pas mentionné à [sergent] Kellock que vous aviez l’intention de vous rendre en Ontario le lendemain (4 novembre 2021).

27. Le 4 novembre 2021, vous deviez travailler un quart de jour au bureau de Musquodoboit Harbour au sein du détachement du district de Halifax. Vous deviez travailler le 4 novembre 2021, de [7 h] à [17 h].

28. Vous deviez comparaître au tribunal d’Antigonish le 4 novembre 2021, à [9 h 30], pour l’affaire [J.]. Vous saviez que vous deviez comparaître devant le tribunal pour cette affaire dès le 26 octobre 2021.

29. Votre présence au tribunal pour l’affaire [J.] a été jugée inutile le soir du 3 novembre 2021. Toutefois, cela signifie que vous deviez vous présenter à votre lieu de travail habituel le 4 novembre 2021, à l’heure de votre quart habituel.

30. Vous n’avez pas demandé ni reçu de votre superviseur ou d’une personne occupant un poste d’autorité un congé ou une permission de ne pas vous présenter au travail le 4 novembre 2021.

31. Vous n’aviez pas, et n’avez pas fourni, d’excuse ou de justification légale pour ne pas vous présenter à votre quart de travail le 4 novembre 2021.

32. Vous ne vous êtes pas présenté à votre quart de travail le 4 novembre 2021.

33. Par conséquent, vous avez omis de vous présenter au travail et vous étiez absent le 4 novembre 2021. Vos actions contrevenaient à l’article 4.1 du Code de déontologie de la GRC.

[traduit tel que reproduit dans la version anglaise]

Exposé conjoint des faits

[17] Le 9 août 2023, les parties m’ont remis un exposé conjoint des faits, signé par le gendarme Kedzierski. Il a été déposé comme pièce 1 du membre visé pendant l’audience disciplinaire et lu au dossier par le représentant du membre visé. Le gendarme Kedzierski a admis l’allégation 2 fondée sur cet exposé conjoint des faits. Son aveu est compatible avec les documents dont je suis saisi. Par conséquent, les détails de l’Avis d’audience disciplinaire constituent mes conclusions de fait.

Décision sur l’allégation

[18] Le paragraphe 4.1 du Code de déontologie prévoit que « [l]es membres se présentent au travail et demeurent à leur poste, à moins d’autorisation contraire ».

[19] Le critère de « défaut de demeurer en service » à l’article 4.1 du Code de déontologie exige que l’autorité disciplinaire établisse les cinq éléments suivants selon la prépondérance des probabilités :

  1. l’identité du membre;
  2. qu’il était prévu que le membre visé soit en service;
  3. les heures de travail prévues du membre visé;
  4. que le membre visé n’est pas resté en service pendant son quart de travail prévu;
  5. que le membre visé n’était pas autorisé à ne pas se présenter à son quart de travail prévu.

[20] Compte tenu de l’aveu du gendarme Kedzierski, je conclus que les quatre premiers volets du critère sont respectés. Il devait travailler un quart de jour (de 7 h à 17 h) au bureau de Musquodoboit Harbour, au sein du détachement du District d’Halifax, le 4 novembre 2021, et il ne s’est pas présenté à son quart. Par conséquent, je peux me pencher sur la question de savoir s’il était autorisé à ne pas se présenter à son quart de travail.

[21] Le gendarme Kedzierski admet qu’au lieu d’assister à son quart de travail le 4 novembre 2021, il s’est présenté en personne au service de police de Sudbury. Il a expliqué que, le 3 novembre 2021, il a rencontré le sergent Kellock et l’a informé qu’il faisait l’objet d’une enquête et qu’il se rendrait en Ontario pour régler l’affaire [traduction] « dès que possible ».

[22] Le gendarme Kedzierski reconnaît dans l’exposé conjoint des faits qu’il aurait dû confirmer explicitement au sergent Kellock qu’il ne se présenterait pas à son quart de travail le 4 novembre 2021.

[23] Le gendarme Kedzierski n’a pas informé le sergent Kellock des dispositions qu’il avait prises pour se rendre à Sudbury, en Ontario, le 4 novembre 2021; par conséquent, il n’était pas autorisé à ne pas se présenter à son quart de travail prévu.

[24] Par conséquent, je conclus que l’allégation 2 est établie selon la prépondérance des probabilités.

MESURES DISCIPLINAIRES

[25] Ayant conclu que l’allégation 2 a été établie et conformément au paragraphe 45(4) de la Loi sur la GRC, je suis tenu d’imposer [traduction] « une mesure juste et équitable qui est proportionnelle à la gravité de la contravention, au degré de culpabilité du membre et à la présence de facteurs atténuants et aggravants[1]. »

[26] Je reconnais qu’à la lumière du retrait des allégations 1 et 3 par l’autorité disciplinaire, la représentante de l’autorité disciplinaire a indiqué que le congédiement n’est plus une mesure proportionnelle. Je suis du même avis.

[27] Les parties ont présenté une proposition conjointe, accompagnée de documents justificatifs et de jurisprudence. Ils ont proposé une sanction pécuniaire d’un jour à déduire de la paye du gendarme Kedzierski.

Principes juridiques applicables

Évaluation des mesures disciplinaires

[28] Cinq principes guident l’évaluation d’une mesure disciplinaire appropriée. Premièrement, les mesures disciplinaires doivent être conformes aux objectifs du processus de plainte et de discipline de la police. La détermination d’une sanction appropriée suppose, en son cœur, un équilibre entre quatre intérêts : celui du public, de la GRC en tant qu’employeur, du membre à traiter équitablement et de ceux qui sont touchés par l’inconduite en cause[2]. La Cour suprême du Canada a mis l’accent sur l’intérêt public en déclarant « [l]es organismes disciplinaires ont pour objectifs de protéger le public, de réglementer leur profession respective et de préserver la confiance du public envers ces professions […][3]».

[29] Deuxièmement, les mesures correctives et réparatrices devraient prévaloir, le cas échéant[4].

[30] Troisièmement, il existe une présomption selon laquelle la disposition la moins onéreuse devrait être imposée. Toutefois, les deuxième et troisième principes seront écartés si l’intérêt public ou d’autres considérations, telles que la gravité de l’inconduite, prévalent.

[31] Quatrièmement, on s’attend à ce que les policiers respectent des normes de conduite plus élevées[5].

[32] Cinquièmement, les mesures disciplinaires imposées doivent être adaptées à la nature et aux circonstances des contraventions[6].Les considérations de proportionnalité pertinentes doivent être évaluées et, selon les circonstances, peuvent être soit atténuantes, aggravantes ou neutres.

[33] Le Guide des mesures disciplinaires est une référence utile, car il constitue un point de départ pour l’analyse. Toutefois, il est important de noter que le Guide des mesures disciplinaires n’est rien d’autre qu’un guide. Il ne s’agit pas d’un document normatif. Il doit être examiné dans le contexte de l’évolution des normes sociales et de la jurisprudence actuelle.

Proposition conjointe

[34] Les parties soutiennent que la mesure disciplinaire proposée conjointement s’inscrit dans l’éventail des résultats décrits dans le Guide des mesures disciplinaires et que son acceptation n’est pas contraire à l’intérêt public.

[35] Je reconnais que la Cour suprême du Canada et diverses cours d’appel ont reconnu la valeur des discussions sur le règlement de litige, ainsi que celle des motifs des politiques qui favorisent fortement la promotion de la certitude pour les parties que les propositions seront acceptées quand une entente est conclue[7]. En général, un tribunal administratif ne refuse pas les ententes conclues entre les parties, à moins que l’entente aille à l’encontre de l’intérêt public.

[36] Je dois donc déterminer si l’acceptation de la proposition conjointe serait contraire à l’intérêt public. Il ne s’agit pas de savoir si les mesures disciplinaires proposées sont les mêmes que celles que j’aurais imposées. Le critère de l’intérêt public établit plutôt un seuil beaucoup plus élevé.

[37] Sur ce point, la Cour suprême du Canada donne les indications suivantes, qui s’appliquent aux tribunaux administratifs[8] :

[…] il ne faudrait pas rejeter trop facilement une recommandation conjointe […] Le rejet dénote une recommandation à ce point dissociée des circonstances de l’infraction et de la situation du contrevenant que son acceptation amènerait les personnes renseignées et raisonnables, au fait de toutes les circonstances pertinentes, y compris l’importance de favoriser la certitude dans les discussions en vue d’un règlement, à croire que [en l’espèce, le processus disciplinaire] avait cessé de bien fonctionner.

[38] Des affaires récentes ont confirmé le critère Anthony-Cook et fourni des directives supplémentaires sur la façon dont le critère d’intérêt public doit être appliqué[9]. La confiance du public ne sera perdue que « lorsqu’il s’est produit dans le système judiciaire quelque chose de flagrant que la société dans son ensemble juge inacceptable et ne tolérera tout simplement pas[10] ».

[39] Dans l’application du critère de l’intérêt public, un comité de déontologie devra déterminer si les mesures disciplinaires proposées tiennent compte des cinq principes directeurs susmentionnés. Un comité de déontologie doit en fin de compte évaluer si, lorsque les mesures proposées sont considérées dans le contexte des avantages énoncés par les parties à l’appui d’une proposition conjointe, le critère de l’intérêt public est respecté[11].

Éventail des mesures disciplinaires

[40] Pour en arriver à cette conclusion, il est utile d’avoir une idée des autres mesures qui peuvent être imposées. À cet égard, le Guide des mesures disciplinaires est un excellent outil.

[41] Le Guide des mesures disciplinaires, aux pages 19 et 20, précise l’éventail des mesures disciplinaires imposées en cas de violation des congés, c’est-à-dire que les membres doivent se présenter et demeurer en service, sauf autorisation contraire. La fourchette normale est une réprimande à 1 jour de confiscation de salaire alors que la fourchette des mesures des cas graves est une confiscation de salaire allant de 1 à 10 jours.

[42] Le gendarme Kedzierski admet qu’il s’est absenté de son travail sans autorisation. Comme l’ont fait valoir les parties, cet aveu a évité une audience contestée.

[43] La représentante de l’autorité disciplinaire a fait valoir qu’un « facteur aggravant » était que le gendarme Kedzierski a manqué son travail pour être « arrêté par un autre service de police pour une infraction grave » et qu’il est un agent de police. Sauf votre respect, je ne suis pas d’accord pour dire que cela constitue un facteur « aggravant ». Le fait est qu’il n’a pas été déclaré coupable d’une infraction criminelle grave, ni d’aucune autre infraction. Au mieux, les circonstances qui ont conduit le gendarme Kedzierski à s’absenter de son travail constituent un facteur « neutre ».

[44] Il s’agissait d’un incident isolé et le gendarme Kedzierski n’a pas fait l’objet de sanction disciplinaire antérieure. Les documents dont je dispose établissent qu’au moment de l’infraction, le gendarme Kedzierski vivait un stress important et qu’il n’avait aucune intention malveillante. En fait, une mauvaise communication ou un malentendu entre lui-même et le sergent Kellock, le 3 novembre 2021, semble avoir été un facteur sous-jacent à cet incident.

[45] Cela dit, le fait de manquer un quart de travail en tant qu’agent d’application de la loi nuit à l’efficacité opérationnelle de son unité ou de son détachement.

[46] Je conclus que la fourchette appropriée se situe dans la fourchette normale, ce qui constitue une réprimande à une sanction pécuniaire de 1 jour de salaire, seule ou combinée.

Conclusion relative aux mesures disciplinaires

[47] La mesure disciplinaire proposée, soit la confiscation d’une journée de salaire, est conforme à trois des quatre objectifs du processus disciplinaire : l’intérêt public; l’intérêt de la GRC à maintenir la discipline; et l’intérêt du gendarme Kedzierski à ce que cette affaire soit réglée.

[48] De plus, la mesure disciplinaire proposée est à la fois correctrice et réparatrice. Cela reconnaît que, dans l’élaboration d’une mesure disciplinaire appropriée, il existe une présomption voulant que l’on impose la mesure la moins sévère possible, à moins qu’elle ne soit réfutée par l’intérêt public. En l’espèce, la présomption n’est pas réfutée.

[49] Je suis d’accord avec les observations des parties : la mesure disciplinaire proposée tient compte de façon appropriée de l’intérêt public, de la gravité de l’inconduite et de la parité.

[50] Enfin, la mesure disciplinaire proposée témoigne de la reconnaissance du fait que les policiers devraient être tenus de respecter des normes de conduite les plus élevées. Elle aura un effet dissuasif sur le gendarme Kedzierski et servira aussi d’avertissement aux autres membres.

Conclusion sur les mesures disciplinaires

[51] Sur la base de ce qui précède, je peux conclure que la mesure disciplinaire proposée ne va pas à l’encontre de l’intérêt public. Par conséquent, j’accepte la proposition conjointe et j’impose par la présente :

  • ·Une sanction pécuniaire consistant en la confiscation d’une journée de salaire, à déduire de la paye du gendarme Kedzierski, conformément à l’alinéa 5(1)j) des Consignes du commissaire (déontologie), DORS/2014-291;

[52] Toute mesure disciplinaire provisoire en place devrait être réglée dans les plus brefs délais, conformément à l’alinéa 23(1)b) du Règlement de la Gendarmerie royale du Canada (2014), DORS/2014-281.

[53] L’une ou l’autre des parties peut faire appel de cette décision en déposant une déclaration d’appel auprès du commissaire dans les 14 jours suivant la signification de cette décision au gendarme Kedzierski, en vertu de l’article 45.11 de la Loi sur la GRC et de l’article 22 des Consignes du commissaire (griefs et appels), DORS/2014-289.

 

 

9 janvier 2024

Louise Morel

Comité de déontologie

 

Ottawa, Ontario

 

 



[1] Guide des mesures disciplinaires, novembre 2014, à la page 3.

[2] Décision du Comité de déontologie de la GRC, 2022 DAD 13 [Deroche], au paragraphe 82.

[3] Law Society of Saskatchewan c Abrametz, 2022 CSC 29, au paragraphe 53.

[4] Loi sur la GRC, à l’alinéa 36.2e).

[5] Montréal (Ville) c. Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2008 CSC 48, paragraphes 33 et 86.

[6] Loi sur la GRC, à l’alinéa 36.2e).

[7] Rault c Law Society of Saskatchewan, 2009 SKCA 81 (CanLII), au paragraphe 19.

[8] R. c Anthony-Cook, 2016 CSC 43 [Anthony-Cook], au paragraphe 34.

[9] R. c Naslund, 2022 ABCA 6 (CanLII) [Naslund]; R. c Nahanee, 2022 CSC 37; et R. c Albert, 2022 QCCS 3934 (CanLII) [Albert].

[10] Albert, au paragraphe 60, citant R. c Chouhan, 2021 CSC 26, au paragraphe 73.

[11] Naslund, au paragraphe 94.

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